Odeur de fleurs [PV Grimalk]

Leur deux corps s'arrachent du sol.
Il le sent.
Il sent que sa force obéit à sa volonté et que la louve ne peut rien pour lutter contre le feu qu'il injecte dans ses muscles.

Pourtant...

Pourtant, il se passe quelque chose. Au moment où il s'apprête à acquérir un contrôle total, son esprit n'est plus assis sur le siège conducteur.
Ça le frappe comme une évidence contre laquelle il ne peut pas lutter.
Il n'est qu'un simple spectateur au moment où quelque chose ordonne à son corps de faire une action que lui n'a pas commandé. Alors qu'il l'a tient à sa merci, qu'il n'a plus qu'à la projeter sur le sol... Ses mâchoires s'ouvrent d'elles mêmes, ses gestes ne lui appartiennent plus.
On le dérobe de son contrôle.

Et Grimalk est estomaqué autant qu'il est enragé.

Ça ne dure qu'un instant et déjà il se sent à nouveau maître - mais un instant suffisant pour qu'il ait perdu sa proie et que celle-ci se retourne contre lui.
La douleur irradie de nouveau quand elle se jette sur lui et fourre ses crocs parmi son poil épais.
Un grondement monte du fond de sa poitrine jusque dans sa gorge, explose dans sa gueule aux crocs dévoilés, ses yeux etincèlent d'indignation avant tout.

Tel était donc la présence de son démon à elle, la marque de l'Araignée.

Et c'est désormais à son tour, n'est-ce pas ?

Il ne sait pas si c'est par réflexe, par souvenir ou par instinct qu'il jette à ce moment un nouveau regard à sa patte, mais peu lui importe, car il le voit.
Cet éclat qui enveloppe Tyr comme une seconde lame, un second souffle, une invitation à laisser éclater ses envies les plus brutales, une flèche pointée sur la cible à abattre.
Ses yeux dorés reviennent brutalement sur la louve au spirale encore accrochée à lui.

Elle l'a attaquée de front.
À ses mâchoires d'or et d'email, elle offre tout son être de la nuque au bout de la queue.

Un choc électrique se libère dans l'intégralité de son corps et contracte tous ses muscles alors que Grimalk laisse un hurlement rauque érailler sa gorge, ses postérieurs se bander et toute son avant-main s'enrouler autour de la louve pour l'envelopper dans une étreinte violente et laisser ses crocs s'arrimer à son garrot.

Spoiler:

Il ne sait pas pourquoi il se sent faiblir.
Il ne sait pas pourquoi ses attaques sont si lentes. Il s'était senti avoir l'ascendant et avoir balayé les maigres défenses de la fine femelle, il s'était senti à quelques secondes d'une victoire qui maintenant lui glissait entre les griffes sans qu'il ne comprenne pourquoi.
Ça l'enrage, ça le dévore.
Ses crocs n'ont pas l'occasion de se refermer sur la louve : elle se dérobe et pire, elle l'emporte.
Elle s'en prend à ses appuis, eux si fidèles, et le déstabilise. Grimalk se sent vaciller, il se sent tomber, perdre le contrôle et perdre tout court.

Ses yeux s'écarquillent de choc autant que d'indignation.

Si.
Il sait pourquoi il perd.
Parce qu'il a renié Týr malgré son appel silencieux, parce qu'il a délaissé ses couteaux qui sont son meilleur atout pour se confronter à elle d'une autre manière. Il les a trahi et en retour ils ne pourront pas le sauver.
C'est aussi à cause de la magie. Celle qui l'a touchée, celle qui a fait briller le sol et a diffusé un venin en lui, celle aussi qui l'a forcé à la relâcher au moment où il avait sur elle la meilleure prise.
Et cette combinaison de facteurs l'amène brusquement au sol. S'il s'était servi de ses couteaux pour se maintenir distance, la toile ne l'aurait jamais touché. S'il avait saisi Týr au moment où il s'animait, la lame aurait touché son but.
Ça l'enrage, ça le dévore.

Mais juste avant de toucher le sol, pendant cette chute incontrôlable qui lui paraît interminable...
Il voit l'éclat qui brille encore, et Týr dans son fourreau qui murmure encore.

Grimalk ne ferait pas l'erreur de l'ignorer deux fois.

Un dernier effort contracte ses muscles endoloris et déjà tendus à l'extrême, une contorsion de l'encolure redresse sa gueule pour qu'elle se referme sur le manche de sa lame. Les crocs rencontrent le cuir et s'y unissent, le poids de son corps redevient allié temporaire quand il relâche la tension comme un élastique bandé pour que le métal auréolé de lumière profite de l'inertie.
Inflexion de la nuque pour incliner la trajectoire à l'ultime instant.

Et que dans cette étreinte qui s'apprête à se terminer dans le rouge des roses, il permette à Týr de la blesser autant qu'elle joua de l'union avec ses démons pour le défaire.

[Utilisation Punk'tober Arme : +1 dégât par dé FOR réussi]

Le sang coule et vient toucher ses lèvres, déclenche un frisson de satisfaction.
Ça ne les empêche pas de tomber, ça ne l'empêche pas de perdre... Mais au moins a-t-il rendu honneur, un minimum, à son couteau en l'abreuvant et c'est la différence qui permet de rendre le corps de la louve aussi mou que le sien quand ils s'affaissent dans les fleurs.
Elle n'est plus aussi victorieuse que quelques secondes auparavant.

Pour lui aussi, le choc final est une bourrasque qui souffle une partie de sa conscience et le reste de son énergie. Il reste étendu un moment qu'il ne sait décompter, les yeux perdus dans l'immensité du ciel, ses flancs se soulevant d'une respiration rauque et profonde, les paupières lourdes, le corps endolori, les poils ébouriffés.
Seuls les entraînements les plus exigeants avec Azar l'avaient un jour laissé dans pareil état et même le combat des montagnes contre les créatures noires l'avait vu s'en sortir sur ses quatre pattes et le cadavre de l'adversaire dans son sillage.
Quant à elle, contre lui... Elle n'est pas morte, il l'a sent bouger et se redresser.

Ils ne s'étaient pas tués, mais ils avaient su tromper leurs démons, comme elle les appelait.
Sa tête douloureuse du mal de crâne qui commence à la vriller s'incline vers elle pour s'accrocher au rouge de son épaule qui le nargue, qui l'obsède. Ce combat qui avait enflammé autant son corps que ses sentiments avait fixé en lui une idée.
Sans la magie de ces terres, sans contrôle exercé dessus, il serait difficile de garder le dessus et de gagner. Alors plus qu'auparavant... Il se met à la covvoiter. D'un désir intense qui serre le cœur et les entrailles.
Lui aussi ne ferait qu'un avec la magie d'un des Dieux. N'est-ce pas ce pourquoi on l'a ramené ici ? N'est-ce pas ce que son sang lui même réclame et commande ?

Son regard se tourne cette fois vers la lame tachée de vermeil qu'il a laissé choir au milieu de l'herbe et des pétales. Sa vision est floue et se dédouble parfois mais demeure assez fidèle pour qu'il observe les dernières secondes de la lumière violette qui s'amenuise jusqu'à disparaître tout à fait.
En revanche, c'est dans les airs autour d'eux qu'il retrouve des taches de couleur - et ce qu'il prend d'abord pour des défauts de sa vision qu'il sait parfois survenir quand une fatigue extrême le submerge, il réalise que c'est un autre type d'illusion. Les siennes ! Des papillons qui volent de battements irréguliers et spasmodiques, qui les entoure de leurs formes fantomatiques et presque effacées par la clarté du jour.

Les lèvres de Grimalk se séparent et c'est un rire rauque qui secoue son torse, aux notes dépourvues d'harmonie.

— Regarde ! Ils dansent.

Ses paupières s'ouvrent un peu plus pour révéler des iris presque exaltés...
Puis sa tête retombe sur le côté, rangées de crocs séparées pour mieux laisser passer l'air.
Pas vraiment inconscient, en témoignent les fentes qui laissent entrevoir ses yeux dorés. Mais pas très loin de cet état non plus, tant des marteaux lui vrillent le crâne de part et d'autre.

Il lui faut juste du repos.

Son repos chaotique est troublé par un nouveau facteur quand Grimalk sent un contact s'immiscer contre son cou, une patte qui s'enfonce dans son poil fourni.
Il grogne d'un son qui évoque davantage un réveil que l'on cherche à repousser plutôt qu'une menace. À travers sa conscience floue il entend malgré tout la voix de la louve lui parvenir - il sent que la question "quelle louve ?" tourne plusieurs fois dans son esprit et tente de se frayer un chemin dans tous les débris de sa pensée tant les syllabes qu'il décrypte sont comme étouffées - et l'émotion qui serre la voix est palpable même à travers les remparts dissidents qui se sont dressés entre le monde extérieur et sa bulle intérieure.
Est-elle inquiète maintenant, après ces quelques minutes de déferlement l'un envers l'autre ? Où sont passées cette confiance et cette résolution qu'elle avait brandi comme arme autant que son masque comme bouclier ?

Un nouveau rire fatigué vient ouvrir sa gueule et secouer ses épaules.

— Je vais bien, j'ai juste besoin de fermer les yeux un peu, je t'ai dis. Je me connais.

Ou peut-être qu'il ne lui a pas dit, non. Quand Grimalk pousse son corps jusqu'à ce stade où la tare de son esprit est capable de prendre le dessus, il lui arrive souvent de penser dire des choses qu'il a seulement pensées ou d'entendre des mots différents de ceux qu'on lui a dit. Il ne le réalise qu'après - si il le réalise.
Il ne ment pas, cependant : il connaît ce stade rare mais intense d'épuisement, il sait comment réagir. La seule chose qui l'étonne encore c'est la rapidité avec laquelle il l'a cette fois atteint, et il met cela sur le compte de la magie.
Non, il y a une seconde chose qui l'étonne, à vrai dire.

Qu'elle soit toujours là.

L'un de ses yeux s'ouvre soudain en grand et son iris se plante dans le regard penché sur lui.

— Et toi, te connais-tu ?

Si sa voix est toujours rauque et abîmée elle a néanmoins regagné une force soudaine et un ton moins vacillant - moins délirant.
Et sa pupille demeure fixe et perçante, sans même un clignement de paupière pour venir désengager son regard doré.

L'hésitation, le temps de réponse, le mouvement de recul sont autant d'éléments d'une réponse qu'elle aurait autant pu hurler.
Dans cette demie-conscience qui l'enveloppe toujours, l'ensemble se mélange comme un brouillard qui empêche ses pensées de se verrouiller et de se focaliser, de décortiquer. Son monde se résume à des sensations, des impressions et des bribes de souvenirs qui dansent et s'entrmêlent.
Cet oeil doré persiste cependant à rester ouvert et à suivre ses faits et gestes, il s'y raccroche comme à une lumière au fond d'un tunnel, comme une araignée à son fil.

Et quand elle élève la voix, sèche pour le repousser, la mention du sang le fait encore sourire de ces crocs bicolores qu'il dévoile.

—  Le sang punit.

L'une de ses pattes s'agite finalement d'un mouvement quand il en contracte les muscles et plante ses griffes dans le sol pour mieux se hisser. La tête lui tourne toujours, mais les contours des choses ne sont plus si flous. Il voit plus nettement le battement d'ailes de ses papillons qui dansent, dansent.
Redressé sur son avant-main mais toujours couché, il ouvre peu à peu la seconde moitié de son regard et reprend la parole, d'une voix basse et profonde, focalisé sur les mouvements de la louve qui s'affaire à arracher des plantes du sol.

—  Et tu saignes aussi.

Là où les crocs ont transpercé, surtout là où la lame a tranché à travers le poil noir en spirales et ouvre un rouge chemin.