The lion, the witch and the wardrobe | Athelstan

Lucie

Elle était en patrouille, avec Sire Athelstan. Ses oreilles pointées en avant, elle marchait légèrement entre les autres herbes, son regard bleu scrutant les horizons, à la recherche de toute trace ou odeur qui ne correspondait pas aux Etelkrus. Elle se tenait mieux à présent, son aile était guérie, et elle avait retrouvé son port de tête et sa détermination farouche dans ses travaux. Se sentant bien chez les Etelkrus, bien dans son pelage, elle semblait presque rayonner de sa confiance en ses actes, alors qu’elle baissa la tête, flairant une piste, en faisant la moue. Ce n’était pas une odeur Etelkrus, ça. Quelqu’un aurait-il pu s’infiltrer sur leurs terres ? Non, cela devait dater de quelques temps à présent, l’odeur était faible.

Elle réfléchit un instant, puis trouva la solution. Un Lazuli, de la famille du jeune apprenti Lymphalème était venu ici, de ce qu’elle avait entendu, au camp, malgré la discrétion de certains sur ce sujet. Ainsi, elle adressa Athelstan pour lui expliquer l’odeur incongrue de Lazuli.
« Sire Athelstan, l’odeur de Lazuli ne devrait pas être ici, toutefois, j’ai entendu dire que le père de Lymphalème était venu lui rendre visite, avant de repartir chez les siens, accompagné à la frontière par ce dernier. » dit-elle, en regardant autour d’elle.

Elle s’était rendue compte d’un problème, qui sévissait depuis quelques mois. Athelstan avait été blessé en découvrant la parenté de Lymphalème, cela ne lui plairait sans doute que très peu, de savoir que le père s’était aventuré jusque-là. Avait-il eu des différends, avec sa sœur adoptive ? Lucie ne voulut presser le sujet, alors elle tenta d’enchaîner sur autre chose, avec une voix moins formelle, plus joyeuse.
Pour alléger l’atmosphère, et peut être, rendre un peu le sourire au grand loup brun, fils du meilleur ami de son père.

« Alors, Membre du Conseil. C’est un rang auquel je n’aurais pas pensé, mais il se concilie bien avec les mœurs de nos pères, n’est ce pas ? » demanda-elle.

Le soir tombait doucement, une douce soirée d'été après une journée chaude et agitée. Athelstan avait été bien occupé ces derniers jours. Alors que les prêtres s'affairaient à demander leur soutien aux divinités et que quelques volontaires étaient allés construire, aux quatre coins du territoire, des tours afin de marquer leur territoire et d'assurer leur défense, le tricolore avait naturellement pris la direction des patrouilles et expéditions de chasse. Il avait bien-entendu participé activement à tout cela et s'affairait toujours à maintenir une surveillance aux frontières et un garde-manger bien garni. Geb l'avait aidé dans cette tâche était était lui-aussi toujours volontaire pour participer et guider un groupe. Ce soir-là, Athelstan était en patrouille avec Lucie. le hasard avait voulu qu'ils ne se soient que peu retrouvés tous les deux ces derniers temps, mais il ne songeait as que cela eût changé quoi que ce soit entre eux. Son coeur se réchauffait toujours à la vue de la louve au pelage flamboyant, et il lui adressait sans difficultés un sourire sincère à chacun de leur salutation.

Il avait longuement réfléchi, s'était efforcé de réfléchir, à ce qu'il éprouvait à son égard. Parfois, il aurait aimé que les choses soient aussi simples que le lui avaient si souvent conté ses parents. Leur histoire à eux était si belle, si chargée de ce romantisme qui berçait, avec l'honneur, les romans de chevalerie. Aucun d'eux n'avait eu de doute, ils s'étaient trouvés telles deux âmes soeurs au coeur de la tempête, et avaient construit ensuite une vie bercée d'amour et de confiance. Il était bien loin de pouvoir en dire autant... Ces dernières années, il était parvenu à se focaliser sur l'entraînement de Pepper, la protection de sa meute, sans doute un peu au détriment d'une exploration plus poussée de ses sentiments. Dire que ce n'était pas volontaire était sans doute délicat, puisqu'il avait été si blessé de découvrir que la relation qu'il avait toujours entretenue dans ses rêves était destinée à le rester. Mais c'était bien lointain maintenant, et il commençait à ne plus éprouver à l'égard de ces souvenirs qu'un petit pincement de coeur. L'âge et le recul lui faisaient admettre qu'il était responsable de ce qui était arrivé, et que c'était à lui seul d'en assumer les conséquences. Il devait aller de l'avant... et il s'était demandé si son coeur ne désirait pas tenter de faire un bout de chemin aux côtés de Lucie.

Il ne pouvait nier lui trouver un charme certain, avec son allure de guerrière et son aplomb. Elle incarnait les valeurs dans lesquelles il avait grandi et se reconnaissait, aussi seraient-ils au moins accordés sur cela. Il l'appréciait comme amie... peut-être d'ailleurs était-il temps de lui confier son secret. Quoique. Ce n'était peut-être pas le lieu ni l'instant, s'il espérait qu'autre chose pourrait surgir de leur relation... C'était si compliqué.

La voix de la louve le tira de ses réflexions, et il braqua son regard vairon dans sa direction en ralentissant l'allure. En effet, la piste ancienne d'un lazuli était perceptible, mais comme le fit si bien remarquer sa compagne de rang, l'un d'entre eux avait eu la pseudo-permission de leur rendre visite peu de temps auparavant. Athelstan s'estimait heureux de ne pas avoir été là à cet instant, car il ignorait comment il aurait pu réagir à la rencontre de ce mâle qui demeurerait à jamais son rival. Il préférait ne jamais croiser son chemin, comme il aurait espéré ne jamais croiser celui de ses enfants. Malheureusement, le destin en avait décidé autrement, et désormais il devait composer au quotidien avec la présence de Lympahlèe chez les Etelkrus. D'auant qu'l était un ami proche de sa chère Pepper. Naturellement, le grand guerrier n'aurait jamais fait montre d'irrespect à son égard, mais il ne parvenait pas à ne pas voir derrière sa silhouette et ses marquages le fantôme d'un rêve oublié. Sans doute ne pourrait-il jamais s'y attacher comme il l'aurait pu, comme l'aurait dû.

La louve le tira d'une répartie dont il ne savait que faire en renchérissant sur un tout autre sujet : celui de leur récente nomination au Conseil de leur meute, les faisant ainsi entrer dans les membres émérites des Etelkrus, aux côtés des Prêtres et des Alphas. Un léger sourire étira les babines claires du tricolore alors qu'il s'approchait pour venir marcher à ses côtés, les sesn toujours aux aguets. Autour d'eux, la Rougelande arborait ses couleurs estivales, camaïeux de rouge et d'orangé, et les noyait dans un océan de flammèches inoffensives.

"Nos pères ont été Conseillers avant nous, il est vrai, ma Dame. Quelle étonnante répétition de l'histoire." Répondit-il doucement.

Dans un monde qui n'était plus le leur, Méléagant et Agravain étaient devenus conseillers Brethens aux côtés du loup Esterno. Des noms qui résonnaient comme faisant partie d'une histoire lointaine, si lointaine. Il était presque incroyable de croire qu'Athelstan les avait connus ainsi.

"Êtes-vous heureuse de cette nomination ?" Demanda-t-il finalement.

Lucie

Elle se sentait amusée. Après leurs pères, c’était à leur tour… Et elle était ravie d’endosser ce rôle. Elle ne se sentait plus le courage d’être Alpha, plus l’âge avançait, mais elle était ravie de conseiller les autres qui voulaient l’être, grâce à son expérience de bêta, et son esprit aiguisé. Toutefois, elle savait que malgré ces qualités, elle n’était pas au top de de ses potentialités. Elle avait l’impression s’avoir toujours lâché la flèche avec détermination, mais qu’elle avait toujours manqué de peu la cible… Jusqu’à se sentir épaulée, et soutenue, par son ami brun, fils de son oncle adoptif.

Il ne lui avait pas permis de toucher le mile à chaque fois mais seulement d’être heureuse de son effort, même quand elle ratait la cible. Elle lui adressait un sourire à chaque fois qu’ils se croisaient au camp, espérant avoir un instant pour lui parler en dehors de leurs responsabilités… Mais cela n’était jamais arrivé. Même maintenant, ils étaient en patrouille… Mais la soirée s’annonçait calme, et elle était ravie de pouvoir enfin re-discuter paisiblement avec lui.

Elle trottinait légèrement, elle n’avait jamais été une grande et belle louve, mais sa ruse et sa grâce lui donnait une petite allure de fine louve impétueuse qui lui plaisait bien, plus elle vieillissait.

« Oui. Je suis ravie d’avoir ce poste, pour conseiller nos deux jeunes dirigeantes… Mais avec vous, Sire, c’est encore plus agréable. » dit-elle, un léger sourire se glissant sur ses babines, relevant la commissure opposée au guerrier.
Elle n’était, après tout, pas disciple de Dairo pour ses jolis yeux.

Mais elle n’avait pas le flirt en tête, elle lui était profondément reconnaissante à son grand ami guerrier. Elle se serait peut-être sentie un peu seule, s’il n’avait pas été conseiller avec elle. Elle était ravie de travailler avec lui, ils avaient sensiblement les mêmes valeurs, la même position, le même regard, et ils aidaient la meute a garder une patte fermement ancrée dans les valeurs nobles de la chevalerie.

« Mais un jour, elles n’auront plus besoin de nous … Ou alors les rangs changeront, et il faudra sans doute de nouveau songer à être quelque chose de moins important, de moins contraignant. » dit-elle calmement, ses mèches courtes, toujours aussi parfaitement coupés en carré, rebondissant autour de son visage, pendant qu’elle regardait autour d’eux. Elle parlait de choses importantes, mais n’en laissait pas de moins sa garde se baisser. Puis elle se tourna vers Athelstan, soupirant intérieurement.

Elle avait fait de son mieux, pourtant, pour être indépendante, forte, solitaire. Elle avait puisé en elle dans les moments douloureux, et c’était peut-être pour ça qu’il avait été dur, pour elle, de se rendre compte qu’elle avait quelqu’un sur qui compter. Quelqu’un un comptait pour elle. Mais maintenant, elle savait que l’âge la rattraperait, et qu’elle ne serait plus des jeunes et belles louves. Elle avait besoin de son ami, et elle voulait qu’il sache à quel point il comptait pour elle. Les codes de leur ordre chevaleresque lui interdisaient pas les démonstrations d’affection, mais elles avaient toujours été limités pour la brunette réservée. Alors ce premier pas ressemblait pour elle à un long marathon, qu’elle avait pris il y avait déjà plusieurs mois.

« Sire Athelstan … j’aimerai bien que nous continuons de travailler, et d’être ensemble, plus tard. Je me sens… mieux, avec vous. »

Moins impulsive. Moins facilement agacée. Moins incertaine. Moins seule.

Le compliment à peine voilé qui perça dans la réponse de la louve rousse le surprit, et il redressa légèrement les oreilles en croisant son regard mutin, accompagné d'un sourire en coin. Elle qui n'avait jamais montré - ou presque - qu'une figure très détachée, il était presque pris au dépourvu devant cette attitude qu'il ne lui aurait sans doute pas prêtée naturellement. Dire que cela lui déplaisait aurait été sans doute été un petit mensonge, car il ne pouvait nier le petit bond qu'avais fait son coeur à cette voix un peu plus enjôleuse et à ces prunelles chargée d'il-ne savait trop quoi. Il tâcha de se concentrer simplement sur le coeur de la réponse - à savoir que oui, elle était heureuse de cette nomination et de pouvoir contribuer toujours d'avantage à servir la meute - mais ses pensées demeurèrent troublées.

La phrase qui suivit était inattendue, et laissait à réfléchir. Ce n'était d'ailleurs pas exactement ce à quoi le tricolore aspirait à songer. L'imminent départ de Pepper comme son apprentie était quelque-chose qu'il redoutait secrètement, et s'imaginer réellement inutile à la meute - plus précisément, s'imaginer que la petite louve bleue le congédierait en prétextant une sorte d’inutilité de sa part parce qu'il serait devenu... trop vieux, ou que d'autres auraient une meilleure stature pour ce poste, lui était particulièrement désagréable. Il désirait servir les Etelkrus jusqu'à la fin de sa vie, et il devait bien s'avouer qu'il ne se voyait pas en vieux loup assagi qui restait à conter des histoires aux jeunes enfants toute la journée. Les temps étaient durs pour tous les loups, et il voulait combattre et chasser jusqu'à son dernier souffle. S'il n'était pas né pour cela, son père avait forgé de son délicat métal quelque-chose de fort et de combatif. Comme s'il avait changé sa nature, et que désormais le tricolore était condamné à demeurer ainsi jusqu'à ce qu'il quitte ce monde.

"Faisons-nous devoir de profiter des temps présents, jusqu'à ce que nous soyons contraints de quitter nos place, dans ce cas." Répondit-il doucement en réponse.

La lueur attristée qui passa dans le regard vairon du Conseiller fut invisible aux yeux de la louve châtaigne, car elle s'effaça lorsque celle-ci se tourna de nouveau vers lui. Si les lueurs du crépuscule donnait au pelage du mâle des reflets plus chaleureux, réchauffaient le blanc et le brun qui le couvraient, ils faisaient littéralement flamboyer celui de la guerrière. Elle paraissait coiffée d'ambre et de flammes, lumineuse dans ce camaïeu qui s'accordait si bien avec elle. Il capta son léger soupir, sans savoir comment l'interpréter. Il n'en eu pas grand besoin.

Les prunelles turquoises de Lucie rencontrèrent les siennes, alors qu'elle le faisait confident pour la première fois. Bien-sûr, ils avaient déjà échangé à de nombreux sujets, des heures durant, sur les grands problèmes de leur meute comme sur des sujets bien plus banals. Mais jamais encore il n'avait saisi dans ses paroles tant de sincérité, tant de vérité qui ne sa cachait plus sous une chappe de sérieux et de conventions. Ses yeux vairons s'agrandirent légèrement, alors que son coeur battait plus fort. Les doutes qui l'avaient assailli, toutes les lunes précédentes, inondèrent son esprit comme une mer en furie. Il avait conscience que c'était sans doute là l'instant où il fallait justement ne plus douter, trouer les justes mots et laisser le destin se dessiner. Il avait si peur de faire un erreur.
De refaire une erreur.

Le corps soudain rendu fébrile, comme s'il était adolescent, le grand guerrier redressa légèrement la tête et s'approcha de la louve rousse. Il s'inclina devant elle, respectueusement, et en se relevant laissa son museau frôla le sien, son regard rattraper ces joyaux colorés qui brillaient entre les mèches de feu.

"Mon coeur se réjouit, ma Dame." Murmura-t-il avec un sourire tendre. "J'ai pour vous une grande affection, et je souhaite tout autant que nous partagions nos jours à venir."

Lui qui avait été un petit loup très sincère et ouvert, avait perdu l'habitude d'exprimer ce qu'il ressentait. Il avait conscience que ses mots étaient sans doute maladroits, mais il était pris d'une sorte d'ivresse. Ivresse d'avoir osé faire le second pas de la danse, de voir s'entrouvrir dans les sombres jours qui se profilaient une porte vers la lumière.

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