Étoiles - Séléné

Tout était parti d’une envie de voir les étoiles.
Les temps avaient été troublés, dernièrement, et Ysée ressentait le besoin d’un peu plus de légèretés. Elle s’était donc faite plus aventureuse que de coutume et, à l’heure ou la plupart des ses camarades dormaient paisiblement, elle s’était vêtue d’une cape épaisse, confectionnée par ses soins pour les températures hivernales, bien plus fraîches.
Le fait de se promener la nuit ne l’aiderait pas à se réchauffer davantage, puisque le soleil, par son absence, la priverait de sa lumière chaude et de ses rayons. Tant pis. Il en faudrait bien plus pour venir à bout de cette idée qu’elle s’était mise en tête.

Plus que de se changer les idées, elle avait peut-être besoin de rompre un peu avec sa routine, bien établie, contrainte par sa propre fragilité. Les grands voyages, ceux dont-elle rêvait depuis l’enfance et qui l’avait poussée à parcourir bien des récits à leurs propos, ne lui étaient permis, ou du moins, par maintenant, et Ysée devait se contenter du peu qu’elle pouvait saisir, sans s’en plaindre, par ce qu’elle ne se voulait pas être de ces louves qui s’apitoyaient sur leurs triste sort.
Elle avait la chance, et elle le savait, d’avoir grandi, et maintenant de vieillir entourée de ceux qu’elle aimait : Ses parents, sa fratrie, Jun’ et sa Déesse. Elle était, d’une certaine manière, attachée aux Nakhus, et même à ceux qu’elle côtoyait moins et au concept de leur meute.

Sans doute était-elle naïve et ignorante à propos de tout ce qui pouvait se passer au-delà des frontières mais ce n’était pas quelque chose qui la chagrinait particulièrement.

La louve blanche remua doucement la queue, ravie de cette balade nocturne, alors que son regard vairon cherchait, dans leur ciel d’encre, les premières étoiles, lumineuses. Elle appréciait cette ambiance toute particulière, le son de la neige qui craquait sous ses pattes, le bruit du vent dans les branches des arbres qui bordaient son chemin et les cris des quelques chouettes, ou hiboux, qu’en savait-elle vraiment ?

Déjà essoufflée par sa petite escapade, et quand bien même elle avait toujours su qu’elle n’atteindrait jamais le sommet du plateau du Soleil, Ysée décida de s’arrêter là. C’était toujours mieux que rien et, en hauteur, elle se sentait plus proche de ces étoiles, si jolies.
Elle sourit pour elle même, enchantée du spectacle. Il lui en avait toujours fallu peu, pour être heureuse.

Derrière elle, d’autres pas firent craquer la neige.

- Bonsoir. Es-tu, toi aussi, venue pour admirer les étoiles ?

Sous ses yeux, l’une d’elles, filante, traversa le ciel.

Il n’en fallut pas plus à Ysée pour s’émerveiller.

- Quelle chance tu as, d’avoir un pelage aussi joli !

Elle était, à elle seule, un magnifique ciel nocturne, si l’on excluait les grands aplats blancs, semblables aux nuages, qui recouvraient son corps par endroit.
Son compliment, par contre, déstabilisa Ysée un instant. Elle détourna le regard et ramena l’une de ses pattes contre sa poitrine.

- Je m’appelle Ysée. Et tu es Séléné, c’est cela ?

Elle gardait quelques vagues souvenirs d’elle, d’avant son départ. C’était une période un peu lointaine et Ysée était encore bien jeune.
Séléné avait bien changé, lorsqu’il lui semblait être restée la même jeune louve timide. C’était peut-être son voyage qui avait provoqué tout cela : Si son issue avait été bien triste, à en juger par l’état dans lequel s’était trouvé sa camarade, Ysée ne doutait pas qu’il ai pu s’y passer de fort jolies choses également.

Consentirait-elle à lui narrer ses aventures ?

Ysée eut un léger soupir de soulagement.

- Je suis contente de constater que je ne me suis pas trompée.

C'était un peu gênant, d'écorcher le nom de son interlocuteur, tout de même. Elle, en aurait été particulièrement honteuse.
A la question posée, son sourire remonta davantage.

- Je les adore ! On dirait... des paillettes célestes !

Elle ignorait si c'était, là, la comparaison la plus juste, mais c'était la première qui lui venait. Oh, elle espérait, tout de même, que Séléné ne la trouve pas ridicule.
Comme pour s'en assurer, elle jeta un regard un peu plus appuyé à la louve étoilée. Avant de constater, que ce n'était peut-être pas poli, et de détourner le regard, encore.
Ysée entortilla l'une de ses longues mèches de cheveux autour d'un doigt de patte.

- Quelle est la plus belle chose que tu aies pu voir, de toute ta vie, Séléné ?

Elle qui avait tant voyagé avait du s'émerveiller devant bien des spectacles.

Elle ne s'était pas attendue à ça.
Les livres, c'était quelque chose d'un peu banal, à ses yeux. Même elle, avec sa faible condition, et avec un peu d'aide de la part de l'un de ses pairs, pouvait aller les contempler à la bibliothèque. Alors oui, Ysée devait bien reconnaitre que certaines couvertures étaient particulièrement jolies... Mais tout ceci lui paraissait bien fade, à côté de l'idée qu'elle se faisait de la beauté de tous les levers de soleil de la terre, ou bien d'autres choses encore, qui se produiraient dans des endroits différents, qui pourraient être foulés seulement par les pattes d'un voyageur endurant.

Enfin, c'était peut-être grâce aux livres et aux images que l'on y trouvait, qu'elle parvenait à imaginer ce qu'il se trouvait derrière les frontières Nakhus.

- Oh.
Je n'en ai pas qui me viennent, je n'ai jamais quitté les terres Nakhus et ma vie est on ne peut plus routinière.

Elle sourit, cependant.

- Mais lorsque j'en aurai, je te les raconterai avec plaisir.

Pour cette fois, elle bâilla à s'en décrocher la mâchoire.

- Je suis désolée, je suis épuisée, je vais aller dormir.