The bridge | Cheza

The bridge

Nymeria

Iel trainait au bord de l’eau ; cette eau qui lui avait pris son père. Iel avait entendu dire de la part de sa mère, Eva que son père avait été pirate avant d’être Nakhus. Peut être que c’était pour ça qu’il était aller crever alors qu’il aurait pu être là encore longtemps pour sa famille.

Quelque chose lui piquait l’œil. Le sel de la mer peut être ? N’y avait-il rien de bien dans ce monde ? Rien qui valait la peine d’être vécu ? Iel faisait les cent pas dans le sable au pied de l’île de la bibliothèque. Quelle plaie ! Quelle plaie absolue que ce père, que cette famille ! Qu’est ce qu’iel détestait d’être né chez des loups pacifistes, avec des parents aimants, des frères et sœurs gentils et accueillants ! S’ils avaient été d’horribles garces, cela aurait été tellement plus facile de les détester, de détester son père de s’être sacrifié : mais il était un martyr pour sa famille pirate, un héros. C’était impossible de le détester en bonne conscience.

Nymeria pivota après une longue marche, se retournant pour remarcher le long de l’eau, évitant soigneusement les langues d’eau verte glacée qui léchaient le sol avant de repartir en laissant leur bave blanche faire des bulles sur le sable. Iel détestait le sable, mais la mer encore plus. Iel ne serait jamais de ceux qui courent dans l’écume… plus maintenant. Iel pensa à Eldunari, qui lui aussi était devenu distant depuis quelques lunes. A qui pouvait-iel se tourner à présent ? Personne ! Tout le monde était mort, ou pleins d'une tristesse que iel ne se permettait pas de montrer. Personne !
PLUS JAMAIS !

Nymeria grogna, et de rage et frustration tenta d’écraser ces langues de bave qui essayaient de l’emmener lui aussi au fond de l’océan. Iel ne devenait qu’une triste louve qui essayait d’attraper et de tuer de l’eau.

Le goût salé de la mer lui brule la langue. Iel sait qu’iel ne peux pas attraper l’eau, mais là, rien ne pourrait l’empêcher d’être aussi furieux contre quelque chose d’inatteignable. L’eau, comme la douleur et la tristesse ne pouvait pas être mordue. On ne pouvait pas s’en moquer jusqu’à qu’elle disparaisse, on ne pouvait pas la griffer pour la faire regretter son existence. C’est alors qu’iel se calme, et qu’iel contemple se jeter dans l’eau, qu’iel l’entends.
Iel l’entends arriver, avec ces pas sur le sable, mais ferme les yeux. Peut-être qu’il disparaîtrait, si iel imaginait qu’il n’était plus là.
Pas lui. Lui qui avait fraternisé avec des Solitaires. Pas lui. Lui qui était parti, qui ne s’entendait pas très bien avec père par moments, à qui Nymeria avait aspiré ressembler.

En soi, qui que ce soit l’aurait agacé, mais quelqu’un de sa famille. Quelqu’un qui sait, qui se doute, au fond, de la douleur qu’iel cache derrière ses moqueries. Iel se compose, rassemble ses idées, empêche le picotement dans ces yeux de donner lieu à un embarrassement plus grand que celui de bouffer la mer.

« Chezaaa… » roucoule-iel en se retournant avec un sourire contorsionné. Iel se redresse, poussant sa queue de cheval très longue -qu’iel n’as pas encore eu l’idée de rassembler en chignon- par-dessus son épaule et s’approchant avec un air amusé, mais un regard hagard. Iel se penche vers son frère, et sourit chaleureusement avant de lui sursurer un mot doux :
«Va-t’en.»

Iel lui fait un sourire qu’on fait à un enfant qui est bête, puis se retourne avec dédain pour retourner au bord de l’eau. Il partira. Ils n’ont jamais été proches. Cheza l’as même plutôt pas aimé pendant un moment. Nymeria ne voit aucun risque à ce que le gris aux cheveux de plume ne continuer de le déranger plus longtemps.

Iel s’était tant convaincu qu’il était parti que lorsque l’aile le toucha iel sursauta, et regarda son frère avec choc, ses yeux dorés brumeux de larmes retenues. Iel leva une patte et la posa sur l’épaule de son frère et commença à le pousser, mais sa force manquait, pas rapport à son frère, plus vieux, plus massif que lui. Dans l’incompréhension il sera les crocs en un rictus qui se voulait menaçant, mais qui avait juste l’air triste.

« P-pourquoi tu ... tu restes … ? »

Je pensais qu’on se détestait. C’était comme ça que c’était confortable, non ? On avait un terrain d’entente : on ne se croisait pas, je te montrais mes crocs quand tu passais voir les parents, pour te rappeler que tu étais remplacé par moi et Eldunari, tu me regardais de haut, ou à peine… Qu’est ce que Cheza faisais maintenant ? Pourquoi briser cette relation à laquelle Nymeria s’était tant habituée ?

« Je pensais que tu é-t-tais plus intelligent que ça, Cheza. J-je pensais que la p-plaie de la s-s-sentimentalité ne t’encombrait pas l’es -snif- prit. » grogna-iel, en poussant un peu encore sur la patte, dans un espoir que Cheza finirait pas déloger, la difficulté à retenir ses larmes lui serrant la gorge.

« T-tu est vraiment un s-sous - » commence t'iel à cracher, la colère essayant de transparaître à travers la tristesse.

Mais il s’arrêta en mi phrase. Allait-il faire la même chose à son frère, qu’il avait fait à son père ?
Les larmes étaient prêtes à couler, et Nymeria ne voyait pas très bien son frère à présent. La patte oubliée sur l’épaule de l’un des fils de neige d’Ajani par l’un des enfants de jais ne poussait plus, et servait d’un contact inattendu. S’étaient-ils même déjà touchés, tous les deux ? Les regrets le prirent à la gorge. Les mots ne viennent pas. Comment expliquer des regrets sur toute la durée d’une vie. En traitant son père sans affection, Nymeria avait perdu toutes les opportunités de lui parler sincèrement, d’en savoir pour sur sa vie, de comprendre le point de vue paternel… pourtant, Yurai savait que Ajani aurait pris le temps pour lui ... Mais Nymeria ne l’avait jamais cherché. Et maintenant, c’était trop tard.

Iel peut pas accepter cette réponse ; du moins pas encore. Cela lui parait impossible, que son frère soit véritablement sincère. Ce serait Hedwige oui, Kerria, aussi : ce serait agaçant, parce qu’il s’y attendait, il aurait déjà tout le mordant et le sarcasme dans lequel baigner ses répliques. Mais Cheza ?

Mais c’est la blague qui le prend le plus de court, et qui fissure ses défenses. Un petit rire étranglé sort de sa gorge, puis sanglot. Et les larmes glissent de ses yeux sur ses plumes, sous les yeux, puis sur ses joues. Iel sens ses épaules fines trembler et sa patte sur l’épaule de son frère devient son soutien. Iel laisse le loup massif l’encercler de ses pattes, et pose sa tête sur l’épaule de se dernier, où il pleure finalement des larmes qu’il n’a jamais vu avant, de toute sa vie. Loin du sentiment de honte qu’il pensait aller avec les larmes, c’est une libération qui le transcende. Iel est libre de ses faux-semblants.

Iel ne saurait dire merci, alors il serre un peu son frère de sa patte perdue, en toute guise de réponse. Iel ne pensait pas que quelqu’un voudrait l’aider, un jour, dans sa vie ; ou peut être plutôt, iel avait oublié qu’on pouvait l’aider.
C’est seulement au bout de plusieurs minutes, et de nombreuses larmes, que Nymeria se détache de son frère, et s’essuie les yeux avec le dos de ses pattes pour s’asseoir dans le sable et soupirer.

« C’est pratique -snif- tes ailes. Je suis -snifsnif- jaloux d’en avoir pas eu »

Iel tente un petit sourire. Iel n’est pas encore prêt de parler de ses regrets, d’ailleurs les mots de lui viennent pas, mais déjà la douleur est moins grande que tout à l’heure. En tout cas, il n’as plus envie de tabasser la mer.

Nymeria continua son léger sourire, sans avoir besoin de forcer.

« Ah, elles doivent valoir le coup cependant, elles sont fabuleusement belles ! Celles de Hedwige et Kerria ont l’air ennuyantes comparé aux tiennes ! »

Miru s’en sortait un peu mieux avec ses teintes bleues et rouges sorties de … apparemment la famille de Eva. Iel avait entendu dire une fois qu’ils avaient un oncle de son coté, qui était mort de manière tragique. Est-ce qu’ils avaient de la famille, chez les pirates ? Iel se décida de demander à Cheza, il saurait mieux que iel.
Un sourire plus arrogant et grand illumine le visage de Nymeria. Ah, les compliments sur son esthétisme, cela lui fait plaisir. Iel se soigne particulièrement, arrachant les plumes de trop qui poussent sur ses jambes, brossant sa longue queue -actuellement pleine de sable, berk- et ses longs cheveux, et les coupant régulièrement ainsi que sa frange, pour que les pointes restent droites en ligne impeccable.

« Heh ! Certainement, peut être que je devrais demander à un dieu de me donner des ailes ! »
Tant de questions qu’iel avait gardé pour lui pouvaient soudain être posés. Cheza avait été beaucoup plus que lui hors des Terres Nakhus, et Nymeria, bien que rejetant en apparence tout ce qui n’était pas de son clan, était devenu curieux de ce qu’il se passait par-dessus les bords de leur territoire.

« Cheza, est ce que tu pourrais me parler des autres dieux ? Qui sont-ils ? Je sais qu’il existe une déesse et la beauté, Prudence m’en a parlé, et bien entendu Mido, pour l’intelligence. Y-en a-t-il d’autres ? » Les Etelkrus avaient des glowsticks rouges, oranges et … jaunes ? noirs ? Iel ne savait pas.
A la proposition de Cheza, les yeux du sombre s’illuminèrent un peu. Ah, voler ! Iel s’était toujours demandé ce que ça faisait, jaloux que tous ses frangins de la première portée soit ailés, alors que lui et Eldunari, non. Iel hocha la tête.

« Oui ! Mais je ne sais pas si j’ai le mal de l’air… »
Iel en avait entendu parler dans les livres, du mal de l’air. Ce serait dommage de vomir sur les plumes qu'iel venait de complimenter.

Nymeria tira la tête en attachant ses cheveux, les enroulant sur eux-mêmes pour faire un chignon. Comment ça, les dieux oseraient lui refuser des ailes ? Si iel réussissait leur épreuve, iel attendait bien être récompensé à la hauteur de ses efforts : les dieux, n’étaient-ils pas rien, sans la dévotion de leurs sujets ? Si iel choisissait d’être dévoué à l’un d’entre eux, iel attendait bien que de cette relation exclusive des avantages sérieux.

Iel écouta attentivement la liste de divins, et pencha la tête. Bien entendu, iel serait parfait pour Moiro, iel était de loin lae plus belle de sa fratrie. Selon iel, cette déesse se sentirait surement bien chanceuse si iel devenait sienne. Iel se sentait bien indisposée à être le « celui » de qui que ce soit, surtout dans une relation aussi étranglée que celle d’un mortel avec un divin. Mais Ao, déesse de la détermination, piqua aussi sa curiosité. Iel ne savait cependant pas si vraiment, iel était déterminé. Iel n’avait jamais vraiment voulu quelque chose d’inatteignable, chaque fois qu’iel voulait quelque chose, iel l’avait eu, ou iel l’avait pris sans vraiment considérer les conséquences. Iel n’avait jamais vraiment du user de détermination pour arriver à quelque chose.

« SI tu n’avais pas eu Yurai, tu aurais demandé qui ? » demanda-iel.

Puis il hocha la tête. Basse altitude ce serait une bonne idée. Mais un sourire gêné et sarcastique tortilla ses babines.

« D’accord ! Mais comment je … on …fais ? »

Iel n’avait pas vraiment l’habitude, malgré sa soudaine effusion sentimentale, d’être trop proche des gens. Est-ce que son frère l’attraperait comme un aigle sa proie, ou devait-il lui monter sur le dos ? Finalement, en se comparant à une proie, iel préférait presque l’option deux.

Iel l’écoute. C’est vrai, iel avait été certain que de tous ses frangins, Cheza et Eldunari étaient les moins destinés à recevoir le glowstick de Yurai. Et pourtant, la lumière violette illuminait les plumes de son frère.

Iel attrape sa queue, aux poils -tels ses cheveux- longs et soyeux, et la secoue un peu pour en enlever le sable. En la dépoussiérant d’une patte, iel réponds :
« Moiro, je pense. Je n’ai pas le pacifisme de Yurai, ni la connaissance de Mido, ni la détermination d’Ao. L’agilité, la ruse et la force ce n’est pas pour moi non plus -tss »
Depuis l’incident de la bibliothèque, Nymeria cultivait une hargne profonde des Etelkrus. Il leur arracherait bien les oreilles à tous, pour avoir joué un si mauvais tour à leurs alliés Nakhus. Même, les qualités que soufflaient ces dieux ne lui inspiraient rien, ils étaient sûrement aussi irresponsables, traitres et mauvaises langues que leurs disciples.

« Peut-être l’imagination … » soupira-iel, en regardant sa queue un instant, avant de la mettre en partie sur son dos, pour éviter qu’elle ne traine plus dans le sable.

Quand iel était seul, parfois, iel s’imaginait chef d’une tribu aux mêmes valeurs que les siennes, prenant d’assaut les traîtres Etelkrus. Iel s’était imaginé cent fois vainqueuse, enfonçant la tête de Narcisse dans le sol -c’était bien lui, le plus haut gradé qui avait fui lors du feu, dans son esprit-. Mais cela n’avait pas de sens : iel n’était pas forte, n’était pas disciple d’un dieu, n’avait pas accumulé de dons dans des aventures inattendues, n’avait pas les faveurs des décideurs du monde. Iel n'avait pas les capacités nécessaires pour devenir chef d’un clan. L’imagination ne manquait pas.

Nymeria agita sa queue puis sourit un peu. Bon, cela ne lui posait pas trop de soucis, finalement. Iel monta sur le dos de son frère, en notant l’absence de plumes à certains endroits sans faire de réflexion. Iel pouvait deviner ce qui les avait fait disparaître. En s’agrippant aux cheveux-plumes et aux poils de cou de son frère avec ses pattes tant bien que mal -un pouce opposé aurait été bienvenu- iel regarda la mer avec appréhension. Si iel tombait, ce serait moins dangereux dans l’eau : cependant, iel ne savait pas nager.

Iel s’accrocha très fort, en espérant très fort qu’iel n’allait pas mourir. Cependant, dès qu’iel fût dans les airs, iel était ravi. C’était super agréable d’ici ! Iel regarda par-dessus l’épaule de son frère et sentit l’air dans ses cheveux.

« C’est trop bien ! » s’exclama-iel.

Si iel avait imaginé que c’était aussi agréable de pouvoir voler, iel aurait beaucoup plus râlé sur sa mère, Eva, en se plaignant de l’injustice de ne pas avoir d’ailes, mais d’être quand même moqué par 20 petites plumes sur ses fesses et sous ses yeux. D’ici, le monde était si beau. Les paysages étaient comme des cartes sous eux, les petits chemins qu’il avait empruntés si souvent lui paraissaient si petits, vus d’en haut. Son regard d’or traina jusqu’à la mer, verte et bleue, tantôt tracée de petites vagues blanches écumeuses, tantôt calme, reflétant le soleil.
Est-ce que la mer, comme les airs, serait accueillante, si seulement il savait s’y mouvoir ?
Iel reporta son attention à son frère.

« Pourquoi tu continues à marcher alors que tu pourrais voler comme ça tout le temps !? » demanda-iel en rigolant.
Si iel pouvait voler, iel irait se faire un perchoir dans le plus grand arbre qu’iel trouverait, et iel volerait partout sans jamais remettre les pattes sur la terre !

Iel rigole. Haha, comme si son frère était une emblême lupine sexy!
Plusieurs minutes encore, ils plannent dans les cieux, avant que Nymeria commence à avoir froid. Iel jette un coup d'oeil autour d'eux, puis soupire. C'est tellement beau, le monde vu d'ici, si seulement iel pouvoir y aller plus souvent. C'est alors qu'iel prends une décision. Iel aussi , comme Cheza, va trouver une place dans le monde, un glowstick, un dieu, une voie.

"Cheza, tu pourrais me descendre jusqu'à par terre ?"

Iel regarde en bas vers l'île de la bibliothèque. Il est surement temps pour lui de commencer à lire plus sur cette déesse qui pourrait être sienne: la déesse du charme. Iel n'as jamais été très charmeur ni séducteur, mais iel sait qu'iel est très beau, et que sa silhouette peut faire des envieux et envieuses: grande et fine, svelte et longiligne, c'est surement chez Moiro qu'iel appartiendrait le mieux. Mais appartenir ? Ca l'embête encore de penser à ce mot. Il est si finaliste, si exclusif, c'est pas vraiment au goût du sombre.

"Je vais faire un tour à la bibliothèque pour en lire plus sur Moiro !"
Iel lui fait confiance, à présent, alors iel peut lui parler de ce qu'il a l'intention de faire. Avant, cette information était hautement confidentielle, seulement Eldunari savait parfois où iel était... mais Eldunari était parti très loin, seul iel savait où. Iel s'était senti seul, depuis ce moment. Maintenant, ce n'était plus trop le cas. Iel avait son frère.