Diffamation ~ Ft. Gloriel

« Diffamations »
Ft. Gloriel

Le temps était clair, la matinée encore fraiche, le soleil caressait la cime des arbres et la nature se réveillait dans le chant calme et apaisant des oiseaux. Les bourgeons commençaient à fleurir doucement, chacun à leur rythme, nous offrant toute une palette de couleurs éclatantes, du jaune, du blanc, du vert. C'était beau le printemps, c'était la saison préférée d'Anie car c'était la plus belle période de l'année et la plus propice à la reproduction. Même si la prêtresse passait la majeure partie de son temps sur l'île aux roses où la nature y est constamment fleurie, voir le reste du territoire revivre de ses couleurs étaient plaisant et la poussait davantage à sortir le museau d'entre les roses.

Pour une louve pleine de presque deux mois, Anie n'avait pas un ventre si gros que ça. Sa portée ne présageait pas plus de deux petits d'après les soigneuses, à sa grande déception. Anie aurait voulu 4 ou 5 beaux petits bébés, mais elle fera avec ce qui viendra. Peu importe combien sortiront de son entre-cuisses, elle les chérirait tous autant qu'ils sont. Bon bien sûr, elle aurait un petit préféré, comme chaque mère.. mais ça, il fallait éviter de le dire.
Une contraction, elle s'arrêta et tourna ses prunelles vers son ventre. Ca bouge. Ils s'impatientent là dedans, heureusement, ce n'était pas pour maintenant.

Il faut encore attendre un peu, mes lapins. Murmrua-t-elle d'une voix étrangement douce et sincère.

Elle reprit sa marche lentement jusqu'au campement, salua les quelques membres présents d'un sourire et d'un hochement de tête — comme le faisait si bien sa mère — jusqu'à son arrivée près du Gouffre. Là, comme si elle savait qu'il y serait, elle aperçut Gloriel près d'un grand rocher pointu. Elle s'approcha jusqu'à se placer à côté de lui et s'assit doucement.

Bonjour, Gloriel. Salua-t-elle respectueusement. Il était son alpha après tout. Mais pas question de s'incliner dans son état, alors un hochement de tête serait largement suffisant.

La journée s'annonce magnifique. Remarqua-t-elle en observant le disque plein du soleil qui montait doucement sur le ciel parsemé de petits éclats roses.

Mais elle n'était pas venue pour parler beau temps, Anianka ne se déplaçait jamais sans une bonne raison. Gloriel la voyait pour la première fois ainsi, lors de leur dernier entrevu avec Teddy son ventre n'était pas assez gros pour que quelqu'un soupçonne une grossesse. Même dans cet état, Anie restait belle et gracieuse, les courbes de son ventres semblaient parfaitement rondes, et la taille ni trop grande, ni trop petite. Anie n'avait rien de comparable à ces femelles aussi grosses que des hippopotames dont le dos se déformait à chaque pas. Heureusement pour elle, d'ailleurs ! La seule différence est qu'elle était plus lente dans ces gestes, et plus prudente dans ces paroles. Pas question que quelqu'un la bouscule, elle n'était pas en position de se défendre.

Il lui sourit, ça avait l'air sincère, mais peut-être qu'il ne s'agissait que d'une politesse. Il avait vu son ventre et pourtant, il ne posa aucune question. Anianka se demanda si il n'était pas tout simplement trop timide pour l'interroger sur sa vie amoureuse. Après tout, Gloriel avait des difficultés avec les femelles, Anianka l'avait bien remarqué à travers la fontaine de Moiro. Ce don fait par la déesse lui était très précieux, elle pouvait accéder à beaucoup de secrets, elle pouvait y voir les faiblesses de tous.. Elle en rirait bien d'un air diabolique si elle le pouvait, mais elle gardait ce côté obscure pour elle seule, ça ferait trop peur.

Elle se re-concentra sur sa question et hocha le museau, acquiesçant simplement.

Il va sans dire que tu me connais bien, Gloriel.

Pourquoi m'avoir mis Teddy dans les pattes si ce n'est que pour m'agacer ? Non, beaucoup trop direct, elle garda cette arrogance pour elle même et se contenta de sourire en lui jetant un regard en coin.

Anianka n'était pas contente de cette décision, elle trouvait cela déplacé et beaucoup trop hâtif. Avaient-ils au moins réfléchis avant de prononcer son nom ? Elle était une prêtresse, pas un mentor, pas une guerrière.

Je ne peux plus rien enseigner à Teddy. Je lui ai déjà appris ce qu'il faut savoir sur l'épreuve de Moiro. Si vous voulez lui apprendre d'autres choses, ce n'est plus vers moi qu'il faut vous tourner.
Je ne peux plus le surveiller dans mon état, il vous faut trouver quelqu'un d'autre.

La mise bas serait pour bientôt, la future mère avait besoin de calme et de tranquillité. Même si cet ordre avait pu procurer du plaisir à l'alpha, il fallait désormais l'en défaire. Anianka parvenait toujours à ses fins..

Haussement de sourcil sur son visage constamment souriant. Il comprenait, ah vraiment ? Voilà de quoi surprendre la prêtresse. Lui qui était l'un des premiers à l'avoir jugé sur son sang, se mettait à la comprendre. Un peu décevant cependant qu'il ne la débarrasse pas sur le champs de ce fardeau ambulant. A vrai dire, c'était plutôt elle le fardeau, Teddy n'avait plus grand chose à faire avec elle, plutôt que d'apprendre les différents rôles de la meute, il devait donc quoi qu'il lui en plaise, lui rendre des services.
Des services.. Cela pouvait être intéressant, finalement.

Ses yeux s'écarquillèrent une fraction de seconde en sentant le contact de son museau contre son épaule, il était décidément très surprenant aujourd'hui, son alpha. Mais qui êtes-vous et qu'avez vous fait de Gloriel ? Elle tourna ses iris ambrés sur son visage amusé avec un peu de surprise.

Pas pour le moment. Taquina-t-elle en rentrant dans son jeu, son sourire s'étirant avec plus de malice.

Difficile de savoir si il y avait de l'affection, là, en cet instant, entre ces deux personnages si opposés, surtout derrière ce masque attrayant que portait continuellement la prêtresse. Avait-il réellement changé ? Pouvait-elle lui faire confiance ? Encore une fois, difficile de le savoir. Réservée comme elle, vous n'en trouverez pas deux.

Elle l'observa du coin de l'oeil s'allonger avec lassitude et confiance. Il était l'un de ceux qui n'avait pas peur d'elle, qui lui résistait, ce qui rendait cette relation encore plus excitante pour Anie. Le dos légèrement courbé à cause de son ventre, la belle louve ne se laissait jamais allé à la fatigue elle, elle restait toujours très élégante et distinguée. Il faut croire que le boulot d'Alpha était beaucoup plus dur qu'il ne l'avait imaginé, l'ancien guerrier.

Il ne montre aucune résistance et apprends de ses erreurs. Il est bon élève, il est serviable et a du potentiel pour Moiro. Révéla-t-elle en relevant légèrement le museau.

Il est très bavard, pas de doute qu'il peut s'intégrer. Faut-il seulement qu'il aille vers les autres.

Rajouta la disciple de Moiro, terminant ainsi son “rapport”. En avait-il fini avec elle désormais ? Ou son alpha avait il d'autres choses à lui demander ? Très excitant tout ça, les derniers à lui avoir donné des ordres sont en piteux états aujourd'hui. Peut-être qu'il arrivait finalement à monter dans son estime.. Il faut avouer que Gloriel est un des plus forts dans la meute, il a une belle carrure, il est bien bâti. Il a ce qu'il faut pour attirer le regard mielleux de la prêtresse.

Encore un sourire sur son visage pourtant d'habitude si ferme. Anianka le fixait avec une certaine curiosité, le museau légèrement incliné en sa direction. Il était bizarre avec elle, il ne souriait pas autant autrefois. Elle avait le don de fixer les autres avec une insistance déconcertante, de quoi vous transpercer les entrailles, et c'est ainsi qu'elle le faisait avec le guerrier. Beaucoup détournaient le regard devant ces iris ardentes et Gloriel ne sortait pas du lot, il avait les prunelles braquées sur le paysage.
Les fines oreilles de la prêtresse remuèrent sur sa tête lorsqu'il s'intéressa finalement à sa grossesse. Il avait pris son temps mais soit, Anie était prête à en discuter. Elle abandonna l'emprise de son regard sur l'alpha pour admirer elle aussi le décors paisible.

Je ne crois pas avoir le choix. Répondit la future mère.

Elle était seule pour élever toute une portée de gosses, c'est clair que ça ne serait pas une tâche facile, surtout si elle devait cumuler ce rôle de mère avec celui de prêtresse pour la meute. Mais hors de question pour la féline de montrer une quelconque faiblesse, elle était suffisamment forte pour élever ses enfants sans l'aide de personne. Son autorité et son indépendance étaient incontestables, elle ne laisserait personne remettre en question son pouvoir maternel.

Cette épreuve est désormais commencée. Heureusement pour nous, nous pouvons compter sur la protection et le soutien de notre meute.

Car une mère seule avec ses enfants n'avaient pas beaucoup de chance de survie en terrain solitaire, n'est-ce pas ? Ce n'est pas comme si Anianka avait réellement besoin des autres, elle pourrait se trouver aisément des larbins pour l'aider avec son pouvoir, mais au fond d'elle, se sentir entourée d'une “famille” — comme Gloriel se plaisait tant à définir — était plus rassurant, et surtout plus facile.

Oh.. aller Gloriel. Pose lui la question qui te brûle les babines ! Elle le sait, que tu es curieux. Elle te le dira si tu lui demandes, cette question, elle te la sert sur un plateau d'argent. Un sourire mielleux vint remonter sur le coin de ses babines alors qu'elle gardait les yeux rivés sur le ciel mouvant.

Ses paupières se fermèrent, tandis qu'un soupir s'échappa de ses narines. Il avait pris son temps pour la poser cette question, mais c'était inévitable n'est-ce pas ? Elle baissa la tête et sa mèche lui tomba sur le museau. Lorsqu'elle rouvrit les yeux pour dévoiler ses fines iris ambrées, son visage n'était plus aussi souriant.

Au contraire, je le dois. Répondit-elle un peu sèchement.

Il était son alpha désormais, il devait savoir ce qui était arrivé pour qu'une mesure de prévention soit mise en place. Personne ne devait subir ce qu'elle avait subit.

Je te pris de ne pas me juger, Gloriel. Confessa la prêtresse un peu plus sensiblement, évitant son regard.

Elle releva le museau droitement et dégagea sa mèche d'un franc mouvement. Elle portait une expression nouvelle pour le guerrier, une expression mêlant colère et tristesse, peignant son visage d'une nuance sombre.

Cela remonte à quelques nuits avant la précédente lune. J'étais sortie en dehors du territoire parce que je pensais poursuivre quelqu'un, ou quelque chose. C'était une créature étrange mais l'obscurité m'empêchait de l'analyser. Ce que j'ignorais à ce moment là, c'est que j'étais moi-même l'objet d'une traque. Une immense bête me sauta dessus par surprise et m'immobilisa sans que je puisse me défendre. C'était un canidé, au pelage aussi obscure qu'une nuit sans lune et à l'odeur de charogne. Il m'écrasait le corps contre la terre et pesait aussi lourd qu'un ours. Le visage aplati par son énorme patte, je ne pouvais même pas crier.

Sa voix était lisse et sans timbre, grave, remplit d'amertume et de honte. Elle parlait lentement, contant ce souvenirs comme une histoire d'horreur.

J'étais impuissante, je n'entendais que son souffle rauque et le cliquetis de plusieurs chaines résonner dans la nuit. Ce moment était le plus long et le plus humiliant de toute ma pauvre vie. Il ne m'a fait aucune violence et s'est enfuit après avoir eu ce qu'il voulait, et je n'ai pas bougé tant cela était dégoûtant.. Je suis restée allongée là, à chercher la force de me relever.. à regretter qu'il ne m'aie pas tué.

Elle marqua une brève pause, ses paupières se plissèrent, ses mâchoires se serrèrent de fureur. Un jour, elle ira le tuer et se vengera. Quiconque était victime de ce regard tranchant qu'elle avait actuellement pouvait réellement s'inquiéter et prendre la fuite.

Et je l'ai trouvé. Reprit la futur mère en crachant presque ses mots.
Je me suis relevée, et tu peux me croire que la prochaine fois que nos chemins se croiseront, il subira une vengeance digne d'une histoire que l'on gravera dans les mémoires.

Son sourire s'évapora comme une poussière sur laquelle on aurait soufflé. Gloriel se tendit, il parut aussi enragé qu'elle, comme si il avait lui même vécu ce drame honteux. Anianka n'aurait jamais pensé qu'il serait aussi empathique et compréhensif, sa réaction dépassait toutes ses attentes. Elle le suivit du regard lorsqu'il se releva, admirant subtilement sa poitrine musclée avant de plonger ses iris flamboyants dans les siennes, glaçants. Ils échangèrent un regard silencieux et pourtant électrisant, si intense que le coeur d'Anianka palpita légèrement plus fort dans sa poitrine, faisant briller ses yeux un peu plus. Malgré son allure imposante et inquiétante, elle le laissa approcher sans se lever, conservant son statut de subordonnée face au sien, plus dominant.
Là, le geste si inattendu de son alpha lui fit écarquiller les yeux, à en décrocher doucement sa mâchoire inférieure. Elle ne savait pas le guerrier aussi attendrissant et encore moins tactile. Elle demeura immobile et muette en ressentant le souffle du mâle le long de son cou, cette étreinte aussi délicate soit-elle lui donna un long frisson jusque dans la pointe de ses oreilles rabattues. Les joues de la prêtresse se mirent à rougir alors qu'il lui sourit timidement en tentant de la rassurer. Ces paroles étaient sincères, en tout cas c'est ce qu'il laissait croire et Anianka décida de lui faire confiance.

Elle se reconcentra sur ses paroles après être restée bouche bée, fermant les mâchoires et reprenant son air prudent et perspicace.

Tu le connais ? Interrogea-t-elle en plissant légèrement les yeux.

Elle pencha légèrement le museau en biais, sondant les iris bleutés de son alpha. Cette information lui échappait, et rares étaient les choses qu'elle ne savait pas ici. Elle finit par se détendre et un sourire reconnaissant s'éleva sur le bord de ses babines.

Merci Gloriel.. Dit-elle simplement, d'une voix douce. Elle n'avait pas les mots pour exprimer sa gratitude, mais tout se lisait dans son attitude, dans l'expression de son visage, dans son regard. Un lien plus sincère se créait avec Gloriel, une confiance s'installait, ils avaient un ennemi commun, ils partageaient une vengeance désormais.