Cueillette printannière | Lysandre & Mozarthamès

Tu allais d'un pas léger. La matinée était douce, baignée d'une suave lumière de lever de soleil, les brins d'herbes encore humides d'une fraîche rosée. Tes habitudes de sommeil étant contraires à la plupart des loups, il n'était pas bien surprenant de te voir tout fringuant à cette heure; pour toi, ton matin c'était le soir des autres. Dès que l'astre du jour deviendrait plus fort, tu n'aurais pas d'autre choix que d'aller chercher refuge et dormir paisiblement jusqu'à ce que le jour redevienne doux, mais pour le moment, tu débordais d'une belle énergie revitalisante. La venue du printemps avait sur toi ce bel effet; émerveillé par la beauté de toutes les choses en éveil, tu ne pouvais qu'être de belle humeur.

Après avoir passé la nuit dans les Monts Célestes à chercher des plantes pour les herboristes Lazulis, tu étais parvenu à la toute limite de la chaîne de montagne, là où la descente se faisait de plus en plus douce et finissait dans les marais. Tu n'avais pas trouvé grand chose de toute la nuit, mis à part quelques minuscules fleurs violettes que tu avais soigneusement ajoutées à ta coiffure. Tu savais pouvoir trouver l'ultime fleur qu'il te manquait pour répondre à ta commande dans ces marais; tu savais également qu'à cet endroit, la limite du camp Etelkru était floue et se mélangeait aux Monts; D'un côté, tu redoutais avoir à salir ton pelage immaculé (les bains étant particulièrement frisquets à ce temps-ci de l'année), de l'autre, une rencontre malencontreuse avec un Garde ne te disais rien, mais tu n'avais pas vraiment le choix. Il te fallait absolument cette fleur; c'était déjà la deuxième fois que tu revenait les pattes vides et bien que ton charme soit sans conteste, les herboristes n'avaient pas une patience sans limites.

Tu poussa un long soupir, puis haussa les épaules. On voyait déjà la végétation dense des marécages de ton perchoir rocheux. Tant qu'à y être, te dis-tu, pourquoi ne pas se lancer. Et c'est en sautant de rochers en rochers que tu descendit gracieusement dans l'épais mur de feuillages. L'idée de la boue te faisait frémir d'horreur (tu avais repeint tes griffes récemment) mais tu tâcha de ne pas y penser.

Et c'est ainsi que tu sautilla sur chaque petit recoin de terre sèche que tu pu trouver, tes beaux grands yeux vermeils bien ouverts à la recherche de ta précieuse fleur. Tu ne tarda pas à la repérer; seule immaculée, magnifique et fragile, poussant.... sur un îlot en plein centre d'un trou d'eau bien grand et bien vert. Comble de la chance, il s'avéra que tu n'étais pas seul comme tu l'avais espéré...  

 

Spoiler:

Un bâillement étira la gueule de Mozarthamès. Son petit arrière-train posé sur le sol, le bleu étudiait l’environnement qui l’entourait. Avait-il vraiment le choix d’ailleurs ? Ne parvenant pas à trouver le sommeil, le louveteau avait eu la stupidité d’embêter Neït. Résultat, cette dernière le traînait partout, que ce soit au temple d’Ao, jusqu’aux terres Etelkrus maintenant ! Vivaldi n’approuvait certainement pas cette longue balade qui n’était pas sans risques. Quoique, vu les dangers que dissimulaient la tignasse de l’égyptienne, c’était plutôt elle la menace. Autant dire que ses petites pattes n’en pouvaient plus, il réfléchirait à deux fois avant de se mêler des affaires de la prêtresse. Puis maintenant voilà qu’elle lui avait demandé de ne pas bouger le temps qu’elle fasse sa cueillette. Pas mal d’insectes volaient autour du gamin qui ne pouvait s’empêcher d’espérer que leur piqûre ne soit pas dangereuse. Enfin, après tout sa mère trouverait bien un moyen de le soigner… ou de l’empoisonner… Ouais à la réflexion, mieux ne valait pas trop chercher les embrouilles avec les bestioles du coin. Le Lazulis remua une de ses petites oreilles, la mine boudeuse.

« — M’man ? T’en as encore pour longtemps, j’aime pas cet endroit…»
« — Tais-toi un peu Mo’ ! Tu n’avais pas qu’à venir m’embêter d’aussi bon matin. Maintenant tu restes sage le temps que je finisse de trouver des dents de crocodiles. »

Super… Il ne savait même pas où elle était, cachée par la végétation. Wow une minute, des dents de croco ?! Ça voulait dire qu’il y avait de ces bestioles dans le coin ? De moins en moins rassuré, le louveteau se recroquevilla un peu plus contre son arbre, espérant de tout coeur qu’aucun animal ne viendrait le trouver. Mis à part le bruissement des insectes, c’était plutôt calme, mais bon suffisait de regarder Serket-Beatriz pour comprendre qu’un prédateur pouvait se cacher derrière la moindre fougère.

Aiguisé par l’ennuie, l’odorat de Mozarthamès sentit une odeur qui ne lui était pas inconnue. Enfin l’odeur de son clan, parce que le loup à laquelle elle appartenait ne lui disait pas grand chose. C’était un grand gabarit qui dépassait aisément le louveteau - en même temps vu la taille de crevette de ce dernier… -. Curieux, le bleu leva un sourcil, sa petite tête penchée sur le côté, dissimulant sa joie de rencontrer ENFIN quelqu’un, autre que sa mère ou un des Etelkrus qui devait rôder sur le territoire.

« — Hé mais, t’es un Lazulis toi aussi ! Qu’est-ce que tu fais ici ?»

Le marmot avait chuchoté, s’approchant furtivement de ce nouvel arrivant - bah quoi ? Après tout si il y avait vraiment des crocos, l’adulte pourrait le défendre - en jetant rapidement un coup d’oeil par-dessus son épaule afin de vérifier si sa mère ne se ramenait pas. Non pas qu’elle ait une raison d’être en colère, c’était un loup de leur clan après tout, mais bon quand Neït n’avait pas sa nuit de sommeil, la moindre contrariété pouvait vite tourner au vinaigre. Posant son petit arrière-train aux pattes du loup crème, Mozarthamès leva son museau.

« — Parles pas trop fort, si maman m’entends elle va encore me gronder. »

Cet endroit était certes peu agréable. Chacun de tes pas arrachait à la tourbe d'affreux bruits de succion qui ne manquaient pas de te faire grincer des dents, en plus de te faire lever tes grandes jambes beaucoup trop haut pour épargner ton vernis à ongles (peine perdue, si on me demande mon avis). Sans compter les innombrables branchages et lianes collantes qui s'accrochaient à ton pelage immaculé... Avait-tu vraiment besoin de cette fleur ? Plus les minutes passaient dans cet enfer vert-grisâtre, plus tu en doutait. Tu étais pourtant à deux doigts de pouvoir la cueillir... sentir les fragiles pétales déposés soigneusement entre tes crocs délicats... mais la réalité était bien ce qu'elle était; entre toi et le fruit de ta recherche, un visqueux trou d'eau dont la profondeur et les habitants restaient inconnus. Un peu dégoûté, tu n'osais pas t'asseoir pour réfléchir. Il te fallait un radeau, ou alors un tronc assez gros pour traverser sans craintes d'être dévoré tout rond par un crocro, ou PIRE, salir de liquide poisseux ton poil soigneusement peigné et fraîchement lavé. Confronté à ta malchance, tes longues oreilles effilées frémirent, détectant un bruit rapproché dont tu n'eût pas immédiatement conscience, trop occupé à scanner des yeux le dégoûtant marécage.

Tu n'en cru ni tes beaux yeux ni tes oreilles lorsqu'un jeune loupiot sorti des buissons en s'exclamant. Ta truffe accablée par les odeurs nauséabondes n'avait pas détecté le Lazuli avant qu'il ne s'approche et tu te maudit du même coup pour ton manque de vigilance. Les yeux ronds, tu regarda le jeune qui semblait tout excité de te rencontrer ici, son visage intrigué te scrutant à travers son épaisse tignasse d'azur. Tu le connaissait de vue seulement, et, un peu anxieux d'avoir à rapporter le louveteau au clan par toi-même, tu fût soulagé d'apprendre que sa mère était non loin. Souriant au petit, tu acquiesca à sa demande de garder le ton bas.

- D'accord, d'accord, je te raconterai ce que je fais ici si tu me raconte d'abord, chuchota-tu à ton tour. « C'est pas vraiment un endroit pour les louveteaux ici, ça peut être dangereux, » ajouta-tu, un brin d'inquiétude dans la voix, ta longue queue touffue fouettant l'air dans l'espoir de chasser les insectes. Un louveteau Lazuli en plein territoire sauvage et remplis de prédateur, c'était déjà surprenant, mais en territoire Etelkru en plus de ça ? Le blanc n'en croyait pas ses yeux. Ni sa conscience, d'ailleurs. En espérant qu'aucun garde ne passait par là... Tu n'étais déjà pas de la fibre d'un combattant, et tu pourrais facilement t'enfuir si tu étais seul, mais s'il fallait que tu défende un petit en plus de ça...
 
 

C’était trop cool d’avoir une compagnie pour s’occuper. Non parce que peut importe ses supplications, Neït ne laisserait pas son fils lui filer un coup de patte, au plus grand malheur de l’intéressé. Parce que non seulement en plus d’en avoir plein les pattes, voilà qu’il était obligé de l’attendre à chaque fois qu’ils marquaient un arrêt. Mais quand ce supplice prendrait-il fin ? Le loup blanc sembla étonné de voir Mozarthamès ici, le pensant tout seul. Ah ! Si il savait, le gamin était loin d’être à plaindre car si il semblait seul, sa mère veillait, n’intervenant qu’en cas d’extrême nécessité, bah ouais ce p’tit avait bien besoin d’apprendre à se débrouiller tout seul. Ni Neït, ni Vivladi, si Serket-Beatriz ne seraient tout le temps là pour lui le sortir des embrouilles.

« — C’est Maman Neït… Apparemment j’étais trop pénible du coup elle me traîne partout… J’ai mal aux pattes maintenant, puis les moustiques ils arrêtent pas de m’embêter.»

Qu’ils étaient pénible ces moustiques ! Les sourcils du jeune mâle se froncèrent, tandis qu’il renifla penaud. Promis, plus jamais il viendrait embêter Neït le matin. Se remettant debout sur ses pattes, le louveteau s’approcha du bord de l’eau avant de revenir auprès de son camarade de clan, portant son attention sur la fleur isolée sur un minuscule îlot.

« — C’est ça que t’es venu chercher ? La p’tite fleur trop bizarre là-bas ? Tu vas faire comment pour l’avoir ? J’peux t’aider ? Allez s’il te plaît… »

Pas sûr que son interlocuteur parvienne à suivre ce flot de question, mais Mo’ était tellement excité à l’idée de pouvoir faire ENFIN quelque chose.