Côtes de Nacre — Eveil de Limule & Oxomo

Elle avait mal partout, comme courbaturée et avait l'impression que son estomac était tout retourné. Qu'avait-elle fait pendant cette nuit qui lui appartenait pas ? Jamais elle ne le serait, comme à chaque fois, ne découvrant que les restes le lendemain au réveil. Celui-ci lui paraissait étrange cependant, le démon était toujours sage une fois la puissance retombée mais là, elle le sentait encore s'agiter, gronder, s'énerver dans son crane et entre ses entrailles. Elle sentait sa colère, sa frustration, si grandes, si intenses que la louve blanche avait l'impression qu'elle allait les vomir... peut-être pas qu'une impression finalement.
Ouvrant soudainement grand les yeux, Limule se releva brutalement, sans même prendre conscience du monde qui l'entourait. Elle fut prise d'un spasme, enfonçant sa tête entre ses épaules alors que son pelage gonfla. Elle grimaça, écarquilla les yeux, plus de spasmes, son de gargouillement puis... elle déglutit, se détendit, allongeant son corps et tira le bout de sa langue avec dégoût. Qu'importe ce qui avait essayé de sortir, il était évident que ça avait été ravalé. Limule se sentait encore barbouillée cependant et c'est un regard bleu fatigué qui balaya le monde. Etrange monde qui semblait si familier sans l'être vraiment.
Limule se releva, s'ébroua et finit par se gratter en sentant cette matière grisâtre lui coller au pelage. Elle ne remarqua même pas l'autre présence sur la plage, entendit à peine les rires qui résonnait, elle ne voyait que cet Océan rendu rouge, cet Océan trop calme, cette mer d'huile, cette eau malade. Elle s'y approcha, trempa une patte mais elle ne le sentait pas, ce lien qui la reliait à lui, elle ne sentait pas le pétillement des petits poissons qui dormaient au fond d'elle. Si elle levait le museau, il n'y avait pas de vent, pas d'embrun. Même sur le Continent, ça n'avait jamais fait ça, même loin de lui, loin de l'Océan, elle le sentait être toujours là, lui et ses monstres, là, là il n'y avait rien et Limule se rendit soudainement compte qu'elle était vraiment très loin de chez elle.

Le démon lui, était toujours là, il ne dormait pas. Il était furieux, on lui avait volé son temps, son si précieux temps de liberté. Plus que ça, il la ressentait comme si elle était sienne, la tristesse et le désarroi de sa petite hôte, de ce petit être qui était presque lui et ça le rendait encore plus fou. Le corps tomba en avant mais pas totalement, ses pattes le retenant fermement, comme une nouvelle transformation qui n'arriva pas, il se tordit à nouveau, semblable à l'approche d'une implosion. La tête fut projetée en arrière et d'une voix double, un hurlement résonna dans l'Upside Down.
Celui d'une âme qui était perdue, celui d'un démon fou furieux.

Vil serpent.

Tout cela lui donnait envie de gerber, la cendre dans sa gueule avait un arrière goût immonde, comme de la chair brûlée. Beurk. Serrant les crocs, Oxomo se redressa avec agilité, ne conservant plus aucune blessure de ce que le Serpent lui avait infligé. Pourtant… Elle l’avait ressenti ce moment où son souffle la quitte, cet instant où l’âme s’apprête à trépasser. Cette chose avait manqué de l’éliminer. La solitaire grogne de mécontentement, constatant que sa coiffe de plumes à disparu. Sa couronne était sûrement restée quelque part… tant pis, ce n’était qu’un objet du passé après tout, il recroiserait sa route à un moment ou un autre. Maintenant que la louve était debout, ses yeux rougeoyant observés la scène qui l’entourait, car tout avait changé.

L’environnement était agréable, bercé de rouge et de noir. C’était si beau. L’assassin sourit un moment face à ce spectacle avant de se secouer pour se débarrasser de cette matière grisâtre lui collant à la peau, telle les sangsues. Des rires au loin se font entendre, étais-ce le Serpent difforme ? Oxomo se campe dans une position d’attaque, ses yeux rougeâtres témoignant de son excitation à l’idée d’un combat. C’est que des adversaires dignes de ce nom, il n’y en avait que très peu sur ces continents, alors si lui pouvait lui tenir tête…

« — Petit serpent, je t’entends, viens donc… Reviens donc jouer avec moi. »

La queue féline de la louve-aztèque remue allègrement, l’idée d’un combat possible avec le Serpent était on peut plus séduisante. Agacée, la femelle finit par se tourner par la louve qui l’accompagnait, blanche, si différente de la bête. Elle faisait bien trop de bruit, le Serpent allait fuir si elle continuait. Oxomo la voit se tordre de douleur sans broncher, parce que la petite louve ne l’intéressait pas, maintenant qu’ils étaient embourbés, autant que le Démon vienne.

« — Laisses donc la bête venir, au moins, sera-t-elle davantage utile si le Serpent revient. »

Il ne suffisait peut-être que de le demander. Il ne contrôlait pas, elle ne contrôlait pas non plus, c'était eux deux, en même temps, en un seul être, seul changeait qui serait dominant sur l'autre sur le moment. A cet instant c'était lui et doucement, la tête de la louve blanche pivota vers la noire, les yeux écarquillés prenant une lueur verte. Elle ouvrit une gueule aux crocs épais, se lécha les babines  et gronda de cette même menace profonde qui avait lieu sur l'autre plage, celle où le ciel n'était pas encore rouge, ou le sable n'était pas encore cendre. Oh la Bête aurait presque pu l'aimer, ce paysage, ce sentiment de terre de désolation, il lui aurait presque la maison, sa maison, celle de son monde avant d'avoir été enfermé dans cette mortelle. Mais ce n'était pas le sien, ni celui de la petite boule de poil blanche qu'il habitait. Peut-être parce qu'il la ressentait, la détresse de son hôte, il fut encore plus furieux. Tout l'agaçait, ce monde qui croyait pouvoir l'enfermer impunément, ce monstre qui avait cru pouvoir le dévorer tranquillement, cette impression de ne rien pouvoir contrôler. Ça lui donnait envie de détruire quelque chose, objets ou être vivant, avec une petite préférence pour la deuxième option, ça tombait bien parce qu'il y avait ça à porter de crocs justement.
La Bête ne fit même pas attention à cette silhouette qui quittait l'île lointaine pour les rejoindre, ou peut-être l'ignorait-elle exprès, parce qu'elle savait que la petite hôte reconnaîtrait celui qui s'approchait, parce qu'elle savait que lui, elle n'aurait peut-être pas envie de lui faire de mal... peut-être.

Tout le corps se tourna vers la louve noire, le pelage resta clair cependant bien qu'il fonça un peu sur le dos, cependant, le blanc n'était que devinable sous ce ciel de sang qui renvoyait un aspect rougeâtre sur la totalité du monde. Et elle avança doucement, pas à pas, de plus en plus grondante, le poil de plus en plus hérissé vers cette louve qui prendrait surtout pour tout le reste. Sur le sol de cendre, des empreintes parfaitement dessinée alors que résonnait au loin de rire de hyènes. De hyènes ? C'était étrange, peut-être de petits démons plutôt, oui ça y ressemblait déjà plus ou de petis monstres.Qu'importe, la bête elle, arrivée à quelques pas de sa proie bondit dans un rugissement, crocs en avant, prêt à les claqués sur le museau de la louve.

Elle le remarqua finalement, son très cher Capitaine, lui qui s’en fichait du loup, lui qui pourtant à cause de son hôte, voulait un peu moins sa mort comparé à d’autres. Misérables loups. Il ne put rien faire cependant lorsque la petite boule blanche lâcha la babine de la noire pour aller rejoindre le mâle brun, les oreilles en arrière avec cet air penaud, la queue entre les pattes pour venir se coller tout contre son portail et lécher son menton. Lui avait envie qu’elle le morde, il parvînt à ouvrir la gueule quelques secondes, pour mâchouiller un peu ce loup que la petite pirate affectionnait tant, lui qu’elle considérait membre de sa famille et auprès duquel elle venait chercher réconfort.
La petite Limule avait peur de ce monde, le démon la ressentait aussi, parasitisme de l’un sur l’autre et il avait horreur de ça. Ce monde, il l’aurait bien détruit, juste par principe. Il laissa la louve au Capitaine, la laissa pendre soin de lui lécher les plaies, rougissant ses babines du sang allié qu’elle ne pouvait aider plus que ça. Il la laissa être inquiète pour lui.

« Capitaine... l’Ocean... il n’est pas ici, je ne le sens pas... »

Elle ne se décolla pas du poitrail du brun, même si elle était assise dans une eau salée inconnue, elle si petite qui pouvait se glisser entre les pattes avant du mâle.

« On nous a volé à lui »

C’était impardonnable, il serait furieux, et lui démon voulait la rendre furieuse elle aussi, fidèle petite louve.

Un bruit, celui d’un corps qui tombe dans l’eau, la louve blanche releva les oreilles, surprise. Dans cette mer de sang, elle le vit alors pour la première fois, le monstre, celui qu’elle n’aimera pas contrairement aux autres, celui qui les avaient emmené ici, celui qu’il fallait peut être fuir.

« Il doit payer l’impardonnable, nous devons lui exploser le crâne, dévorer son cœur en châtiment »

Et le regard à nouveau vert, lui qui pourtant restait également bleu. Nous sommes le même être petite louve. Je ressens ta peine, ressens ma colère .
Il s’échappe du portail de Kéran, la Bête n’a pas besoin de réconfort. Elle gronde, elle ricane, bien mieux que les hyènes, sa fierté veut le croire.

« Plus loin il y a des falaises » Bien vu mortelle « on peut créer un éboulement »

« On peut lui broyer les os »

Elle rapproche son museau à nouveau du mâle, de ce loup de sa meute qu’elle aime tant, comme un oncle, presque comme un père. Elle veut l’aider, elle veut l’éloigner du danger, jusqu’à cette falaise mais ce n’est pas elle qui commande à cet instant, le démon mord la joue, il sourit au goût de la peau.

« Jusqu’à la falaise »

C’est là bas qu’il fallait s’enfuir.
Clapotis, son de nage. Il y a un leurre dans l’eau, un qui se ferait dévorer avant ça aurait pu être plaisant.
Pourquoi on l’aiderait? Parce qu’on avait besoin de plus de loup. Même lui voulait bien admettre, il allait falloir coopérer avec les misérables qui n’avaient pas le privilège de l’affection. Il laissa la louve plongée dans l’eau rouge, elle qui avait grandi entre les vagues, elle qui faisait un peu monstre marin lorsqu’elle glissait dans la mer, son dos parsemer de créature mortes.

[Pc agi -> aide Justice à regagner le rive]/i]

Elle plonge, elle boit un peu la tasse, parce qu’elle n’est pas en phase, ce n’est pas [i]son Océan mais ça ne fait pas d’elle une mauvaise nageuse. Mais elle le rejoint, le loup sombre et elle vient contre son flan, presque sous son ventre, elle qui a le contact si facile.
Lui a envie de le mordre mais il ne faut pas.
Pas mordre, pas mordre, vile créature.

Autour de lui le monde fut blanc et éclatant pendant un bref instant.
Le moment où il comprit qu'il venait de franchir la brèche dans laquelle il avait cherché à s'engouffrer.

Puis tout redevint rouge à nouveau, le baignant dans un monde sombre et déboussolant.
Et il tombait.

Ses pattes avaient beau s'agiter par réflexe il ne rencontrait aucune matière, et la sensation de la chute libre qu'il subissait n'avait rien d'agréable.
Se pourrait-il que le dénouement soit bien plus compliqué qu'il ne l'aurait cru de prime abord ? Allait-il mourir maintenant en heurtant durement le sol après une terrible chute ? Pire ; était-il condamné à tomber à l'infini dans ce nouvel enfer qui serait sa conclusion ?

Mais il n'eut pas le temps de s'interroger davantage sur son sort quand il heurta violemment quelque chose. C'était dur mais cela s'était ouvert sur son passage, et désormais il était entouré d'une matière froide, lourde et pénétrante qui l'envahissait et atténuait les sons et trompait tous ses sens.
Il voulut ouvrir la gueule pour prendre une respiration mais elle s'emplit d'un liquide au goût salé, et ses yeux qui tentaient de s'ouvrir ne révélaient qu'une vue brouillée et le démangèrent sous la morsure des éléments.

Il est dans l'eau. Dans l'océan.

Il comprit finalement qu'il était submergé, que sa chute depuis le ciel rouge et insondable l'avait propulsé sous la surface. Même ici tout semblait rouge, et l'eau grise et lourde s'était empreinte des rayons carmin. Après une petite seconde de flottement, il réalisa qu'il ne s'était jamais approché des étendues d'eau d'aussi près. Il n'y était jamais rentré, n'en avais d'ailleurs jamais rencontré jusqu'à récemment en découvrant de nouvelles terres.

Justice ne savait pas nager.

Alors il se sentit paniquer et perdre pied. Ses gestes devinrent erratiques, sa gueule s'emplit d'eau sale à nouveau et il en avala une partie qui brûla son œsophage et le fit suffoquer. Encore une fois-une fois de trop en si peu de temps à son goût, il se dit qu'il allait mourir.

Mais il continua à se débattre. Le monde autour de lui ne semblait pas avoir de fond ni de surface, il ne savait pas dans quelle direction pousser, l'air lui manquait et il en regrettait le goût de la cendre sur sa langue.
Sa tête brisa soudainement la surface, coup de chance que les vagues et les courants l'aient poussé vers le haut malgré la panique qui aurait pu l'envoyer dans les bas-fonds.
Il prit une grande inspiration rauque, luttant pour garder le museau hors de l'eau et se laisser porter par les flots. Ses yeux s’éclaircirent rapidement et toute l'adrénaline qui pulsait dans son corps mû par l'instinct de survie lui donna la force et la clarté d'esprit de reprendre pied dans ce nouveau monde.

Il s'était retrouvé contre toute attente dans une grande étendue d'eau, et il crut reconnaître les côtes qui bordaient le territoire du monde réel. Une projection pour les tromper, encore.
Il chercha des yeux la louve ailée, mais il ne l'a trouva nul part. Avait-elle suivi dans la faille ? Avait-elle été aussi rapide ? Il lui avait bien semblé entendre le bruissement aérien de ses ailes le suivre comme un fantôme.

Alors pourquoi n'était-elle pas là, Justice ?

Il eut un bref pincement au cœur à la pensée de l'avoir peut-être abandonnée, trop focalisé sur sa propre manœuvre. Mais il était également possible que ce monde aux mille facettes l'ait projetée ailleurs, dans un de ces autres lieux qu'elle avait décrit -peut-être même avait-elle réussi à planer bien au-delà pour se mettre en sécurité.
Il s'accrocha à cet espoir et la chassa de ses pensées d'un vif aller-retour de la tête, car en cette situation critique il n'avait pas le loisir de s'encombrer de soucis pour l'un de ses pairs en plus des siens.
Justice vit se dessiner une plage qui lui semblait à la fois proche et si loin dans son état d'épuisement et ce sentiment d'impuissance à se débattre dans un élément qui lui était hostile et pesait sur son corps. Il battait des pattes tant qu'il pouvait, et il remercia la constitution de son espèce qui lui permettait de s'en sortir instinctivement malgré son ignorance totale du milieu.
Sur la plage, il distingua au moins deux silhouettes. Et encore une autre, qui rampait sur le sable.

Une vague s'abattit sur son crâne, le sonnant légèrement et tentant vicieusement de le refaire sombrer.
Ses mèches épaisses et gorgées d'eau collaient à ses yeux et son front, parasitant sa vue.
Malgré cela, il la vit quand même.

L'une des créatures, toujours aussi noire et difforme, l'observait depuis la direction opposée à la plage. Dans l'eau. Elle était dans l'eau. Seule son encolure étirée hors de la surface dépassait de la mer, la tête -dépourvue d'yeux, la petite louve avait vu juste- semblant fixée à la fois sur la rive et sur lui qui venait d'apparaître entre les deux.
Il tenta de gronder, mais déjà la houle le malmenait et le forçait à se concentrer uniquement sur son maintien. Il ne pourrait pas l'affronter dans ces conditions. Il serait si aisé pour la créature de le réduire en charpie à nouveau.
La colère l'envahit à l'idée de devoir fuir une nouvelle fois, mais il n'avait pas le temps de s'attarder sur cette réalité. Il tendit le cou vers la plage, commençant à nager tant bien que mal vers le rivage de sable terne. Mais il n'allait pas assez vite. Ses gestes s'enchaînaient sans coordination, les vagues se jetaient régulièrement contre lui et l'aveuglaient à moitié.
La seule chose qu'il comprenait clairement dans son esprit brouillé était son manque cruel de vitesse et d'efficacité. Il n'y arriverait jamais.
Il avait beau essayer de se jeter de l'avant de toutes ses forces, les courants marins semblaient le retenir sur place. A ce rythme-là il n'atteindrait jamais la rive, de cela il était certain -et c'était bien son unique certitude. Et la créature le rattraperait. Il s'imaginait déjà la sensation de ses longs doigts osseux se refermant sur ses postérieurs et le tirant vers l'arrière.

Il tenta de faire le tri des informations qui lui restaient. De se concentrer sur un élément qui lui permettrait de s'en tirer. Un ultime mouvement avant d'être vaincu par l'océan ou la monstruosité.
Il recolla les quelques morceaux qu'il possédait en vitesse malgré l'urgence de la situation. Ce monde était factice. Ils avaient traversé des frontières. C'était une projection faite de toutes pièces. Ce n'était pas tout à fait... réel.
S'il y avait des moyens de permuter les limites entre ces mondes, il pouvait recommencer. C'était toujours mieux que d'avancer sans but vers un échec assuré.
Son cœur se serra à mesure que son idée grandissait dans sa tête, angoissé à l'idée de se laisser couler à nouveau après tous ses efforts pour remonter vers l'air libre. Mais il ne se laissa pas le temps de songer à nouveau à sa peur de ne plus pouvoir s'en tirer.
Il serra les mâchoires, aspirant difficilement une dernière bouffée d'air. Puis il arqua l'encolure contre son poitrail et d'un puissant coup de hanches se propulsa vers le fond.

Il se laissa envahir par l'idée qu'il n'était plus victime, mais maître. L'océan impétueux n'essayait plus de le noyer : c'était lui qui luttait vers les profondeurs. Une fois appréhendé, cet environnement n'était finalement pas si différent des profondeurs d'un tout autre type qu'il avait fréquenté depuis sa naissance. Il suffisait de se laisser couler dans les ténèbres et de retenir son souffle.

Il n'avait pas vu la petite louve blanche qui s'était mise à courir vers la houle, s'était jetée dans l'eau avec bien plus d'aisance que lui et l'avait rejoint. Tout ce qu'il sentit, c'était la caresse d'un objet inconnu contre son flanc -et Justice n'avait pas conscience de l'aide que l'on tentait de lui apporter, simplement que quelque chose tentait d'entraver son unique plan. Tentait de ne pas le laisser avancer.
Un coup de postérieur fila dans l'eau en direction de la masse inconnue, touchant son but et l'éloignant tant bien que mal.
Puis il redoubla d'efforts pour canaliser ses efforts dans une seule direction, s'enfonçant à gestes puissants dans l'obscurité et vers un avenir incertain.

Il n'avait aucune idée de la viabilité de son idée, et du peu qu'il en savait il se condamnait peut-être par lui-même.

Mais c'était tout ce qu'il avait.

[Lancer de 3 Dés avec les PC End pour sa lutte pour atteindre le fond et peut-être une nouvelle brèche / limite du monde tout en résistant aux conditions difficiles]

Saloperie.

Voilà que le petit démon semblait vouloir jouer avec Oxomo, lui mordant la babine. La louve noire regarde sans broncher, cela ne lui faisait pas réellement mal de toute façon. Que l’enfant tire si cela lui chantait, cela n’était rien de plus qu’une blessure qui cicatriserait avec le temps. Peu patiente, la solitaire finit toutefois par se dégager, faisant claquer ses crocs, ses yeux rouges observant avec moquerie son attaquante. Quelle faible attaque que ceci n’empêche. Étais-ce donc réellement tout ce que valaient les loups ici ? Un autre pirate fit son apparition, reconnaissable à des lieux de part son odeur de poisson, lui qui ne bronchait pas face au démon, lui qui semblait en piteux état, plus fardeau qu’aide apporté. Aucun loup n’était digne de combattre aux côtés de la noire de toute façon. Ridicule canidé. Agacée par ce manque d’action, la solitaire souhaita prendre la parole, jusqu’à ce que le son de quelque chose tombant dans l’eau raisonne à ses oreilles, maintenant parfaitement dégagée de part l’absence de son casque. À l’affut de toute présence, Oxomo grogna, scrutant l’eau rougeoyante sans y distinguer autre chose que les remous soudains de l’eau. Encore un loup noyé.

Remuant sa longue queue féline, la corneille noire s’ennuie facilement de ce calme, observant le démon laisser de nouveau place à la louve pour porter secours à l’inconnu submergé par les flots.

Stupides qu’ils sont.

Ne comprenaient-ils pas le danger ? En connaissaient-ils la valeur ? L’eau était chose dangereuse, camouflage parfait pour quiconque sachant retenir sa respiration… et ces idiots n’en avaient aucune conscience. Ce n’est pas par peur que l’assassin recula de quelques pas, mais plus par l’agacement. Un agacement qui montait de plus en plus, celui de se sentir observé sans savoir par qui, ni d’où.

« — Où es-tu petit serpent ? »

Viens donc siffloter à son oreille, elle qui, n’attendait que cela. Sentir le goût du danger, la mort la frôler, car, Petit Serpent, voilà que tu lui avais procuré un nouveau sentiment, plus dangereux encore que la violence de son esprit. Voilà maintenant qu’Oxomo voulait ressentir le goût de la mort, mettre tout son coeur dans un combat sans savoir qui en ressortira vivant. C’est la guerre Petit Serpent et, j’espère, que tu es prêt.

Petit serpent, te voilà enfin, venu jouer avec la noire corneille.

Cette dernière jubile, sourit d’excitation lorsqu’elle te voit sortir de l’eau à une allure anormale. Il aurait pu choisir tous ces imbéciles qui faisaient trempettes, pourtant il était venu, son sourire plus grand encore que celui de la louve. Elle t’observe d’abord t’en prendre au pirate, tandis que ses muscles sont prêts à bondir, à encaisser le coup qui lui sera infligé. Que tu es fort petit serpent. Ta force est incontestable.

La solitaire n’esquive pas. Le sang coule le long de sa joue, sa vue semble légèrement brouillée, tandis qu’un rire monte de sa gorge, brute, sauvage. Oxomo n’est pas effrayée, Serpent, bien au contraire. Les blessures que tu lui infliges lui plaisent un peu plus à chaque fois. Ses yeux rouges fixent avec avidité ceux de The Thing, sans aucun dégoût contrairement aux autres, parce que lui aussi était un peu son égal, tout comme la gamine bleue. Eux deux savaient comment gagner un combat, avaient la volonté de le faire, chose si rare ici bas…

(Lancé de dé)

Alors à son tour, la louve bondit. Non pas en direction du torse de la bête, parce que les dents étaient là, mais en direction de la peau nue, dénuée de poils, d’une protection. Ses crocs mordent dans la chair étrange du Serpent, son sang à un goût particulier. Oxomo se bat, alors que les autres ne font rien. Quelle déception, eux aussi n’avaient rien compris au sens d’un vrai combat… On tombe pour se relever après tout.

Les courants froids se faufilaient autour de lui et l'enserraient de leur étreinte, la pression de l'eau pesait sur son corps, l'immensité glaciale semblait ne jamais avoir de fin. Mais toujours Justice progressait à gestes puissants, s'abîmant toujours plus profondément, faisant taire les alarmes de son instinct en colère et les pensées paniquées de son cerveau rationnel.

Que faisait-il sous le volume écrasant de l'océan ? Là n'était pas sa place !

Pas plus que ramper dans des tunnels reposant sous des tonnes de roche instable n'était ta place.

Les profondeurs dans lesquelles il se laissait sombrer ne semblaient pas vouloir lui révéler leurs secrets, cependant. Les secondes passaient sans qu'il ne sente aucun élément effleurer ses pattes. Sans que le fond ne se laisse appréhender. Sans qu'un éclair blanc ne le happe pour le transporter ailleurs encore, hors de cette eau salée qui n'avait pas voulu de lui et dont il ne voulait pas.
Il tenta d'ouvrir les yeux à nouveau. Ses paupières étaient lourdes et fatiguées. Le sel le piqua immédiatement, mais après deux-trois clignements il tint bon.
Les ténèbres semblaient s'étendre dans toutes les directions autour de lui et il se surprit encore une fois à songer à la mort. Elle lui paraissait dans ce monde si tangible et si proche. Plus proche qu'elle ne l'avait été lors de ces journées indénombrables passées à la côtoyer flanc contre flanc comme une sœur d'arme.

Il se serait donc trompé cette fois-ci. La direction était la mauvaise. Si couler lui avait paru plus simple que lutter contre les remous pour rejoindre la plage, il ne pouvait désormais plus voir de sortie immédiate et il allait devoir tant bien que mal se retourner vers la surface. Avant de suffoquer.
Pourtant il y avait un éclat, et il le vit finalement.
C’était presque un mirage, une illusion de sa rétine qui désirait tant voir quelque chose dans ce néant sans lumière.

Pourtant, il distinguait bien des formes s'élevant du fond de l'océan. Sa vue était brouillée mais la vision persistait et était bien réelle. Et au cœur de ces formations dont il voyait miroiter les légers reflets rouges se trouvait un éclat plus brillant que tous les alentours.
Ce n'était pas comme les failles qu'il avait vu, celles qu'il avait pensé pouvoir atteindre ici aussi. Cela ne crépitait pas sauvagement en changeant toujours de forme et de couleur. Cela ne ressemblait pas à une déformation de la réalité. C'était différent.

Plusieurs mètres au-dessus de sa tête, il sentit un mouvement remuer l'eau et une ombre troubler la faible luminosité dans laquelle il baignait désormais. Un déplacement rapide et important d'une masse imposante.
La créature s'était mise en action. Et s'il ne parvenait pas à transcender cette zone pour en rejoindre une autre, il allait devoir rejoindre ces autres inconnus et s'occuper du monstre. Un bref sentiment d'impatience le fit frémir à l'idée de répandre le sang et les tripes sur le sable gris pour l'accorder aux teintes macabres de cet univers.

Mais il était si proche désormais, et il n'allait pas faire marche arrière à quelques centimètres d'une trouvaille.
Son souffle retenu commençait à se serrer dans sa poitrine, et il analysa très rapidement la situation en bribes précipitées.
Encore un mouvement de hanches le propulserait suffisamment près de cette lueur qui ondulait pour la toucher.
Et si cela ne le menait nul part, il prendrait l'élan nécessaire à rejoindre rapidement la surface en prenant appui sur ces étranges formations sous-marines.

Un spasme agita son arrière-train pour l'ultime effort. La lumière emplissait ses iris troublés, hypnotisante.
Il tendit une de ses pattes avant en sa direction, les doigts étendus pour aller effleurer la lueur des profondeurs.

Ses griffes d'argent miroitèrent doucement avant de plonger au cœur de la lumière.