Deux soleils plus tard - Désastre et Narcisse

Il était venu, le jour des retrouvailles.
La louve bleue emballa soigneusement l'un des morceaux de viande récoltés, la veille, sur le monstre préhistorique qu'ils avaient combattu, avec les autres, le glissant dans son sac. Voilà qui ferait un petit présent pour leur très cher ami, Olis, pour lui montrer toutes leurs bonnes intentions envers son peuple.
Elle espérait, sincèrement, qu'ils parviendraient à obtenir sa confiance, aujourd'hui. Ou au moins, l'avoir moins méfiant. Les paroles d'Anette, ses recommandations, surtout, étaient encore fraîches dans sa tête. Elle se les était répétées bien des fois, les avait même notées, illustrées, maladroitement sur un papier, afin de ne rien oublier.

Holly prit une bouffée d'air glacé. Tout irait bien.
Que se passerait-il, si ils étaient amenés à croiser la route d'un autre prédateur, aussi gros que celui de la veille, sur cette banquise, alors qu'ils n'étaient que trois ? Parviendraient-ils à s'enfuir sans dommage ? Son regard vint trouver le visage de Désastre et son cœur se serra douloureusement, à la vue de son œil crevé.
Si l'exploration se faisait longue, pourrait-il tenir longtemps, avec telle blessure ? La douleur devait le fatiguer, c'était encore si récent... Elle ne comprenait pas pourquoi le loup gris n'était pas resté au camp pour trouver le repos nécessaire.
N'était, de toutes manières, pas décisionnaire pour ce genre de choses.

- C'est parti. Allons retrouver Olis.

Les premiers pas s’enchaînèrent sur la glace, empruntant le même chemin que celui pris deux semaines plus tôt.

Donc résumons. Vous allez retrouver votre p’tit ami gros et poilu, dans un objectif diplomatique et pour fuir faire appel à vos pouvoirs. Entre la bleue mystérieuse, le transporteur et moi qui ne vais pas fuir devant votre solitaire, vous êtes mal barrés.

La diplomatie, Phénix, la diplomatie. Ce sont les ordres.
Et en bons soldats, ils obéiraient.
Hors de question de décevoir Pepper. Ni les Etelkrus.

Alors, il avançait Narcisse, les griffes crissant sur la glace, la queue féline bien droite. La peur était toujours absente, malgré la bataille, malgré les blessures des siens. Malgré le pouvoir trop gourmand. Car le Phénix l’avait contraint à se reposer, pour ne pas s’effondrer. À se coucher, pour ne pas tomber. Car il ne s’en sentait pas légitime. Pas après Anita. Pas après Désastre.

Étais-ce de l’inquiétude ?
Non.
Si.
Parce qu’il avait hurlé l’ami.
Mais n’apprécierait pas qu’on le prenne en pitié.

Les oreilles s’abaissent un instant, les yeux dorés trahissant l’inquiétude pour ce partenaire. Ce seul ami. Avant de se refocaliser sur l’horizon. Désastre n’aimerait pas qu’on le traite en pitié, qu’on s’inquiète de cette blessure qu’il avait obtenue sous les ordres. Alors, Narcisse ne pouvait que respecter cette volonté. Le respecter lui.

L’aider à avancer.
En veillant sur lui.
En exécutant leur mission.

Ils étaient deux et discutaient tranquillement.
Holly tendit l'oreille pour saisir des bribes de leur conversation. Ainsi, le combat contre le monstre, la veille, n'était pas passé inaperçu aux yeux de ces inconnus. Fort bien.
Elle ne savait, cependant, pas quoi penser de la présence de ce deuxième individu, très semblable, physiquement, et dans son attitude, à leur Olis. Pourquoi avait-il ramené l'un des siens ? Pour lui montrer, ce qu'ils étaient ? Dans un autre objectif ? Non. Elle en était certaine : Ces loups étaient plus curieux que malveillants.

Par contre, elle ne comprenait pas vraiment la remarque. Comment ça, ils n'avaient pas écouté ? Ils étaient pourtant bien au deuxième soleil... Peut-être l'avaient-ils inclus, dans ces jours qu'ils devaient passer sans se voir.
Enfin, ils étaient là et Olis ne semblait pas plus agacé que cela. Donc, ce n'était pas grave.

- Nous avons un cadeau, pour vous.

Elle déposa, au sol, la viande découpée dans la carcasse du mosasaure, les laissant s'en emparer si ils le souhaitaient. Sinon, tant pis, ils n'auraient qu'à la manger, eux, plus tard.
La louve bleue réfléchit un instant, un tout petit instant, puis décida d'en avoir le cœur net. Elle pointa, du museau, le glowstick orange de sa patte arrière et ceux, jaunes, de ses comparses, ressentant, au passage, à nouveau un certain malaise en voyant Désastre si mal.
Il n'allait tout de même pas s'évanouir, si ?

- La faune, orange et jaune.

Puis reposa son regard sur eux.

- Et vous ?

L’ami va mal.

Narcisse le voit, à sa façon de se tenir. Les blessures étaient encore trop récentes, trop importantes. Il ne dit rien le disciple de Kiro, mais veille en silence, aussi bien sur l’état de son ami, que sur celui de la Conseillère. Il n’est qu’assassin, mais les alphas avaient exigés qu’ils reviennent. Personne, ne tomberait au combat. Personne ne tomberait tout court.

La queue droite, les yeux dorés se posent sur les silhouettes qui approchent. Ainsi, il n’était pas venu seul. Par crainte ? Pour intimider ? Narcisse les toise tour à tour, ils n’étaient pas vraiment différents, les mêmes couleurs primitive, des accessoires semblables. Le deuxième pourtant, était plus imposant, sa silhouette bien plus développée que son congénère, cela en faisait un loup plus fort qu’Omis qui lui pouvait plus miser sur l’endurance. Il est comme Aka. Abordant la corpulence du grizzly. Un crâne de dinosaure que Narcisse ne connaissait pas (peut-être pour son plus grand bien) servait d’accessoires. Sans même parler des cicatrices. Bien. Et pas bien. Olis en avait lui aussi des cicatrices, mais pas autant, beaucoup beaucoup moins… Celui-ci en était presque recouvert. Cela faisait sûrement de lui un combattant plus souvent exposé au danger, donc plus expérimenté.

Plus dangereux.
Plus difficile à abattre.

Ils parlent du monstre.
D’eux en tant que petits.
Des glowsticks par les lumières.

Oh, s’ils veulent voir de la lumière, je peux leur en faire une démonstration si tu le souhaites mon petit Narcisse ? Ça ferait peut-être diversion, le temps que la myrtille se fasse la mal et avant que ton ami ne s’évanouisse…

En dernier recours, Phénix.
Pas avant.

Hollyhock leur offre la viande du monstre, en guise de présent. Le fruit de leur dur labeur, alors que les deux n’avaient fait qu’observer de loin. Observer. Comment avaient-ils su d’ailleurs ?

Le monstre de l’eau, vous étiez là.

Sinon, comment auraient-ils vu le monstre abattu ? Ils avaient regardé sans agir. Insectes.

La queue de Narcisse s’agite, alors qu’il choisit de conserver le silence, laissant Hollly poser sa question.

Une fois de plus, son camarade gris se montra bien perspicace, répondant là aux interrogations, si l'on pouvait nommer cela ainsi, puisque ça n'avait pas vraiment été une question, avec justesse. Ils se comprenaient bien, lui et ce peuple inconnu. C'était une bonne chose.
Enfin, ça aurait été une bonne chose, si sa présence ici avait été moins... délicate. Holly le sentait vraiment mal et craignait fort de le voir s'écrouler.
Discrètement, silencieusement, elle se rapprocha de lui pour le soutenir du mieux qu'elle pouvait, lui offrant une épaule sur laquelle il pourrait s'appuyer, pour s'économiser, pour ne pas flancher. C'était, malheureusement, tout ce qu'elle pouvait lui donner pour l'instant.

Les questions s'enchaînèrent. Ils étaient bien curieux, ces loups du Nord. Holly tenta de ne pas se perdre dans les dialogues, de tout retenir pour répondre avec le plus de justesse possible.

- Plus de petits loups. Beaucoup plus.

A quoi bon mentir ? Ce ne serait pas partir sur des bases saines, si le but était de créer une collaboration avec ce peuple. La louve remua doucement la queue et hocha la tête.

- Oui, les lumières ont aidé. Les Dieux ont aidé.

Après tout, c'était grâce à son pouvoir que Désas... Daisy avait pu devenir serpent géant, aidant Pepper puis ramenant les blessés au temple de Yurai. Mais, ce n'était pas tout.
C'était loin d'être tout.

- Le rouge a envoyé un combattant. Daisy, grâce au jaune, est devenu un serpent géant. Quetzacoatl.

Là où Narcisse conserve le silence, l’ami lui, prend la parole. Les dernières paroles… avaient été une mise en garde ? Si vague. S’ils avaient été plus clair, le combat contre le prédateur aquatique aurait pu être évité. Anita aurait pu ne pas être blessée. Désastre… Désastre aurait pu avoir encore son deuxième oeil. Tout cela, avait été occasionné par ce sauvageon qui n’avait pas su user correctement des mots.

Les longues oreilles pointent vers l’arrière.

Oh, méfies-toi Narcisse. Tu perds doucement le contrôle. Concentres-toi ou n’oublies pas que c’est moi qui te dévores ce tour-ci.

C’est sa faute. Si ils sont blessés. Si jamais plus il ne verra comme avant.
La faute à qui, Narcisse ? À lui qui vous a averti du danger ou à toi qui était présent sur les lieux à ce moment-là ?
Je… Je…
Alors à qui la faute, hein ?

Il a… raison. Ce n’était pas la faute du sauvageon si les autres avaient été blessés. Lui n’avait simplement pas vu, il n’avait pas pu les protéger. Les griffes s’enfoncent dans la neige, alors que l’autre s’approche de Désastre, de son oeil blessé. Les sourcils de Narcisse se froncent, pas réflexe, pas instinct de protection. Pour que jamais plus, il n’advienne quoique ce soit de néfaste. C’est de peu que les crocs se dévoilent.

Les ordres.
La mission.

Narcisse repose son regard sur les deux sauvageons, eux qui posent des questions sans réellement donner de réponses. Questions auxquelles Hollyhock répond un peu trop directement. Elle parle trop la bleue. Beaucoup trop. Les dieux. Désastre. Ils n’avaient pas besoin d’en savoir autant. Et elle continue de parler, allant jusqu’à évoquer Quetzacoalt.

Ferme-la Hollyhock.

Les yeux dorés se posent avec agacement sur la Conseillère. Elle parlait vraiment trop. La queue féline balaie la neige, trahissant l’agacement de l’assassin. C’était vraiment stupide, de dévoiler tous leurs atouts. Les deux étrangers pourraient très biens demander une démonstration et au vu de l’état de Désastre cela serait impossible. Ils passeraient donc pour des menteurs. À quoi pense-t-elle la disciple de Dairo ?

Oh, vu qu’on parle d’oiseaux, souhaites-tu que je me présente à eux ? Peut-être seraient-ils amusés ?

Mais le disciple de Kiro n’était pas d’humeur à écouter ses paroles au Phénix. Pas plus qu’il ne souhaitait laisser Hollyhock continué de parler avec sa langue trop pendue. C’est sur leurs mots, que Narcisse souhaite revenir. Orange et rouge. Telles sont les couleurs qui sont invoquées.

« — Vos coeurs, oranges et rouges, où sont-ils ? »

Parce qu’on ne peut les voir, là.
Alors où sont-ils cachés ?
Le coeur orange et le coeur rouge désignaient-ils tout simplement l’individu ?

Mais c’était des individus au langage encore primaire. Qui avaient la carrure de combattants. Alors, les demandes bien tournées peut-être ils ne les comprendraient pas, en revanche, celles qui sont plus simples, plus directes…

« — Montrez-les nous. »

Tout en parlant, Narcisse pointe de sa griffe sa propre lumière qui brillait à son oreille.

Montrez-nous votre lumière.
Et peut-être qu’on nous vous verrez l’efficacité des nôtres.

Au regard de Narcisse, le sien fut désolé.
Sûrement avait-elle trop parlé, dans ce désir de se rapprocher de ce peuple encore inconnu. Il était vrai qu'ils pourraient très bien demander à Daisy une démonstration. Une démonstration que l'ami ne serait probablement pas capable de leur offrir sans s'écrouler par la suite, ce qui n'était pas envisageable dans ce milieu hostile. Alors, si ils le voulaient, ces loups, elle leur montrerait, elle, ses perles, puisqu'elle ne courait aucun risque en faisant cela.
Par chance, ce ne fut pas le cas. Les choses allaient vers quelque chose de bien plus intéressant : un marché.

La réponse lui semblait évidente : Elle n'oubliait pas la volonté de leurs Alphas, d'en savoir plus sur leurs moeurs et leurs croyances.
Les portraits... Devaient-être les statues. Etait-il possible qu'ils en aient érigées à d'autres endroits ? C'était fort probable, puisque jamais de tels loups n'avaient foulés leur terres pour prier les Dieux. Ce serait un nouveau lieu de culte à découvrir, qu'importe la contrepartie.

Il y avait tant de questions qu'elle se posait. Si il s'agissait bien de statues, ou plus généralement d'un lieu de culte à la façon de leurs propres temples, leurs Dieux pourraient-ils apparaître sur ces terres là aussi, si ils les priaient ? Seraient-ils en mesure de faire passer une épreuve, là bas et... Et bon sang. Comment se faisait-il qu'ils aient déjà des pouvoirs, sans avoir eu à se montrer dignes ?
Elle jeta un regard à ses comparses et hocha la tête. Ils ne pouvaient pas laisser passer une occasion pareille.

- C'est d'accord.

Les coeurs à l’intérieur, comme un réel organe ? Battait-il réellement ? Saignait-il si on venait à le transpercer ? Ou était-il difficile à atteindre ? Hum… Cela ne plaisait pas vraiment à Narcisse. Le coeur était un organe vital, facile à atteindre, mais si il avait la même résistance que leurs glowsticks à eux, cela serait bien plus compliqué.

Lui aussi murmure à l’intention de l’ami, assez fort pour que la Conseillère l’entende, pas assez pour les deux autres.

« — Les nôtres de pouvoir, gardons-les pour nous pour le moment… »

À n’utiliser qu’en cas d’extrême nécessité.

Te dominer est constamment une nécessité, Narcisse.
Peut-être bien que si les choses tournent mal, je te laisserais le contrôle, Phénix.
Prions alors !

Prions, oui.

Pour que le sol ne se brise pas une nouvelle fois sous nos pattes.
Pour que puissions rentrer auprès des nôtres.
Prions pour que la mort ne gagne par sur la vie aujourd’hui.

La queue du disciple de Kiro se dresse alors, c’était l’occasion pour eux d’en apprendre plus sur ces sauvageons. Mieux connaître son ennemi, pour mieux le faire tomber. Narcisse hocha la tête, appuyant Hollyhock pour cette fois.

« — Montrez-nous. »

Ils leur emboitèrent le pas, les suivant dans un lieu où il faisait plus froid.
A cet instant, Holly comprit l'importance de la possession d'une cape et, bien évidemment, se bénit d'avoir pris le temps de doubler la sienne de la peau du Gastornis abattu quelques temps plus tôt. Ainsi, la louve du Sud, chose surprenante lorsque l'on posait le regard sur ses teintes si froides, n'avait pas trop froid, bien emmitouflée dans ce vêtement épais et protecteur. Quand bien même ce climat n'était pas des plus agréable, elle devait bien l'avouer.
L'heure n'était, cependant, pas à la lamentation : Il lui fallait essayer de retenir, dans un coin de sa tête, ces endroits où se posaient leurs pattes, les allées empruntées pour rejoindre les portraits, de ces loups étrangers. Au cas où ils devraient, un jour, revenir sans eux.

(1 ING)

Ils arrivèrent devant les fontaines de Dieux qui n'étaient pas sien. Cela ne la toucha pas plus que cela... Ou du moins, ce ne fut pas grand chose, comparé à ce vide, présent en leur creux. Il n'y avait, à l'intérieur, plus la moindre goutte de liquide fluorescent et magique.
Comme si les Dieux étaient partis.
Car elle, était bien convaincue qu'ils avaient été présents en ces lieux, un jour. Pourquoi se donner la peine de bâtir des fontaines vouées à n'accueillir que le vide, que l'espoir d'une couleur qui jamais ne viendrait, sinon ? D'autres questions s'imposaient donc. Une, plus que les autres.

Pourquoi étaient-ils partis ?

Elle lança un regard à Narcisse. Narcisse qui avait souhaité garder secrets leurs pouvoirs. Pouvaient-ils, cependant, leur parler, à Olis et Odon, de cette grande différence entre leurs liens avec les divins ? Pouvaient-ils leur dire, sans les heurter, qu'eux, jouissaient de fontaines toujours pleines et pouvaient même profiter d'apparitions de leurs divinités ?

Elle savait désormais que les Dieux n'avaient de temples qu'à un seul endroit.

N'ayant rien à ajouter, guettant la réaction que pourrait avoir leurs accompagnateurs, elle demeura muette et songeuse.

Oh, nous tiendrons sauvageons, n’ai crainte sur ce point. Nous serons encore debout demain, nous serons encore debout lorsque ton heure viendra, lorsque ton sang souillera la neige.

Lorsque nous devrons t’anéantir.

La température continue de baisser. Si Narcisse ne le ressent pas, un regard vers les autres lui suffit à comprendre qu’ils remerciaient le fait de porter la fourrure. Les yeux dorés se posent par moment sur Désastre qui marque la glace pour trouver trace de leur passage. Devait-il l’imiter Narcisse ? Non, cela serait bien trop suspect, les deux sauvageons semblaient déjà assez méfiants comme ça. Le disciple de Kiro se contenta donc de suivre les deux larges silhouettes, tentant de les analyser de dos.

Là où Olis avait un corps haut sur pattes de manière égale, son compagnon lui, avait un arrière-train légèrement plus bas. Les deux n’avaient pas la même carrure à défaut d’avoir presque les mêmes couleurs et ça, ce n’était pas un point négligeable. Cela voulait dire que ce deuxième sauvageon, serait moins apte à courir sur de longues distances, voir à les attraper, mais en revanche, serait bien plus apte à utiliser la force de ses pattes arrières pour leur bondir dessus. La forme de sa mâchoire trahissait une plus grande force, là où celle d’Olis était tout en finesse. Cela donnait d'un côté un loup plus agile de par ses pattes hautes, de l’autre la force brute, plus fort, plus endurant, mais certainement plus lourd dans ses mouvements. L’agilité serait sans aucun doute un atout contre ce nouvel adversaire…

Finalement ils s’arrêtent devant des portraits. Un dragon. Un tigre. Un serpent. Ao, Moiro et Kiro. Des fontaines vides. Visiblement les dieux n’avaient pas jugé les sauvageons dignes de leur intérêt. Pourtant, Narcisse ne voit ni Aka, ni Dairo ici, alors que leurs coeurs leurs appartiennent. Après Désastre, il prend la parole l’assassin, soutenant sans aucune gêne le regard d’Olis, l’interlocuteur le plus évolué des deux à son avis.

« — Pourquoi vouloir être digne de ces portraits, si vos coeurs sont déjà oranges et rouges ? »

Dis-moi, Narcisse, pourquoi vous ont-ils emmené dans un coin aussi reclus, là où vous avez peu de chance de vous en sortir vivant ? Ne crois-tu pas que c’est pour mieux vous ôter la vie ? Offrir à ces portraits, le sang jadis demandé ? Ne crois-tu pas, qu’ils aient besoin d’un sacrifice ?
Te mêles pas de ça Phénix.
Tu sais bien que quand ça tournera mal, il faudra que je m’en mêle…
Non.
Regardes-les bien. Ces sauvageons. Que penses-tu qu’ils feront de l’enfant de la petite reine qui semble à deux doigts de flancher ? De la petite bleue qui ne sait pas tenir sa langue ? Ils vont vous ouvrir avec leurs griffes, du bas du ventre jusqu’à la gorge, pour remplir ces fontaines.

Le disciple de Kiro ferma ses paupières un instant, s’efforçant d’ignorer ce maudit oiseau. Pourtant… et si il y avait une part infime de vérité dans tout cela ? Et si, ils n’étaient là que dans un but précis ?

« — Vos autres portraits, sont-ils pareil ? »

Une question pour taire les doutes que le Phénix faisait naître.