Le goût de sa piqûre [Ft Harlow]

Tapie sur le sol tiède, ses muscles tendus, vibrant au moindre bruissement dans les herbes. Son chapeau et ses yeux dépassant juste dans cette végétation. Ses sens en alertes, Harlow humait les fragrances portées par les vents dominant. C’était agréable de ressentir un peu de chaleur mais ce qui l’était encore plus, c’était ce doux fumet de viande. La piste n’était plus très fraîche mais l’épée savait bien que les cochonnets serait dans le coin. Un repas de roi les attendrait mais Saqqarah, allongé non loin de la louve, semblait plus prompt à chasser le papillon. Elle voulait voir si il serait à même de se débrouiller dans la nature mais force est de constater que non. La louve au pelage brun le regarda un temps jouer, mais en attendant, le bouffe se faisait la malle. Quand le petit loup gris vint à se vautrer en pignant, elle lui suggéra de rentrer se mettre à l’abri, lui promettant par la même qu’elle lui rapporterait le meilleur repas qu’il ait jamais eu.

Quand elle fut certaine de le voir, depuis son rocher, suffisamment loin dans les terres Etelkrus attenantes, la louve se remit à chercher les traces du petit troupeau. Il y en avait 5 ou 6 tout au plus, de quoi s’amuser, cependant, il lui fallait veiller à laisser les plus âgés et les plus jeunes. Afin d’assurer le renouvellement de la population bien sûr.

Le temps de remonter la piste, cela lui parut interminable, mais son Graal n’était plus qu’à quelques foulées. Des pécaris à collier, 5 belles petites boules dodues, un vrai régal pour les yeux mais aussi le ventre. Son corps glissait silencieusement à travers la végétation, coulant tranquillement sur le groupe qui semblait fouiner le sol. Pourquoi ? Low ne le savait pas mais sûrement pour trouver de la nourriture, du moins elle le pensait. Quand elle fut à bonne distance, son arrière train se mit à frétiller. D’un bond sauvage, la course effrénée commença. Ces petits monstres se déplaçaient de façon erratique, si bien que notre chasseuse eut un mal fou à savoir lequel choisir. La nature fit le choix à sa place, le plus dodu mais aussi le plus lent lui sembla battre de l’aile. Et quand ses crocs rejoignirent la chair, le cochon hurla comme si la louve l’égorgeait. Bon c’était bien le cas mais le premier coup fut simplement porté pour stopper la course. Le deuxième, plus précis, visait à achever et faire taire ce monstre qui lui vrillait les tympans.

Les soubresauts de l’animal tendait vers une atténuation graduée, puis plus rien. Sa mâchoire se desserra laissant le liquide amère goûter de ses crocs luisants. La nature se tut alors tout autour  et le calme revint. Harlow haletait, son corps frémissant encore. L’agitation de ses muscles endoloris peinait à se calmer. Ses paupières closes, la respiration saccadées, c’était quelque chose de jouissif. Pourtant, elle ne pouvait s’arrêter là. Hors des terres de la meute, n’importe quel solitaire pourrait chercher querelle. Et une odeur lui parvint par dessus celle du sang.

« Qui va là ?! »

Hurla-t-elle, peinant à reconnaître les senteurs. Sa gueule maculée de sang et le pelage poussiéreux, si le rouge d’Aka ne l’habitait pas, on aurait pu se méprendre sur son origine.

Sa fourrure gonflée, elle s’attendait à une attaque. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle put voir un loup de sa meute. A cette vision, Low laissa ses babines retomber cachant ses crocs empourprés. Puis elle ne daigna pas s’intéresser davantage à son congénère. Sa tâche semblait d’une importance bien supérieure à faire la causette et traîner un cochon mort ça prendrait beaucoup de temps.

« Si t’as rien de mieux à faire, je ne serai pas contre un coup de patte. »

La carcasse était bien trop lourde à transporter mais découper l’animal lui sembla être une solution adéquate. Et puis à deux, ils pourraient porter bien plus que si elle avait été seule. Alors elle fit signe de la patte au jeune canidé de s’approcher. Il pourrait même avoir une idée pour améliorer le transport. Les restes seront pour les charognards.

« Allez faut pas qu’on mollisse, si les solitaires nous trouvent ainsi on risque de devoir en venir aux mains. Et je dois t’avouer qu’un combat n’est pas ce qu’on pourrait appeler une bonne chose. »

Jugeant des pièces de l’animal, la louve commença à séparer les morceaux. De ses griffes, elle attaqua le cuir du ventre pour vider l’animal. Un petit mâle dodu, l’odeur abominable de ses intestins empuantissait l’espace de travail malgré la douce brise qui balayait la pleine. La brune passa sa patte sur sa truffe, ravalant un haut-le-cœur, et de l’autre, elle balança les tubes digestifs plus loin. Une chance qu’ils ne fussent pas percés. Ensuite, s’empressant de diviser les membres, elle jeta un regard au loup. Enfin au lycaon, fallait croire à la vue de son pelage. Il semblait bien frêle et fragile celui là encore. Il n’y avait pas tant de mâles dans la meute quand on y songeait, Low se demandait bien pourquoi.

« Tiens, tu vas me tenir le corps pendant que je tire les gigots ! »

Sans trop attendre, la louve posa une patte rouge sur le flan flasque et commença à ronger le cuir puis la chair. Les cuisses ne se détacheraient pas aussi facilement que le reste après tout et elle en profitait pour avaler les quelques morceaux que ses crocs déchiraient en passant.

Il s’exécuta sans mot dire, quelqu’un de calme et gentil fallait croire. Si les mâles de la meute lui ressemblaient, la meute serait une allégorie des valkyrie songea-t-elle intérieurement. Mais des loups comme Kalashnikov ou Nachos fut un temps, le pauvre avait pas eu le choix de sa tranformation, existaient encore. Ses pensées se turent quand le craquement signala à la louve que le membre fut décroché. Puis elle entama le second qui vint presque naturellement en comparaison.

« On devra se contenter des ces deux morceaux, le reste aux charognards faut croire. »

Au dessus d’eux, déjà vautours et corbeaux décrivaient des cercles. Même s’ils n’avaient pas l’avantage sur terre, les becs et leurs serres pouvait tout de même blesser profondément les corps. Et si loin de chez eux, même à deux, ils pouvaient bien ne jamais en revenir. Choppant entre ses crocs l’un des cuissots, la louve fit signe à son congénère de chopper le deuxième bout. Puis elle s’avança en direction de leurs terres. Quand ils eurent prit une bonne distance, Low s’arrêta sous un arbre, profitant d’un peu d’ombre pour reprendre son souffle. S’asseyant dans la poussière, elle invita le mâle à faire de même puis elle lâcha sa pitance à ses propres pattes.

« Manges un bout, de toute façon, une fois rentré les autres se jetteront dessus aussi ! »

Un petit rire ponctua sa phrase. Puis elle se mit à se toiletter sa fourrure empourprée. Observant un magnifique arc-en-ciel au loin, elle reprit :

« Merci du coup de patte, moi c’est Harlow comme j’ai pas souvenir d’avoir été présentée ! »

Elle fit un sourire assez prononcé et cordial au mâle tacheté. Même si ce n’était qu’un discours banal pour remettre la normalité à cette rencontre. Pour sûr, ce ne fut pas banale et la louve déchira un bout de peau qu’elle mastiqua, abandonnant son nettoyage.

« Que fais tu si loin de nos terres ? Je doute que tu sois une épée ou un bouclier, sinon je t’aurai au moins croisé ! »

Dame Harlow, elle se retint de rire, ce genre de mondanité ce n’était pas pour elle. Cela devait aller à Pepper ou Anette, mais elle, elle était à demi solitaire, pas chevalier ou un quelconque rôle à la con qu’ils s’inventaient tous. Comme Athelstan qui se prenait pour une chevalier blanc, cela la faisait toujours ricaner de voir ses grands airs. Alys faisait moins de chichis en comparaison. Une vague de nostalgie lui monta à la tête. D’un coup de croc assuré, elle prit un morceau de viande pour balayer le passé.

« Être maigre n’empêche pas d’avoir ses qualités ! »

Répondit-elle en mâchouillant le muscle ruisselant de sang. Pour la louve, la force ne suffisait pas, ce n’était pas tout alors elle ne comprenait pas ce genre d’auto dénigrement. Mais elle continua son repas, contemplant l’arc-en-ciel. Le panseur continua, présentant sa vie. Sans lui accorder un regard, la louve continuait néanmoins d’écouter.

« Ce doit être pour ça que je ne t’ai jamais réellement croisé alors. J’essaye d’éviter les panseurs, ça me rappelle de vieux souvenirs d’une personne qui, aujourd’hui, est partie sans regarder en arrière... »

Sa voix se perdit dans un silence pesant. La blessure ne se refermait pas. Secouant son museau ensanglanté, Harlow ne s’attarda pas et relança aussi sec la discussion :

« Chercher des plantes seul, c’est dangereux Tawana. Encore plus chez les solitaires ! »

Un regard sévère dévisagea le lycaon. Elle ne savait que trop bien ce dont les solitaires et les raeders pouvaient faire à des innocents. Et s’il n’y avait que ça, mais les bestioles étaient aussi violentes. La louve ne resta pas longtemps fixé sur le mâle tâché. Une autre bouchée et elle continua :

« Les panseurs sont très importants pour la meute, aller n’importe où, seul c’est risquer la vie des autres ! »

La douleur des disparitions était clairement une sacré salope. Sur un ton plus léger, la louve acheva :

« Au fait ne m’appelle pas Dame Harlow, je suis pas une lady ou quelque connerie du genre chevalier comme certains qui ont le melon ! Juste Harlow suffira ! »