Nouveau jour · Ted

-Ted-

Ted baille. Assis au soleil, sa cape gisant devant lui, il travaille depuis le matin à la tâche minutieuse d'attacher les plumes trouvées il y a quelques jours sur la confection qui lui permettra d'aller dans le Nord. Il a, d'abord, rembourré le corps avec une deuxième épaisseur, usant de petits tissages végétaux qui lui restait de la confection d'ouvrage. Et puis, il s'était décidé à coudre une écharpe de plumes duveteuses autour du cou, pour ne pas avoir froid à sa cicatrice. L'affaire n'était pas difficile, mais le travail était lent : chaque plume devait être placée et cousue à la patte, et si Ted était motivé, il n'en restait pas que le sommeil était venu peu à peu manger sur sa détermination.

Le salut de Lùgh le sort de sa torpeur en un sursaut. Il n'avait pas croisé le beige depuis près d'une semaine, mais ne s'inquiétait pas tant que ça. Ou plutôt, il refusait de s'inquiéter : il ne s'inquiétait ni pour son père, qui parfois partait en vadrouille malgré ses 20 ans passés, ni pour ses sœurs qu'il n'avait pas revu depuis longtemps. Ni même pour Vanhir, partit il-ne-savait-où faire il-ne-savait-quoi. Le seul pour qui il s'autorisait à s'inquiéter était Fenouil, car cela lui donnait la force d'avancer dans son projet. Alors, non, il ne s'était pas inquiété. Cela ne l'avait pas empêché de penser à lui, de se demander ce qu'il faisait. Il allait peut-être pouvoir obtenir les réponses qu'il cherchait.

Il se retourne, soulagé de constater qu'il avait l'air entier, et en forme. Son corps était toujours celui d'une femelle, et il n'avait pas l'air d'avoir de glowstick bleu. La queue du mâle cendré s'agite doucement sur le sol, et un sourire vient tirer ses babines. Il avait l'air d'aller mieux, oui. Il s'était peut-être retrouvé. Alors, Ted retient ses questions sur ce qu'il avait fait pendant son absence : peut-être qu'il le lui dirait de lui-même. Il replie la cape sur laquelle il travaille avec soin tout en le saluant :

Mmh. Ça sonnait mal. Il sent les mots s'empêtrer dans sa gorge et la frustration le prendre. Il avance alors la tête, ignorant sa propre gêne. Il n'allait pas la laisser ruiner chacun des moments de sa vie ! Alors il se concentre sur la suite, et sur sa curiosité : Lùgh avait ramené des choses qu'il avait trouvé en expédition.

Le gris se tourne pour poser avec délicatesse l'épais manteau à côté de lui. Un regard rapide mais avenant -on pourrait presque dire malicieux- se tourne vers Lùgh après sa question. Et soudain, un autre sentiment, plus complexe. Une sorte de honte, peut-être, de préparer son départ vers le Nord alors que peut-être, le beige espérait qu'il reste ici. Sa gueule se fait plus sèche, ses doutes reviennent, comme avec Teddy : s'il partait, est-ce qu'il pourrait les retrouver à son retour ? Il les chasse. Il avait pris sa décision. Il parle, doucement :

Ted espérait qu'il eu oublié la cape, mais ça serait lui mentir, en un sens. Il y aurait bien un moment où il devrait lui dire, à Lùgh, qu'il allait partir. Il repoussait ce moment en essayant de ne pas y penser, mais son départ se rapprochait à grand pas. Pour oublier, il n'y pense pas et se concentre sur les trouvailles du beige. Son expression se fait curieuse et absorbée, comme lorsqu'il lit un ouvrage complexe. Devant lui, trois trouvailles s'étalent, et l'une d'entre elle retient particulièrement son attention : une petite plante porteuse d'un unique bourgeon doré. Cela lui rappelait ... Le vieux carnet qu'il avait trouvé ! Sa queue s'agite un peu, excitée, et il le touche d'un doigt délicat.

Mais ce n'est pas terminé. Avec un mouvement plus lent, Lùgh sort un bouquet de fleurs colorées, avec leur bulbes. Les yeux de Ted les détaillent, et il voit immédiatement le but : les replanter pour embellir le refuge. C'est une belle idée ! Il sourit, avant de croiser le regard de Lùgh, qui baise les yeux, soulevant quelques questions chez le brun. Y avait-il ... Autre chose ? Quelque chose qu'il devait comprendre, en plus ? Un sous-entendu qu'il n'arrivait pas à saisir ? Il rougit légèrement, baisse les yeux aussi avant de toucher les fleurs, presque avec tendresse.

Mmmh. C'était bizarre. Il se redresse, chasse la frustration de ne pas savoir s'exprimer à 6 ans passés, avant de lever une patte. Son regard se fait plus joueur.


Et il fait demi-tour pour regagner sa tanière. Là, bien gardé dans son fatras d'ouvrages, il trouve le vieux carnet trouvé il y a quelques mois, où il avait intercalé une feuille de sa propre écriture qui déchiffrait les recettes. Il le ramène avant de l'ouvrir avec délicatesse devant Lùgh. Il vient se placer à ses côtés, sans le toucher, mais sans ignorer la proximité soudaine de leurs épaules. Il pose une doigt sur la recette du milieu :


Il tourne le regard, excité par la découverte. Cela dit, des trois recettes trouvées, celle-ci était probablement la moins utile pour lui. Il rougit légèrement et se frotte la tête d'une patte. Son regard se fait plus fuyant.


Il rit, gêné. Personne, non, surtout pas lui ou ses sœurs.

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L'embarras du gris, heureusement, n'est pas si contagieux. Lùgh a l'air plus à l'aise que lui avec ces ... choses là (ce qui n'est pas difficile) et lui dit que ce genre de remède est connu, de part chez lui. Ted prend un air intéressé : ici, au refuge, ils n'avaient pas vraiment de médecin ni de connaissances sur la fertilité, et Ted ne serait pas celui qui s'y collerait. Cela dit, le remède pouvait toujours servir, et peut-être qu'il irait le proposer aux nakhus si un couple en avait besoin là-bas. Enfin, il fallait encore trouver un œuf magique et ça ... Une idée le traverse soudain : peut-être qu'un oeuf de vouivre, dans la Sylve, irait ? Il était contre le vol d'oeuf, mais en l'occurrence ça serait comme sacrifier une vie pour plusieurs autres. Enfin, là n'était pas la question, il n'en avait pas besoin. Le beige continue, mentionne la fratrie de son père et Ted hausse les sourcils. Dix ?! Il n'imaginait même pas donner naissance à une telle quantité de petits, encore moins les élever !

Alors, il hoche la tête à l'affirmation de Lùgh : oui, ça faisait beaucoup d'enfants. Lui ne savait même pas s'il en voulait un seul. Il imaginait que pour le beige, la question était encore plus complexe, avec son corps changé. Alors, toujours un peu gêné par ces questions-là (pourtant, il ne devrait pas, mais il ne pouvait s'en empêcher ; c'était comme le petit livre rose qu'il avait trouvé près de son lit, quelque chose qui existait, mais dont il ne voulait pas parler), il s'éclaircit la gorge avant de se pencher un peu pour tourner les pages du vieux livre. Il avait un peu chaud, maintenant. Il montre les deux autres recettes qu'il avait réussi à déchiffrer :


Il se redresse un peu, s'éloignant de Lùgh. Leur proximité lui était douloureusement rappelée à chaque fois que ses poils frôlaient les siens, et même si ce n'était pas désagréable, Ted avait du mal à se concentrer sur autre chose. Il se gratte la tête.

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Une fois encore, Lùgh lui parle des légendes de son pays, et l'intérêt de Ted est piqué. Son côté écrivain le titille tant il aime les mythes, et voir le beige si ouvert à en parler l'incite à lui poser plus de questions. Mais ça sera sûrement pour plus tard : la conversation repart sur les différentes recettes, notamment celle du voile. Ted hoche la tête : c'était une bonne idée. Lui avait pensé à une sorte de voile pour voir ce qui était caché. Peut-être qu'un détour chez les nakhus pourrait les aider à y voir plus clair ? Il acquiesce de nouveau lors de la proposition d'aller planter les fleurs. Le temps était bon, etil ne fallait pas les laisser hors de la terre trop longtemps.

Il se lève et retourne poser son carnet dans sa tanière, ainsi que sa cape. Puis, revenant vers Lùgh, il prend une partie des fleurs pour les mettre avec délicatesse dans sa besace. Ce faisant, il continue de réfléchir à voix haute :


Il se met à avancer vers le jardin, tournant la tête pour croiser le regard de Lùgh.


Ca tombait bien, il devait aller à la bibliothèque. Mais Lùgh, qu'en pensait-il ? Son regard se fait interrogateur, et sa curiosité sur ce qu'il avait fait pendant ces quelques jours revient.

-Ted-

La route vers le jardin est courte, leurs réflexions le seront aussi. Mais soudain, Lùgh se tait, semble réfléchir et finit par reprendre, bien plus fort et plus vite, faisant sursauter Ted. Il lui parle d'Ao, d'une cascade à traverser, de leur discussion, et puis d'un objet à aller chercher dans la mer, d'une quête donnée par la dragonne. Passée la surprise du ton de voix, Ted sourit, un peu plus grand. Il aimait voir le beige aussi motivé, et le voir parler sans s'interrompre lorsqu'il était excité l'amusait. Est-ce que lui aussi, il ressemblait à ça ? Pas à ce point !

En arrivant au jardin, le gris -qui avait, lui, gardé son calme- pose les fleurs au sol. Il fallait trouver un endroit où les planter, mais ce n'était pas le plus important. Sa queue n'a pas cessé de battre l'air derrière lui : il était content. Il s'était inquiété pour rien. Il relève ses yeux luisants vers Lùgh et hoche la tête, répondant d'abord à sa surprise :

Il penche la tête, composé. Son sourire refuse de quitter ses babines. L'erreur n'était pas très grande, mais il tâcherait d'y penser à l'avenir, s'l croisait d'autres étrangers à leurs terres. Et puis, la quête ... Son coeur bat un peu plus fort. Il garde les yeux baissés, jouant un peu avec une fleur :


Il relève les yeux rapidemment. Il était peut-être encore allé trop vite. Mais la cascade, et Ao, et l'attitude du loup à corne lui lassait penser que peut-être, maintenant, il était prêt.


Il se frotte la tête. Qu'est-ce qu'il disait ?

-Ted-

L'attitude a changé, depuis la semaine dernière. Maintenant, ce n'est plus la peur qui transpire de tout son corps, mais une sorte de volonté plus forte, de courage. Ted le regarde un instant, comme fasciné, sans rien dire. Est-ce que c'était Ao qui lui avait insufflé ça ? Était-ce le pouvoir d'un Dieu qui agissait de la sorte ? Si la dragonne avait fait quelque chose, le cendré ne pouvait cacher qu'il en serait un peu déçu. C'était presque trop facile. Mais elle lui avait donné une quête, et connaissant ce qu'Onyx disait de la meilleure déesse, elle n'était pas du genre à dispenser de ses bénédictions à n'importe qui.

Alors, le courage venait de lui. La dragonne l'avait peut-être simplement réveillé. Il penche légèrement la tête, cherche à comprendre, mais ne le peux pas : pour ça, il faudrait qu'il aille lui-même en voir un, de Dieu. Il sent son coeur s'accélérer. C'était à son tour d'avoir peur. Mais le beige l'avait fait, seul : il devrait s'en inspirer. A la question, il hoche la tête, avant de commencer à creuser un trou en bordure du jardin, pour fleurir l'endroit.


Nakhus, pour le voile, puis la mer pour Ao, et la bibliothèque, pour lui. Peut-être qu'entre temps, lui irait voir Mido, un plan qui le titillait depuis plusieurs années. Mais il voulait savoir, il devait savoir. Alors, lorsque Lùgh lui reparle d'Ao comme s'il s'agissait d'une amie, il relève les yeux et demande :

-Ted-

Sans s'en rendre compte, il s'est tendu, Ted. Il fuit un peu le regard du beige, presque désolé d'entamer sa bonne humeur. Pourtant, ce n'est pas un reproche : il avait simplement besoin de savoir, peut-être parce que lui-même ne savait pas où se placer vis à vis de ces Dieux, et que Lùgh semblait avoir trouvé une forme de bonheur et de courage à rencontrer Ao. Mais il lui répond par la négative : elle ne lui a rien donné, à part peut-être des choses sur quoi s'interroger, et une quête à effectuer. De ses pattes rendues agiles par le maniement de la plume, Ted s'empare d'un bulbe et vient le planter dans le sol. Il soigne la présentation, fait attention à faire varier les couleurs, mais son esprit est ailleurs. La réponse a un peu de mal à sortir :


Une moue agite ses épaules. Il ne savait pas quoi penser des Dieux. Alors, il se jure qu'il irait voir par lui-même, leur demander directement. Lùgh n'avait pas à lui apporter de réponses. Il relève les yeux, et sourit :


Car il n'avait pas de doutes que Lùgh réussirait, pas avec un regard comme le sien. Il creuse un deuxième trou, puis un troisième, et enterre deux autres bulbes de plantes colorées le long de la terre retournée. Une oreille bouge alors qu'il se concentre sur sa tâche.

-Ted-

Dans les jours qui viennent, donc très prochainement. Ted se redresse, alors que leur travail de jardinerie est terminé : il croise le regard de Lùgh, et peut encore y voir un peu de doutes. Mais le beige est courageux. Peut-être qu'il devait l'être aussi, courageux. Il frémit. Il allait aller voir Mido. C'était décidé, et ça lui faisait peur. Il devait préparer ce qu'il allait lui dire, ou ça serait trop difficile. Il sentait qu'il allait avoir du mal à dormir, cette nuit. Il inspire, croise le regard de Lùgh et cette fois, ne détourne pas ses yeux.


Il passe sa patte dans les cheveux. Il inspire, expire, avant d'avouer, un sourire flottant sur ses lèvres.

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Les yeux baissés, Ted s'occupe les pattes comme il peut pour éviter d'être trop gêné. Distraire son esprit, pour ne pas trop s'appuyer sur sa gorge sui se serre et sa propre timidité, c'est la seule manière qu'il a trouvé de ne pas la laisser manger ses interactions, ses relations. Il se décide à prendre un seau à côté de lui, où un fond d'eau restait encore d'une averse de la nuit, et à la répartir sur leurs fleurs nouvellement plantées. Il fallait les aider à se sentir chez elle, un peu comme chaque nouvelle personne venant s'installer au Refuge.

Lùgh, lui, a l'air étonnement frappé de ses mots. Ted relève les yeux rapidement, et lui sourit. Il n'avait pas menti, et peut-être qu'il aurait aimé lui dire plus, lui dire qu'il l'admirait pour avoir tant vécu et toujours tenir debout, pour ne pas avoir abandonné. Plus encore, pour se battre pour sa vie, et avoir le courage de prendre des risques. Il cille : il sait qu'il n'en est pas capable, de dire tout ça. Alors, il distrait son corps, finit d'arroser les fleurs et se redresse.


Il se gratte la tête avant de faire un signe vers le foyer d'où ils venaient.


Il sourit. Le Raptor était connu pour son orgueil et son intransigeance. Ted se devait d'y aller avec humilité, et de bien choisir son offrande sous peine de devoir affronter le dinosaure gardant les lieux. Mais une fois encore, son coeur est pris d'une étrange sensation : il n'avait pas envie de courber l'échine face à un Dieu. Il ne voulait pas vénérer, simplement comprendre. Alors, il ne sacrifierait pas l'original de ses documents, non. Sa petite bibliothèque resterait la sienne.

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Ce qu'il avait réussi ... Qu'est-ce qu'il avait réussi ? Pas grand chose, à part arriver à entasser un monticule impressionnant d'objets divers et variés dans sa tanière. Peut-être qu'il avait réussi à accumuler une certaine connaissance, entre ses notes sur la Sylve et son morceau de bestiaire, ses réçits du Nord, son herbier, ses notes de livres de la bibliothèque, et ses recettes. Mais rien que Mido ne connaissait pas déjà. Lùgh continue, lui parle de la bibliothèque, et son esprit s'éclaire d'une idée, d'une théorie qui le fait ouvrir les yeux plus grand.


Cette idée lui insuffle un vent d'excitation qui fait battre sa queue dans son dos. Son esprit est débarrassé de la gêne, maintenant, et les idées affluent en troupeau, tant qu'il met un peu de temps avant de comprendre ce que Lùgh lui dit après. Il voulait lui raconter son histoire ? Ted se fige. Son visage s'éclaire d'une expression émerveillée, presque enfantine. Récolter les histoires, c'était son rêve, qui avait toujours été entravé par ses piètres capacités sociales. Et maintenant, le beige voulait lui offrir la sienne ? Il s'approche, un peu, oreilles en avant :

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Oui. C'était un cadeau qu'il lui faisait là, et Ted reste un instant en suspens, hésitant. Comme c'était la première fois qu'il arrivait à recueillir un réçit, il ne savait pas bien comment réagir. Mais son père lui avait dit, une fois, que toutes les premières fois étaient maladroites. Celle-ci le serait sûrement aussi. En tout cas, c'est ce qu'il se dit pour l'aider à détendre un peu sa peur de mal faire. Lorsque le beige précise, il hoche la tête : ça sera son rôle, de coucher sur le papier l'histoire de la manière la plus juste possible. Un frisson d'excitation soulève légèrement son poil, et il attarde un instant son regard dans celui de Lùgh, comme pour le remercier.

Puis, il file chercher du papier, une plume et de l'encre. Une fois cela fait, il revient et s'installer près du mâle pour recueillir ses mots. Il n'a pas besoin de demander : Lùgh se livre seul, décidé. Ted écrit, simplement, parfois penchant le livre pour demander l'orthographe d'un nom propre. Et plus il écrit, plus son coeur sombre dans sa poitrine. On avait donné 5 ans à Lùgh, sans ses résurrections. Et puis, la magie d'ici n'agissait pas de la même manière : il ne pourrait peut-être jamais revenir. La mort planait sur lui, et pourtant ... Et pourtant, il souriait.

Le gris relève des yeux soucieux. Il regarde ce qu'il avait écrit : il faudra encore le mettre au propre, mais il pourra faire ça cette nuit. Il hoche la tête : d'abord, il fallait remercier.


Il sourit. Mais son inquiétude ne se dissipe pas. Il se sent honteux, d'avoir caché son projet au beige, et la question qui reste en suspens se fait encore plus brûlante : combien de temps avait-il ? Lui qui voulait des enfants, vivre et revoir Ao, combien de temps avait-il ? La gorge de Ted se noue. Il ne peut plus mentir. Il ouvre la gueule, et force les mots hors de sa poitrine :

-Ted-

Ted se sent un peu coupable d'entamer ainsi l'enthousiasme de Lùgh. Il relève le mot "sabbat", connoté positivement dans sa gueule, et se promet de lui demander ce qu'il signifie. Mais avant ça, il avait une confession à faire. Il inspire, regroupe un peu de son courage. Pourtant, ce n'était pas grand chose : il n'avait jamais promis au beige qu'il resterait ici, c'était plus une sorte d'accord tacite qui s'était installé entre eux. Ted n'avait pas envie de le briser, pas envie de laisser sa tanière qui était devenu une sorte de point de sécurité vide. Mais il n'avait pas le choix : c'était son projet. Le contact du museau du mâle l'aide un peu à se lancer, malgré sa voix hésitante :


Il se frotte la tête, le regard toujours baissé sur les pattes de Lùgh. C'était plus confortable d'éviter le regard, de ne pas chercher à y voir les premières réactions, seulement celles que le beige voudrait bien lui montrer. Ted aimait le savoir, mais parfois, l'ignorance était salvatrice.

Finalement, il lève les yeux, cherchant peut-être un peu de réconfort ou un pardon. Il n'avait plus envie de partir, lorsqu'il voyait ce qu'il quittait ici. Seul, dans le grand Nord, l'idée fait revenir ses doutes et surtout -surtout- la peur de ne plus retrouver personne lorsqu'il rentrerait. Tous ses amis étaient des vagabonds, et lorsqu'ils disparaissaient, Ted ne savait pas si c'était pour un temps, ou pour toujours. Lui-même n'allait peut-être jamais en revenir, de ce fameux grand Nord, et laisserait à jamais ses projets en suspens, et ses amis dans l'expectative de son retour. Il ne le souhaitait à personne.