Up all night | Ft. Gloriel

Icare était déjà allé aux Monts Céleste une fois avec Stance et Lucie. Ce n'était pas si loin du camp Etelkru et la vue était incroyable. La première fois qu'il y était allé, le petit loup s'était imaginé voler au-dessus de leur territoire comme un oiseau. Mais il avait aussi apprécié le côté escarpé de la zone, comme s'il s'agissait d'un parcours. Il avait voulu jouer dans les cailloux mais Stance ne voulait pas, elle disait qu'ils étaient trop jeune pour jouer dans des endroits aussi dangereux, même surveillés. Pourtant ce n'était pas ça qui allait arrêter Icare. Une fois la nuit tombée, il a simplement attendu que Stance et Lucie soient endormis pour attraper son épée et son fourreau et sortir en douce. Il trottinait rapidement, mais ses petites pattes ne le faisaient pas aller très vite et il mit un sacré temps avant d'arriver à destination. Sans parler du fait que grimper la montagne n'était pas une des tâches les plus faciles, mais il s'y tenait.

Une fois en haut, il était déjà essoufflé, mais surtout très heureux de pouvoir admirer de nouveau la vue incomparable qui lui faisait face. Il ne pouvait pas croire que les terres Etlekrus s'étendaient si loin ! Comment faisaient-ils, les grands, pour garder chaque morceau de territoire ? Comment il faisait pour savoir qu'il n'y avait aucun intrus nul part ? C'était dingue !

Le petit loup s'est retourné, examinant l'endroit. C'était un endroit sympa pour s'entraîner à l'épée ! Pourquoi ne pas venir plus souvent maintenant pour s'entraîner en douce ?
Dans un élan d'assurance, il a attraper le manche de Plaidor dans sa gueule et l'a sortie de son fourreau. Il l'a pointé vers l'avant, le sourire au babine, admirant le reflet de la lune sur la lame dorée. Puis il a voulu donner un puissant coup sur le rocher en face de lui, seulement il ne s'attendait pas à un contrecoup aussi violent.

"Aaah !"

Le petit Icare a perdu l'équilibre et est tombé au sol, lâchant Plaidor qui tomba juste à côté de lui. Il se releva lentement et fis quelque pas, fixant un instant son épée au sol.

"Je crois qu'on a du chemin à faire, Plaidor..." murmura-t-il.

Icare attrapa de nouveau le manche de son épée et se mit en position face au rocher, concentré, prêt à frapper de nouveau mais mieux cette fois. Du moins, il espérait faire mieux...

La nuit dense avait chassé le mâle de son sommeil, l'appelant à errer sous la toison dénudée d'étoiles qu'elle entretenait. Gloriel s'était laissé aller, suivant les directive de la belle pour ne pas la froisser. Il marchait tandis que ses yeux guettaient le moindre éclat d'une étoile rebelle mais il ne voyait rien de plus que le noir. Il frissonna. Le froid était particulièrement mordant dans l'empire nocturne. Il aurait pu regretter d'être ainsi sorti mais cette froideur lui rappelait qu'il était vivant. Il affronta quelques traces de poudreuse mais la neige avait rapidement fondu, ne renouvelant pas son manteau blanc. L'hiver demeurait rude et avec lui, les souvenirs du canin refaisait surface. Il revoyait encore et encore l'enfant qu'il était, fuyant les morsures du gel dans les Plaines Savanes. Il avait recherché la chaleur et à la place, il l'avait trouvée en compagnie d'un démon noir. Il avait alors connu bien pire que les tortures de la neige. Il avait été changé et mutilé à jamais.
Soupirant, il agita sa tête, chassant de nouveau ses souvenirs. Il disait les avoir accepté mais ne les fuyait-il toujours pas en les chassant dès qu'il y repensait ? Il n'était pas aussi fort, aussi droit qu'il le laissait paraître. Il le savait. Gloriel n'était pas un véritable Chevalier. Ses actions l'étaient sans doute mais les doutes et la peur continuaient de le ronger sans qu'il ne s'en confie à personne. Même sa bonne amie Neït demeurait dans l'ignorance de cette part de lui. Il était son seul confident et bien qu'il savait que cela lui porterait préjudice, il ne se sentait pas prêt à dire tout ce qu'il avait sur le coeur ... A révéler les démons qui le poursuivaient toujours. Et la part de ténèbres qui noircissaient peu à peu son être.

Frémissant une nouvelle fois, il se mit en quête de l'escalade d'un des Monts Célestes. Il ne savait pas vraiment ce qu'il recherchait mais son instinct le guidait vers ce lieu. Il pourrait y admirer ses anciennes terres. Il pourrait songer à sa famille demeurée Ethelkrus. Est-ce qu'elle lui en voulait ? D'être ainsi parti sans rien dire, ne mettant qu'Alys dans la confidence. D'ailleurs, son cadet avait-il donné une raison à son départ ? Avait-il révélé les mots qu'il lui avait dit ? Elaine lui en voulait-elle de l'avoir quitté ? Remarque, elle avait récolté ce qu'elle méritait la "sorcière", tortionnaire de sa jeunesse à lui faire des blagues. Cette pensée lui rappela de bons souvenirs qui eurent don de le faire rire. Décidément, la louve grise était devenue une personne admirable malgré son sale caractère et son côté blagueur. Peut-être ne l'était-elle plus ? C'était possible et Gloriel se promit qu'un jour il irait la revoir. Aussi bien pour lui donner des explications que pour voir si elle était toujours l'affreuse sorcière de son enfance. Si c'était le cas, les Ethelkrus devaient en baver ...

Riant encore un peu, il s'y arrêta lorsqu'un fumet familier lui chatouilla les narines. Il se stoppa, se redressant de toute sa stature, dressant les oreilles. Il n'était plus seul. Un Ethelkru était là. Et pas n'importe lequel. Reprenant son ascension, il pista le fumet entêtant et il ne cessa de sourire. Il allait enfin le revoir. Se hâtant, il déboula derrière l'enfant, sans un bruit. Sa joie se transforma quant il comprit que la personne qu'il suivait n'était autre que l'enfant et non le loup qu'il pensait voir. Un voile de tristesse passa devant ses yeux tandis qu'il détaillait la petite boule de poils. Gloriel reconnut certaines teintes et l'odeur ne faisait que confirmer ce à quoi il pensait : si Agravain était absent, il avait devant lui l'héritier de cet oncle disparu.
L'enfant continua son entraînement, chutant puis se relevant, parlant à son arme comme s'il s'était agi d'un être vivant. Ce comportement fit naître un sourire sur les babines du mutilé. Ainsi donc la famille demeurait familière aux armes et aussi folle de les nommer.

« Plaidor est un beau nom pour cette épée.

Il s'avança vers l'héritier de son oncle, ne dégageant pas la moindre aura menaçante. Il était plutôt décontracté et calme. Le Chevalier zieuta à droite puis à gauche. Il fronça légèrement les sourcils. Quelque chose clochait. L'enfant était seul et il doutait fortement qu'Agravain laisse sa progéniture ainsi gambader ... Surtout de pleine nuit. Même Gloriel n'avait pu échappé à la vigilance de son père Mélégant quand la nuit tombait. Et l'oncle roux était de la même trempe que son paternel. Tout cela était étrange.

« Où est ton père, petit ?

Il riva son regard de glace sur l'enfant, s'interrogeant réellement sur l'absence du guerrier roux. Il soupira puis il se plaça bien devant lui. Il se campa fortement sur ses pattes et fit un mouvement de tête vers l'enfant.

« Lorsque tu tiens ton arme, il faut que tu te campes comme cela sur tes pattes. Pour le moment, Plaidor est trop lourde pour toi donc les attaques risquent d'être compliquées. Cependant, la défense reste dans tes cordes. Il lui fit un petit sourire.Je me nomme Gloriel. Quel est ton nom ?

Encore trop jeune pour pouvoir correctement différencier les odeurs qui l'entourait, il ne nota pas l'arrivée du loup derrière lui. Alors qu'il s'apprêtait à donner un nouveau coup dans le rocher, la voix du loup le fit trébucher.
Il posa son épée au sol et se retourna, la bouche entrouverte, observant l'individu approcher. C'était un grand loup noir au cheveux blanc, aux yeux glacés et au corps couvert de cicatrice. Icare ne s'attendait pas à croiser un loup à cet heure-ci et il espérait être à l'abri des regards. Non pas qu'il ne voulait croiser personne, non, il voulait juste éviter de se faire dénoncer vu qu'il n'avait absolument pas le droit de sortir en pleine nuit et encore moins de quitter le territoire, même si c'était au bord des terres libres. Enfin, le loup n'avait pas l'air malveillant, mais il semblait tout de même avoir noté qu'une loup aussi jeune seul à cette heure-ci, c'était plutôt suspect. Le petit loup au yeux verts ne dit rien, avalant simplement sa salive pour cacher son inquiétude.

Mais le loup ne demanda pas où était ses parents, il demanda où était son père à la place. Certes, ce n'était pas bien différent mais la nuance était importante pour Icare, son père ayant disparu il y a déjà une éternité pour lui. Les oreilles dressées, il répondit de sa voix fluette mais douce :

"Mon... père est parti il y a bien longtemps déjà..."

Il n'avait pas tout à fait la notion du temps, à vrai dire il était si petit quand c'est arrivé qu'il ne se souvenait que d'images floues du jour où son père les a laissés sous la responsabilité d'Elaine. Sa mère en revanche, il n'en avait aucun souvenir, elle était partit si tôt qu'il n'a même pas eu le temps d'ouvrir les yeux pour voir son visage.

Icare observa le loup lui faire une démonstration et l'écouta sans dire un mot. Où avait-il apprit ce genre de chose ? Était-il chevalier ? Il constata les épaulière rouge qu'il portait, ce qui le conforta dans cette idée. Il assura que Plaidor était plutôt lourde pour lui, ce qui n'était pas faux. Une grosse épée comme celle-là est assez difficile à manier lorsqu'elle se trouve entre les pattes d'un louveteau. Le petit loup monoailé hocha vivement la tête pour montrer qu'il avait assimiler les conseil de loup.
Il leva alors les yeux vers Gloriel et s'inclina ensuite amicalement.

"Je me nomme Icare ! C'est un plaisir de vous rencontrer !"

Il releva alors les yeux vers ce dernier tout en remuant la queue, un sourire amicale collé aux babines.

"Où avez-vous apprit le maniement des armes, sire Gloriel ?" demanda-t-il à son aîné, les yeux brillants.

Un sourire se peigna sur les babines du mâle robuste. Il était assez content de son petit effet, d'avoir arracher l'enfant de ses rêveries lorsqu'il lui parla, manquant de le faire tomber à la renverse. Au moins, il savait désormais qu'il avait toute l'attention du dénommé Icare. Le Chevalier aimait les enfants, s'amuser avec eux, leur apprendre et il désirait avoir ses enfants ... Le seul bémol était que pour avoir des enfants, il fallait une dame. Et les dames n'étaient pas vraiment ce qu'il appréciait le plus. N'en avait-il pas peur après tout ? Il retint un soupire à cette pensée, reportant son rêve de devenir parent à bien plus tard. Il avait déjà Roanne. Il devait se concentrer sur la petite dame handicapée avant de se pencher sur sa vie.
Gloriel fronça légèrement les sourcils en entendant les mots de l'enfant. Agravain était parti ? Parti où ? Il avait abandonné ses enfants pour partir en voyage ? Dans son esprit, un déclic eut lieu et un instant son expression se peina. Son oncle n'était pas parti en excursion, laissant ses enfants à la charge des Ethelkrus. Non loin de là. Il était parti vers l'Au-Delà, là où on ne peut en revenir. Le Chevalier lâcha un soupire. Dire qu'il n'avait pu montrer ce qu'il était devenu au rouquin était particulièrement triste. Il n'avait jamais tenu de réelles discussions avec le défunt et cela s'ajouta donc dans la liste des regrets irréparables du canin gris. Il leva les yeux vers le ciel, accordant une petite prière au feu-Agravain, demandant son repos éternel aux Dieux de passage dans les astres. Leur famille semblait avoir son lot de malheur depuis la destruction de l'Ancien Monde. Déchirée par les Dieux, désormais elle perdait de ses membres. Gloriel songea à comment son oncle était mort mais il ne pouvait questionner l'enfant. Soit ce dernier l'ignorait, soit cela ne ferait que remonter des souvenirs qu'il n'était pas encore en âge d'affronter.

« Je suis ravi de te rencontre, Icare.

Il esquiva un petit sourire, regardant autour d'eux. Ils étaient seuls. Nulle nourrice, nulle mère à l'horizon. D'ailleurs, qui pouvait bien être la génitrice de l'enfant de son oncle ? Le Chevalier ne se souvenait guère qu'il y est eu une conquête du rouquin lorsque les Brethens étaient encore en état. Et Icare était-il le seul enfant né de cette union inconnue ?

« Dis-moi jeune damoiseau, où est donc ta mère ? Tu ne devrais pas te promener la nuit sans être en compagnie de ta mère ou de nourrices ... Les dangers sont nombreux.

L'enfant était très poli. Son éducation n'était guère à revoir contrairement à son vagabondage nocturne. Certes Gloriel se moquait de la charité en le sermonnant sur cela, mais la nuit abritait bien plus de drôles d'oiseaux que le jour. Il s'approcha de l'enfant en souriant.

« Si tu le désires, tu peux me tutoyer. Nous appartenons à la même famille. Il marque une petite pose avant de répondre à la question du jeune loup. Auprès de grands Chevaliers. Il préféra taire que son père était l'un des principaux mentors qu'il ait eu pour ne pas blesser Icare.