Yersine - Anette

Et hop, l'oeuf violet avait retrouvé sa maison grâce à leurs superbe technique de roulage. Roulage était-il le bon mot ? Sans doutes pas. Roulement aurait correspondu peut-être un peu mieux, vu comment ils alternaient entre eux pour les tâches et les répartissaient.

Mais en parlant de roulement, quand elle tourna la tête, une odeur vint à son petit nez qui s'agita, un petit soubresaut adorable qu'on ne lui aurait pas attribué dans son corps fastueux de louve. Même si elle restait un lapin géant des flandres. Elle reconnaissait ça, car ils l'avaient déjà senti un peu plus tôt auparavant. C'était un moment prometteur qui s'annonçait, et elle dû manifester le dégoût nouvellement retrouvé à l'oral.

"Oh, ce doux fumet délicat, qui me raconte des histoires de cadavres faisandés et de fosses à purin. Joie."

Elle ne se connaissait pas toujours très sarcastique, mais il fallait dire que sa phrase et son ton, là, en suintait tellement que ça aurait rivalisé avec les carcasses qu'elle s'imaginait. Elle se détourna pour galoper et aller chercher leur doux, doux petit bâton qui décidément allait si bien servir ; pourquoi changer une façon de faire qui avait déjà porté ses fruits après tout ? Enfin, plutôt poussé un œuf en l’occurrence mais on la comprendrait. Elle le ramena avec entrain au début, bondissant pour se retrouver vers Yersine mais se rappela en cours de route qu'elle lui avait demandé de pousser l'autre bousin électrifié. Elle avait prétexté un chacun son tour... C'était donc qu'elle devait s'y coller, non ? Pour respecter sa propre logoque, sinon elle pourrait tout aussi bien se traiter d'hypocrite.
Ça lui donnait déjà envie de chialer, vraiment.
De tristesse, de lassitude mais aussi parce que l'odeur lui piquait quand même un peu les yeux.

Avant de trop traîner près de l’œuf, Anette releva le nez en v et inspira une énorme rasade d'air, pour gonfler ses poumons au maximum. Puis elle bloqua sa gorge pour que plus rien ne ressorte. Vannes fermée et sécurisé, elle prit un air résolu et tourna la tête pour que la fourche entoure ce petit père pas encore né. Et elle poussa, actionnant ses muscles. Elle avait beau y aller relativement à contre-cœur, elle ne se ménagea pas pour autant : plus vite ce serait fait, moins longtemps ils auraient à supporter le parfum que dégageait la chose. Mais c'était une purée de torture, plus elle l'agitait plus elle lui faisait dégager ses molécules, et empestait tout autour d'elle. Quelle infection ! Elle avait l'impression que même les trous des sinus de ses yeux essayaient de se boucher pour ne pas subir tout ça.

Quand elle n'en pu plus, elle lâcha le bâton et expira bruyamment.

"Il sent pire que l'autre, je te laisse finir haaaaa-"

Elle s'éloigna en plusieurs bonds pour aller chercher de l'air plus frais. Oh bon dieu, elle avait un sacré mental normalement mais avoir deux fois la même chose c'était un peu trop pour son cœur.
Elle toussa en crachotant plus loin. Au moins elle était parvenue à mi-chemin.

[536 mots]

A peine les œufs disparut que la femelle détourna son attention plus loin. Une odeur terrible commençait à monter, et lui même sentait son plumage frémir et sa crête tourner au violacé par la putréfaction environnante. C'était d'ailleurs étrange. Loup, ça l’aurait presque attiré, comme le sang attire les prédateurs et fait fuir les proies. Mais désormais, et ce, malgré que son odorat soit bien moins aiguisé qu'à son espèce originelle, il en était presque à tourner de l’œil.

C'était tout de même incroyable, qu'un truc aussi pourri sur la coquille puisse donner un enfant sain. Enfin, sain pour son espèce en tout cas ; car si certains œufs étaient délicatement décorés ou d'une splendeur sans fin, d'autres étaient de toute évidence un reflux de la fange dans laquelle certains être aimait s'y gausser. Mais qui était il pour juger. Sans trop attendre, et parce que l'abomination olfactive gagnait en intensité, il suivit la femelle pour faire choir l’œuf gluant, suintant presque l'immonde ichor. Le précieux bâton, qui était devenu leur arme principale, fit une bonne dose du travail, les éloignant assez pour leur éviter de vomir le peu d'herbes avalées. Enfin, si lapin et poule pouvaient vomir.

Et il ne tarderai pas à le savoir. Anette s'esclaffa, s'étouffa, fuyant finalement la scène au grand damne du mâle, penaud. Avalant sa bouffée d'air frais, il s'avança, saisissant le bâton abandonné pour continuer la rude tâche. Bon sang. Il avait combattu des tas de choses, crocodiles, monstres aux semblants de loups, cannibale effarouchée, pirates mi loup mi poisson et même des araignées géantes. Mais ça. Ça, c'était pire. Car il ne pouvait absolument rien y faire.

Ni taper, ni tuer, ni fuir, ni esquiver. Juste continuer sagement sa tâche en poussant de sa branche le plus ou moins précieux enfant, délaissant derrière lui une large trace de bouillasse infâme telle une limace avariée. De ses petites pattes d'oiseau, il chercha à ne pas marcher dessus, au risque de glisser, ou peut-être d'être infectée de cette même odeur putride.

Mais lui aussi commençait à faiblir. La respiration était difficile, comme si son propre nez, ou bec, refusait de respirer, préferant mourir que d'emplir ses petits poumons fragiles de cet air vicié. Il hâta alors la cadence, se sentant fragile, vaseux, proche d'un coma profond dont rien ne pourrait l'en sortir si ce n'est le délicat parfum de la rose sous le chant d'un rossignol.

Et d'un dernier accoue, il poussa l'oeuf vers l'entrée, ou la sortie pour eux. L'odeur disparue avec lui, ne laissant que de piètres traces gluantes de son passage et quelques nausées.

- Ok... Franchement... J'espère que la récompense sera à la hauteur, parce que le sourire d'un parent retrouvant un tel.... enfant... ça suffira pas...

Il eut un hoquet, et tira au cœur, en vain. Les poules ne pouvaient peut être pas vomir après tout.

Ils étaient enfin épargnés ! L’œuf pestilentiel avait été rapporté, ramené à bon port et enfin libéré de cet espace temps ; eux aussi pour le coup. Dès son départ, l'odeur diminua fortement. Elle restait un peu car il y avait cet étrange bave croisé suppuration à vomir sur le sol mais bon. Elle l'approuva d'une voix forte, terminant de reprendre sa respiration.

"Tous les sourires du monde, du petit qui en sortirait ou même de mes enfants ne valent pas ça. J'irais leur décrocher la lune, crois-moi, mais même pour eux je ne voudrais pas d'un troisième œuf comme ça. Et c'est pourtant dire, ils passeraient devant Aka lui-même à mes yeux tant je les aime et les protège."

Elle en serait presque partie dans un total monologue, dites-donc. C'était l'effet de parler de ses enfants sans doutes. Elle aurait pu longuement, très longuement parler de ses quatre merveilles, une grandiose chose qui était arrivée dans sa vie. Elle aimait Sheina avec une simplicité évidente qui coulait claire comme l'eau d'une ruisseau montagneux, né de la roche des plus anciennes formations. Elle avait un lien indéfectible pour Pepper forgé dans l'expérience commune et l'âme. Eux... Eux étaient l'avenir, les étoiles qui complétaient le ciel, l'air qu'elle respirait, une littérale partie d'elle mais aussi figurative ! Elle ne voyait plus son quotidien ou le futur sans eux ou sans les voir évoluer et s'épanouir. C'était viscérale, puissant ! C'était en partie pour ça qu'elle avait envie d'aider ces parents séparés de leurs enfants mais... Cette puanteur, aïe aïe aïe.
Elle aurait lavé une douzaine de fois ses enfants s'ils étaient revenus avec une telle odeur sur eux. Ce qui arriverait sans doutes un jour elle s'y attendait ; les bêtises étaient un passage obligatoire. Surtout avec un grand-père comme le leur qui avait passé sa jeunesse à parcourir monts et vallées pour répandre la zizanie avec tout le reste de sa famille. Elle était bien contente de ne pas avoir eu une enfance comme celle-ci, et de ne pas donner une telle éducation à ses petits joyau. Mais elle était certaine qu'il leur apprendrait une ou deux merdes au moins, si ce n'était déjà le mot "merde". Floyd devait déjà le connaître ceci dit. Son petit feu de bois, de joie, débordant d'électricité. Anita et Alexandrine devaient avoir appris de leur frère, et devaient déjà répéter à tue-tête d'ailleurs tout cela. Le seul à qui elle donnait le bénéfice de l'innocence était Narcisse car il prenait un peu plus de son autre mère mais bon.
Ses enfants lui manquaient déjà !

Elle repéra en dressant la tête pour réfléchir et reprendre encore quelques gorgées d'oxygène, quelque chose. C'était là-bas, tout là-haut. Entre quelques branches d'un arbre, à trôner comme roi en son domaine. Peut-être était-ce lui qui les observait depuis sa place privilégiée plutôt qu'eux maintenant.

"Ah, un autre. Ma foi, bien motivés ces voleurs pour avoir des prises odorantes ou les avoir calés si loin." Elle observa un peu mieux. "Ça a l'air bien fin, et bien instable."

Anette s'approcha de l'arbre. Elle n'avait pas réussit à monter ou sauter assez haut pour le buisson, elle doutait réussir avec ce fichu arbre. Surtout que la position avait l'air bien plus précaire que ce qu'elle avait déclaré, maintenant qu'elle était encore plus proche du tronc. Quelle plaie, elle était large, elle. Elle tourna un peu autour et aperçu une souche, elle sauta dessus. Elle pourrait une nouvelle fois servir de marche-pied, avec un bond bien placé, pour envoyer le poulet le plus haut possible.

"Bon, je te catapulte ?"

[643 mots]

Elle lui fit un discours sur la maternité. Donc, elle avait eut des enfants. C'était un concept un peu étranger pour lui : non seulement il n'en avait pas, mais en plus, il pensait que les meutes voulaient des alphas parents pour une portées princières. Les choses avaient bien changé, et il trouva soudainement son esprit bien étroit. Il cligna un peu bêtement des yeux, réfléchissant un bref instant quant aux derniers propos. Elle ferait passer sa propre portée au devant de sa fidélité à un dieu. C'était un fait, un dire, un peu outrancier. Mais probablement ne pouvait-il pas comparer. Il n'avait pas de famille. Quelques amis, sans plus. Et un disciple, ma foi, fort peu empathique. Lestat qui, au passage, avait été poignardé par ses propres pattes.

Tout ça pour une divinité monstrueuse. Tout ça parce qu'un casque appartenant à Yurai, ou plutôt, à l'ancienne Yurai, lui avait chuchoté l'idée. Tout ça parce qu'il était trop curieux d'obtenir le savoir interdit de ce foutu livre. Tout ça pour rencontrer une énième folie céleste.

Tout ça pour quelques étincelles de magie et une prière.

Oui. Yersine faisait, de toute évidence, passait les siens après les dieux. Une sorte de cataplasme lui couvrant les yeux quant à ses actions, ignorant les avertissements pour se concentrer aux Tout Puissants. Pas un seul, comme les meutes faisaient. Mais tous. Le glowstick jaune qui, sur sa forme originelle, se baladait dans le crâne de son écharpe n'était que temporaire à ses yeux. Un simple outil divin, un coup de patte céleste, pour sa quête. S'il pouvait, il aurait cherché à passer toutes les épreuves, pour s'illustrer aux yeux de ceux qui comptaient le plus pour lui. Mais aussi pour renforcer sa propre estime de soi. Après tout, comment pouvait il les aider s'il était incapable de réaliser une de leur tâche ? Comment guider les perdus, si lui même naviguait en eaux troubles.

Il secoua sa tête, faisant danser sa crête.

Confus dans sa réflexion, il ne l'avait pas vu dénicher un énième œuf. Elle proposa alors de le catapulter, tandis qu'il estimait la hauteur nécessaire pour atteindre la branche, peu solide, où il trônait. Il s'installa alors sur ses pattes arrières, femelle sur le dos, et fut lancé telle une balla de tennis. Il fendit les airs jusqu'à la branche, qu'il dépassa aisément non sans attraper son précieux butin de ses ailes. Puis, tombant comme une quille, il le lança dans les pattes de sa comparse, sachant pertinemment qu'elle le rattraperait avec douceur, avant d'ouvrir ses éventails de plumes et d’atterrir tout en délicatesse.

- Remercions les pour les placer dans des endroits moins dangereux. Au cœur d'un volcan ou dans des sables mouvants auraient été plus ardu...

Il espérait cependant que ces deux localisations n'étaient pas écoutées, et ne donneraient pas quelques idées pour d'éventuelles cachettes mortelles. Il s'étira alors, pas peu fier de la récolte faite sans risques, ou presque, puis, continua le chemin déjà parcourut lors de la poursuite du lièvre, désormais bien bas dans le monde. Plus tôt ils finiraient, plus tôt il mettrait en pratique les quelques conseils donnés, ou plutôt, insufflés, par l'alpha mère.

Il n'avait pas tout à fait tord, ce petit coq... Les options qu'il présentaient lui semblaient réellement plus dangereuses. Finir le cul roussit dans la lave ne paraissait pas particulièrement fun de prime à bord, comme ça là, oui. Enseveli vivante au fond de la terre non plus... Elle préférait finalement peut-être bien l’œuf qui sentait la vieille carcasse morte depuis des semaines. Avec une belle grimace elle approuva ses propos.

"Certes. Mais de l'autre s'il avait s'agit d'aller tous les retrouver au même endroit aux griffes d'ennemis, j'aurais pu élaborer un plan de génie pour les distraire et les en éloigner. Donc d'un autre côté, pas merci pour le fait qu'ils soient éparpillés absolument partout."

Mais disséminés ou pas, elle avait beau dire tout ça, elle savait qu'elle continuerait quand même d'aller les chercher. Elle passa vite à autre chose quand elle pensa voir un autre oiseau plus loin : elle couvait. Cependant, si elle avait un sentiment étrange émanant de Yersine qu'il était un loup aussi... Pas avec elle. Elle en informa tout de suite son acolyte du coup, pour qu'ils continuent d'être un binôme efficace et productif.

"Oh, ça, c'est une vraie poule." Elle s'affaissa sur le sol.
"Voilà une que je vais pouvoir distraire pendant qu'on récupère l'oeuf."

Ça lui faisait presque plaisir, de pouvoir ainsi enchaîner sur sa pensée première grâce à cette découverte. Peu souvent pouvait-on ainsi avoir un beau moment pour faire illustration de ses propos ; et comme elle l'avait demandé à Pepper avant, lorsque problème il y avait eu... Elle pourrait montrer. Le prouver ! Quel plaisir.
Elle se mit à ramper, sans grâce aucune certes, mais avec efficacité, vers un coin bourré d'herbe hautes : elle étaient un lieu de cachette parfait, privilégiées ! C'était vraiment idéal pour son plan. Puis elle était grande, alors il lui fallait bien ça pour pouvoir créer cet effet là où de l'herbe basique aurait peut-être suffit à un lapin de garenne. Elle tenta de ne pas trop les déranger au début, car elle voulait détourner l'attention de la poule un peu plus tard.  Elle se permit donc un détour dans ces grand fourrés pour que le mouvement ne soit pas repéré immédiatement. Mais une fois qu'elle fut dans le champs de vision, elle se mit à agiter les herbes, et avança en zig-zag.
Puis se stoppa.
Pendant quelques secondes elle patienta.
Se remit ensuite à avancer.
Elle joua ainsi par à-coups, progressant dans les herbe d'une façon erratique mais surtout tout à fait typique d'un... prédateur. Oui. Elle empruntait à leur comportement normal de traque, ou à celui d'un chat qui venait épier. Mais elle ne s'approcha pas trop ! Elle voulait attirer l'attention de la poule par ici : pas pour autant la faire venir trop près, sinon elle serait dans la merde. Mais si elle parvenait à faire croire à un renard et l'effrayer pour qu'elle se barre, alors ce serait tout bon. Mais si elle déclenchait les foudres de la poule et qu'elle rappliquait, alors pas trop près, et elle pourrait s'évanouir dans le reste des hautes herbes. Y croiser un pokemon même qui savait.

En attendant, comme ça, le coq n'aurait plus qu'à s'approcher et chiper le bien.

[565 mots]

10 OEUFS ATTRAPES
Ils sont désormais protégés

Oui. Yersine le sentait aussi. C'était comme une sensation de déjà-vu, un instinct qui lui chuchotait qui était qui dans ce monde étrange et idyllique. Comme une odeur lointaine, un souvenir caché sous les cendres de la mémoire. Cette poule-ci, couvant, n'était pas un loup. Dit comme ça, hors contexte, le mâle aurait rigolé. Bien sûr que les poules ne sont pas des loups. Pourtant, lui, coq noir aux aspects métalliques, en avait été un. Il se souvenait encore de ses pattes avant supportant son poids, de son pelage, de sa queue frétillant sous les regards des amis. De ses crocs qu'il léchait après chaque mets. De l'odeur du sang, si attirante, et désormais si putride.

Et Anette n'avait pas oublié non plus. Elle se mit en position de traque, oreilles basses, à plat ventre, rampant en faisant de régulières haltes. Il la contempla un peu, non sans un sourire : un lièvre qui agit comme un prédateur, voila qui prêtait à rire. Mais cela restait une bonne stratégie. Pour peu que la poule ne soit pas trop courageuse ou aimant de ses œufs.

Car elle tourna la tête, inquiète, vers ce remue-ménage d'herbes en folie. Elle se leva, laissant découvrir au jeune coq, caché derrière les buissons désormais vides, un précieux œuf. Beaucoup plus gros que les siens. Mais après tout, une poule ne couve t'elle pas n'importe quoi, poussée par un instinct plus que puissant ? A n'en pas douter, elles seraient de terribles carnassière s'il n'était pas si... omnivore. Et si appétissante.

Elle se gonfla. Son plumage triplant presque de volume. Ses ailes écartées sur ses flancs, comme si elle se tenait les hanches, lui donna l'allure d'une gigantesque dinde. Et elle émit un bruit menaçant, qui, à n'en pas douter, ressemblait à un grognement version aviaire. Une alerte. Elle était prête à défendre ses petits. Et dieu qu'elle en avait les moyens. Elle s'élança dans les herbes quand Anette fut assez proche, cherchant à lui asséner quelques coups de becs et de serres, véritables poignards sur la chair de la lapine.

Si elle avait touché, Yersine n'en savait rien ; trop loin, trop occupé à s'approcher à son tour. D'un mouvement rapide, il fut au niveau du nid, une sorte de boule de paille enchevêtrée dans un trou. De là, il put voir les fesses de la pseudo-dinde, siffler, souffler sur le prétendu prédateur. Juste assez proche pour garder un oeil sur la situation, et assez loin pour ne pas être entendu. Surtout avec le boucan qu'elle faisait.

Probablement allait elle bientôt alerter ses comparses.

Alors, il attrapa l’œuf de ses ailes, tel un dessin animé bas budget, courant au plus vite dans un dérapage qui souleva assez de poussière pour avertir Anette de sa réussite. Ou de son échec, c'était encore à voir. De sa fuite, il n'entendit pas une poursuite, probablement la mère encore aux prises avec le prétendu renard, ou bien remise sur son nid, trop anxieuse d'abandonner ses petits pour un œuf qui n'était pas sien.

Quand il s'arrêta enfin, au près de l'endroit où ils avaient été réveillés dans ces corps, il contempla l'horizon, cherchant la venue de la lapine. Cela avait été une bonne stratégie. Peut être Dairo avait-elle encore sa place dans cette meute pas si dégénérée et brutasse que ça ?

Ce bruit de poule en colère, elle ne l'avait jamais entendu de toute sa vie ; après elle n'en était qu'à un tout petit peu plus du tiers de celle-ci. Mais tout de même, ce raffut infâme lui vrilla les oreilles, trop grandes et très sensibles par conséquent. Elle eu l'impression qu'on agitait ses tympans avec un marteau piqueur ! Elle paniqua peut-être un tout petit peu, mais ce ne serait pas quelque chose qu'elle redirait à voix haute. Non, l'Alpha connue pour être tout le temps déterminée et sans peur, qui savait quand être forte et quand être douce, n'assumerait pas vraiment ce petit éclat de peur pathétique. Dame gonflée ramena sa dodue silhouette encore augmenté par ses plumes hérissées, et tapa au petit bonheur la chance dans les herbes.

Elle, avait été bien contente d'anticiper le courroux de la gallinacée, et détala aussi vite qu'elle pouvait avec son agilité étrange. Elle rata un ou deux pas de course le long de sa fuite, perdant ces coups de pattes dans le vide. Mais à force d'acharnement pour s'échapper, elle parvint à se propulser comme une fusée, arrivant droit vers le noiraud qui avait récupéré l’œuf et couru comme un dératé aussi.
Anette n'osa tourner la tête qu'une fois très éloignée selon elle du nid incriminé par leurs activités. Elle vérifia par deux fois que la poule avait cesser de poursuivre, avant de soupirer de soulagement.

"Ok... Ok. Plan A ok, mais plan B de galoper pour la fuir si elle se ramenait franchement passable."

Elle n'était pas faite pour la course de rapidité, elle son expertise se situait plutôt dans la levée de fonte ou entrainement de fond. Elle se secoua, pour chasser les restes d'herbe qu'elle avait accumulé avec ses âneries, lapineries, peu importait, et la poussière. La sensation l'amusa un instant et elle recommença pour le plaisir. Mais la terre -ou ce monde étrange ?- se mettrait à tourner si elle s'y adonnait de trop alors elle ne réitéra pas une troisième fois. Purée, quelle merde on raconte pas pour gratter des mots quand même.
En se secouant, cependant, elle entendit un bruit.

Elle se retourna et trouva un autre œuf, tout couvert de motifs étrange. Il était un peu plus bariolé que les autres. Anette, intriguée de son état, se pencha au-dessus et l'agita un peu, et elle réentendit ce petit son harmonieux s'en dégager. Un petit rire s'échappa d'elle. Une petit coquille qui jouait des notes ! Était-ce le bébé à l'intérieur qui chantait déjà ou bien était-ce un système de défense pour signaler quand on s'en prenait à lui ? Les voix avait peut-être su comme ça, qu'on leur avait dérobé des œufs. Des petites mélodies pour prévenir d'un danger. Astucieux. Elle garda un air amusé, avant qu'elle ne tilt. Elle se ratatina sur le sol d'un coup, a côté de l’œuf musical. Et chuchota tout bas.

"Mince la poule, si elle nous entends..."

Elle n'avait pas vraiment envie de prendre le risque pour le coup.

[535 mots]

Bombant le torse, s'arquant pour mieux dominer les environs, il la chercha. Ou était-elle donc passé ? Le temps passa lentement, quand il décida de revenir sur ses pas, espérant ne pas avoir laissé Anette aux griffes de la poule. Que pouvait-il arriver ici quand on était blessé ? Ou quand on mourrait ? Se réveillait-on avec des griffures sur le visage et le corps ? Ou bien, aussi simple que fut l'effroi de cette pensée, ne se réveillait-on pas ?

Et puis, un bruit, presque harmonieux, le sorti de ses pensées. Une sorte de notes de musiques anarchiques, comme un bambin tapant sur un instrument et se riant du vacarme fait. Il s'avança, prêt à fuir s'il se retrouvait devant un monstre accordéon aux dents de piano. Après tout, rêve ou pas, il n'était pas fait pour supporter bruit ET baffes. L'un comme l'autre était déjà insupportable seul. Alors ensemble.

Mais ce ne fut pas un démon aux cornes trompettes et à la langue sifflet qui l’accueillit. Mais une lapine exténuée, transportant tant bien que mal un énième œuf, tout rayé, qui tintait comme un xylophone à chaque secousse.

- Mais kestu fait ???

C'était un cri tue dans sa gorge, le genre qu'on utilise pour imiter une conversation de colère. Le timbre voilé, pour ne pas exploser les tympans, mais l'intonation de la colère.

- Elle, ou même des autres, vont venir voir ! Putain, arrête, faut étouffer le bruit !

Et c'est donc un poulet paniqué, agitant ses petites ailes, perdant ses plumes, qui parti à la recherche de feuilles, d'herbes, qu'importe, pour enrober l’œuf bruyant. Un véritable papier cadeau qui permettrait, entre autre, de ne pas se faire remarquer. Cela permettrait aussi, le temps de trouver, que la lapine puisse souffler. Visiblement, la rencontre avec une mère avait été plus délicate que prévue.

Quoiqu'il en soit, il parvint au fameux buisson, qui leur avait déjà fourni la moitié de leur réserve d’œufs et de branches. Et qui allait donc désormais être leur partenaire officiel en feuilles. Il y cassa plusieurs branches bien fournies, puis, une à une, sous son peu de force, les transporta jusqu'à Anette, qui attendait non loin en surveillant les environs. Puis, se fut au tour des herbes hautes, véritables cordelettes de fortune.

Il posa l’œuf dans un petit son de clochette sur une des branches, puis, forma une sorte de prison avec les autres branches feuillues -rip le buisson-. Quand l’œuf fut maintenu et le bruit un peu moins perceptible, il l'enroba des brins d'herbes, eux même noués entre eux, de façon à maintenir le tout solidement attaché. Il ne fallait pas que ce cocon anti-bruit premier choix ne se brise et ne déverse son flot musical sur le monde.

Quand ce fut chose faite, il poussa le précieux butin avec Anette, le laissant glisser sur le sol à défaut de rouler, coque de branches oblige, jusqu'à leur lieu d'arrivée. Et, il espérait, de départ bientôt. Bien que le tintement fut perceptible, il l'était bien moins qu'au début, et Yersine n'en fut que plus soulagé. Alerter d'autres membres de ce monde n'était pas une bonne idée, vraiment. Et pire encore ; attirer l'attention d'autres duo comiques de pâques non plus. Après tout, il était certain de ne pas être seuls. Qui sait si l'ont ne pouvait pas se voler entre loups.

Dents pour dents, œil pour œil.
Et avec tout le mal qu'ils se donnaient pour récupérer leurs œufs, leur future récompense, le mâle n'était pas prêt à se laisser faire. Il en viendrait au bec et aux serres au besoin. Et ce, même si, très clairement, il se chiait dessus à cette idée.

Un combat de poulets et de lapins.
Que de violence.

"J'avais presque oublié la poule chut je sais-"

Anette avait clamé l'indulgence de son comparse ainsi, pendant qu'ils avaient fait glisser l'oeuf avec tout le bordel que l'oiseau avait mis autour. Elle eu envie de soupirer de soulagement quand il disparut à son tour dans la faille. Elle s'étala sur le sol, non pas comme un lapin relaxé, mais comme un louve qui oubliait qu'elle était un lagomorphe et n'agissait donc pas réellement comme eux.
Elle reprit son souffle et son assurance doucement, à chaque inspiration et expiration.

"J'espère qu'on aura un œuf un peu plus facile quand même, pour le suivant."

Elle chuchotait encore, parce que.