Aujourd’hui est un grand jour pour moi. Le jour où je vais passer mon épreuve de glowstick. J’ai un nœud dans l’estomac. La veille déjà je n’ai pas réussi à avaler quoi que ce soit. Je me posais beaucoup de questions. Est-ce que je fais le bon choix ? Les dieux existent-ils réellement ? Et s’ils existent, vont-ils accepter de me prêter un peu de leur pouvoir après ces heures de doutes que j’ai eu ? Vont-ils me juger digne ? L’anxiété a ensuite grandi toute la nuit. J’ai très peu fermé l’œil. Cela doit se voir. Je ne cesse de bailler et je me sens les paupières lourdes.
Je ne sais pas dans combien de temps le soleil va se lever. Je marche depuis une heure maintenant en direction de la forêt pluviale. J’étais décidé à me présenter à La Corneille. À devenir un membre à part entière de la meute. Pourtant j’ai la nausée. Toutes ces questions me torturent. Heureusement que je suis seul je n’aime pas que l’on me voit dans cet état. J’arrive à l’entrée de l’imposante forêt. Dans mon dos je sens la lueur chaude et rassurante du soleil me réchauffer le poil. Enfin la lumière revient.
Un pas après l’autre je passe entre les premiers arbres pour m’enfoncer vers mon destin. La nature se réveille. Les oiseaux chantent et les insectes bourdonnent. C’est paisible. Le bruissement des feuilles et les puits de lumières créés une ambiance féerique à ce lieu. C’est une belle journée d’été qui commence.
Alors que je me fis à mon instinct pour trouver le temple une énième question vient me frapper. Dois-je apporter un présent au dieu ? Après tout s’il m’offre un cadeau je dois lui en offrir un en retour. C’est un échange. Mais qu’est-ce qui a la même valeur qu’un glowstick ? Aucune idée. J’observe dans mon environnement quelque chose qui puisse être de même valeur. Une plante, un minerai, une proie. Rien ne semble valoir ce don extraordinaire qui m’attend. Qui plus est je ne veux pas que la divinité pense que je veuille acheter sa bonté. À défaut de savoir quel cadeau irait le mieux je prends le risque de ne pas en faire.
Sur mon chemin se trouve une rivière. L’eau y est limpide. Je peux y distinguer un fond de galet avec des poissons qui s’enfuient quand mon ombre vient se poser à leur niveau. Comme je marche depuis longtemps j’en profite pour faire une pause et me désaltérer. Même sous l’épais manteau vert la chaleur se fait sentir. La truffe dans l’eau fraîche j’oublie momentanément mes tracas. Devant moi une brindille verte dépasse de la surface. Ballotté par l’eau ce radeau coincé dans les cailloux porte un drôle de moussaillon. Une libellule violette. Je ne bouge plus. Voilà un cadeau digne de ce nom.
Doucement je m’approche de l’insecte la gueule entre ouverte. Mais ce genre de bestioles sont plus vives que moi et elle ne me laisse pas le temps de m’approcher que déjà elle s’envole.
« Reviens ! »
Mais sans grosse surprise mon offrande ne m’écoute pas et continue son vol en remontant le courant. Je la suis, déterminé à l’attraper.
La libellule après avoir parcourue une dizaine de mètres se pose alors sur une mousse à côté de la rivière. Pour moi c’est le moment idéal. Je passe derrière et m’approche doucement. Quand je suis à moins de quelques centimètres j’ouvre ma gueule et plonge sur l’insecte.
Je le sens qui bouge sur ma langue. J’ai réussi ! En effet je voulais apporter cet animal vivant et sans blessure. Maintenant que j’avais en ma possession mon offrande je devais trouver le temple de Yurai.
La rivière continuait de remonter dans une partie de la forêt plus sombre. Ça devait être par ici. La gueule entre ouverte pour ne pas que mon cadeau ne meurt asphyxié je longe donc le courant. Tout se fait plus sombre. Je sens que je me rapproche. La baisse de la luminosité ici ne me dérange pas. Mes yeux clairs ne souffrent pas et c’est très appréciable. Il fallait vraiment que je trouve un moyen de protéger ma vue sensible. Mais pas le temps de penser à ça pour le moment. Devant moi un immense mur de roche sur lequel dévale une cascade. C’est ici. J’inspire profondément -et manque au passage d’avaler la libellule- avant d’entrer dans l’eau.
j’avance à tâtons pour ne pas couler dans un trou avant de me retrouver face à la cascade. Je courbe l’échine sous le poids de l’eau qui me tombe en trombe sur la tête et traverse ce mur sauvage. Une fois dans la grotte je sors de l’eau et m’ébouriffe. Je suis trempé mais bien vivant. Dans ma gueule l’insecte ne bouge plus je m’inquiète pour lui.
Plus loin devant une lueur me parvient. Je la rejoins. C’est alors que le temple m’apparaît. Brillant, puissant, du quel émane une énergie incroyable. Je n’ose pas y entrer. Mais il le faut. Tremblant je pose mes pattes dans le sanctuaire. Je suis saisi par la beauté de la statue de la déesse. Après un court instant de contemplation mon cœur s’emballe. Je dépose délicatement au sol la libellule violette. Et découvre avec effroi qu’elle est agonisante et blessé.
« Oh non ... » Dis-je dans un murmure.
Je ne voulais pas la tuer mais voilà que c’était pire. Dérouté je pose la patte sur mon cadeau et le repousse contre moi pour le cacher. Hors de question qu’elle ne le trouve.
Je reste alors planté là sans savoir si je dois attendre où m’adresser à une entité supérieure. Hésitant je me lance quand même.
« Dame Yurai ? Je … Je me nomme Richard et je suis là aujourd’hui pour … pour savoir si vous me jugez digne de porter votre couleur. »
Je me sens bête de m’adresser à du vide, encore plus que quand j’ai ordonné à la libellule de revenir. Et si personne ne venait ? Et si elle n’existait pas ? Ces questions encore revenaient à moi comme l’écho de mon propre cœur battant à tout rompre dans ma poitrine.
Aiiro » Débutant
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Sujet: Re: Cœur violet [glow] Dim 04 Sep 2016, 12:50
Un nouveau venu toquait à sa porte.
Avant de se matérialiser, Yurai l'observa rapidement. Il s'agissait d'un Brethen, un jeune mâle, mais bien en âge de recevoir un Glowstick. Certains auraient même dit qu'il avait du retard sur sa remise, mais aux yeux de Yurai, cela importait très peu. Elle se glissa dans une illusion immatérielle pour apparaître aux yeux de son visiteur, et prit la parole de sa voix douce et chaleureuse.
- Bienvenue, Richard.
Elle s'assit et inclina la tête sur le côté. Un bref rire sans moquerie lui échappa. Elle se redressa et pointa les oreilles vers lui, redevenant un peu plus sérieuse.
- Ce n'est pas à moi de juger si tu es digne de porter les couleurs de la Corneille, Richard. C'est à toi de me le dire. Puise au fond de ton être, et dis moi ce qui ferait de toi un bon disciple. Telle est mon épreuve.
Sur ces mots, elle se tut, et attendit patiemment qu'il ne réalise son introspection, s'entourant d'ombres pour lui laisser l'espace et la solitude nécessaires, sans pour autant disparaître complètement.
Invité Invité
Sujet: Re: Cœur violet [glow] Dim 04 Sep 2016, 22:30
Les secondes passent dans le silence. Mon esprit se vide de mes doutes quand, soudainement, un courant d’énergie me traverse. Mes yeux s’écarquillent devant L’apparition de la louve violette. L’émotion me submerge. Ils existent … Là … Devant moi … Yurai … Mon cœur palpite et ma respiration se bloque. Cette vague de sensation me fait plier. Mes pattes postérieures ne me soutiennent plus. Mon arrière train s’affaisse sur le sol. Je reste béa devant la déesse que je n’arrive pas à quitter des yeux. Elle m’accueille dans un calme olympien. Un frisson m’hérisse les poils du bout de ma queue à la pointe de ma truffe. Sa voix est si apaisante. Et ce rire. Ce rire qui me sort de mon admiration et me fait prendre conscience de mon impolitesse à la fixer ainsi. Je détourne brutalement la tête brisant le lien pour fixer le sol, honteux et gêné. C’est à ce moment que La Corneille m’annonce en quoi consiste son épreuve. C’est à moi de trouver pourquoi je suis ici aujourd’hui. Je ne m’attendais pas à cela. En réalité j’étais tellement obsédé par mes questions que je n’avais à aucun moment songé au déroulement de l’épreuve.
Le temple devient soudainement plus sombre. Non ! Je ne veux pas … être seul dans le noir. J’ai immédiatement recherché la vision et la présence de Yurai. Sa silhouette est toujours là. Rassurante. Maintenant il est temps pour moi de répondre.
Pourquoi suis-je digne de cette couleur ? J'avais passé au peigne fin chaque dieu pour comprendre un maximum les valeurs qu'ils représentaient. Ao, Aka, Dairo, Kiro, Moiro, Mido et Yurai. Tous sont des dieux qui portent avec eux des concepts que je respecte et que j'affectionne. Mais une seule avait retenue mon attention. Pourquoi ?
« Avant de venir vous voir j'ai longuement hésité à rejoindre Aka. Sa force et son sens de l'honneur sont des valeurs que j'admire. Je suis un soldat voyez-vous alors je me sentais proche de lui. Mais j'ai décidé de venir vous voir car hors mis ma stature je me sens être plus en corrélation avec mon esprit. »
je sentais devant moi le regard blanc de La Corneille. Chaque faille, chaque défaut je devinais qu'elle pouvait les voir. Alors pourquoi mentir ou cacher mes pensées ? J'hésitais à le lui avouer de peur qu'elle le prenne mal et me rejette. Je me lance dans un seul souffle.
« Tout à l'heure j'avais encore des doutes concernant votre existence. Et je souhaite m'en excuser profondément. Maintenant que vous êtes là je comprends ce que ressentent les autres loups quand ils arborent leur glowstick. J'ai foi en vous. »
Je m'incline brièvement en signe de respect et de dévotion. Être honnête c'est aussi accepter les reproches. Je ne voulais pas donner une image juste positive de moi-même. Elle devait voir mes erreurs. Car tout le monde à des défauts et dire que l'on en possède pas ne reflète que l'arrogance. Maintenant il fallait que je m'ouvre. Je piochais dans mes souvenirs un moyen de répondre à la question. La dernière fois, au Squat, je me souviens m'être dis cette chose.
« Si je suis ici aujourd'hui c'est parce que j'ai décidé de suivre mon cœur. Je ne voulais pas choisir ma couleur par élimination. Je sentais au fond de moi que j'étais fait pour être un de vos disciple. »
L'assurance remonte en moi. Parler d'une façon aussi personnelle n'est pas habituel chez moi. Pourtant ici je me sens bien. En confiance. Franc avec moi-même.
« Oui je suis un soldat mais je ne prône pas la guerre. Pour être honnête je ne me sens pas l'audace de tuer. J'ai appris à pardonner au lieu de détester. »
Cette phrase faisait référence à ma famille qui ne m'adressa plus la parole quand j'eus commencé à m'éloigner de leur mode de vie. Puis le mot tuer résonna dans ma tête. Je soulevais ma patte pour voir la libellule. Celle-ci ne bougeait plus du tout. Je ne voulais plus la cacher. D'un léger mouvement de patte je la fais glisser entre la déesse et moi.
« Je sais reconnaître mes erreurs pour mieux les réparer. »
Oui. Vouloir amener cet animal ici était une belle erreur. Mais il était trop tard désormais. Je tente de rester calme tant-dis que mes émotions tournent de plus en plus vite dans ma tête. Je suis partagé entre la tristesse, la colère contre moi-même et l'angoisse de ne pas savoir si tout ce que je raconte est un argument valable. Je décide de faire une pause dans ma narration pour fermer les yeux. J'inspire et expire deux fois afin me calmer. Je ne pouvais pas rester dans cet état. Il fallait que je me contrôle. Nouvelle respiration. Je ne rouvre pas les yeux. Il faut que je me fasse une bulle pour rassembler mes idées. Doucement j'oublie tout ce qui est autour de moi. Et c'est une fois le vide fait que je reprends.
« Je ne juge pas les autres sur leurs actes ou leur apparence. »
Là encore c'est l'image de ma famille qui s'impose à mon esprit. Je ne pouvais pas leur en vouloir d'avoir eu peur de mon caractère trop divergent de ce qu'on leur avait enseigné. Et plus les années passent moins je leur en veux. Puis, je nous ai vu combattre le poulpe géant tous ensemble. Seide, Brethen et Solitaire. À l‘époque je ne savais pas qui ils étaient ni même à quelle meute ou non ils appartenaient. Mais nous nous sommes serré les coudes comme une seule meute.
« En fait si je suis ici aujourd'hui c'est grâce à ma famille. »
Des larmes perlent sous mes yeux. Un sentiment de profonde nostalgie m'envahit. Je ne pouvais plus retenir en moi ce que je retenais depuis la veille. La fatigue en plus prenant le dessus. Je perce ma bulle et ouvre à nouveau les yeux dans la pénombre. Je baisse la tête. Tout ça, c'était grâce à eux.
Aiiro » Débutant
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Sujet: Re: Cœur violet [glow] Mar 06 Sep 2016, 17:06
Yurai n'avait pas besoin de demander aux éprouvés ce qu'ils ressentaient : elle voyait tout.
Le coeur était un livre, et elle en feuilletait les pages avec infiniment de soin, tandis qu'ils progressaient lentement vers son temple. Sitôt qu'elle apparaissait pour leur donner leurs épreuves, elle savait déjà tout. Le véritable défi consistait à être capable de regarder à l'intérieur de soi, et d'extérioriser tout ce qui s'y trouvait, même s'il s'agissait de maux, de hontes, ou de secrets trop lourds à porter. Yurai avait la conviction que Richard ferait un excellent disciple avant même qu'il ne prenne la parole. Elle fut encore plus satisfaite lorsqu'il finit de parler, l'émotion lui gonflant la gorge. Les yeux de la déesse se fermèrent à moitié. Elle entrouvrit la gueule, et un souffle apaisant, chaud et doux balaya le temple. Il s'enroula autour de Richard pendant un instant, avant de se dissiper progressivement.
La louve pourpre se dressa sur ses pattes, son corps élancé ondulant avec grâce et assurance. Sa longue queue se déploya derrière elle puis se redressa voluptueusement. Ses oreilles se dressèrent, pointant en direction du Brethen.
- Quelqu'un qui ne vit que pour infliger la douleur n'est pas un véritable guerrier. La violence n'est pas ce qui le caractérise. La force n'est pas une déferlante irréfléchie de puissance non-contrôlée et dirigée dans l'unique but de faire souffrir son prochain. De vraies valeurs guerrières seraient plutôt l'analyse, la diplomatie, l'écoute, l'intelligence. N'importe quel loup peut être fort. N'importe quel loup ne peut pas être intelligent.
Elle sourit d'un air entendu et leva la tête.
- N'importe quel loup ne peut être un guerrier.
Yurai abaissa de nouveau l'encolure, et fixa Richard avec insistance.
- Mais toi, tu en es un. Toutes les valeurs et les qualités comme les défauts dont tu disposes font de toi non seulement un guerrier avec un très grand potentiel, mais aussi un excellent disciple de la Corneille. Ainsi, j'accepte avec plaisir de te confier mes couleurs.
Elle inclina l'échine et se tourna vers sa fontaine, où elle remplit un glowstick avant de le déposer devant Richard. Elle lui effleura le sommet du crâne, étant interdite de toucher le moindre mortel, et recula d'un pas.
- Sois en digne, et rends moi fière. Je suivrais ton chemin de très près.