Protéger l'île [Solo, Défi]

-Edessa-

Déjà quelques mois qu'Edessa était chez les readers, et elle se faisait de plus en plus à la vie sur l'île. Évidemment, tous les jours n'étaient pas faciles. Parfois, la pluie diluvienne délavait les plages au point de tremper la louve aux poil épais pendant des jours. D'autres, elle se demandait où étaient passés le reste des Readers tant elle ne croisait pas grand monde. Mais petit à petit, elle s'y faisait, à cette vie difficile, nourrie par l'océan, à ses côtés chaque jour. Et surtout, elle l'aimait de plus en plus, cet Océan. Les carcasses de bateau ainsi que les deux navires qui passaient aux côtés de l'île la captivait de plus en plus, les sirènes de l'aventure se faisant de plus en plus puissantes. Mais Edessa était patiente, patiente et minutieuse. D'abord, il fallait qu'elle gagne sa place auprès de l'équipage.

Chaque jour, elle descendait à la plage. Chaque jour, elle récoltait ce que l'Océan lui offrait sur le sable : des coquillages, des cailloux, des algues, du poisson. Elle se nourrissait assez facilement, malgré les conditions météorologiques pas forcément clémentes. Après tout, elle était une ancienne solitaire : se nourrir, s'abriter n'était pas un problème. Le contact lupin non plus ne lui manquait pas forcément, même si elle avait souvent l'impression d'être une indésirable. Ce qui lui manquait, c'était un but, quelque chose pour diriger ses journées.

Et ce but, elle en avait une vague idée : bientôt, de ce qu'elle avait compris, le combat contre Céto s'enclencherait. La murène n'était pas une Déesse, mais sa force n'était plus à prouver. Elle avait enchaîné les Readers pendant des années à leur île, les maudissant en les faisant brûler s'ils posaient une seule patte sur le continent. Alors, ils avaient décider de partir en guerre contre elle. Edessa, elle, n'avait pas de pouvoir, pas de force. Mais elle était maline, et surtout, avait de la suite dans les idées : elle voulait protéger l'île. Car lorsqu'ils descendraient dans les abysses, leurs terres, leurs enfants et leurs anciens, seraient laissés à découverts, vulnérables. Ce n'était pas acceptable.

La louve avait alors eu l'idée d'un système d'alerte. Mais comment faire pour alerter les loups sur l'île qu'un danger arrivait ? Elle y cogitait ce jour là tout en tissant ses cordes. Les cordes d'Edessa était vite devenues une passion : elle les faisait de plus en plus longues, de plus en plus solides. Peut-être pouvait-elle les utiliser ? Une fois sa corde finie, elle se dirige vers la mer. Tisse un filet, tente de le déposer dans l'eau avant de se rendre compte de l'absurdité d'une telle situation. Elle n'allait pas remplir la mer de filets juste pour protéger l'île de Céto … Non, ce qui lui fallait, c'était un espion marin.

Une idée germe dans sa tête. Elle se remet à travailler sur son filet, avec cette fois-ci une idée plus précise en tête : attraper du poisson. Le filet est la partie facile : elle connaît bien les nœuds, à force. Alors, elle finit de le construire, et s'en va vers la mer pour essayer d'attraper un beau poisson, ou même un autre animal marin. La suite est plus floue : comment faire pour en faire une sorte d'outil de detection ? La frisée se concentre sur sa tâche, et bien vite arrive à attraper un beau poisson dans son filet, qu'elle garde précieusement dans l'eau. Il s'agirait qu'il reste vivant.

Peut-être peut-elle l'apprivoiser ? D'abord, elle attache son filet et va repérer un trou d'eau dans les rochers. Là, elle y amène son poisson, le plus vite possible pour éviter qu'il ne meurt d'asphyxie. Une fois bien installé, elle l'observe : il a l'air paniqué. Plus que ça, elle ne voit vraiment pas comment lui apprendre à détecter quoi que ce soit. Bon. Edessa s'en va vers la forêt, à la recherche d'herbes, de graines, de quoi le nourrir. Lorsqu'elle revient, son poisson est toujours là, et semble s'être calmé. La frisée s'asseoit, et tente de lui donner de l'herbe : pas d'intérêt. Des graines ? Ha, il les regarde, mais n'en mange pas. Même sort pour e champignon qu'elle a trouvé, les morceaux de noix de coco, et l'écorce d'un cocotier. Sa dernière chance : une crevette. Bongo ! Le poisson se jette dessus pour la dévorer. Il semble que c'est un carnivore à qui elle a affaire. Elle va lui chercher quelques crevettes en plus, le nourrit avec espoir. Est-ce que ça suffira à le faire l'apprécier ? La marée remonte, et c'est non sans une certaine appréhension qu'Edessa s'en va relâcher son poisson dans l'espoir qu'il reste près d'elle. Elle ouvre le filet, et … Il part, sans demander son reste. La frisée reste là, pattes ballantes, dépitée. C'est un echec.

Qu'à cela ne tienne ! La louve ne va pas s'arrêter sur ça. Elle décide de construire un piège, quelque chose qui, en étant enclenché, pourrait arrêter Céto (comment monterait-elle sur terre, d'abord, la grosse murène?) ou un de ses soldats, si elle en avait. Ils devaient être prêts à tout ! La louve commence par aller récolter du bois dans le semblant de forêt de l'île, qu'elle taille en épine. Le but est de faire une sorte de piège réactif, plantant ces épines dans tout ce qui marcherait dedans. Elle récolte également du bois souple : il faudra une sorte de système élastique, et un déclencheur.

La réfléxion lui prend du temps, beaucoup de temps, et c'est l'après-midi déjà bien entamée qu'elle commence la fabrication de son piège. Deux cerceaux de bois souple, hérissés de pics qu'elle attache avec de petites cordelettes fabriquées exprès. Elle les compresse d'une contre l'autre, trouve un équilibre précaire : la structure est tendue. Une pression, et … Tout s'écroule, lui éraflant la patte au passage. Bon, ce n'est pas encore ça.

Quelques heures plus tard, la nuit est tombée, mais le système d'Edessa commence à prendre forme : deux arceaux doublés, hérissés de piques, liées en leur centre par une corde en tension. Cette corde, élastique, permet aux deux arceaux de se refermer une fois qu'on marche dessus. La louve en est fière, de son piège. Mais elle ne l'a pas encore testée avec un « vrai » loup, seulement avec des feuilles, des bouts de bois, et même un poisson (vengeance de son premier plan avorté). Peut-elle vraiment ? L'idée de le tester sur quelqu'un de l'île lui a, évidemment, effleuré l'esprit. Mais elle veut bien se faire voir, et blesser quelqu'un n'est pas vraiment une bonne idée. Alors, il faudrait qu'elle s'utilise elle-même comme cobaye. Quelle plaie…

Elle dépose le piège devant elle, et soufflant un bon coup, marche dedans. Le mécanisme s'active, la corde se tend et attire les mâchoires du piège qui se referment sur sa patte. Mais les piques ne sont pas assez fixées solidement, et s'éclatent avant de rouler au sol. Sa patte, elle, s'en tire plutôt bien, avec quelques éraflures seulement. La frisée couche les oreilles : il faudrait les fixer mieux, et alourdir encore le centre pour ajouter de la « poussée ». Ni une, ni deux, elle se met au travail : fixation de roches pour alourdir le centre, et de meilleurs nœuds pour les piques. Depuis, la nui est belle et bien tombée sur elle, mais elle continue à travailler. Elle doit terminer ce projet.

Le deuxième essai est bien plus concluant : la patte pénètre le piège, et ce dernier ce referme autour de la chair, la mordant jusqu'au sang. Elle retient un grognement de douleur : ça fonctionne ! Une autre idée lui vient, alors qu'elle peine à se détacher : ça peut fonctionner pour immobiliser, ou ralentir un loup ! Sa patte est dégagée, ses blessures saignant à présent, mais son esprit bouillonne. Elle fixe le centre du piège à une corde, attachée à un arbre, puis un deuxième. De même, elle tente de le camoufler avec des feuilles et branches qu'elle trouve aux alentour. Mais le truc est sensible, et il se déclenche une nouvelle fois, dans le vide, cassant quelques dents à l'occasion. Edessa doit ensuite passer de longues minutes -la fatigue commence à se faire sentir- à remettre le tout en place, comprenant par la même occasion à quel point le dispositif est fragile.

Finalement, la voilà observant son œuvre. Cette fois-ci, elle ne le testera pas : sa patte encore ensanglantée ne s'en souvient que trop bien. Mais elle est sûre d'elle : si ces pièges sont mis un peu partout, peut-être qu'ils pourront endiguer une avancée de soldats. Mais quand les poser ? Ils sont délicats,et mettent plusieurs minutes à attacher. Et les laisser tout le temps serait un danger incroyable pour ceux désirant se balader ou chercher leur nourriture sur l'île. Elle baille : il faudra qu'elle en parle à quelqu'un, demain, peut-être Abysse ou le Capitaine pour voir si son idée peut lui être utile. En attendant, elle n'oublie pas son intention initiale d'apprivoiser un animal marin pour lui apprendre à prévenir les loups. L'Océan est complexe, mystérieux, et savoir le lire peut être très intéressant. Peut-être qu'il faudrait qu'elle en parle à la petite d'Abysse, celle pouvant créer des animaux ? C'est la tête pleine de projet qu'Edessa rentre dans sa tanière, son piège désarmé dans la gueule. Demain sera une longue journée !