Aujourd'hui était le jour qui leur permettrait de conclure la première partie de leur grande quête. L'étape de la vérité avant de pouvoir passer aux réels préparatifs.
Axie était -comme toujours- terriblement excitée et n'en pouvait plus d'attendre mais Anita, plus sage pour une fois, restait simplement dans un coin à l'observer, perchée sur un petit rocher. Elle rigolait quand sa sœur réussissait à percuter quelqu'un de plein fouet, la repoussait à coups de pattes quand celle-ci s'approchait trop d'elle dans le but de l'embêter, mais surtout elle réfléchissait. Si elle ne se joignait ce matin pas à la petite dragonne dans ses pitreries, c'est parce que mine de rien, elle tentait de se concentrer.
Pour savoir un peu quoi dire en récoltant les bribes d'informations qu'elles avaient déjà eu. Pour ne pas se retrouver comme deux idiotes devant la dernière Déesse, la plus cruciale, sans rien avoir à dire.
Alors elle se préparait un peu mentalement jusqu'à ce que sonne l'heure du départ.

Le loup qui les accompagnait -un certain Ely- les mena au temple avec l'air complètement neutre d'un automate se contentant d'appliquer une tâche à laquelle on l'aurait assigné sans y accorder le moindre entrain, mais ça ne dérangeait pas Anita qui avait bien assez de ses pensées et de la compagnie de sa sœur de s'occuper. Et puis il y avait les fréquentes pauses de quelques secondes sur le chemin pour observer de ci, de là un insecte inconnu aussi - après elle devait se mettre à courir pour rattraper les autres sous les cris excédés et impatients d'Alex, mais elle ne s'en sentit pas pour autant essoufflée quand elles arrivèrent au bas des innombrables marches. Elle était tellement plus légère que sa sœur ! Courir sur ses pattes puissantes et agiles ne l'épuisait pas outre-mesure à moins d'avoir réellement fourni un gros effort de course.
Peut-être que les marches arriveraient à l'épuiser !
Elle s'y lança directement à la suite du mâle noir, lâchant un rire à la protestation de sa sœur. Elle soufflait comme un bœuf. Anita, elle, volait de marches en marches - pas assez âgée cependant pour pouvoir rattraper leur guide qui lui avalait la distance de ses hautes pattes avec la force de l'habitude.

Elle attendit Alexandrine tout en haut, haletant légèrement mais toujours en forme, se moquant gentiment de son retard.

— Allez, debout ! T'façon t'auras pas assez de souffle pour compter.

Et si ça se trouve il y avait encore plus de marches que de chiffres disponibles. Qui avait besoin de compter les quantités à partir d'un certain stade, de toute façon ? Jusqu'à cent, d'accord. Après ça devenait beaucoup ou énormément. Comme les étoiles. Certains s'embêtaient à compter les étoiles, mais il y en avait beaucoup énormément trop.

Lorsqu'elles furent enfin arrivées à destination, seules devant la fontaine de la déesse alors qu'Ely avait accepté de les attendre à l'entrée, elle se laissa quelques instants pour admirer l'endroit, une mine ravie sur le visage. Que c'était joli !

— Euuuh... On... On fait quoi ? On demande ensemble ? Chacun moitié moitié ? Sinon t'es la plus maligne je pense... Je suis pas sûre que Dairo elle aime bien qu'on détruise tout et tout et c'est la seule chose que je sais faire...

Anita pouffa de rire et se pressa contre sa sœur, enroulant sa longue queue autour d'elle en une étreinte rassurante.


— Mais non Axie ! Dairo elle nous aime comme on est ! Et tu détruis pas tout, t'apprends juste à maîtriser ta force. On va parler toutes les deux ! Comme ça elle verra bien qu'on est toutes les deux très motivées.

Elle adressa un regard mêlant respect et admiration à la statue de la Renarde qui les observait depuis son piédestal tout en pierre, noble et grand.
Elle se retourna vers sa sœur et posa une patte par-dessus l'une des siennes pour lier encore davantage leurs corps serrés.

— Ensemble.

Elle lui adressa un clin d’œil, un sourire rassurant, puis faisant de nouveau face à la statue, décida de se jeter à l'eau en première pour insuffler l'inspiration et la confiance à sa soeur. Étonnamment, avoir vécu le premier stress auprès de Kiro la rendait plus courageuse pour affronter cette dernière épreuve. Le dieu serpent lui avait accordé sa présence et ses agréables conseils, la gorgeant de confiance en elle pour mener à bien l'ultime étape vers leur but.

— Déesse Dairo ! Pardon de vous déranger ! Nous sommes Anita et Alexandrine, et on aimerait vous demander votre aide ! On a un ami, il s'appelle Dez ou Daisy, c'est comme on préfère. Son vrai nom c'est Désastre, mais on préfère pas. Dez le cadeau qu'il aimerait le plus, c'est un sourire de sa maman, notre Tante Pepper. Alors pour ça on a besoin d'aide pour trouver comment faire sourire Pepper pour Dez. On est déjà allés voir Kiro et Aka, et ils ont été très gentils et ils nous ont donné de l'aide, mais... C'est vous que Tante Pepper elle aime le plus, on le sait. Alors... On s'est dits que peut-être vous pourriez nous aider un peu pour lui faire plaisir de la bonne façon. Pour Dez.

Elle se tut finalement et asséna un discret coup d'épaule à sa soeur. A toi, maintenant !

Et la magie opéra.
Sous leurs yeux brillant d'anticipation, il y eut un rire clair et un crépitement orangé, puis Dairo prit forme, si grande et si belle. La mâchoire d'Anita se décrocha très légèrement - avoir déjà vu Kiro apparaître devant elle ne retirait en rien à l'admiration qu'elle ressentit à cet instant et à ce sentiment qui emplirait quiconque face à un immortel.
Les deux enfants burent ses paroles, suivant ses moindres gestes d'un œil attentif. La tête d'Anita frémissait à l'unisson avec les hauts et les bas dans la voix de la Déesse qui modulait ses intonations entre interrogation, suspens et déclarations pour les maintenir en haleine au fil de sa réflexion.
Ses paroles étaient emplies d'une particulière sagesse - elle ne s'était pas attendue à moins de la part de la Renarde.

Quand la Déesse orange marqua finalement une pause, s'adressant de nouveau à elles, Anita tourna la tête vers sa sœur, le museau froncé sous la réflexion.

— Hum... Dez, il est devenu apprenti d'un panseur. Je crois qu'il veut soigner les autres ! Se rendre utile quand la situation est dure pour la meute. Alors... Il faut montrer à Tante Pep' que guérir les loups c'est aussi utile que de savoir taper les méchants ?

Ses yeux mauves alternèrent entre sa sœur et la Déesse, hésitante.

Anita hochait franchement la tête à de nombreuses paroles de sa soeur, davantage encore à la conclusion de sa tirade - oui, c’était bien vrai que Dez savait s’appliquer ! Elle l’avait toujours trouvé très concentré. Et il voulait toujours bien aider, quand on le lui demandait. Il serait sûrement un très bon panseur, très réfléchi.
L’enfant releva le museau vers la Déesse quand celle-ci reprit la parole, toujours aussi splendide, toujours aussi captivante. Qu’elle était gentille de leur accorder tout ça de son temps !

Et ce qu’elle annonça fut effectivement une forme de déclic, qui lui arracha une petite inspiration aigue.

— Mais oui ! Ce sera encore mieux si les Grands ils nous aident ! Ils savent faire plein de trucs et surtout elle se doutera de rien, parce que Pepper elle croira que c’est une fête pour autre chose. Et comme ça elle s’y attendra pas quand en fait elle verra que c’était aussi pour Dez !

Son museau froncé par la réflexion et la perplexité depuis plusieurs minutes s’illumina de nouveau d’un sourire aux airs de révélation... divine.
Décidément, Dairo n’était pas celle qui représentait le plus la réflexion dans leur meute pour rien. Ses mots pointaient juste et précis, et maintenant c’était plein d’idées et d’images qui virevoltaient dans son esprit. Elle se tourna un peu plus vers Axie, des embryons de nouvelles possibilités se formant suite à ces paroles.

— On pourrait faire quelque chose pour tous les jeunes de la meute, comme nous ! Quelque chose où on se ferait beaux et où on pourrait montrer tout ce qu’on sait faire ! Et là, Dez il montre qu’il sait en faire encore plus, et peut-être même qu’il fait mieux qu’un jeune qui sait que se battre et grogner et LA Tante Pep’ elle est impressionnée !

Elle reprit son souffle, les iris améthystes multipliant les allers-retours entre sa soeur et la déesse. Ce serait vraiment bien, non ?

Comme le rire de sa sœur ne pouvait provoquer en réaction immédiate que sa propre hilarité, c’est en se tenant les côtes sous l’assaut des gloussements qu’Anita se laissa tomber sur le sol, bousculée par sa sœur qui sautillait toute excitée et en oubliait toujours sa masse imposante pour leur âge.
Et comme ses paroles étaient toutes aussi motivantes que ses petits bonds, la queue de la jeune louve se mit à battre la mesure sur le sol du temple. Sa sœur alla s’échouer dans les pattes translucides de la déesse mais les yeux d’Anita se concentrèrent davantage sur le mouvement que faisait la Renarde avec l’une d’entre elle, suivant des iris le rond hypnotisant.
Puis le contact d’un métal froid contre son encolure.
Surprise la petite louve baissa le nez, louchant sur son col et venant d’une patte soulever le petit bijou d’argent qui venait de s’y matérialiser, les iris brillant d’admiration.

C’était un renard enroulé. Donné par Dairo elle-même. Trop. Cool.

Un simple coup d’œil à sa sœur lui permet d’entrevoir que le même était apparu pour elle, puis les explications de Dairo achevèrent de faire monter l’excitation – sa queue ne cessant plus de balayer la pierre.
Puis un claquement du bout de deux griffes, et une troisième broche identique qui apparut entre elles deux. Pour Dez.

Derniers mots de la déesse, nuage coloré et scintillant ponctuant sa dissipation.
Silence, bouche bée et yeux écarquillés.

Avant qu’Anita ne se mette à son tour à sauter et à tourner sur place, comme sa sœur si peu de temps avant.

— C’était GENIAL ! Elle a des supers idées, Dairo ! Et en plus les broches elles sont super belles !

La louvette se propulsa vers la fontaine où l’immortelle avait disparu, frottant sa tête contre le rebord.

— Merci Dairo ! On fera de notre mieux et tu seras fière de nous !

Et c’était l’esprit chargé de bonnes et nouvelles idées, pétillantes et piaillant en partageant leurs impressions et leurs émotions, qu’elles reprirent le chemin du Castel en toute hâte.