Frapper puis panser ✡ Dag

DAG
• 11 mois •
F A E I

Malade ? Non. Pas cette fois. Il n'était pas rare que Dag aille quémander un peu de vitamines ou de baume chez les soigneurs pour faire face aux petits désagréments de sinus bouchés ou d'une toux encombrante. Il était plutôt petit, et tombait assez facilement malade depuis toujours. Sans doute une réminiscence de sa naissance trop rapide. Sa mère-nourrice lui avait expliqué qu'il était né d'un autre ventre, beaucoup trop tôt, mais qu'il avait eu la force de vivre malgré tout. C'était une forme de victoire, même s'il n'avait conscience ou compréhension de ce fait. Toutefois, savoir qu'il était de nature plus fragile que la majorité des autres enfants lui avaient fait prendre des habitudes saines de prévention des petits maux fréquents des louveteaux : il évitait les courants d'air, ou protégeait ses oreilles au besoin -il avait eu une otite une fois, un vrai calvaire !-, tout comme il se dépêchait de sécher son poil s'il avait eu chaud et qu'il y avait du vent. De plus il se nourrissait de beaucoup de fruits, Tawana le lui avait apprit : le petit déjeuner était repas indispensable. Et de miel, depuis peu. Il avait entendu dire que ce breuvage sucré offert par les abeilles, aidait énormément le système immunitaire à se développer et se battre pour les adultes. La louve tachetée lui avait bien appris que par contre, cela pouvait être dangereux pour un louveteau trop jeune. Une histoire qu'avant un certain âge, un élément du miel était poison car l'organisme juvénile ne savait s'en défaire. Enfin ! Maintenant il était un adolescent réfléchi qui savait prendre soin de lui ! Donc non, pour une fois, il ne venait pas parce qu'il était malade. Il venait pour trouver exactement celui qui posait la question.

« Non. Je venais vous voir vous. »

Il était encore très tôt, et Dag espérait bien avoir trouver un créneau où le Panseur aurait le temps de discuter. Pour avoir passer fréquemment la tête ici, il le connaissait de vu, et le savait respecter par tous les autres guérisseurs. Il était efficace, travaillait beaucoup et ne se perdait pas en parole inutile. Et surtout, il était l'un des rares à également savoir se battre correctement et être utile aussi bien sur le terrain que dans une tanière auprès des malades. C'était exactement ça que le jeune loup désirait devenir : un médecin de guerre. Pour compenser sa petite taille, il se voulait agile. Pour compenser sa force moindre, il se voulait malin. Pour un clin d'oeil à sa génitrice inconnue, et être en accord avec son caractère de loup bout-en-train et aimant aider, il voulait ardemment être un sauveur. Pour faire honneur à sa lignée de grands guerriers, il désirait également savoir protéger les siens et défendre les faibles. Car il en avait été un et ne désirait plus l'être. Quoi de mieux donc qu'allier connaissances des soins et combat ? Quoi que de mieux que de suivre l'exemple du fils de l'Alpha ?

« Je veux devenir comme vous. »

Tout pareil. Fort et intelligent. Savoir sauver, mais aussi savoir faire mal. Jamais dans l'optique d'être dieu et de décider qui vit ou meurt, bien entendu. Dag n'était pas un monstre. Il n'était qu'un adolescent au grand coeur, qui espérait être utile sur tous les fronts pour compenser ses faiblesses physiques. Il voulait être quelqu’un pour faire taire toutes ces moqueries qui disait de lui qu'il n'était qu'un nain bon à rien. Au moins, son enfance à essuyer les critiques lui aura été bénéfique : cela lui aura donner une volonté de fer.

DAG
• 11 mois •
F A E I

Le regard sanguin où palpitait le solaire jaune de l'Anaconda le détailla, le jaugea, le jugea. Et aussi désagréable que ce soit cet œil critique, l'adolescent fit face. Il se tint droit, volontaire, confiant. C'était un réflexe naturel que d'étudier un potentiel adversaire. Ça l'était également, d'évaluer un compagnon afin d'être certain de pouvoir compter sur lui. C'est ce qu'il avait appris, et compris, des réactions primitives des soldats, mais aussi de ces propres instincts à devoir, parfois, se préserver d'un autre gosse qui s'amusait à la rabrouer pas toujours gentiment. Parce qu'il était plus petit, il avait été celui qu'on bousculait facilement. Parce qu'il avait été parfois malade et donc interdit du contact de ses pairs enfants, on l'avait catalogué à part. Parce que les nourrices avaient insisté sur sa fragilité en forçant les autres à faire plus attention, il était devenu le petit protégé. Et ce rang tacite au sein de la population de jeunes Etelkrus ne lui avait jamais convenu, parce que toujours, il s'était efforcé d'être au niveau. Et c'est aujourd'hui que ça se vérifierait. Aujourd'hui que payerait -en partie- tout ce travail sur lui à se montrer aussi compétent que les autres, à se montrer aussi voir plus déterminé. A montrer qu'il était, lui aussi, méritant.

Cela se verrait-il d'un rapide coup d'oeil ? Peut-être pas. Possible que malgré tout, on ne verrait de lui que sa carrure chétive et son manque de centimètres. Après tout, il était né au milieu d'une meute de guerriers, de loups musclés, entraînés, militarisés. Et toute sa bonne volonté, toute sa bonne humeur ne suffiraient peut-être pas à lui permettre de devenir, à son tour, un fier et noble combattant. Enfin si, lui savait que si. Toutefois il avait besoin d'un coup de pouce. Il avait besoin de quelqu'un qui accepterait de parier sur lui et sur son avenir ici, car seul, tout entraînement se voyait limité. Quand à sa capacité à apprendre les soins, il n'y avait a douter. Son caractère à lui seul suffisait à laisser entrevoir quel soigneur passionné et empathique il serait. Sa curiosité, sa capacité d'observation et son attrait pour les connaissances aussi variées les unes que les autres faisaient de lui un bon élève. Conscient qu'il allait peut-être devoir se vendre, il cherchait quelques exemples d'apprentissages en cours pour étayer sa demande. Or c'est une réaction non attendue qui répondit au jeune Dag : une question. Il avait imaginé tout d'abord un refus, avait espéré un oui. N'attendait pas de devoir donner des précisions.

Le loup rayé se fit plus grand, dans une posture plus réglementaire, plus attentive aussi. Le museau se penche sur le côté, signe d’intérêt. Les yeux qu'on aurait cru vairons eux, ne le quittent pas et le fixe. Que voyait-il devant lui, cet adulte à qui tout réussissait ? Qu'observait-il, lui qui renvoyait cette image si admirée des jeunes Etelkrus ? Dag se souvint de quelques mots d'Epine, lorsqu'elle avait perdu sa mère. Cette dernière pensait que Joy aurait sans doute préféré un fils comme le Panseur, et surtout que, si c'était lui qui avait été là ce jour là, feu la Conseillère, serait toujours de ce monde. Il en avait eu mal au coeur pour la louvette, mais n'avait su aider. Il comptait sur cette formation de guérisseur, pour également savoir, un jour, apaiser les maux de l'âme. A la question, qui se révéla être, après une courte réflexion, une très bonne chose : cela mettait en avant l'ingéniosité de Désastre, qui avait exactement compris ce que venait chercher le petit Viking, et força Dag à reformuler correctement sa pensée, ce dernier répondit enfin sans plus aucune hésitation.

« Les deux. Je veux apprendre à soigner, à sauver. Mais je veux aussi être là en amont et protéger pour éviter que des soins ne soient nécessaires. Je veux me battre pour la meute et la défendre. »

Dag savait que ce serait plus difficile pour lui, en suivant une double formation sur deux terrains distincts. Il se doutait que ses pattes trébucheraient sur nombre d'obstacles, mais il était prêt. C'était le sentiment qu'il avait eu au réveil ce matin, et c'est pour ça qu'il était venu tout de suite. Quelques jours à tergiverser, à réfléchir, à faire un pas et reculer de deux en ne voulant pas déranger. Jusqu'à comprendre qu'il était seul maître de ses choix et de son avenir, et qu'on ne viendrait pas le chercher pour le faire devenir celui qu'il voulait être. Tout le monde n'avait pas cette chance, tout le monde n'avait pas des parents hauts-placés qui réservaient dès la naissance une place particulière au sein du groupe. Te Hari avait cette chance. Epine avait cette chance. Lui provoquait sa chance et il était persuadé que ça ne ferait que renforcer sa détermination.

DAG
• 11 mois •
F A E I

Il était inquiet, l'adolescent. Inquiet de se voir refuser sa requête, et mais également résolu à ne pas gâcher cette opportunité. Désastre était présent ce matin, et moins occupé que très souvent, c'était donc le moment idéal. Il fallait faire de cet entretien une réussite. Le ton neutre du Panseur ne déstabilisa pas le jeune Viking : il savait le fils de l'Alpha peu loquace et expressif. C'était aussi un peu pour ça qu'il le désirait en mentor. Dag espérait ainsi gagner en calme, lui qui toujours, débordait d'une énergie fourmillante. Les oreilles bien dressées, le regard de miel qui ne se détachait des babines blanches, tout chez le petit mâle était concentré sur l'adulte, sur ses mots. Le verdict tomba, et il était plus que positif. Dag se répèta alors plusieurs ce qu'il garderait en mémoire comme premier conseil de son mentor : si l'on sait soigner, on sait où frapper pour mieux blesser. Si l'on sait blesser, on comprendra comment panser au mieux les plaies des alliés. Le fils de Tawana acquiesça en silence, mais dans ses prunelles brillait la reconnaissance.

Il laissa faire le soigneur, lorsque celui-ci l'étudia comme on observe une proie : découvrir ses faiblesses, trouver ses forces, pour s'adapter en conséquence lors de la chasse. Il apprendrait à faire de même, afin de deviner d'où pêchait la force d'un loup... Quel appui manquait de stabilité car douloureux ou affaiblit, quel muscle était fragilisé, quel posture indiquait souffrance. Et ce n'était qu'une part des connaissances qu'il devrait acquérir, qu'une tranche du travail à faire de lui. Renforcer sa dextérité, affiner son observation, tenir sa concentration. Sans parler du côté combattif. Le poil du jeune beige s'hérissa un peu sous la hâte de commencer. Il avait envie de sauter partout comme un louveteau, devait pourtant contenir et transformer ce débordement de joie en coeur à l'ouvrage. La voix sans timbre du maître s'élève encore, les oreilles de l'apprenti tiquent, mais il reste droit. Regarde la tanière des guérisseurs et y cherche à reconnaître ce qu'il voit, et qui il voit. Un premier pas pour comprendre et retenir, qui aujourd'hui, avait besoin de quoi pour aller mieux.

Finalement, ses orbes dorés rencontrèrent celles de Désastre.

« Chef oui chef ! »

Répondit avec entrain l'adolescent, sans toutefois hausser la voix et risquer de déranger les patients au repos. Il sourit alors, le petit Viking, hoche la tête et va chercher une éponge de mousse qu'il imbibe d'eau avant de se frotter les pattes minutieusement. De ses crocs il prend soin, mais rapidement, d'enlever chaque caillou coincé entre ses coussinets. Puis il retourne à sa place et s'assoit bien droit. Pour la lecture, il lui faudrait se perfectionner d'abord à déchiffrer les mots, à lire et peut-être même écrire. Il irait, dès que Désastre le congédierait, voir sa mère adoptive pour qu'elle poursuive avec lui ce que déjà elle avait débuté.

« Je suis prêt ! »

Affirma t-il à son mentor du jour en s'intéressant déjà aux pots présentés. Ses narines aspirèrent goulûment l'air au dessus de chacun, associant d'une part l'odeur découverte à l'aspect visuel, puis au nom que le loup au cheveux rouge lui donna. Maintenant il fallait enregistrer l'utilité de chacun, et il lui sembla qu'il en connaissait bien l'un d'eux. Tawana portait souvent sur son poil cette odeur. Sa mémoire se mit en route, cherchant pourquoi cette fragrance en particulier attirait sa truffe.

DAG
• 11 mois •
F A E I

Il écouta avec attention et concentration les premières notions que lui transmettait l'un des meilleurs Panseurs du clan. Professeur d'une heure pour aujourd'hui, le fils de l'Alpha se faisait plus bavard qu'à l'accoutumé et Dag fût ravi et se sentit honoré qu'un loup si éminent prenne de son temps pour lui apprendre quelques petites choses et lui transmettre des conseils. Il savait Désastre, qui décida d'appeler Astre, puisque c'était là le plus joli des surnoms proposés par l'adulte, très occupé et comme il venait de le mentionner, allait partir pour le grand Nord. Le Viking irait donc voir plutôt Saqqarah, avec qui il partageait déjà une certaine complicité, pour une éducation plus poussée et des leçons quotidiennes. Le jeune mâle renifla à grandes goulées d'air le thym mis sous sa truffe afin d'enregistrer son odeur. Ses oreilles s'agitent à chaque mot du disciple de l'Anaconda marquant par là son intérêt. Le thym était utile pour la saison froide. Il boostait le système immunitaire et aidait à s'affranchir des infections. Une plante donc, qui servirait énormément pour l'hiver à venir. Dag inspira profondément encore la cannelle à la douce odeur et l'origan, moins agréable à ses narines. L'un ajouter au second et au troisième donna une fragrance qu'il connaissait très bien pour en avoir reçu souvent lorsqu'il était enrhumé plus jeune. Jusqu'à récemment, l'enfant qu'il avait été avait eu la santé fragile, à cause -selon l'avis des soigneurs- de sa naissance prématurée. Il luttait contre ça en permanence à l'aide de fruits vitaminés et d'aliments comme le miel, les myrtilles ou le sureau qui renforçait également l'immunité et avait un peu la même fonction que le thym.

Bref, c'était remède contre la grippe. Maladie fréquente qui touchait un peu toute la sphère de la tête -avec souvent une fièvre associée à des courbatures généralisées- et était plus ou moins grave en fonction du patient. Dag nota mentalement l'analogie faite par Astre. Les plantes, comme les loups, fonctionnaient souvent mieux en groupe, afin d'apporter chacune leurs bienfaits et de supporter ceux des autres. Il eu une inspiration d'étonnement en entendant que les plantes médicinales pouvaient également devenir mortelles si mal utilisées. Il n'aurait vraiment pas pensé, mais se promis de toujours vérifier deux fois ses dosages, pour éviter l'erreur fatal. En même temps, maintenant que le gris rayé en faisait mention, il était logique qu'à poids différents, par exemple, un corps ne supportent pas la même quantité d'actifs. On ne donnait pas aux louveteaux les mêmes remèdes qu'aux adultes... Ni aux vieillards... Il retint l'exemple de l'Ail, dont le souvenir du goût lui fit plisser le museau. Il n'en dirait rien, bien sûr, le petit Viking, car il savait que certains remèdes n'étaient du genre goûteux et que l'efficacité d'un soin ne résidait heureusement pas dans son odeur ou son goût. Une question lui vint alors et il l'énonça avant que la suite des explications du Panseur ne la face se volatiliser et qu'un trou réside là.

« J'ai entendu qu'on pouvait s'accoutumer à certaines plantes. Comme fait-on alors, puisqu'il ne faut pas surdoser, pour pallier à ce problème ? »

Dag écoutait avec attention, mémorisant au mieux les explications au travers des exemples donnés. L'image de ces exemples se forma dans son imagination sous forme de scénettes. Ainsi il savait qu'il se remémorerait mieux. Il acquiesça aux paroles d'Astre et du projet qu'il mettait en place. Heureux d'avoir le droit à de la pratique déjà ce matin là, le beige mit tout son entrain au service de sa concentration pour redoubler d'attention et d'efforts. Au mieux il étudia les gestes pour les reproduire. Il était maladroit encore, et surtout d'une lenteur affligeante... Normal pour un premier essai, il lui faudrait se perfectionner. Il lui faudrait s'entraîner régulièrement à manier les outils et à hâcher menu menu, il lui faudrait également apprendre à user d'un coutelas et savoir comment fendre certaines feuilles pour en extraire le jus. Cela serait pour plus tard, d'abord, la fabrication d'un baume. Du soin de contact : la peau absorberait le corps gras imprégné de plantes tout en s'hydratant et en s'assouplissant, et les petits vaisseaux sanguins se chargeraient ensuite de transporter les principes actifs dans tous l’organisme.

« Est-ce que le produit est plus concentré de cette manière que si on mélange la graisse avec de l'eau infusée à ces extraits de plantes ? »

Chaque détail comptait, chaque question répondue levait un doute et chaque regard sur les gestes précis et du fils de l'Alpha lui confirmait que c'était ça qu'il voulait devenir.