One last shot — Onyx

Narcisse observait en silence le Koridé gambader. Il sortait si peu à présent son familier, restant le plus souvent dans l’antre de Kiro. C’était là-bas l’endroit le plus sûr pour lui au final… parce que lui ne pouvait pas grimper aux arbres, ni chasser.
Et son maître le négligeait un peu trop.
Même pour s’occuper d’un animal, l’Épée n’était pas apte. L’une des longues griffes vint retourner un champignon, qui ploya. Hum… qui pouvait bien manger ça ? À moins de ne jamais vouloir se réveiller. Le museau se lève alors qu’il sent une odeur de loup. Rencontrer un solitaire ? C’était vraiment pas quelque chose qui le branchait aujourd’hui…
Et puis…
Il s’avère que ce n’est pas n’importe qui. Petite louve brune aux cheveux mauves. Sans cape et avec des cornes différentes.

« — Onyx ? »

Elle avait changé depuis leur dernière rencontre… qui remontait aux Nakhus. Ses cheveux avaient encore été raccourcis…
Faut dire que Narcisse aussi n’était plus le même qu’il y a quelques mois… le corps pas mal amaigris du fait de sa négligence, les cernes sous ses yeux dues à la fatigue qu’il n’avait cessé d’accumuler…
Et un sourire qui étire ses babines, alors qu’il lève sa patte pour toucher la petite louve.

« — Je suis content de te revoir. »

Narcisse avait peu d’amis… mais il considérait qu’Onyx en faisait parti… d’une certaine manière.

Vouloir sauver une môme, c'était cool, mais se nourrir c'était aussi important.
C'était pour ça qu'elle était là, Onyx, par ce qu'elle savait que dans cette forêt, y'avait des p'tits champignons et que, en omelette, c'était tout de même super bon ces trucs là. La petite licorne sourit et accéléra le pas, enthousiaste. Non, avoir bouffé un mauvais champi, à s'en rendre malade, quand elle était ado, n'allait pas gâter sa bonne humeur.

- On va s'faire péter le bide, Marcel !

Par ce que lui aussi, aimait manger.
Bon, même si les champis c'était pas forcément la meilleure bouffe qui soit, pour un merle, il allait donc falloir qu'elle lui trouve autre chose à se mettre dans l'bec, aussi. Ou alors, il s'débrouillera, comme souvent : C'était qu'elle aimait pas trop débusquer de pauvres p'tits insectes par elle même, Onyx.

Elle déposa, au sol, l'oiseau sombre et se mit à la cueillette tandis que Marcel attrapait, ça et là, de petits vers accessibles. Il fut cependant effrayé lorsqu'un bruit de pas leur parvint, et s'empressa de rejoindre sa louve.
Ils avaient de la compagnie et, en tant que proie, il se méfiait de ceux qui n'avaient pas de cornes.

Onyx, elle, afficha un grand sourire.

- Narcisse ! Ca fait longtemps !

Elle l'observa rapidement.

- Quoi de neuf, depuis l'temps ?

Il n'avait pas l'air d'être dans son assiette, ça l'inquiétait pas mal mais elle ne voulait pas se montrer trop intrusive.

Le regard suit un oiseau complètement paniqué. Hum. Drôle de familier. Le Koridé s’était par réflexe réfugié entre les autres pattes de son maître, avant de s’intéresser à un champignons qu’il tapota avec ses cornes.
À la question, il conserva un instant le silence. Depuis sa mission de « surveillance » chez les Nakhus… il ne faisait pas grand chose à part les banalités quotidiennes pour le clan. Enfin si… s’occuper de Mildred.

« — Rien de bien palpitant, je le crains. »

Narcisse marqua une brève pause avant de reprendre.

« — Ta vie doit être un peu plus animée, je me trompe ? »

Un peu de bordel. Ça ne semblait pourtant pas la déranger la petite louve.

« — Rien de trop… dangereux ? »

À la question de la cornue, Narcisse se figea.

« — Je- »

Une brève hésitation.

« — Chez les Nakhus on m’avait ordonné de protéger les Etelkrus sur place. Quand l’incendie s’est déclaré, ma priorité s’était de m’occuper d’eux, leur empêcher d’être blessé… mais une fois rentré ça m’a été reproché. » Narcisse marqua une pause. « Les ordres étaient de protéger les miens. »

Cette mission, celle de trop.
Il détestait surveiller les autres, être responsable de leur sécurité. Les loups n’étaient que de petits ingrats, n’en avaient rien à faire des règles. Ces mois passés au sein des Nakhus, une meute qu’il méprisait plus que tout, alors qu’il aurait pu profité plus longtemps de ses mères. Tout cela pour que le petit panseur prétentieux ne devienne qu'un fantôme au sein du clan et que l’autre trahisse le clan.
Une certaine tristesse brille dans ses yeux.

« — Là-bas je ne me sens plus à ma place… mais ma famille… mes amis… mon dieu… ils y sont. »

Partir, ça signifiait devenir mercenaire si il voulait conserver son glowstick, prêter un autre serment à cette meute.
Il ne serait qu’un paria à leurs yeux.

Il est vrai, tout semblait bien dangereux, à moins de savoir se défendre. Narcisse se demandait si la petite cornue avait déjà eu à se battre.
L’une de ses longues griffes vint tapoter le chapeau d’un champignon à la couleur douteuse.

« — En tout cas, je me méfierais des champignons à ta place. »

Une lueur presque amusée brille dans ses yeux dorés.
Le bout de sa queue féline s’agite, trahissant une certaine frustration. Les ordres avaient été respectés, mais c’est visiblement lui qui n’avait pas eu l’esprit assez large.

« — C’est… compliqué. »

Il marqua une brève pause.

« — Ce sont ceux qui étaient avec moi qui ont posé problème, l’un est même parti après ça tel un voleur, sans avertir personne. Méridor, tu as du le croiser là-bas. Depuis il y a des tensions entre les Etelkrus et les Nakhus. »

L’Oracle devait probablement attendre des excuses, qu’il n’obtiendrait pas de la part du disciple de Kiro. Il avait assez payé, entre Yurai qui avait soigné tous les autres sauf lui, entre les reproches des deux merdeux qui étaient avec lui.
Il ne mentirait pas en s’excusant, même si cela devait apaiser les tensions.
Ce n’était pas sa faute si les Nakhus n’étaient pas foutus de surveiller leur territoire ni de connaître ceux qui entraient et sortaient librement chez eux.

« — J’imagine que je suis aussi en parti responsable de la fermeture des frontières. »

En parti. Après tout c’était pas lui qui avait mis le feu dans leur bibliothèque.
Narcisse pensa à Onyx qui de par sa nature de solitaire devait probablement se rendre chez les Nakhus avant tout ça. Par son inaction envers les pacifistes de première, il l’avait peut-être privé de bien des choses…
À la question sur sa famille, un soupir qui franchir les babines de l’hybride.

« — Je ne parle pas de ça avec mes soeurs, elles ne comprendraient pas. Elles ont des rôles importants dans la meute entre l’une alpha et prêtresse, je pense que pour elles tout va bien. »

Je ne serai probablement que le frère qui se comporte comme un enfant pour elles.

Oui, pour sur une mort causé par l’un de ces champignons ne serait vraiment pas glorieuse…
Narcisse fut légèrement surpris de voir un certain déplaisir chez la petite cornue lorsqu’elle parla de Méridor. Le traite avait fuit, la queue entre les pattes, comme il l’avait toujours fait, laissant derrière lui une louve qui avait tout fait pour lui.
Y compris briser le coeur d’Alexandrine.
Sans lui, peut-être que sa soeur n’aurait pas été aussi déçue en amour.

« — C’était un lâche. »

Qui se cachait derrière les autres, qui prenait la fuite dès que la situation ne tournait plus à son avantage.

« — Je devrais essayer, oui… mais tôt ou tard je devrais faire un choix. »

Partir ou rester.
La queue féline se balance un instant, avant que Narcisse ne pose son regard sur les coquillages, pensif. Conservant le silence quelques secondes, il finit par reprendre la parole.

« — Si tu as besoin d’aide, même pour ramasser des champignons, n’hésites pas. Je serai ravi d’aider une amie. »

Ils sont si rares ceux qui ont ce titre.
Je n’aimerai pas les perdre.