Nouvel espoir [Libre]

Junlahdwiin

Il l'avait revu une fois, le ciel, mais il avait fini par se convaincre que ce n'était qu'un rêve. Enfin atteindre l'espoir de revoir la surface  pour se le faire arracher aussi sec, le destin n'était pas aussi cruel. La silhouette d'une louve ailée dans l'éclat de la lune, le froid qui engourdissait les membres, la sensation d'une certaine irréalité, tout ça sonnait trop faux.
Oh au début, il se souvenait y avoir véritablement cru, qu'il avait voulu voir s'il ne trouvait pas un autre chemin en attendant la louve puisqu'il se savait proche de la surface, mais à force de marche et de galeries sombres, alors que les jours filaient sans doute, ce dont il se rappelait devenait de plus en plus vaporeux malgré la volonté de se rappeler, comme lorsqu'on veut retenir un rêve mais que celui-ci finit pas être classé pour ne plus revenir. Un rêve... en y repensant ça le fit soupirer, encore un à ajouter à sa collection n'est-ce pas ? Comme ceux où il voyait ces ombres s'enfuir entre les ruines des nombreuses villes sans jamais les rattraper, comme ces murmures qu'il pensait entendre parfois. Le loup ocre finit par se laisser tomber contre une paroi en pierre, l'écho de ses membres d'acier résonnant dans le couloir, s'accordant une petite pause nécessaire. S'il ne l'était pas déjà, il allait finir par devenir fou un jour, peut-être était-ce là le seul avenir qui l'attendait. Il eut un rire pour lui même.

« Hé bien mon cher Jun, c'est pas bien glorieux comme futur. Finir là, seul, sans savoir qui tu es vraiment et l'esprit complètement détraqué »

La tête contre le mur de pierre, éclairé par la simple lueur légère de son collier, il balaya le couloir du regard. De là où il venait, un long boyaux de pierre sombre et étroit, bien trop à certains endroit, de l'autre côté...ah, il semblait que le chemin se fasse plus compliqué, il allait sans doute devoir déblayer un peu quelques éventuels éboulements passés. En y regardant de plus prêt, le mâle ocre remarqua une régularité bien trop prononcée sur la pierre pour être naturelle. Un peu plus enthousiasmer, il se releva pour se diriger d'un pas lourd vers la forme qui s'avéra être un morceau de bâtiment détruit.
Oreille en avant, il tapa doucement sur la parois, guettant un résonnement, un écho qui indiquerait un endroit creux de l'autre côté. Junlahdwiin s'avéra être plutôt chanceux aujourd'hui, avant même de trouver ce qu'il cherchait, le mur s'effrita, laissant place à une faille dans laquelle, il pouvait passé. Difficilement cependant bien qu'il ne ressentait pas de douleur à cause de l'absence de membre, il sentit clairement le métal de son corps raclé et rayé la pierre. Il l'entendit aussi, ça lui tira une grimace, craignant des éraflures et autre usures supplémentaire sur ce qui était ses pattes ou son dos depuis plusieurs années maintenant.
Au delà de la faille, une salle, immense, probablement magnifique autrefois. D'immense colonne s'étaient effondrés vers le centre, comme si quelque chose était tombé depuis le ciel pour crevé le plafond d'un ancien château. Un escalier aux marches brisé, probablement magnifique autrefois emmenait vers un plafond bien trop haut pour être véritablement atteint au travers duquel filtrait une faible lumière qui lui permettait de voir. Le ciel... il ferait l'effort d'essayer au moins bien qu'il ne se faisait pas vraiment d'espoir. Avant... avant il voulait voir, les ruines anciennes continuaient à l'intéressé et ce qu'elles racontaient était la seule chose qui brisait la monotonie des pierres.  En descendant dans la salle, il sentit cependant une forte odeur, étrange, familière mais dont il n'arrivait pas à remettre la patte sur une origine, rapidement il s'accoutuma de toute façon, attirer soudainement sur la tête mutilée d'une statue canine et quelques bas relief usé. Il tilta cependant sur l'usure anormale de la pierre, l'endroit semblait bien plus récent que tout ce qu'il avait connu et pourtant, déjà les formes quadrupèdes qui narraient les histoires en pierre étaient presque, comme si... il marcha dans une flaque.
Soudainement, le loup pris conscience d'une chose, de la forte odeur qui était celle du souffre, de l'humidité qui s'intensifiait, de la chaleur qui augmentait, du grondement sous ses pattes. Quelques part sous terre devait se trouver un geyser ou quelque chose s'en avoisinant, Jun devina que dans quelques instants, la galerie serait inondé d'eau bouillante. Déjà il sentait les vapeurs, mélange d'eau et de souffre et il dut ouvrir la gueule dans une tentative de recherche d'air frai. Il courut, ses pas métallique résonnant en écho dans la salle, comme s'ils essayaient de couvrir le son de l'eau furieuse. Le sol trembla et il put voir dans un moment ralenti par son esprit, l'éboulement qui referma sa seule issu connue. Le mâle ocre chercha alors à toute vitesse une autre potentielle issue, un potentiel abri, quelque chose qui lui éviterait de finir tout simple noyé et bouilli. Déjà l'eau  montait doucement, au sol, quelques centimètres indicateurs du reste à venir, chauffant l'acier de ses pattes. Le diaphragme de son œil mécanique se serrait et resserrait  anarchiquement alors que la panique commençait à monter, avant que son regard ne s'arrête sur la lueur qui filtrait au travers du plafond.  
C'était risqué de tenter ça, là, dans une telle situation. S'il ne pouvait pas l'atteindre, s'il ne pouvait pas passé, c'était fini mais s'il ne faisait rien, c'était la même. Alors il tenta, gravissant les escaliers détruits non sans difficulté, la chaleur rendant l'effort difficile, son poids rendant les supports instables. Ses oreilles se dressèrent, un craquement, le bruit furieux d'un torrent, l'eau arrivait. Dépliant ses pattes d'acier, le mâle sauta vers cette faille qu'il devait attraper, un peu par chance, il parvint à y coincer une patte, ses doigts se plantant du plus qu'il pouvait dans le sol alors qu'il tira son corps pour remonter. Il souffla, contre la peau qu'il lui restait de son corps non mécanique, il sentait l'acier le brûler, il avait la gorge sèche, une envie folle de tousser et ses poils détrempés par la vapeur collaient entre eux. Dernier effort, il s'extirpa alors que sous ses pattes, le sol explosa.

Il fut projeter un peu plus loin alors que la terre soufflait une immense colonne d'eau et de souffre. Tout son corps lui faisait un mal de chien mais Junlahdwin fit l'effort de se relever dans une grimace sans remarquer au dessus de lui, le ciel d'un bleu éclatant et encore moins que tout autour, une terre sans mur, un monde de lumière qui s'étendait à perte de vue sans piège océanique comme la première,juste les montagnes et les plaines qui ne s'arrêtaient jamais.

Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait eu si mal. Il força sur ses muscles, grimaçant au contact de sa peau et de l'acier chauffé, serrant les mâchoires pour ne pas hurler alors qu'il tentait de bloquer les mécanismes entre eux avec des cliquetis pour maintenir ses pattes droites. Il souffla bruyamment par la truffe et la gueule, devenant un peu plus machine, un peu moins loup bien que c'était ses poumons qui crachait l'air. Il essaya d'ouvrir les yeux mais il n'y parvenait pas, pas avec celui vivant qu'il ne parvenait même pas à garder plisser tandis que l'autre essayait de se calibrer, le diaphragmes rendu fou par une non habitude.
Junlahdwiin n'était pas habitué à la lumière et au soleil. Il entendait sous ses pattes le grondement et gargouillis de l'eau dans des galeries mais il ne voyait pas. Il huma l'air, cherchant un repère alentour mais encore retourner par l’événement récent et le bout de la truffe brûlée, il ne perçut  que l'odeur du souffre, plus forte que les autres. Un vent frai vint s'engouffrer dans son pelage, et il se demanda un instant s'il n'avait pas trouvé une ouverture dans ses galeries, un espoir de sortie avant de chasser cette idée de la tête. Ça devait être une cuvette ou une de ces villes perdues qu'il connaissait bien. L'impact l'avait un peu déboussolé et ses yeux n'avaient pas vu la lumière depuis trop longtemps, c'était tout.

Et pourtant...

Il dressa les oreilles, alerte. Son œil mécanique commençait à se régler à voir les formes, floue derrière un voile sombre. Il avait entendu une voix. Une vrai ? Une fausse ? Il n'en savait rien, il ne savait jamais mais il essayait toujours de répondre, espérant avoir un retour avant se constater que ce n'était qu’illusoire en se retrouvant face au silence. Il fit un pas dans la direction où il pensait être l'origine de la voix avant de laisser s'échapper un grondement face à douleur alors que ses pattes lâchèrent à cause du corps trop lourd à porter pour le moment, le métal résonnant sur le sol sans qu'un seul écho ne revienne aux oreilles du mâle, ce qui ne manqua pas de l'interpeller. Il releva le museau, sans se relever lui cependant, cherchant une odeur, un son.

« Qui êtes-vous ? »

Quelque chose de réel ? Ou « ...juste un rêve ? »  
Il ne remarqua pas qu'une fois encore, ses pensées dépassaient la voix intérieur.