Je suis de retouuuuur l Moiro & libre

Ca lui avait pris un peu plus de temps que prévu, à Asclepia, de réfléchir à tout ça. Tout ce que la déesse lui avait dit, et surtout de choisir ce que son coeur lui dictait, la route qu'il souhaitait prendre, et surtout la couleur qu'il souhaitait arborer. Mais il était... Plutôt apaisé, maintenant. Pour ce choix, en tout cas. Il ne savait pas encore combien de temps il allait rester sur ces terres, si cette attache serait suffisante pour le retenir longtemps, mais il avait envie de la forger. C'était dans tous les cas bien plus intéressant que toutes les rencontres qu'il avait fait jusque là.

Alors il s'était appliqué. Il était vraiment allé chercher au plus profond de lui pour tenter de créer la chose la plus belle qu'il ait jamais fait, et surtout... Quelque chose qui ait du sens. Pour lui, tout du moins. Peut-être la déesse trouverait-elle ça futile. A minima, il espérait qu'elle l'accepterait, ce présent. Parce que sinon, il se retrouverait bien comme un con devant la statue avec son bidule dont il ne saurait pas trop quoi faire, personne ne faisant assez battre son coeur pour le mériter à ses yeux.

Mais il ne servait à rien de tergiverser, tout était encore à faire.

Asclepia se rendit à pas de loups dans le temple, pour se glisser en face de la statue de la déesse. Pour aller la voir, il avait choisi la nuit. Et il avait guetté des jours durant, espérant qu'Anianka s'absente pour pouvoir être tranquille. S'il y avait bien une chose dont il ne voulait pas, c'était de la renarde rôdant aux alentours et furetant comme le petit rat qu'elle était. Si Asclepia admirait sa grâce et sa beauté, il ne la voulait pas dans son dos. C'était son moment. De toute façon, il supposait que la prêtresse lui avait donné sa bénédiction la première fois qu'il était venu au temple. Et si la déesse acceptait, c'était bon non ? Il était en bon terme avec la prêtresse, il devait coucher avec pour passer l'épreuve ou bien... ?

L'idée le fit rire, et c'est comme un imbécile qu'il gloussa sur les marches du temple. Si c'était vraiment le cas, il serait bien curieux, même s'il n'espérait pas la déesse désireuse de ce genre de comportement. Mais au moins dans ce cas, il ferait demi-tour le coeur frais.

Il inspira une grande goulée d'air frais, la nuit pénétrant dans ses poumons pour le rafraîchir. La statue de la déesse rayonnait, divine et féline, entourée de ses gardes du corps. Devant, le tigre veillait paisiblement, allongé mais alerte. Asclepia s'avança sans crainte, ou presque. Il tenait délicatement, entre ses crocs, l'attrape-rêve qu'il avait confectionné au Terrier Lumineux. Et ce dernier rayonnait. C'est pour ça, qu'il avait voulu venir de nuit, même s'il espérait aussi voir les éclats de la pleine lune se refléter sur le corps ondoyant de la déesse. C'est dans la nuit que sa création prenait tout son sens.

Il le déposa délicatement face à la statue, face au tigre, avant de s'assoir et parler.

Déesse Moiro.

Mmh oui. C'était bien comme début. Mais la suite ?

Je reviens vous voir aujourd'hui avec un présent qui j'espère piquera votre intérêt. L’art des Attrapes-Rêves provient de terres oubliées à l’est d’ici, mais si les dires sont vrais, l'artefact se doit de filtrer les mauvais rêves qui parfois hantent le sommeil des loups.

Il glissa une griffe dans l’attache tout en haut et suréleva l’objet. Il brillait. Le pourtour était d’un bois serti de gemmes qui luisaient doucement dans la nuit, et les fils tressés qui en ornaient le centre et soutenaient délicatement les plumes roses, luisait lui aussi d’une lueur opalescente, fruit d’une longue imprégnation de liquide coloré. Le motif formé n’était pas un filet, mais les crocs d’une gueule ouverte de tigre.

Puisse votre grandeur non pas filtrer les mauvais rêves, mais les déchiqueter proprement de vos crocs.

C’était beaucoup plus violent. Mais tellement plus juste, aux yeux du loup paon.

Je suis venu briguer votre couleur.

Il fit la moue.

Je ne suis pas le plus sage des loups, loin de là, et mes actions quotidiennes ne m'attirent pas beaucoup de sympathie. Mais j'ai tout de même espoir que, au delà de mes plumes, mon âme puisse vous intéresser.

Et il attendit. Nerveux. Mais confiant, aussi. Si les mains vide et baigné de crasse ignorance, elle l’avait considéré, pourquoi ne ferait-elle pas de même lorsqu’il venait avec un cadeau et ses réflexions muries ?

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RP de confection de l'attrape-rêves :
https://punk-wolf.forums-actifs.com/t22162-un-artefact-de-toute-boote-l-solo-puis-libre

Si jamais, Asclepia a aussi commencé à donner un coup de main en scred sur le nettoyage des terres :
https://punk-wolf.forums-actifs.com/t22145-shoo-shoo-l-p-v-eperviere

Volonté Incolore

Le cadeau était majestueux. À la hauteur de ce que Moiro chérissait. Le solitaire y avait mis l’effort. La Tigresse mit un instant avant d’apparaître, choisissent le moment où il parla de crocs pour se matérialiser près du paon, son souffle céleste venant chatouiller l’oreille bleutée. Un doux sourire étirait ses babines, la déesse se sentait d’humeur joueuse aujourd’hui.

« — Puisses-tu ne jamais connaître ma morsure. »

Elle ne le souhaitait à personne, parce que le tigre avait beau être majestueux, il pouvait tuer. L’attrape-rêve flotta dans les airs, entouré d’une lueur rosée, avant qu’il ne viennent se poser sur l’autel qui lui était dédié, juste au-dessus de la statuette de tigre en saphirs. Un autre cadeau. Parce que la rose les adorait tous ces présents, en prenait grandement soin.

D’ailleurs, peut-être remarqueras-tu que dans sa chevelure était coincé deux plumes, l’une bleutée appartenant à Judas, mais l’autre, plus longue, plus majestueuse, la tienne.

Le sourire de la déesse se fit plus grand, alors que le solitaire lui avouait convoiter sa couleur. La queue de la Tigresse vint passer sous la gueule du loup majoritairement bleuté, son corps frôlant le sien.

« — Tu as raison, ton âme m’intéresse. Tu m’intéresses. »

Alors…

« — Séduis-moi, sans me parler ni me toucher, voilà en quoi constituera ton épreuve. »

Moiro frôla de nouveau le corps d’Asclepia avant de se coucher face à lui, un sourire charmeur aux babines. Qu’il use de son charme, qu’il la séduise comme il aurait séduit un de ses siens.

Il n’avait pas fini de déclamer son panégyrique que le souffle de la déesse lui chatouillait l’oreille, provoquant un frisson le long de son épine dorsale. Les plumes oeillées de sa queue frémirent en un bruissement délicat, concerto pour le petit peuple. Un sourire timide se dessina sur les babines du présomptueux paon lorsque son offrande d’elle même trouva place sur l’édifice dédié à la Déesse Rose. Cette dernière arborait dans sa chevelure montre des passages de divers mortels ; dont le sien. Une plume brillante et sublimée par la proximité du divin qui oscillait et accrochait la lumière en reflets moirés.

Qu’elle était tactile, cette déesse ! L’étaient-ils tous, aimaient-ils à tâter leurs disciples pour en vérifier la présence, la qualité ; ou était-ce idoine à sa couleur ? Sa longue queue ocellée de félin qui frôlait le menton d’Asclepia raviva en lui cette vague qui venait à peine de le quitter. Ses paroles étaient miel et son ton sureau ; toute son attitude de soie tissée. Chacun de ses mots, chacune de ses mimiques étaient choisis avec soin pour mettre en avant le fruit de son élocution.

Lui, le loup-paon, qu’elle brossait allègrement dans le sens du poil pour un résultat sans équivoque. Ses oreilles s’agitaient, suivaient les pérégrinations de la déesse dont il savourait la présence à sa juste valeur.

Au terme de dernières simagrées tactiles elle lui lança son déjà pour s’allonger placidement au centre de son temple. En maîtresse des lieux, dans l’attente de sa venue, dans l’attente de son spectacle.

Une représentation qu’il n’avait pas le droit de manquer et se devait mémorable, à jamais. C’était une part de son âme qu’il offrait là à la déesse et qui rejoindrait ses souvenirs aussi sûrement que l’attrape rêve avait rejoint le tigre de saphir, en une sublimation éternelle. Le souvenir de cette représentation demeurerait bien longtemps après que le corps du paon fut redevenu poussière.

S’il se montrait digne.

Etait-il possible, de charmer un dieu ? Asclepia avait-il une seule et maigre chance de dérober ce coeur gardé de griffes de crocs et de divin, ou l’Epreuve n’était-elle qu’un simulacre qu’Elle proposait face à tout ceux qui se présentaient à elle ? Il craignait la réponse, et l’étouffa en son sein.

C’est un spectacle, qu’elle demandait. Un spectacle de sons et de lumières où sa voix n’aurait cours. Un spectacle, qu’elle aurait.

Plus de dix pas les séparaient, c’était la distance qu’il devait couvrir pour la rejoindre. Ce serait son champ de bataille, son terrain de jeu, et chaque parcelle se devrait de sublimer la vision qu’il offrirait à sa Dame. Il n’a pas la force qui lui permet de faire rouler d’épais muscles sous sa peau, il n’a pas l’endurance qui l’envoie mille fois contre la roche et le redresse. Mais il est les flots qui courent dans le lit de la rivière, il est la bise qui s’engouffre dans un ravin d’un sifflement impérieux.

Un pas

Pattes et serres frôlent et griffent sol, laissent une trace nette et distincte dans la terre tout en jouant leur mélodie gracieuse.

Une marche

Il entame un arc de cercle suivant les frontières du temple, son regard rivé sur la déesse qui en est l’épicentre, prédateur en chasse aux pas souples et aériens. Ses ailes s’étendent à demi, timides jouvencelles qui n’osent exposer leurs parures aux yeux de tous, aident à porter l’aviaire sans toutefois l’honorer du salut des airs.

Une foulée

Le rythme s’accélère peu à peu alors que le chemin qu’il trace sur le sol se complexifie, sa marche s’assouplit et s’allonge. Il bondit, exposant aux yeux divins sa souple constitution, l’ouvrage ciselé des bijoux qu’il porte et qui ne font que souligner la prestance qu’il incarne. Son pelage est une forêt de poils longs piquetée de plumes et de duvet qui s’illumine lorsqu’il pénètre les mouchetures vif-argent tracées par la lune s’immisçant dans les interstices du toit du temple.

Un défilé

Il ralentit. Ses pattes de nouveau semblent fouler le sol selon ce schéma complexe que seul son esprit est capable de suivre. Il se repositionne face à la louve carnée et sa foulée souple souligne la courbe de son encolure plus longue que la moyenne, celle de ses hanches qui roulent et se répondent sans jamais cesser de se mouvoir, celle que sa fine et élégante tête forme avec sa nuque, son dos, les plumes de sa queue qui frémissent et peu à peu s’élèvent, s’écartent - mais non. Roue avortée qui ne fait qu’attiser la curiosité et l’envie, ses voltes, voltes-renversées, pirouettes, appuyés, huit-de-chiffre, serpentines et doublers amènent Asclepia à fouler tout l’espace à sa disposition.

Allure

La représentation touche à sa fin. Chaque mouvement l’a amené plus proche de la déesse, et toutes les bêtises qu’il exécute maintenant avec finesse l’obligent à frôler sans jamais le toucher cette Être qui l’observe sans jamais ciller. Mais Asclepia est bien trop concentré sur son défilé et surtout sur la danse que ses pas exécutent au sol ; la moindre erreur pourrait s’avérer fatale pour ce qu’il mettait en place, une pièce après l’autre, depuis le début de sa représentation. Car depuis qu’il a parcouru plus de la moitié du chemin les séparant, il est resté devant elle, attirant son regard, l’empêchant de porter l’oeil trop longtemps sur cette terre qu’il travaille, la captive de ses milles yeux qui virevoltent dans sa danse silencieuse et feutrée. Sur une dernière pirouette, Asclepia entame son adieu face à la déesse, d’un pas si lent que l’air semble devenu miel autour de lui, le cou bien haut, et chaque pas qu’il fait élève un peu plus les plumes de sa queue, celles de ses ailes qu’il tend loin devant lui tel un châle obstruant la vue encore et toujours, puis vient la roue.

Un instant, hors du temps, alors que leurs truffes se chatouillent presque.

Il disparait.

D’un bond souple, il s’envole, il se perche, il disparait pour dévoiler son oeuvre dont il détournait si habilement l’attention.

Sur le sol un tigre danse, dessiné dans la poussière par ses pattes habiles, fier et éphémère, fait de terre et de poussière.

Il regarde la déesse, ce tigre, et attend son verdict.

Le paon n’était qu’une diversion, la roue un subtile ajout, car derrière tout schéma s’en cache un autre puis un autre encore et ça n’est qu’à la coda que le tableau d’ensemble dévoile toute sa splendeur.

Rose carmin

La louve s’attend à d’autres mots de la part de ce solitaire, mais il n’en ait rien, prenant visiblement sa demande très au sérieux. Bien. Moiro aimait cela chez ceux qui prétendaient à son glowstick, qu’il ne prenne pas son épreuve pour chose facile, pour une simple plaisanterie car ils se pensaient déjà irrésistibles. Nul ne faisait le poids contre son charme.

Le paon dansa.

Habillement.

Avec grâce.

Une patte calée sous sa gueule, la déesse observe la parade, un sourire aux babines. Alors que chaque mouvement était soigneusement maîtrisé, chaque geste habillement contrôlé. Oui. Asclepia savait user de cette grâce qui coulait dans ses gênes, mais il savait parfaitement l’utiliser. Les yeux de la déesse brillèrent, lorsque tout fut fini, s’attardant sur le tigre dessiné dans la poussière. Un clin d’œil à son champion.

« — Tu es vraiment intéressant, mon cher Asclepia. »

Moiro se volatilisa soudainement, demeurant invisible un long moment, laissant ainsi planer le doute sur sa décision.

Finalement les pattes de la tigresse vinrent entourer le cou du solitaire, sa gueule venant se poser contre la joue du paon alors que son corps flottait dans les airs juste au-dessus. Les yeux de la déesse trahissaient une malice certaine, un sourire sur ses babines lourd de sous-entendus.

Le glowstick rose du loup vint se loger dans la pierre de son collier, remplaçant la couleur verdâtre par une douce lueur rosée.

« — Bienvenue dans mes rangs, mon cher loup-paon, puisses-tu trouver ta place parmi les roses. »

Dans un rire, Moiro disparut, laissant son nouveau disciple.

Quoi de mieux que les compliments d'une déesse, pour combler un mortel ? Asclepia sentit son coeur battre la chamade sous le regard de la déesse rose, puis elle se volatilisa. L'attente se fit. Longue ? Trop ? Peut-être se jouait-elle simplement de lui, après tout, quelques déhanchements et traces de poussière sur le sol pouvaient-ils vraiment intéresser une déesse ? Son regard s'ombragea un instant, alors qu'il songeait à descendre de son perchoir ; mais la présence de la déesse autour de lui fit bondir son coeur dans sa poitrine et il gloussa, avant de laisser échapper un petit rire gamin.

Un rire nerveux, un rire de joie, un rire enfantin qui résonna à l'intérieur du temple, porteur de toute la candeur dont était capable Asclepia. Il n'était qu'un enfant, après tout. Un enfant grandi trop vite, dans un cocon trop peu réceptif, où il n'était qu'une bougie parmi mille bougies.

Ici, il était lui, un peu plus. Il se définissait mieux, et une nouvelle corde venait de s'ajouter à son arc. Maintenant, il serait aussi disciple de Moiro, de ce tigre parme qui accompagnerait ses pas.

Bien bien.

Il gloussa et se tourna vers sa déesse, pour la contempler une dernière fois avant qu'elle ne s'évapore.

Si je ne la trouver, je me la ferai.

Et elle disparut.

Mais à son cou, brillait sa lumière, dorénavant.

Le pas léger, il se laissa glisser au sol, avant de se diriger vers la porte. La lune brillait haut, ce soir, dans le ciel. C'était une belle nuit.

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Prêtresse Anianka

Alors qu'il s'apprêtait à partir une ombre apparut sur le sol flamboyant à l’extérieur du temple, longue et svelte ses courbes élancées font penser à celles d'un renard ou d'une muse. Là, devant l'entrée elle s'arrêta et se dévoila dans toute sa splendeur telle la prêtresse charismatique et affirmée qu'elle était. Entre ombre et lumière l'on peut discerner un sourire coquet sur ses babines, ses iris aux couleurs de braise se posèrent sur le nouveau disciple avec appétit et audace. Elle avança de quelques pas et toutes ses parties raffinées se mirent à danser comme si elle était portée par le vent.

Son regard aguicheur descendit jusqu'à cette nouvelle couleur qu'ils avaient désormais en commun et sa queue sinua doucement derrière elle.

Tu auras pris ton temps.

Elle fit de nouveau quelques pas, son corps effleura le sien et y déposa une somptueuse odeur de rose tandis qu'elle le contournait pour rejoindre la belle statue de la déesse. Elle admira les gravures de celle-ci quelques secondes avec un émerveillement inlassable et une fierté presque intime. D'une gestuelle sensuelle et souple, elle s'inclina respectueusement devant celle qu'elle adorait et murmura une prière cachée par le biais de ses pensées.

Elle ne mit pas longtemps à arriver, la renarde qui veillait sur ces lieux comme sur sa couvée, elle qui débarquait avec son corps lascif et son oeil charmeur. Venait-elle clamer son âme, maintenant qu'il l'avait vendue à la déesse rose ? Il ne savait pas quel lien la prêtresse avait avec cette dernière, mais elle risquerait d'être fortement déçue si elle pensait bénéficier à ses yeux de l'aura de la Tigresse. Il faudrait, comme une grande, qu'elle fasse ses preuves et autrement qu'en dandinant des fesses, quelle que soit la beauté de son pelage.

Asclepia la suivit des yeux, répondant à son manège de ses sourires enjôleurs et amusés, humant son odeur si délicate en sachant parfaitement qu'il lui partageait la sienne en échange. Son corps vibra, loin d'être étranger à cette provocation, mais c'était un frisson depuis bien longtemps consommé.

Les choix d'un roi ne sont jamais anodins.

Sa voix était du miel d'acacia, sombre et sirupeux, qui roulait au sol et s'étalait sur les pavés. Il agita ses ailes, les fit frémir, alors que dans son regard l'amusement perçait. Qui était-elle, et que lui voulait-elle ? Après tout, que pourrait-il lui donner, et que serait-elle prête à payer pour ça ?

Prêtresse Anianka

Toujours inclinée et le museau frôlant le sol, elle rouvrit doucement les paupières et tourna ses prunelles sur le côté d'où la voix du nouveau disciple lui parvint. Souriante comme à son habitude, elle se releva avec fluidité et lenteur puis après un dernier regard attendrissant envers la déesse faite de pierre, elle se retourna vers le paon.

Tu te proclames déjà roi..

Sa voix était suave et faussement étonnée. Elle haussa un sourcil et pencha légèrement la tête sur le côté. Un tel titre ne se donnait pas aussi facilement et elle le savait.

Mais de quel royaume es-tu le souverain ?

Quelque chose avait changé en lui, peut-être était-il plus mature ? Voilà qui l'intéressa un peu plus et elle darda sur le loup ailé un regard inquisiteur. Anianka était connue pour avoir de l’intérêt que pour ceux qui se distinguaient de la norme, pour les plus dominants et les plus puissants. Faisait-il partie de l'un d'entre eux ? Pouvait-il prétendre être de la même classe qu'elle ?

Le grand loup paon répondait favorablement aux mimiques de la belle prêtresse, faisant bruisser ses ailes et agitant sans longue queue de plumes. Il se fit surpris, et précisa d'un ton léger :

Vous vous méprenez, Ma Dame, je crois. Je parle du pays d'où je viens, bien entendu, pas de ces terres que je découvre encore.

Il s'approcha d'elle d'un pas, deux, effleurant le sol et un sourire délicat étirant à peine ses babines ébène ; avant de lui offrir une bribe d'histoire :

Un roi, même destitué, le reste dans son âme à jamais.

Il était à plusieurs paumes encore d'Anianka, l'observant avec douceur et régalité, un calme puissant. Imposant. Il n'était plus le chien fou qu'elle avait croisé la première fois, aujourd'hui c'était un autre rôle dont il s'arrogeait. Aujourd'hui, la déesse de la beauté l'avait accepté, il n'était plus obligé de plier l'échine devant sa confidente, non.

Prêtresse Anianka

Ses prunelles ambrés allaient et venaient entre celles du loup-paon et son beau plumage, elle le dévorait presque du regard à chaque fois. Elle eut un petit rire entre ses mâchoires fermées et son sourire s'élargit un peu plus d'un air satisfaisant.

Je ne crois pas en avoir déjà entendu parlé, décris moi donc ce pays dont tu es le dirigeant.

Sa voix se fit plus enchanteresse encore, plus aguicheuse. Elle s'approcha d'un pas à son tour et roula des épaules gracieusement, il était désormais à porter de crocs si elle voulait lui sauter dessus et en faire son repas. Cette fois-ci elle bloqua son regard pour plonger dans les entrailles de ses yeux sans aucune pudeur.

Un vrai roi ne se laisse jamais détrôner.

Était-elle entrain de le critiquer de roi de pacotille ? Difficile de le dire en voyant le petit air coquin qu'elle aimait prendre, en tout cas il attirait un peu plus sa curiosité avec cette déclaration. Peut-être qu'il s'agissait là d'un test, qu'elle le mettait à l'épreuve. Restait plus qu'à savoir si il allait réussir..

Il feint d'ignorer cette reine qui s'approche et le frôle, éveille en lui ces instincts primaires qui en tout loups sommeillent. Les billes d'émeraude autour de son visage frétillent alors que son visage exprime un profond contentement, tel le chat fixé sur sa gamelle remplie de lait. Si proche. Aux effluves si délicates et enivrantes. C'est un profond soupir qu'il exhale avant d'offrir à Anianka son regard mélancolique.

C'est un royaume sur lequel tu pourrais régner.

Nul besoin d'insuffler la vérité en ces mots : c'était le cas.

S'ils avaient une déesse, ce serait la tienne, bien évidemment. C'est un pays riche, en amitiés comme en trahisons.

Surtout en trahisons.

Un pays où rien ne détrône la grâce et la volupté.

Il fait un pas en avant. Il ose. Il en fait un deuxième. Il s'approche. Il vient de nouveau glisser son museau contre l'angle de la mâchoire de la renarde, remonte à son oreille dans un murmure :

Un roi pourrait le quitter pour trouver sa déesse. Un roi effaré de ne plus rencontrer de concurrence, un roi las, un roi que plus rien n'éveille...

Sa voix s'affaiblit pour s'éteindre, son souffle chatouillant l'oreille de la prêtresse. Sera-t-il convaincant ? Assez, pour piquer sa curiosité comme il avait piqué celle de sa déesse ?

Prêtresse Anianka

Ses paupières s'abaissèrent un peu plus sur ses prunelles et son sourire monta et rida légèrement le creux de ses yeux. Le pays qu'il décrivait bien trop vaguement était selon ses dires le lieu parfait crée rien que pour les disciples de la rose. Il était évident qu'elle en serait la reine si il existait réellement, comment pouvait-elle en avoir la certitude avec si peu de détails ? Elle était gourmande et ce manque d'informations la laissait cruellement sur sa faim.

C'est un pays qui manque d'autorité alors, car là où règne la trahison règne aussi la déloyauté.

Sur son territoire aucune trahison n'était tolérée, la confiance était quelque chose de rare mais surtout de fragile et il fallait respecter ses supérieurs. La loyauté était comme un pacte avec le diable que seul la mort ou un accord commun pouvait rompre.

Elle le laissa s'approcher sans aucune crainte et son échine eut un léger frisson en sentant le souffle du disciple venir jusqu'à son oreille. Elle pivota légèrement sa tête vers l'encolure du mâle pour humer son parfum plus intense que d'ordinaire. Avait-il des chaleurs lui aussi ?
Tandis que sa voix murmurait avec une douceur exquise son museau se lova dans les plumes de son encolure :

Qu'est-ce que cela fait de moi alors.. Ta concurrente.. Ou ta Reine, joli paon ?

Devait-elle se sentir menacée, ou flattée ?

Ah ! Evidemment que l'on aime pas la trahison lorsqu'on se situe tout en haut du podium. On aime à croire qu'elle n'existe pas, et n'existera jamais. On aime à se croire puissant et infaillible, l'oeil posé sur toutes les actions de ses disciples. Hélas ! C'est rarement le cas, alors autant l'accepter et faire avec. Asclepia sourit en pensant aux sombres manigances perpétrées en permanence dans son pays natal. La relative paix dans laquelle ils vivaient, dans leur cocon de luxure, leur permettait seul d'avoir cette attitude en interne, chasse à ce pouvoir absurde que sont les pairs.

C'est un pays que rien ne menace, un paradis enclavé au centre d'une luxuriante forêt, bordée de cascades et regorgeant de vie. Si la couleur ne t'effraye pas trop, c'est un beau voyage.

Lorsque le fin museau s'engage dans son col, Asclepia ferme à demi les yeux pour en apprécier le contact. Il inspire, profondément, les senteurs qui se dégagent de son corps. Ah ! Que la nature a bien doté les femelles, pour les rendre si irrésistibles en ces périodes fastes ! C'est du voix ronronnante qu'il lui répond, sur de lui :

Que vaudrait une reine, si elle ne me faisait pas concurrence ?

Celui qui cherche un objet à exposer n'a rien en tête, quel intérêt de prendre à ses côtés un jouet alors qu'ils pullulent sur le sol, n'attendant qu'à être cueillis ? Une Reine, c'est autre chose. Ca s'expose, mais surtout on peut lui laisser les rennes du royaume avec l'assurance qu'elle le portera vers le haut, toujours plus vers le haut.

Asclepia savoure pleinement cet instant. Ici, la plupart des loups hésitent à s'abandonner à ces contacts, ces instants de luxure purs et délicats, qui pourtant ne font de mal à personne et emplissent le corps et l'esprit de sensation inimaginables. Pourquoi se le refuser ? Alors le jeu de cette reine, de plusieurs fois son âge son ainée, le comble. Il est bien loin de ces considérations ; rarement, le Jeu lui est aussi agréable. Il n'y pense plus, maintenant, à récolter le fruit de ses jeux. Parce que ça l'amuse beaucoup moins, parce que l'intérêt est fort limité. Mais avec elle, sans hésitation il vivra cet instant si l'opportunité se présente.

Il vient de ses crocs gratter la base de sa nuque, avançant sur son dos, pressant plus encore son corps contre le sien.

Lui refusera-t-elle cette communion au dernier instant, démone qu'elle était ? En ce cas, autant consommer pleinement ces contacts.

Et peut-être que cette rencontre se solderait d'autres ?

Sa voix n'est plus qu'un murmure à peine perceptible :

Belle est ta couleur, souple est ton corps, tortueuse est ta pensée. Reine mienne désires-tu devenir cette nuit, douce prêtresse ?

Allons, c'est qu'elle demande une certaine classe, tout de même.

Prêtresse Anianka

Tout en imaginant la beauté de ce paysage décrit elle ferma les paupières et se perdit dans la douceur des plumes comme si elle pénétrait dans une nid de mousse. Elle parvint à ressentir la chaleur du soleil à travers la peau chaude du disciple, elle imagina le bruit des feuilles qui dansent au rythme de la brise rien qu'en soufflant avec son nez sur les belles plumes qui lui recouvraient le visage. Elle ne ronronna pas mais un léger bruit se dégagea de sa gorge et fit vibrer son cou à la manière d'un félin.

Tout dépend de la valeur qu'a notre rivale..

En avait-il assez pour qu'elle succombe ? Il peut sans nul doute sentir un sourire s'étirer sur ses babines à travers ses plumes, une réaction prévisible et délicate.

Et puis un léger rire s'éleva, à la fois mesquin et amusé. Car oui, tout ça l'amusait fortement, mais Anianka avait une fierté qu'il ne fallait pas trop titiller. Elle releva doucement les babines et ses crocs aiguisés vinrent effleurer la chair avec lenteur.

Dis moi.. Mon cher Asclepia... Dois-je me sentir flattée d'être la plus désirée de ceux que tu as tenté de séduire et berner ?

Ses crocs touchèrent la peau et la pincèrent doucement, puis elle les éloigna à peine pour continuer sa balade menaçante jusqu'à sa carotide. Anianka était loin d'être une louve dominée et naïve, elle avait le pouvoir d'observer le territoire grâce à son rôle tout particulier auprès de la déesse rose et de ce fait elle voyait beaucoup de choses. En dehors de ça, le disciple rose empestait de nombreuses odeurs différentes et il n'était pas difficile d'en reconnaître certaines pour la prêtresse.

Peut-être que dans ton royaume tu es un Roi, beau paon, mais ici je suis ta Reine et tu me dois le respect.

Ses crocs serrèrent avec plus de conviction sur sa gorge et elle sentit son pouls avec un plaisir sadique. Son coeur s'emporta dans sa poitrine et elle se força à faire taire ses instinct pour ne pas serrer davantage et faire couler son sang. Après des secondes qui semblèrent interminables, elle relâcha la pression et s'éloigna de deux pas pour plonger son regard intransigeant et ferme dans celui du disciple.

Je ne suis pas l'une des putains que tu courtiseras, Asclepia. Tâche de t'en souvenir, car peut-être que dans ton royaume la traîtrise est tolérée, mais ici ce n'est pas le cas.

Son regard se fit menaçant l'espace d'un instant et sa voix plus rude.

Il en va de même de mes enfants, si jamais j'apprends que tu essaies de te jouer d'eux je ne retiendrai pas mes crocs la prochaine fois.

Elle plissa les yeux puis son visage se détendit en un sourire hautain et frivole. Anianka ne fricotait qu'avec les mâles dominants et impitoyables et de toute évidence ce roi déchu n'en faisait pas partie, il avait encore beaucoup d'efforts à faire avant d'attirer réellement son attention, à supposer qu'il puisse encore le faire après avoir commis cette terrible erreur..

Le poisson est pris dans la nasse, mais il s'agite et à l'instant où Asclepia s'apprêtait à le ferrer c'est d'une secousse qu'il se dégage. Le poisson chat glisse ses crocs le long de son corps, le long de son cou. Il les sent remonter le long de sa gorge, et laisse la renarde empoigner sa carotide, la titiller de ses crocs, le menacer de ses paroles.

C'est une erreur, Anianka.

Il n'avait pas peur, à quelques pas de cette déesse qui venait de l'accepter, il doute qu'elle voit d'un bon oeil que tu égorges son tout frais disciple.

Il te pensait maligne, lui qui te découvrait, arrivant de contrées lointaines, et qui n'accorde aucune valeur à ton passé. Lui, devant qui tu te ridiculises alors qu'il a déjà poussé à bout ton fils, ainsi même que tu sembles l'ignorer, te demandant de ne pas approcher ses enfants. Rien que ces paroles suffisent pour faire bouillir son sang et scintiller ses yeux. Moins malin que lui n'aurait offert que l'arrogance et la fierté. Mais une confrontation avec la louve sable et terre de sienne ne lui apporterait rien, il le savait.

Mais s'il a signé son lien avec la déesse, jamais il n'a été question d'une quelconque acceptation de sa prêtresse, surtout si elle se prenait pour une Reine. Il n'avait pas quitté une dictature pour en trouver une nouvelle. Le loup-paon resta feu et miel aux simagrées de la prêtresse, mais il n'allait pas la laisser s'échapper comme ça.

Il sourit, se rapprocha de quelques bonds souples et félins. Son ton n'a pas varié, aguicheur.

Moi qui croyais la Grande Prêtresse prête à librement profiter de la chair pour en plus s'attirer les faveurs d'un électron libre qui pactise par delà les frontières, un électron libre prêt à s'acquitter de basses tâches...

Il s'arrête à mi-chemin, sans chercher le contact cette fois. Elle n'avait qu'à revenir, cette louve qui le rejetait si aisément.

Je ne me savais pas si hideux, et il n'est pas dit qu'un seul loup ayant passé une nuit avec moi, mâle ou femelle, l'ait regretté.

Son ton était faussement vexé, innocent et joueur.

C'est une bien étrange façon que tu tiens proches ceux qui peuvent t'être utiles, de menace et d'épines, là où la rose si douce pourrait faire des merveilles.

Il est assis au centre du temple, et il attend que son invitation trouve sa cible. Restera-t-il maître en cette demeure, se fera-t-elle tigresse ou abandonnera-t-elle cette futile bataille ?

Prêtresse Anianka

Elle ignorait encore des choses certes, mais le temps lui apporterait les informations qui lui manquaient et alors elle agirait en conséquences, pour sûr. Elle manquait d'espions et se débrouillait seule pour savoir ce qu'elle voulait et c'est quand on s'y attends le moins qu'elle passait à l'action. Il vaudrait mieux pour le loup-paon qu'elle ne découvre jamais qu'il s'est joué de ses enfants ou il risquerait d'y perdre des plumes. Anianka n'accordait sa confiance qu'à ceux qui la respectaient et ce nouveau disciple avait mal commencé.

Alors qu'elle voulut partir, il la suivit et continua de jacter comme un vautour qui cherche à entuber sa proie. Ses babines se relevèrent légèrement sur ses crocs et elle le toisa du coin de l'oeil. Si cela l'amusait de lui lécher la fourrure de son arrière train alors, qu'il en soit ainsi, ça lui plaisait assez.

Seuls les mâles et les femelles qui ont du pouvoir peuvent prétendre à mes charmes les plus intimes..

Elle s'arrêta pour fixer le disciple d'un regard désintéressé.

Et tu n'en as pas.

Elle sourit malicieusement et se remit à marcher vers la sortie, mais elle ralentie mystérieusement le pas lorsqu'il prononça sa dernière phrase.

Et en quoi pourrais-tu m'être utile, Asclepia ?

Elle passa l'entrée et la lumière illumina son pelage et le fit briller avec élégance. Elle s'arrêta sur le bord de la pierre et admira l'étendue de l'île avec une expression inébranlable sur le visage.

Du pouvoir.

Du pouvoir du pouvoir du pouvoir. Pourquoi tout le monde voulait-il... Du pouvoir. Quel intérêt. Ca ne se mangeait pas. Ca ne se baisait pas. Ca se... Collectionnait, à la limite. Ca s'exposait. Ca se recherchait surtout beaucoup quand on avait d'autres choses à compenser. Mais, eh, qu'avait-il bien pu imaginé quand il avait songé à la prêtresse comme ayant potentiellement d'autres attentes, après tout ? Son erreur, pour penser autrement. Il sortit du temple à sa suite pour s'allonger sur le sol, étirant ses fins membres loin devant lui, chat s'étalant au sol.

Personne ne me connaît. Les aviaires attirent ici autant l'oeil que les convoitises, quand ça n'est tout simplement pas la curiosité. Je gagne à être méconnu et à n'avoir de pouvoir, c'est ainsi que tu devrais m'apprécier.

Il roula sur le flanc, lui faisant les yeux doux.

Je pourrais te rendre des menus services. Et pour le jour où, tu sais, ça changera. Que je m'en souvienne.

Il gloussa, osant de ses pattes effleurer sa douce fourrure, sans s'aventurer plus avant sans y être invité.

Prêtresse Anianka

Son regard ne cilla pas alors qu'elle pouvait très bien apercevoir sur le coin de son œil le disciple rose s'étendre à côté d'elle comme si il était sur la plage avec une amie. Etait-elle ça pour lui ? Une amie ? N'avait-il donc pas peur d'elle ? C'était une constatation qui la surprenait car beaucoup la craignaient ou la haïssaient mais peu l'aimaient ou la supportaient. Elle était considérée tantôt comme une « catin » tantôt comme une « renarde sournoise » qui pourrait se retourner contre vous à la moindre seconde. Mais ces rumeurs lui importaient peu tant que personne ne venait la déranger ou menacer sa famille.
Elle ne répondit rien à ses premières paroles car elle ne partageait pas le même avis que lui sur l'importance du pouvoir. Anianka était née dans un monde où l'injustice rabaissait les plus faibles et c'est dans ce contexte qu'elle avait grandi et qu'elle s'était élevée plus haut que jamais. Mais ça, le jeune Paon ne pouvait le comprendre non car son monde a lui était bien trop rose.

Es-tu né Roi, Asclepia ?

Ses oreilles se tendirent et elle roula ses prunelles vers lui sans pour autant bouger la tête. Elle ignora son geste et le fixa avec une expression quelque peu hautaine.

Le jour où quoi, changera ?

Elle en attendait plus, bien sûr. Elle voulait voir jusqu'où il pouvait aller.

Et qu'appelles-tu « menus services » mh ?

Etait-il prêt à tuer pour elle, ou à la défendre au péril de sa vie ?

Mais Asclepia n'avait pas peur. Il n'avait eu vent de toutes les histoires concernant la louve renard, il n'avait eu vent d'aucune de ses réalisations. Et surtout, il n'apportait guère crédits aux on-dit du monde. Ah, il savait bien ce que l'on disait de son peuple. Il savait qu'il y avait tant de juste que de faux dans l'histoire. L'important était de parler, parler et faire parler.

Né roi ?

Il réfléchit un instant à la question. A la réponse à lui apporter. Le roi n'était de toute façon que mensonge - s'il s'était approché dangereusement de l'équivalent de cette position chez lui, il ne l'avait jamais à proprement dit été. Mais tous étaient élevés à être rois. Elevés à briguer cette position. Elevés à aller la cueillir, à la force de leurs pattes...

A la force de les séants, de leurs belles paroles et de leurs corps.

Il roucoule, tout sourire.

Personne ne le naît, en mon pays. On le devient. La qualité de roi n'est pas familiale, mais méritante.

Méritante, avec les fesses.

Et des questions, encore des questions ! Asclepia ne peut s'empêcher de glousser :

Allons, ta déesse ne te livre pas tous les secrets du monde ?

Il lui tire la langue, joueur. Si elle pose des questions, c'est qu'elle s'intéresse. Si elle s'intéresse, c'est qu'il a déjà a demi gagné. Il n'oublie pas, bien sûr, ce dédain qu'elle lui expose. Mais qu'a-t-il à y perdre après tout ?

Le jour où je ne serai plus un loup inconnu de tous. Mais ce nom que l'on murmure dans l'ombre, chacun sachant, personne ne connaissant vraiment.

Mercenaire.

Absolument pas une ambition qu'il avait. Mais eh. Pour qui était prêt à y mettre le prix, il savait se bouger les plumes. Alors pourquoi pas ? Il poursuit :

Je ne sais de quels services une prêtresse pourrait avoir besoin. Pour loup qui se refuse à une louve dont, pourtant, la beauté transcende le temps peut-être ?

Ceux que la barrière du sexe ne saurait se voir traversée par des atours prêts à plier les plus grands. En glissant une douce flatterie, au passage.

Les tiens de plus ne peuvent se targuer de pouvoir survoler les terres. Parfois interdites.

Les Etelkrus, peut-être. Il lance des idées au hasard, Asclepia. S'il ne doute être capable de se rendre utile, il tâte en aveugle le terrain. Le pouvoir, d'accord, mais où et pourquoi ? Honnêtement, le but le laisse coi.

Prêtresse Anianka

Ses paupières s'abaissèrent lentement pour se réouvrirent sur des prunelles aussi vives que des flammes ardentes. Elle resta droite et froide à l'égard du loup-paon, elle se méfiait de ce genre d'acteur, il pouvait se jouer d'elle à tout instant et lui tourner le dos. La confiance d'Anianka se méritait, c'était la chose la plus précieuse qu'elle pouvait offrir et aussi la plus difficile à obtenir.

Le sang joue un rôle important en ces terres, la liaison de mauvaises lignées engendre des sang impurs et cause la destruction de beaucoup de familles.

Elle avait été victime de ce jugement et s'était forgée grâce à celui-ci.

Mais la force d'esprit, la capacité à s'élever.. Ça, c'est ce qui fait la différence. Peut importe le sang porté, si quelqu'un parvient à s'élever plus haut que les autres alors cela fait de lui un loup redoutable. Un Alpha.

Une Reine.

Sa tête est haute et son regard porté sur l'île qui s'ouvre face à elle. Elle est fière de son parcours, jamais personne ne l'insultera plus, ni elle ni sa famille.

C'est la que le pouvoir prend son importance, Asclepia. Ceux qui n'en ont pas sont vite rabaissés et rejetés. C'est la loi du plus fort.

Une justice bien mauvaise.. Qu'elle essaie tant bien que mal de redresser. Si seulement sa meute l'avait suivi, alors les Lazulis ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui.

Un soupire s'échappa de sa truffe avant qu'elle ne reporte son attention sur le disciple.

Seuls les dieux savent tout.

Sa dernière phrase lui fit plisser les yeux mais aucun sourire ne pointe sur son visage si sérieux.

Un espion, c'est donc cela que l'enjôleur Asclepia souhaite devenir ? Et en quelle honneur devrai-je t'accorder ma confiance ?

Encore cette même question. Lui qui aime jouer, lui qui aime l'artifice. Ne l'est-il pas ? Artificiel et faux ? Anianka pouvait l'être aussi, mais pas avec ceux dont elle accordait sa confiance.

Bla bla bla bla bla ohlala qu'elle parlait beaucoup la prêtresse ! Le pouvoir par ci, le sang par là, beaucoup de notions qui étaient tout sauf fun. Elle aimait quand même se mettre la tête à l'envers, la prêtresse. Surtout lorsqu'elle ne régnait plus que sur une île et quelques fidèles. Et la déesse ? Si elle ne l'avait pas désignée, que ce serait-il passé ? Aurait-elle encore quelque chose à défendre, un royaume sur lequel poser son regard chocolat ?

Lui n'avait aucun pouvoir, autre que celui que venait de lui offrir Moiro. Mais n'était-ce pas là tout ce qu'il avait recherché, en quittant ses terres ? Si, un peu.

Ah, sa qualité potentielle d'espion la tentait tout de même, mais évidemment elle voulait une preuve de confiance. Asclepia plissa le museau et roula sur le dos aux côtés de la renarde sauvage.

Il n'est pas question d'honneur.

Il étire ses pattes.

Il est question d'utile.

Son sourire transparait de nouveau.

Et puis, ta déesse me fait confiance, non ? Pourquoi ne pas y apporter quelque crédit ?

Du bout de ses pattes il effleura sa fourrure caramel, si douce.

Prêtresse Anianka

Sa mèche écarlate dansa dans les airs au rythme doux et agréable de la petite brise. Son glowstick, vive lumière accrochée à son cou duveteux, éclaboussait sa poitrine toute entière d'une aura rosâtre. Elle se mura dans un silence énigmatique, le regard tourné sur l'île qui s'étendait devant elle.
Il n'avait pas tort.

Si la déesse lui accordait sa confiance, c'est qu'il devait sûrement en être digne. Mais pouvait-elle se mettre au même niveau qu'elle ? Après tout, Moiro est une divinité et de ce fait elle est bien plus puissante qu'elle, simple mortelle. Trahir la prêtresse Anianka est plus aisé que de trahir la grande et charismatique Moiro. Ses arcades se froncèrent sur son joli visage et y formèrent quelques ridules entre ses deux billes ambrés. Elle soupira longuement et riva de nouveau son attention sur le disciple qui se frottait à ses pattes.

Bien, Asclepia. J'accepte.

Ses prunelles devinrent aussi brûlantes qu'un feu ardent, prêtes à réduire en cendre quiconque se dresse sur son chemin.

Mais si tu me trahis.. Sache que tu n'auras plus jamais l'occasion de tromper qui que ce soit.

Une menace de vive voix, comme pour accompagner ce regard qui en disait long. Puis elle s'écarta et passa à côté du loup-paon pour descendre l'escalier. Elle glissa un dernier sourire à celui-ci derrière son épaule, puis elle disparut en quelques bonds.

L'attente paya, les mots firent leur chemin, et le silence fut suivi d'une récompense pour le loup bleuté. Asclepia agita ses pattes dans le vide, gloussa tel le paon malotru qu'il était, avant de lui adresser un clin d'oeil :

Tu ne le regretteras pas.

Que de belles paroles.

Lorsque la louve se fit plus grande face à lui, son regard plus menaçant, Asclepia se contenta de rester immobile et de la contempler, elle et cette prestance qu'elle dégageait. Il ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Malgré tout ce qu'il pensait d'elle, cette louve dégageait un charisme certain. Elle était, contrairement à Crystal, un fruit du haut de l'arbre, de ceux qu'on ne se pensait peut-être pas capable de cueillir. Au fait d'un arbre dont on observait les branches les plus fines et les plus cassantes avec au fond du coeur l'adrénaline liée aux défis embrumés d'impossible.

Ah, qu'il avait hâte de peut-être gravir quelques branches !

Il s'allongea sur le parvis du temple, lascif, en l'observant s'éloigner.

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