Lien de Sang et d'Acier [PV Athelstan]

Athelstan était en poste ce jour-là à la tour qui se dressait au milieu des marais, et ce fut depuis la construction que lui vinrent les échos du combat factice qui se déroulait un peu plus bas. Il reconnut sans peine la silhouette de Méridor, parce qu'il était impossible d'avoir connu son père sans reconnaître immédiatement le sang qui coulait dans ses veines. S'il n'avait pas la carrure que Gloriel avait hérité de leur père, il avait une grande taille et une force qu'il était possible de deviner même à distance, alors qu'il bondissait à hue et à dia en mimant un affrontement. Sans doute avait-il pris d'Anianka un peu plus d'agilité que son paternel, en faisant un élément précieux pour sa meute d'adoption. Durant un instant, le tricolore eut l'impression de voir surgir un fantôme. Les souvenirs et les histoires qu'on lui avait contés du passé, de ces loups chevaliers de la terre d'où étaient venus Agravain et Méléagant, se mélangèrent pour le laisser stupéfait. Mais la magie ne durant qu'un bref moment, le temps qu'il cille pour reconnaître la silhouette de son neveu.

Il jeta un dernier coup d'oeil aux alentours, puis emprunta la pente douce de bois qui permettait de quitter l'édifice afin d'aller à sa rencontre. Visiblement il tombait plus ou moins à pic, car le jeune loup était entrain de ranger son épée aux côtés de la deuxième qu'il portait accrochée au flanc, terminant visiblement son entraînement. L'aîné s'approcha d'un pas tranquille, sans chercher à cacher sa présence, progressant avec aisance sur les endroits les plus secs. Il avait parcouru ces terres tant d'années qu'elles n'avaient plus aucun secret pour lui, qu'il n'avait plus à réfléchir lorsqu'il les empruntait.

"Salutations, Sir Méridor." Lança-t-il lorsqu'il fut à portée de voix.

Il s'arrêta à quelques pas de son neveu, et ses yeux vairons s'attardèrent un instant sur les deux épées qu'il tenait à son flanc. Elles n'étaient pas sans lui rappeler, non pas son père, mais son oncle Agravain. Le loup roux aux cheveux de jais, qui portait à la ceinture trois dagues enchantées chacune d'un pouvoir singulier, et que son glowstick lui permettait de maîtriser. Sa disparition avait été une période sombre dans la vie du tricolore - mais bien lointaine désormais. Méridor portait également des pièces d'armures corbeau et or, qui ressortaient sur son pelage aux teintes légèrement rouges.

"Voilà un style de combat que je ne saurais que reconnaître." Ajouta-t-il en désignant les rapières du museau. "Feu mon père, Sir Méléagant, serait fier de constater que Sir Gloriel a transmis son héritage à son fils."

Il inclina légèrement la tête, comme pour saluer les talents du jeune loup. Le voir combattre à l'épée lui rappelait sa jeunesse, lorsque leur père les faisait combattre Gloriel et lui, armé de bâtons tenus dans leurs crocs. Le tricolore n'avait jamais été très doué pour cela, préférant de loin sa chaîne comme arme plutôt qu'une longue tige rigide.

"Ont-elles un nom ?" Demanda-t-il finalement.

Le Chevalier lui rendit son sourire et inclina doucement la tête pour lui faire comprendre qu'il partageait sa joie de le croiser. Le camp Etelkru fourmillait souvent d'activité ces derniers temps, et lui-même était souvent à gauche et à droite pour organiser les différentes patrouilles et tours de garde, ainsi que pour y participer dès qu'il le pouvait. Une partie de leurs forces avait migré vers le Nord, rendant une organisation impeccable plus nécessaire encore que d'ordinaire afin de surveiller leurs frontières et de veiller à maintenir les réserves de gibier et de plantes médicinales correctement remplies. Ils n'avait donc pas eu l'occasion de réellement discuter seul à seul.

Une lueur chaleureuse passa dans son regard lorsque Méridor lui répondit que c'était là la volonté de Gloriel, de transmettre cette partie de leur héritage. Lui-même ne pouvait s'enorgueillir de l'avoir fait, puisqu'il avait formé Pepper puis Solelio en combat au corps à corps plutôt qu'armé. Il ne s'était pas réellement posé la question, en vérité, il avait fait comme les choses venaient et elles avaient paru venir avec crocs et griffes plutôt que lames. Quant à ses autres enfants de sang... Ils paraissaient s'effacer un à un avec le temps, comme si tout ce qu'il avait vécu avec Lucie n'avait été destiné qu'à disparaître. D'abord Godric, disparu depuis longtemps déjà. Puis Salazar, jamais revenu à son tour. Et enfin récemment Rowena, partie en expédition sans jamais remettre les pieds au Castel. ne restait qu'Helga, douce présence autour des jeunes Etelkrus, qui lui rappelait bien plus sa propre mère Winnifred que la féroce Lucie.

"Il ne fait aucun doute que le moment venu, tu sauras les baptiser." Répondit-il.

Après tout, les armes portaient le nom des actions de leur porteur. Si Méridor était destiné à devenir un grand combattant, elles auraient sans nul doute moult occasions de se voir octroyer un patronyme.

"Si la connaissance est tienne du combat avec elles, je serai honoré de t'affronter en duel." Lança-t-il en relevant légèrement la tête. "Si celà te sied."

Une invitation à un combat cordial, qui serait un entraînement pour les deux. Cela faisait bien longtemps que le tricolore n'avait pas affronté d'adversaire avec ce style de combat, et voir la sauvage chorégraphie de Méridor avait fait ressurgir en lui de vieux souvenirs faisant fourmiller en lui l'envie de les remettre au goût du jour.

Une lueur s'alluma dans les yeux vairons d'Athelstan lorsque Méridor accepta sa proposition. En réponse au geste de son neveu, il tourna la tête et, d'un coup de mâchoire presque nonchalant tant ce geste lui était habituel, décrocha la chaîne qui pendait autour de ses épaules. Elle s'en déroula avec un cliquetis, pour tomber au sol entre ses pattes.

"Si fait." Répondit-il. "Je n'ai jamais su la nommer... Mais peut-être après ce combat pourra-t-elle arborer le patronyme de Victoire de l'Ancien !"

Il secoua la tête, attrapa l'extrémité du collier métallique entre les crocs, et fit quelques pas de côté. Son regard se planta sur Méridor, mais pas avec la même intensité. Cette fois-ci, il s'agissait du regard qui analyse, qui jauge, celui dont les loups se servaient pour évaluer la férocité de leur adversaire. Méridor était un grand loup, jeune, et il portait des pièces d'armure qui protégeaient certaines parties de son corps. Il était exclu de viser ses épaules, le haut de ses cuisses, ou la partie supérieur de sa tête. Son avant-main, de manière générale, serait dangereux puisqu'il tiendrait sa rapière entre ses crocs.

Cela dura un instant, qui fut très court et très riche à la fois. Le vieux loup eut un mouvement bref de la queue, suggérant à Méridor d'ouvrir le bal. Lui laissant quelques battements de coeur pour le faire, avant que lui-même n'en prenne l'initiative. D'un mouvement de la mâchoire, il raffermit sa prise sur la chaîne, qui cliqueta à ses pieds, comme pour lui parler. Il souffla en silence, sans quitter son adversaire des yeux, la tête basse et les muscles tendus.