Nouveau jour · Ted

-Ted-

Le regard brillant de Ted ne rencontre qu'un air un peu confus de Lugh. Peut-être qu'il ne connait pas le Grand Nord, lui, peut-être que le cendré aurait dû commencer par expliquer ça. Mais c'était trop tard, et puis, il se débrouillerai avec le nom, il était malin. Le brun se redresse, cille et tente de répondre aux questions une par une, toujours un peu dans l'expectative de la réaction du loup beige :

C'est loin oui, mais j'aimerai revenir. Je ne sais juste pas combien de temps ça me prendra pour retrouver mon ami.

Le reste s'enchaîne un peu. Lugh avait plutôt l'air curieux, enfin, il cherchait à comprendre. Et puis, il était inquiet de retarder Ted dans ses projets, ce que le solitaire pouvait comprendre. Ce n'était pas le cas, pas du tout. Son projet d'aller dans le Nord était presque abouti, mais il avait profité de ces derniers jours pour finir sa cape, et elle n'était pas encore totalement finalisée. Rajouter un peu de temps pour faire des recherches a la bibliothèque permettrait même peut-être de l'améliorer. Alors, il secoue la tête.

Ça ne m'embête pas, je ne suis pas vraiment prêt encore. Passer chez les nakhus m'aiderait même à finir ma cape ... C'est ce que tu as vu tout à l'heure !

Et puis, et puis ... L'inquietude. C'était assez étonnant, de voir quelqu'un s'inquiéter si fort pour lui, qui avait l'habitude d'être plutôt solitaire. Mais après tout, lui aussi s'était inquiète pour Lugh. Ça lui faisait une drôle de sensation, de la voir réciproque. Il deglutit : il aurait aime mentir, pour le rassurer. Mais il avait le droit à la vérité, quand même. Alors, il répond après un petit temps de pause, d'une voir plus lente :

Oui, c'est dangereux ... Et j'y vais seul. Enfin, sauf si tu veux venir. Enfin, je veux dire, si quelqu'un veut venir quoi !

La phrase lui avait échappée. Il rougit.

-Ted-

Il ne peut pas manquer la grimace du beige face à la mention du danger, et se sent encore plus mal de l'avoir invité. Il devrait n'avoir aucun problème à partir seul, il s'y était préparé pendant longtemps, mais il devait avouer que malgré sa vie plutôt solo, il était un loup grégaire. Il aimait la compagnie des autres, en avait besoin, souvent, pour prendre des décisions. Il ne voulait pas forcer Lùgh, et surtout, ne voulait pas qu'il prenne plus de risques encore avec sa malédiction. Le Nord n'était clairement pas un endroit fait pour ceux qui risquaient de mourir n'importe où.

Mais la voix est plus assurée : il viendrait, si il pouvait. Ce qui voulait dire, si ce n'était pas signer son arrêt de mort. Donc, ça dépendrait de leurs résultats chez les nakhus, et à la bibliothèque, et avec l'épreuve d'Ao. Ted relève les yeux, plus assuré. Il ne voulait pas compter sur la venue de Lùgh, surtout, il ne voulait pas qu'il se sente obligé de l'accompagner parce qu'il l'avait aidé. C'était dangereux, là-bas.

Il lui sourit, essaye de le rassurer. Il se frotte un peu la tête.

-Ted-

Le loup beige a l'air plutôt soulagé à la mention de Vanhir, mais malheureusement, Ted ne peut pas vraiment en dire autant. Il sait que son ami est reparti dans le Nord mais n'a aucune idée d'où le trouver, de même s'il est vivant. Alors, il secoue doucement la tête, sans chercher à inquiéter Lùgh de nouveau :


Il lui fait un sourire qu'il veut encourageant, même si son ventre se tord doucement sous l'angoisse. Il savait où il allait, il avait entendu et lu assez de choses dessus pour en avoir peur. Mais c'était logique : ne pas avoir peur d'un inconnu pareil serait être complètement idiot. Cela ne l'empêchait pas de vouloir y aller, pour l'aventure et pour continuer ses projets. Il ne s'attarde pas trop sur le sujet, et d'un pas énergétique s'avance vers sa tanière. Il entre à l'intérieur pour trouver sa cape bien pliée, et la sort pour l'étendre devant Lùgh, non sans une certaine fierté. Il passe ses coussinets sur le cuir :

-Ted-

Le grand loup cendré couve d'un regard tendre son ouvrage, se rappelant les heures passées à chasser, puis à préparer la peau et à la coudre avec Vanhir. La tâche avait été longue et difficile, et maintenant il en était à la dernière étape, celle de rembourrer le tout avec des plumes et du duvet pour assurer encore une meilleure isolation. Le compliment lui va alors droit au coeur : Lùgh est la première personne à part Vanhir qui peut l'examiner avec attention. Alors, s'il lui dit qu'ils avaient bien travaillé, cela faisait plaisir à Ted. Il sourit.

Le beige dénoue sa propre cape pour la lui montrer, et Ted s'en approche avec curiosité. Il approche une patte précautionneuse des points, constate qu'en effet, ils ne sont pas très droits. Mais ils ressemblent à ses premiers essais : revenant sur sa propre cape, il la retourne pour trouver le coin discret où il avait commencé à coudre pour la première fois. Il le pose devant Lùgh, comparant les points.


Il sourit, passe une patte dans les plumes autour du col. Il restait encore du travail à faire. Il relève ses yeux brillants vers ceux de Lùgh, calme :

-Ted-

Le cendré le joint dans son rire, léger. Il sent la pression de son ventre s'atténuer avec la parole : seulement discuter de couture le fait se rassurer un peu à propos de son futur. Pas qu'il n'y pensait plus, c'était difficile avec la cape en face de lui, mais il se sentait plus apaisé. Et puis, la proposition de Lùgh de le suivre (seulement s'il le pouvait !) lui donnait un peu d'espoir. Il ne voulait pas compter dessus, car il avait prévu de partir seul, mais si le beige le voulait ... Pourquoi pas ?

Lùgh lui parle un peu de chez lui, et de sa mère. Ted se souvient que c'est elle qui l'avait appelé comme ça, alors peut-être qu'il n'avait pas d'autre parent. Ca arrivait, parfois : Cloud était bien arrivée avec son petit sans qu'il n'y ai personne d'autre au refuge, ou alors il n'était pas au courant. Il se demande un peu pourquoi il est parti, mais c'était sûrement dû à sa malédiction. Il baisse les yeux : Lùgh abordait ce sujet sans problème, et pourtant il n'avait pas l'air de dire qu'il reviendrait un jour. Jamais Ted ne pourrait s'imaginer quitter pour toujours sa maison, le refuge, sa tanière, ses connaissances, ses affaires. Il aimerait demander confirmation, mais n'a pas envie de revoir l'air triste de Lùgh : il l'a déjà bien assez porté aujourd'hui.

Ted était curieux, et son regard le fait sentir. Ca n'avait pas trop de rapport, enfin, qui sait ? Mais ça l'empêchait de trop s'attarder sur le sujet de sa mère.

-Ted-

Le calendrier, tout simplement. Les yeux de Ted s'éclairent un peu, de cette curiosité presque enfantine qu'il a lorsqu'il découvre un nouvel écrit, un conte ou une recette. Il s'assoit, complètement concentré sur Lùgh, et écoute, comme lorsque le beige lui a offert l'histoire de sa malédiction. Il préfère cette histoire là, Ted : une histoire d'une autre contée, qui sentait l'été, les blés mûrs, les fruits sucrés, le soleil doux et chaud. Les sonorités aussi étaient différentes, venues de loin et pourtant familières. Enfin, une seule l'est, familière : Lughnasadh, duquel Lùgh tire son nom. Lié aux arts, Ted voit bien le solstice d'été fêté avec musique, peinture, chants, danse ou encore récits à en faire pâlir la lune jusqu'au lever du soleil.

Ils n'avaient pas ça, ici. Les solitaires n'avaient pas de traditions, ou plutôt, une tradition en patchwork : chacun apportait un bout de la sienne, comme Cloud avec Nowel ou les sapins, et tout se mélangeait. Lui n'en respectait vraiment aucune, préférant naviguer à travers les croyances pour récolter les histoires qui lui plaisait, et documenter ce qui lui semblait intéressant. Lentement, Ted s'allonge en sphinx, gardant son regard dans celui blanc de l'autre solitaire. Il écoute. Et lorsqu'un silence lui en laisse l'occasion, il relance le dialogue :


Les deux célébrations classiques, selon ce qu'il avait vu dans la littérature. Il ne jugeait pas, lui : tout l'intéressait, et même si Lùgh lui avait annoncé des sacrifices lupins, il l'aurait écouté. Bon, peut-être qu'il se serait posé des questions, quand même. Pour le moment, la seule qui le démangeait était pourquoi il était parti, et surtout s'il comptait revenir, un jour, sur ses terres natales.

-Ted-

La question l'a relancé, comme prévu. Ted était devenu maître dans l'art de converser en en disant le moins possible, mais il n'était pas très fier de cette capacité. Cependant, cela lui permettait d'obtenir plus d'informations, et parfois, s'il était chanceux, une belle histoire. Ici, c'était le cas : avec attention, il écoute le loup beige parler des différentes traditions, depuis celle pour l'automne jusqu'à celle du printemps qui -évidemment- concerne la fertilité. Il lui parle d'union, et Ted se souvient de ce qu'il a lu dans un autre de ses livres : un mariage, une tradition perdue sur leurs terres de ce qu'il en savait.

Le tour d'horizon est terminé, et le grand loup cendré reste silencieux un instant, deux yeux presque tendres figés sur Lùgh. Il adorait entendre des histoires, surtout concernant les mythes et légendes, et racontées par le loup à corne, elles avaient une saveur toutes particulières. Un goût fruité, la sensation du soleil dans un pelage doux, le son de la mer et du vent dans les prairies. Il pose sa tête sur ses pattes avant, complètement détendu. Il aurait mille fois préféré raccompagner Lùgh chez lui pour visiter ses contrées plutôt que partir dans l'austère lande de glace qu'était le grand Nord. Il ferme les yeux, mais reste éveillé :


Pourquoi partir, lorsqu'on vivait à un tel endroit ? Remarque, la vie au refuge aussi était douce, malgré les hivers plutôt rudes, et pourtant Ted partait quand même. Parfois, l'appel de l'aventure était plus grand, ou bien le désir de protéger les siens. Les deux yeux luisants de Ted se rouvrent, posés sur le corps féminin du loup beige. Il espérait que leurs recherches soient fructueuses et que sa malédiction s'allège, mais que ferait-il si ce n'était pas le cas ? Il inspire, se détend encore :

-Ted-

La question fait faner le sourire de Lùgh, et Ted s'en veut un peu de l'avoir posée. Mais il n'a pas l'air triste, plutôt en pleine réflexion, et un peu étonné. De toute manière, il y avait tellement de "si" à respecter pour que vraiment sa situation s'améliore ... "Si" il arrivait à passer l'épreuve d'Ao, "si" la dragonne l'aidait ensuite avec sa malédiction, "si" leurs recherches à la bibliothèque donnait quelque chose, "si" il ne mourrait pas entre temps, ou bien dans le Nord s'il décidait de venir, tellement de composantes peu sûres, dangereuses, risquées. Evidemment, il ne lui dit pas : l'espoir était important, pour le beige mais aussi pour Ted. Il baisse le museau, s'occupant avec sa cape en écoutant la réponse.

C'était un problème de communauté, alors. Le cendré ne comprenait pas trop, mais pouvait imaginer qu'avec une malédiction, il était plus dur pour un orphelin de s'intégrer. D'une patte, il joue avec la lanière de sa cape.

Un sourire, et il relève les yeux. Puis, il se redresse. C'était assez de questions, il ne voulait pas gâcher leurs retrouvailles. Demain, il irait voir Mido, et il avait du travail pour mettre au propre ses informations, ainsi que finir sa cape avant de partir chez les nakhus. Il s'étire, commence à ranger ses affaires avant de lever le museau vers Lùgh.

Il désigne le bord du foyer, qu'il allumerait pendant la nuit pour continuer son travail sans trop forcer sur ses yeux. Dans le noir, il voyait nettement moins bien.

-Ted-

Lùgh lui sourit, le regard un peu humide. Ted ne sait pas trop pourquoi, mais il sent que ses mots lui ont fait plaisir, alors c'est le principal. Le sourire du loup beige lu fait chaud au coeur, une sensation de chaud qui le rend heureux. Et puis, Lùgh lui dit qu'il repart : Ted hoche la tête. Lui rentre dans sa tanière pour aller chercher du papier, ses notes sur la Sylve, sur le récit de Lùgh et les recette qu'il avait découvertes. Et puis, il s'installe à côté du foyer pour commencer son travail. C'est lent, de recopier au propre de telles notes sur des feuillets épais fait maison, mais Ted aime ce genre de travail. Il sait manier la plume avec précision, et les tâches d'encre sont inexistantes grâce à son entraînement.

Lorsque la nuit commence à tomber, il allume le feu dans le foyer, et se remet au travail à la lumière vacillante des braises qui se consument lentement. Puis, Lùgh revient, chargé de bois et d'autres objets que Ted ne peut identifier. Le loup cendré le regard, curieux, mais le laisse travailler. Chacun de leur côté, une solitude commune, appréciable de Ted. La fatigue se fait sentir, un peu, mais le travail avance bien : il avait eu tout le temps de se reposer avant.

C'est Lùgh qui brise leur silence tacite et confortable en venant poser un petit grigri près de Ted. Ce dernier tend le museau, cligne des yeux pour les aider à se focaliser sur l'objet après autan de temps passé sur une feuille si proche. C'est un petit médaillon de bois gravé d'une patte experte. Ses yeux remontent pour regarder Lùgh et écouter ses explications : un porte-bonheur, pour sa rencontre de demain. Il sourit, touché. Pose sa patte sur le jeton, sens le travail du bois sous ses coussinets. Il hoche la tête, la gorge un peu nouée.


Peut-être que Lùgh voulait repayer l'aide que Ted lui avait apporté, mais le fait était que le cendré était heureux de ne plus être très seul. Il avait la sensation de ne plus être gêné avec le beige, d'apprécier simplement sa compagnie. Il n'avait pas à le repayer de quoi que ce soit, sa compagnie suffisait finalement. Il cille. Un porte-bonheur lui serait tout de même très utile, lorsqu'il se confronterait au Raptor. Il renifle, chasse un peu sa nostalgie pour sourire à Lùgh.

-Ted-

Ted garde le regard baissé sur le médaillon, souriant. Lùgh avait déjà mentionné son goût pour la pêche, et son talent pour la flûte, deux compétences que le cendré aurait aimé découvrir un peu plus. Peut-être qu'avec son luth, ils pourraient tenter de mettre un peu de musique dans le refuge ? Il n'était pas encore assez fort pour ça, cependant. Il ne connaissait qu'une poignée d'accords, et avait beaucoup de mal à garder un déroulé de notes régulier : il ne s'entraînait pas beaucoup. Et quant à la pêche, il fallait d'abord que Lùgh arrive à vaincre sa peur de l'eau : Ted attendrait, forcer n'avait amené que des problèmes, avant.

Il lui montre ensuite ses bois en pin, et Ted regarde avec intérêt : il n'était pas vraiment sûr qu'ils étaient un accessoire, on trouvait beaucoup de choses étranges sur ces terres. Il regarde la découpe du bois, taillé avec finesse, impressionné. En effet, c'était mieux que la couture, mais ça il n'ose pas vraiment le dire. Et puis, le beige décide d'aller se coucher. La patte toujours serrée sur le porte-bonheur, Ted sourit avant de le saluer :


Cette fois-ci, le rendez-vous sera plus rapide. Il le regarde s'éloigner, le coeur encore tout chaud, avant de baisser les yeux sur son travail. Il avait beaucoup à faire, cette nuit.