Ces roses sont belles. (Ft Joaquin)[Ne pas archiver]

Le soleil était haut dans le ciel, et si la chaleur de l'été s'installait peu à peu, les températures étaient significativement moins élevées que celles de chez lui à la même période. Joaquín trouvait cela déroutant.

Il s'était temporairement établi dans l'endroit le plus chaud et sec qu'il avait pu trouver, s'y sentant plus à l'aise, à savoir la grande savane qui parcourait les terres vierges de clan de ce pays. Là encore, même aux heures les plus chaudes de la journée, il y avait cette brise fraîche et tenace, ce petit fond frisquet qui rendait son épais pelage noir bien utile — pelage qui lui avait valu bien des coups de chaud dans son désert natal, pelage qui avait accessoirement conduit la quasi totalité de sa famille à le détester, pelage qu'il avait ainsi plutôt toujours considéré comme un fardeau, jusque là. Pelage qui l'avait par la suite bien aidé lorsqu'il avait traversé des contrées bien plus froides que tout ce qu'il aurait jamais pu imaginer, par la suite. Pelage qui le gardait actuellement relativement au chaud à mesure qu'il posait méticuleusement ses pattes sur les pierres qui menaient à cette île mystérieuse qu'il avait repéré un peu plus tôt en longeant la plage.
Joaquín aimait avoir chaud. Ca lui rappelait chez lui, ça le rassurait, et il avait grandi dans la chaleur suffocante du Mexique. Lorsqu'il sentait l'insolation le guetter, étrangement, il réfléchissait mieux. La force de l'habitude, sans doute.
Au contraire Joaquín n'aimait pas le froid. Ce, même si les nuits chez lui pouvaient être glaciales. Il était même assez frileux, et c'était d'ailleurs la raison pour laquelle il s'obstinait à ne pas toucher l'eau, même du bout du coussinet. Ses yeux jaunes dardés sur ce sol de fortune, inégal et glissant, il avançait, concentré.

La mer, il ne connaissait pas, ou plutôt il ne la connaissait que depuis peu. Arabella la lui avait décrite, et il avait écouté ses récits avec émerveillement, lorsqu'il était petit. Voir cette étendue bleue qui semblait ne pas avoir de fin pour la première fois l'avait ému. Il aurait voulu voir ça avec elle. Si seulement.
La réalité l'avait cependant bien vite rattrapé lorsqu'il s'était enhardi à aller y plonger une patte. Capricieuse, la mer l'avait presque immédiatement remis à sa place en faisant s'abattre sur lui une énorme vague. Qu'il n'avait bien entendu pas vue venir, trop concentré qu'il était à observer la manière qu'avait sa patte de s'enfoncer dans le sable, là, sous l'eau.
Il avait du coup pu constater qu'effectivement, la mer était salée. Tristement imbuvable. Un beau gâchis de ressource. Pour lui qui venait d'une contrée où l'été l'eau se faisait plus que rare, voir ainsi une telle quantité d'eau sans pouvoir s'y désaltérer était assez crispant.

Quoiqu'il en soit, il avait décidé de limiter pour le moment ses interactions avec ladite mer, et ce chemin de pierres tombait à pic. Il faudrait juste qu'il pense à ne pas s'éterniser sur l'île aux multiples couleurs, il n'avait pas franchement envie de repartir à la nage si la marée en venait à submerger la route.


Il finit par toucher terre après quelques minutes, et après s'être pris à contempler quelques instants la vue qu'offraient ces enchevêtrements de rosiers auxquels il faisait désormais face, il décida de s'enfoncer dans les terres, curieux de voir ce que cet endroit avait à lui réserver. L'odeur était entêtante et il ne doutait pas un seul instant qu'Arabella aurait adoré cet endroit — pensée qu'il regretta bien vite d'avoir eue lorsqu'il sentit de nouveau son coeur de serrer en pensant à la vieille louve –, néanmoins, après quelques instants, il remarqua qu'au milieu de tous ces parfums de roses, il y avait quelque chose d'autre. Assez sucré, aussi, mais rien à voir avec des fleurs. Plus fauve. Une louve. Se redressant, Joaquín regarda autour de lui. Il n'y avait pas beaucoup d'endroits où aller, les sentiers étaient peu nombreux et étroits, et s'éloigner de leur centre signifiait courir le risque de se prendre dans les épines. Il choisit de continuer d'avancer le long de celui qu'il avait choisi, sans trop se soucier de la femelle, quand bien même elle portait sur elle la marque de la meute qui vivait dans le coin et risquait de ne pas apprécier de voir un solitaire se promener dans un endroit qu'elle considérait sien.
Le sentier déboucha sur une clairière.
Dans cette clairière il y avait la louve.
Eh bien tant pis.

Joaquín ralentit le pas pour finalement s'arrêter, quelques mètres derrière elle. Silencieux, il observa.

Il ne fallut pas longtemps à la louve pour se retourner et le voir. La surprise se lut clairement sur son visage, et il devina qu'elle ne se doutait tout simplement pas de sa présence jusque là. On pouvait difficilement lui en vouloir : il avait le vent face à lui, elle n'avait supposément pas à craindre de tomber sur un loup hostile car ils étaient au beau milieu de ses terres, et il avait depuis bien longtemps pris l'habitude de se déplacer discrètement lorsqu'il était seul. Qui plus est en territoire potentiellement hostile. Ce qui revenait juste à lorsqu'il se déplaçait seul, lorsqu'il était chez lui.

L'échine basse, il était prêt à bondir, si besoin était. Il était difficile de prédire le comportement d'un loup de meute lorsque ce dernier surprenait un étranger chez lui, surtout ici. Il se détendit cependant rapidement en voyant qu'elle semblait bien plus terrorisée que sur le point de lui sauter à la gueule. Lorsqu'elle commença à reculer, bégayant quelque chose qu'il ne parvint pas à comprendre, il releva la tête, abandonnant toute posture menaçante. Et prit quelques instants pour mieux la détailler.

Elle était vêtue d'un étrange attirail, qui couvrait la vaste majorité de son corps et ne laissaient véritablement voir que ses pattes, sa tête, et un bout de sa queue. En la voyant ainsi habillée, Joaquín ne put s'empêcher de se demander si elle était ainsi véritablement libre de ses mouvements, et si elle ne risquait pas à tout moment de mourir d'hyperthermie. Cela dit, l'endroit était bien plus tempéré que chez lui, et les vêtements pouvaient aussi se révéler une protection correcte en cas d'attaque. C'était en tout cas ce qu'il supposait : du reste, il ne connaissait pas vraiment les us et coutumes de la région. Chez lui, on faisait plus simple. Le pendentif à son cou brillait d'une étrange lueur bleue, lueur qu'il retrouvait aussi chez ces étranges petites choses qui s'étaient postées devant elles, comme pour la défendre. Leur allure était familière, quand bien même elles étaient bien différentes des souris et araignées qu'il avait déjà vus. Il s'attarda un peu plus longtemps qu'il ne l'aurait voulu sur ces dernières, fasciné par ce qu'il voyait mais ne pouvait comprendre, avant de relever les yeux vers la femelle. Il sourcilla légèrement en apercevant la large cicatrice qui lui barrait le visage.
Joaquín avait déjà vu des mutilations infligées à des femelles, bien souvent par des mâles trop possessifs, peu sûrs d'eux, ou tout simplement imbibés. Sa grand-mère Arabella avait elle-même perdu un oeil très jeune à cause de la folie de son père. Il lui était impossible de savoir si de telles pratiques étaient également d'actualité ici ou si la vieille blessure était due à un accident, cependant ses mâchoires se crispèrent et il abandonna définitivement toute once d'agressivité.

— Je ne te veux pas faire mal, articula-t-il laborieusement, avec un fort accent hispanique.

Sans un mot de plus, il s'assit, espérant par là illustrer son propos.

S'assoir ne dérida pas la femelle mais eut le mérite de la faire parler. Il plissa les yeux, s'humectant les lèvres tandis que son esprit tachait de décrypter ce qu'elle lui disait. Ne bougeant pas d'un cil, il haussa les épaules lorsqu'elle lui demanda d'où il venait.

— México, répondit-il sobrement dans sa langue maternelle. El Cañón. Au Sud.

Enfin, le désert, les montagnes, les plages, également. Un pays bien grand aux paysages variés, même si moins qu'ici. De ce qu'on lui en avait dit et de ce qu'il en avait vu lorsqu'il était parti. Lui n'avait jamais réellement connu que le Canyon où il était né et avait grandi, et peut-être aurait-il été plus clair s'il avait juste parlé d'un désert, mais il ne voulait pas être confondu avec les nomades de ce dernier, avec qui il n'avait strictement rien à voir et qu'il n'appréciait pour être honnête pas vraiment. Non pas qu'il ait apprécié grand monde. Pour pousser l'honnêteté jusqu'au bout.

Son regard se figea lorsqu'il réalisa que ce qu'il avait jusque là pris pour de simples marques un peu particulières sur les coins de son visage étaient en réalité une deuxième paire d'yeux, plus petits que les deux autres. On lui avait bien dit que les loups du coin pouvaient parfois montrer des physiques atypiques, voire franchement audacieux, mais c'était la première fois qu'il le voyait par lui-même. Il se demandait si ce genre de mutation était fréquente, ici, et si l'absence totale de physiques du genre dans sa contrée natale était due au fait que chez lui, quiconque doté d'une apparence aussi singulière aurait été immédiatement tué, brulé comme une sorcière, ou exploité d'une manière ou d'une autre, que ce soit pour satisfaire la curiosité des foules comme animal de foire ou les déviances de quelques désaxés friqués en tant que prostituée exotique.
En tout cas, ça devait être utile pour la chasse. Et peut-être le combat. L'angle mort était plus faible. Après tout pourquoi pas.

— Tu es du clan, no ?

C'était une évidence pour quiconque savait se servir de son nez mais il craignait qu'un silence malaisant ne s'installe ou qu'elle s'évanouisse carrément face à lui si il ne donnait pas rapidement le change.

Ses efforts pour ne témoigner aucun signe d'hostilité finirent par être récompensés, puisque l'autre louve finit par se dérider. Il se détendit à son tour, roulant des épaules et s'ébrouant l'encolure tandis qu'elle lui tournait autour, ne manquant cependant pas de suivre ses déplacements du coin de l'oeil, juste au cas où. Elle finit par venir se poster face à lui, visiblement enjouée.

— Oui ! Fière Disciple d'Ao ! Membre fidèle du clan Lazulis !"

Il pencha légèrement la tête sur le côté, s'efforçant de décrypter consciencieusement ce qu'elle disait. Puis haussa nonchalamment les épaules lorsqu'elle le mit en garde contre son propre clan. Etre fait prisonnier ne lui apparaissait pas comme le pire des châtiments, et encore faudrait-il pour cela qu'ils parviennent à l'attraper. Et s'ils étaient aussi doués pour garder leurs frontières que pour capturer les intrus, il estimait n'avoir pas trop de souci à se faire.

Joaquín n'était pas le mec le plus soucieux de sa sécurité qui soit. Peut-être parce qu'il était né et avait grandi dans un climat d'insécurité permanente, probablement parce qu'il s'était bien vite résolu à n'être qu'un grain de poussière perdu dans un immense désert, sans doute parce qu'une vie bien rangée et placée sous le signe de la quiétude et de la sécurité lui apparaissait comme terriblement barbante. Les choix qu'il avait faits par le passé et la cicatrice à son épaule en étaient une preuve flagrante. Tout comme sa présence ici, d'ailleurs.

— Je me promène juste, fit-il en haussant légèrement les sourcils, comme si la réponse lui paraissait aller de soi.

Il se leva et se dirigea d'un pas tranquille vers le rosier le plus proche, observant avec attention les fleurs de ce dernier. D'un rouge éclatant, elles lui rappelaient celles que sa grand-mère prenait plaisir à accrocher dans sa chevelure, et ce même à l'aube de sa mort. Nul doute qu'elle aurait apprécié cet endroit, de son vivant. Mais peut-être existait-il déjà à l'époque, auquel cas elle ne lui en avait jamais parlé.

— Pourquoi ton clan me veut faire prisonnier ? Je juste regarde les fleurs.

Illustrant ses paroles, il huma la plus proche, avant de tourner la tête vers la louve, attendant sa réaction.

Il l'écouta attentivement, enregistrant soigneusement les informations qu'il parvenait à décrypter. Il était grand temps pour lui de se mettre un minimum à la page, afin de savoir ce qui se tramait exactement dans les parages.

Il supposait que si la meute de la femelle décidait — apparemment – de se montrer aussi stricte avec les passages de solitaires, c'était parce que les incidents dont elle lui parlait étaient légèrement plus conséquents qu'une simple petite balade interdite, comme celle à laquelle il se livrait allègrement depuis quelques heures. A voir de quoi il retournait exactement.
Force était de reconnaître que l'idée que des meutards territoriaux aient eu des gros soucis avec des solitaires lui faisait plaisir. Joaquín était quelqu'un qui se complaisait dans le chaos, et il existait sans doute une part de lui-même qui rechignait à accepter que certaines personnes puissent naître, grandir et plus globalement vivre dans la paix et la sécurité, quand lui et les siens ne pouvaient prétendre à cette chance.
S'agissait-il véritablement de chance, au final ?
C'était bien la pensée majoritaire, mais à présent qu'il était rôdé au danger et à la constante perspective d'une mort soudaine, il se voyait mal vivre dans des conditions différentes. Vivre au jour le jour, n'aspirer bien qu'à survivre, avait le mérite de vous garder éveillé et affûté, que ce soit de corps que d'esprit. Flirter avec le danger, c'était vivre dans l'adrénaline, et en quelque sorte savourer chaque instant à sa juste valeur. Se serait-il rangé, s'il en avait eu la possibilité ? Probablement pas. En l'état actuel des choses, non. Il aurait pu essayer, moyennant une source de motivation sévère, mais le naturel serait probablement venu au galop.
Comme il revenait en cet instant précis, alors que l'envie de jouer avec les nerfs du clan de la louve, si sympathique soit-elle, s'insinuait peu à peu en lui.

Elle s'approcha, lui proposant pourquoi pas des fleurs, le tirant de sa réflexion par la même occasion. Il l'observa qui en effleurait une du bout de sa patte.

— Elles sont meilleur ici, répondit-il sobrement.

Et puis, il n'avait personne à qui en donner.
Il continua d'observer les rosiers quelques instants.

— Tu me vas essayer de tuer si je ne me vais pas ?

Il y avait encore du boulot côté conjugaison et grammaire, mais l'idée était là.

— Non. Je ne te tuerais pas. Et puis..tu...tu es sans doute beaucoup trop fort...

Joaquín arqua un sourcil interrogateur, observant le changement de posture de la femelle sans vraiment le comprendre. Avait-elle peur qu'il lui fasse du mal ? Il pensait pourtant avoir été clair dans ses intentions — ou en tout cas ses intentions vis-à-vis d'elle, à savoir qu'il ne comptait pas s'en prendre à elle. Joaquín ne s'en prenait pas aux femelles. C'était l'une des très rares règles incontournables de son éthique personnelle, et probablement la seule. Il n'aurait de toute façon eu aucun intérêt à l'agresser, surtout de manière totalement gratuite. Il était peut-être un meurtrier, doublé d'un bandit et parfois même d'un ivrogne, il n'était pas un violeur.

Si son existence avait été difficile, et encore plus en raison de son apparence, il s'estimait heureux d'être né mâle. D'un naturel indépendant et têtu, il aurait eu bien du mal à vivre la vie d'une femelle, qui plus est dans son désert natal. Devoir dépendre à tout prix des mâles pour espérer mener une vie tranquille l'aurait rendu fou. Arabella et Carmen elles-mêmes, malgré leurs tempéraments affirmés, n'avaient réellement pu prospérer que sous la garde avisée de Daniel et ses fils. Heureusement pour elles, ces derniers n'étaient pas spécialement regardants sur leurs comportements respectifs, et à vrai dire ils les laissaient faire absolument tout ce qu'elles voulaient de la manière qu'elles voulaient, quitte à rappliquer au triple galop en jurant comme des vieux boucs pour égorger quelques truands et appliquer quelques mandales en cas de problème. Il y avait certes eu des rixes, de bonnes grosses engueulades — Daniel, de ce qu'on lui avait raconté, était particulièrement porté sur la râlerie, et avait eu un mal de chien à encaisser le fait qu'Arabella flirte aussi bien avec les mâles qu'avec les femelles –, mais du reste, les filles étaient libres. Sans jamais vraiment l'être. Sa grand-mère lui avait elle-même confié qu'il n'y avait bien qu'ici, sur ce continent à mille lieues de chez elle, qu'elle avait vraiment pu faire ce qu'elle souhaitait.
Il fallait aussi reconnaître que Joaquín aimait bien chercher les emmerdes, pour une raison que lui-même était incapable de comprendre. Preuve était qu'il était là. Bien installé sur cette terre clamée par une meute, et fermement décidé à y rester pour quelques heures encore.

— Tu es peut-être moins forte mais tu as pouvoir, fit-il en désignant le médaillon bleu qui luisait doucement au cou de la louve.

On lui avait vaguement parlé des artefacts de cet endroit, apparemment liés à des divinités locales, et de ce qu'il avait compris, ils pouvaient clairement faire la différence. Arabella lui avait même montré celui de Daniel, qui avait parait-il cessé de briller à peine la frontière avec ce pays franchie, mais que ce dernier avait malgré tout conservé précieusement, quand bien même il répétait à quiconque voulait l'entendre que ce trilili n'était bien qu'une brabiole insignifiante et stupide dont il n'avait jamais eu besoin et dont il se fichait complètement, et d'ailleurs il n'était bon qu'à lui filer la migraine, et en plus il ne s'en était jamais servi en combat, et puis merde, ça te regarde pas, d'où tu viens l'emmerder à fourrer ton nez dans ses affaires, crétin ?!!!
Joaquín ne savait trop quoi en penser. Athée, fortement réticent à croire qu'il puisse exister une entité supérieure à l'origine de toute chose, il avait accueilli les informations avec suspicion, mais avait accepté l'idée qu'effectivement, pourquoi pas, un certain liquide puisse conférer aux loups des capacités particulières. Et cette louve — dont il ne connaissait toujours pas le nom – en possédait un. Bleu. Si sa mémoire était bonne, il témoignait donc d'un esprit fort. Ce qui ne l'aurait pas surpris, au vu des imposantes cicatrices dont elle était affublée.

Il n'eut pas la possibilité de rajouter grand chose. L'air déconfit, elle changea subitement de comportement, et après s'être allongée quelques instants, visiblement soucieuse, elle se remit debout et fit volte-face pour s'en aller.

— Je....je vais rentrer chez moi... reste si tu veux... mais prend quand même garde...

Et voilà qu'elle le plantait là comme un con. Joaquín resta immobile, incrédule. Avait-il fait quelque chose de mal ? Rien de plus que d'ordinaire, et surtout rien de particulier entre le moment où elle lui avait répondu et celui où elle avait déclaré s'en aller. Il pencha légèrement la tête sur le côté, pensif. S'il ne l'avait jamais directement connu, il pouvait s'accorder avec Daniel sur un point : les femmes étaient décidément incompréhensibles.

— Pues... vale marmonna-t-il en l'observant qui s'en allait.

Il baissa les yeux vers les roses, comme si elles avaient pu lui donner quelque conseil. Un individu sage et intègre aurait sans doute pris en compte les mises en garde de la louve, et le fait que trainer avec lui sans pour autant le chasser alors qu'il était au beau milieu du territoire de son clan pouvait la compromettre. Il le savait pertinemment. Mais Joaquín n'était ni sage, ni intègre. C'était juste un connard avec quelques principes. Il resta donc là où il était. Voir la femelle s'en aller, visiblement déçue, et peut-être même à cause de lui — sans qu'il comprenne trop pourquoi – allait sans aucun doute lui gâcher le reste de sa petite escapade en terre hostile, mais tant pis. Il n'avait pas pris la peine de se mouiller les pattes et de venir ici pour quelques minutes à peine. Il lui restait encore beaucoup à découvrir. Et peut-être changerait-elle d'avis.