La traque - Alexandrine, Désastre, Tawana, Meshret.

• 3 ans •
F A E I

Un coup de patte pour se hisser hors de l'eau, une aide salutaire apportée sans avoir rien demandé. La rouquine ouvrit des yeux ronds sur l'autre princesse, membre de cette escouade inespérée. Pour elle qui avait appris à vivre ici, à se faire discrète et à rester sous couverts pour éviter les ennuis liés aux gros prédateurs eut du mal à assimiler la nécessité d'une fuite urgente. Elle savait qu'il valait mieux se cacher et attendre que l'orage passe... Par ailleurs elle avait été si longtemps seule sur ce territoire a demi-hostile -ou presque- que son réflexe de survie n'était pas de réfléchir en action de groupe. On l'a poussa, pour la forcer à suivre un mouvement qui lui était contre-nature. On l'a bouscula pour l'entraîner vers ailleurs. Et cette-fois, elle grogna Solelio.

« Non ! Je ne pars pas sans Evan ! »

Ni une, ni deux, elle se braqua, fit bloc pour contrer la force d'Alexandrine. ( PC Réussite FOR - Échec ) Du moins, elle le tenta désespéramment, sentant une angoisse sourde montée dans ses entrailles. Elle ne pouvait pas abandonner le seul être qui finalement avait été là pour elle, le seul qui était revenu vers elle et ne l'avait plus laissée... Alors que tout son esprit était accaparée par l'image de l'Aviaire, ses crocs cherchèrent à repousser celle qui, là tout de suite, passa d'amie à ennemie qui l'empêchait de retourner auprès du mâle au ramage coloré. Le sourire d'Evan se raviva devant son regard glacé, alors qu'elle luttait pour retourner vers son campement, vers sa hutte, où attendait patiemment le crâne de Mégacéros peint en rouge, orange et bleu, sur lequel avaient été attachées des plumes au niveau des épais bois. Contre l'infernale solitude, l'esprit lupin s'était défendu en se créant des mirages. Des hallucinations qui avait permis à l'Etelkru de survivre jusque là, mais qui l'avait aussi enfoncée loin dans une réalité déformée.

Le fil du temps qui s’était déroulé à une folle vitesse sur les derniers instants sembla se tendre d’un brusque mouvement.
Comme un souffle qui s’imposa, un ralentissement qui vint tordre l’enchaînement des actions.

Elle, Anita, qui s’était presque arrêtée à force d’attendre que ne se dessine la silhouette du serpent géant, celle qui tardait à apparaître.
Le ciel et le brouillard de poudreuse, qui avec une lenteur presque agonisante se détachaient l’un de l’autre et faisaient durer trop longtemps le suspense de ce qu’il se trouverait derrière.
Les autres, si proches ; qui après avoir amorcé la fuite se retrouvaient eux aussi à attendre le souffle court que le dernier élément de leur troupe ne surgisse.
Aucun d’entre eux n’était motivé à quitter la zone sans sa présence à leurs côtés.

Puis... Puis il y a Solelio.
Ses oreilles sont les premières à attraper les cris puisque sa vue est fixée sur un point opposé. Mais les cris et les paroles suffirent à lui faire comprendre que quelque chose clochait.
Que leur consoeur luttait.
Contre eux.
Elle arracha son regard au lointain pour le tourner vivement vers l’arrière et voir la louve chocolat se débattre de l’emprise de sa soeur, chercher à l’atteindre de ses crocs.

Anita fut d’abord consternée de la scène qui se déroulait à quelques mètres d’elle.
Puis un bref instant la surprise et le doute se mêlèrent - juste une brève étincelle qui lui fit jeter un coup d’oeil vers l’endroit d’où ils étaient venus la récupérer, mais elle cessa bien vite, coupée par la certitude de ce qu’elle savait être vrai. Par l’image imprimée au fond de sa rétine de ce cadavre coloré qu’ils avaient vu, cette image qui hurlait qu’il ne pouvait rien rester de vivant de ce Evan à part de douloureux souvenirs.
Dans une autre situation, Anita aurait senti une pointe de tristesse la transpercer face à l’évidence que Solelio avait enduré une horrible passe dans sa vie.

Mais à cet instant les seules émotions qui explosèrent dans sa poitrine étaient bien plus violentes.
Elle avait peur qu’à tant se débattre, elle finisse par faire mal à sa soeur. Elle avait peur qu’à tant vouloir se dégager, elle n’y parvienne et se jette tout droit vers le monstre. Elle avait peur qu’avec ses cris et ses gestes, elle n’attire à nouveau le prédateur vers eux et les ralentisse.

Elle avait peur qu’elle gâche tout.

Et la peur, confrontée à l’urgence, s’associèrent pour se muer en colère.
Ses traits se plissèrent et se déformèrent, ses babines se relevèrent sur des crocs étincelants - en une expression si rare sur son visage.

— SOLELIO ! Evan est mort ! Y’a plus personne là bas, plus rien, alors cesse !

Son coeur battait à tout rompre, machine débridée, et elle espéra avec force que cela suffirait pour ramener leur camarade -leur amie- à la raison.
Et au même instant un bruissement d’ailes froissa les cieux - enfin.
La silhouette de Dez revenait vers eux, imposante mais vive, il serait à leurs côtés en un instant, et tous ensemble ils pourraient enfin repartir. Un sourire soulagé vint remplacer la menace sur ses lèvres, et l’espoir chassa l’angoisse qui comprimait sa poitrine.

A la suggestion de Meshret, Anita acquiesça d’un bref mouvement.

— Toute aide est bonne à prendre, un golem pourrait l’occuper un petit moment.

Son accord fut donné en quelques mots rapides - même si la petite créature ne parvenait pas à aller se rouler dans le sang pour l’attirer plus loin, au moins aurait-elle le mérite de jouer le rôle de proie de distraction sur laquelle refermer des crocs avides.
Désormais, il ne fallait plus tarder.
Anita les laissa s’organiser entre eux, veillant que tout le monde fut correctement assisté - puis elle prendrait la tête, sur une nouvelle impulsion, pour emprunter le chemin en sens inverse le plus vivement possible.

Vers la liberté.