Noir sur noir (PV Azazel)

Il fallait croire que son subconscient appréciait fort cet endroit, et était attiré par tout ce qui comportait de l'eau à proximité. A vrai dire, les terrains plats du milieu du continent était un endroit propice à la survie, un confort d'un climat doux et peu humide, voire même sec, et le luxe d'avoir une portée de visibilité très large.

Une aubaine pour le loup qui passait le plus clair de son temps à chasser, surveiller ses arrières, et beaucoup commérer avec les locaux lorsque ceux-ci ne le mettaient pas dans l'embarras. Rien qui ne puisse devenir une amitié sur le long terme, mais il apprenait un peu plus chaque jour quels secrets renfermait Punk Wolf, et il lui semblait tenir le bon bout.

D'un pas lent et lourd, mais toujours silencieux, il arpente l'endroit de nuit, tête baissée mais le regard toujours haut devant lui en gardant en coin d'œil ce qu'il se passait à son niveau. Par moment, son chapelet se prenait dans des brindilles plus solides que les autres, l'empêchant de réfléchir assez.

Ses yeux de lave se posent finalement sur une grosse masse sombre aux yeux blancs. Si les terres lui avaient bien appris quelque chose, c'est qu'à n'importe quel moment, une créature bête et vile pouvait se cacher et surgir de nul part. Alors à son tour, il se met en garde, le col gonflé pour se grossir, les pattes bandées prêtes à sauter pour attaquer au mieux, ou esquiver dans le cas où la bête serait trop énervée.

Il ne bouge pas, et analyse. Son nez lui indique une odeur connue, et même appréciée, très appréciée. Un sourire se dessine alors dans la pénombre, et le loup noir se détend en un rire tout fin, les oreilles remises en avant bien que toujours à l'affût.

- Ne t'avise pas de tuer ton second.

Un titre prétentieux et évidemment non officiel, rien ne pouvait se passer de tel en une seule rencontre et surtout, sans échange de bon procédés. Et il ravance d'un pas, sûr de lui, vers son allié. D'ailleurs, celui-ci ne se montrait pas fier et fort comme l'autre fois, mais vulnérable. Un éclair de malice passe dans le regard d'Azazel qui songeait le temps d'une seconde de profiter de la situation. Prudence était mère de sûreté, et il n'avait pas grand intérêt de s'en prendre au seul être ici digne d'intérêt.

Sourire rendu, les tensions pouvaient bien prendre congés désormais. Et de nouveau ce jeu du chat et la souris, un rappel à l'ordre qui fit rouler les yeux de l'ange, bref, encore un bon moment en perspective.

- Outre avoir été malmené par de drôles d'hybrides, tout va sans doute mieux que toi.

Et son regard rouge glisse doucement des yeux clairs de l'ailé à sa patte ... saignante ? Il y avait une belle ouverture sur son membre, et à ce rythme, sans se ménager, le loup bleuté serait rapidement anémié. Il revint sur son visage, l'air plus neutre, plus sérieux, planté dans ses iris.

- Acceptes-tu que j'y jette un oeil ?

Et accessoirement, le réparer de façon pérène. Il y avait de la bonne volonté dans les sutures, mais sans doute un peu de stress dans tout ça. Un bien contre rien, pour le coup, si ce n'est qu'un gage de reconnaissance et de confiance l'un envers l'autre.

Il se retire et montre même des doutes. Azazel s'en voit un peu ennuyé, comment nouer une relation de confiance et saine alors que l'autre refusait un simple service ? Mais il s'amuse un peu de la question du loup ailé.

- Je n'ai pas encore vécu comme vampire.

Un fin sourire, taquin, remarquant tout de même la vulnérabilité de son collègue. Il n'avait cependant pas envie d'en jouer, risquer beaucoup pour une blague ou un souci d'égo mal placé, c'était nul.

- Peut-être serais-tu bien ma première victime, si tel était le cas.

Le solitaire lui sourit avec un feu railleur dans les yeux. Un peu aguicheur, il aimait jouer avec cette facette-ci, bien qu'il n'y croyait que très peu, voire pas du tout. Il se redresse, plus sérieux.

Et doucement mais sûrement, Garbann levait ses méfiances en même temps que sa patte meurtrie. Az' le fixe, un sourire plus franc, sincère et satisfait sur le visage. Et l'ailé était pris au jeu.

- Les dames ne m'intéresse guère.

Surtout qu'à part Médélisse, il était tombé sur des folles complètement folles qui voulaient sa mort certaine, des réactions exagérées en réponse à de simples mots. Sans doute qu'ici, il valait mieux s'en méfier et les éviter. Un tilt dans sa tête en parlant de Méd'.

Un soupire qui le faisait revenir à Garbann et leur jeu de charme. Un mouvement de tête en guise de remerciement avec cet éternel sourire malin, et il se penche d'avantage sur le membre blessé pour l'y voir de plus près. Beaucoup de curiosité, mais surtout la volonté de comprendre les tissus des créatures ici, et comment les guérir.

Sa patte chaude et fine touche celle du mortel délicatement pour la lever un peu plus à son niveau, veillant à ne pas lui faire de mal. Pas plus qu'il ne l'avait. Son regard de lave se plisse sans rien dire, et Az' examine en détail. Ce sang bleu ...

- Sais-tu si des objets de soin sont à proximité ? Je peux te soulager. Une aiguille fera l'affaire.

Sans doute, il était encore bien propre pour quelqu'un errant avec une telle blessure, et surtout, les fils n'étaient même pas abîmés, juste cassés par trop de tension. Garbann n'avait aucun intérêt à mentir là-dessus, se disait-il.

Garbann pivote et ne facilite pas les choses. M'enfin, c'était encore exploitable, et ça permettait à Azazel de voir la plaie d'un autre angle. Il était un peu plus perturbé par la proximité soudaine du loup blessé, épaule contre épaule, et il y répondit par le même regard à la fois chaleureux et douteux. Il l'accepte volontiers.

- L'on m'a démis de mes pouvoirs en même temps que mon statut. Autrefois, une vie insignifiante amenée a être sacrifiée apportait sécurité et fertilité à son peuple. Il aurait été trop simple de survivre sur ces terres putrides avec l'accès à l'abondance.

Et il aurait été plus simple ainsi, beaucoup ici ne semblaient pas très méritants ou reconnaissants que leurs âmes prennent vie dans un corps sain.

- J'aurais pu, dans un moment de bonté, faire fi d'une vie pour un soin si simple.

Un nouveau coup d’œil taquin qui cachait aussi une sorte de promesse, prenant l'un de ses propres bandage propre d'une plaie récente mais soignée dont il n'avait plus l'utilité. Ça avait été plus par sécurité que par nécessité. Puis, un bout de bois non loin qu'il attrape et tend à son patient du jour.

- Mords là-dedans, cela risque de faire un peu mal.

Il fallait immobiliser au mieux les choses, empêcher que la plaie ne s'étende encore plus et que Garbann ne perde trop de sang.

- Je me moque un peu des vies des mortels, pour être transparent. Ce ne sont que des âmes qui me rejoignent, et permettent aux leurs d'être plus sereins.

Une histoire racontée comme si l'on se donnait des nouvelles de la veille : pas un frisson, ni une émotion. L'écorchure en question était importante. Az' tente tant bien que mal de bander la patte depuis son angle, se souvenant des manipulations de Médélisse qui avait été très douce et attentionnée.

Le presque contact de la griffe de Garbann sur la plaie encore récente le fait frissonner agréablement.

A sa question, d'abord il ne dit rien, hésitant à rester muet à ce sujet, et surtout concentré sur sa tâche qui avait l'air d'être douloureuse. Une fois les premiers passages faits, le bandage assez serré pour faire presque un garrot pour limiter le saignement, le mâle sombre continue de dérouler la bande le long de la patte pour solidifier le tout.

- Des hybrides et des ombres malveillantes.

Fichue Astrid, fichue ombre démoniaque.

Il secoue sa tête pour les en sortir de ses pensées. Un joli nœud solide, et le tour est joué, posant coussinets contre coussinets pendant quelques secondes pour vérifier que tout était bien en place. Le résultat était satisfaisant, et délicatement, vraiment cette fois-ci, il accompagne la patte blessée au sol.

- Une louve se disant ta sœur m'a soigné, il y a quelques jours.

Lorsque que le regard de Garbann se fige soudainement, l'air horrifié, Azazel se braque et plaque ses oreilles au bout courbé sur sa nuque. Avait-il dit quelque chose de mauvais ? Ou est-ce que cette fameuse louve s'était jouée de lui, connaissant l'ailé mais avait menti sur leur relation ? Il se détend un peu, après tout, Garbann n'avait pas d'intérêt à le blesser ou autre.

- Médélisse, m'a-t-elle dit. Elle te chercherait depuis des Lunes.

Son regard froid se plonge dans les yeux blanc du loup ailé, en quête de quelque chose de non verbal. Sa voix s'était faite étranglée, mais encore peu accoutumé aux expressions locale, le solitaire peinait à savoir si c'était en bien ou en mal.

La nouvelle semblait avoir l'effet d'un cataclysme, le loup ailé parlant à lui même, éberlué, les yeux semblaient vides malgré que pourtant, il soit bien conscient. Pendant que Garbann passe pour un fou, Az' regarde les mouches voler le temps qu'il revienne sur terre.

Et ironiquement, c'est le solitaire noir qui finit sur la terre, sur le dos, un loup pourtant fortement blessé complètement incontrôlable au dessus. Par sécurité, Az' pose ses pattes sur son poitrail pour le garder à distance, montrant les crocs. Il ne cautionnait pas ce genre de comportement trop exagéré par rapport à la situation.

- Par les Cieux, Garbann, reprends-toi !

Il fait claquer ses dents proche de sa truffe, et se tire vite-fait de son emprise pour se secouer à à peine un mètre du surexcité, l'air mauvais. Et enfin, il repose son derrière sur le sol, un peu plus méfiant. Les larmes de crocodile de son allié ne le touchaient que très peu.

- A moins que je sois revenu à ma place auprès des autres anges, et qu'elle soit hélas à mes côtés là-haut, oui, elle est vivante et bien ici. Vos ressemblances ne trompent pas.

Après tout, c'est comme ça qu'il avait abordé la louve jumelle.

- Il était question d'une île aux fleurs, au Nord d'ici, où elle y a trouvé refuge.

Immédiatement, le mortel se calme, mais les émotions restent vives. Curieuse choses qu'elles étaient, le déchu prend note ce qu'occasionnaient les bonnes nouvelles sur la psyché même des loups les plus impassibles.

Excuses acceptées, il mime une révérence, et revient vers le loup des airs, moins mauvais.

Az' s'arrange pour l'empêcher de se lever, passant par dessus la carcasse tremblante, le chapelet caressant les épaules du loup. Le grand solitaire désapprouvait ouvertement cette décision sur un coup de tête, se mettre ainsi en danger inutilement ne rimait à rien.

- Chaque chose en son temps, Garbann.

Sa voix se fait douce et paternelle, et surtout autoritaire.

- Il est peu probable que ton image actuelle soit propice à des retrouvailles aussi importantes.

À en juger à son comportement changé en un battement de cils.

Il obéit. Au final, il semblait plus sage que prévu, Azazel n'aurait pas supporté de lutter avec un loup n'ayant pas toutes ses capacités. Il semblait entendre des dents grincer tout de même.

- Elle te cherche également. Vous vous recroiserez lorsqu'il sera temps, nulle hâte.

Leurs yeux se croisent. Le feu et la glace. La tension et la pitié.

- Elle a été agressée récemment, lui coûtant l'usage d'un de ses yeux bruns.

Un regard plus désolé, et en même temps une colère notable restait visible. Une flamme dans les yeux. Ils paieraient pour ainsi faire du mal.

- Mais elle est bel et bien en vie avec toutes ses facultés. Elle n'a qu'un souhait : te revoir.

Et ses fleurs.

Le mâle s'agite entre ses pattes, et naturellement, Azazel s'abaisse à son contact, tentant de l'immobiliser avec son maigre poids. Il serait ridicule de se blesser davantage pour une broutille pareille, le loup noir ne bouge pas le temps nécessaire jusqu'à ce que ces spasmes de rage se calment.

La colère était à raison, Az' regarde l'horizon, malgré Garbann lui hurlant dans les oreilles.

- Laisse donc passer, j'en fais une affaire personnelle.

Une colère naissante aussi auprès des hybrides aux crocs sortis. Loin de lui l'idée d'aller frapper à la porte des fautifs, non, mais il préférait ne pas imaginer si leurs routes venaient à se croiser, à lui ou à Médélisse.

- Garde ton énergie, tu en as besoin.

Dit-il d'une voix calme et profonde, résonnante dans sa cage thoracique contre les épaules de son comparse.