Contrer l'ennui - Valériane.

Il pleut.
Ça tombe du ciel et ça inonde les environs. Ça lui rappelle la première pluie qu'il leur fut donné de découvrir, quand ils étaient -encore plus- petits et qu'ils ne savaient même pas ce qu'était de la pluie (parce qu'ils étaient vachement plus bêtes que maintenant).
Il pleut et il s'ennuie.
Il est assis proche de l'entrée de la tanière, les yeux vers le ciel, à regarder les grosses gouttes tomber. Bon, bien-sûr, c'est pas censé l'empêcher de s'amuser mais... Il doit avouer qu'il a quand même pas tout à fait la même appétence que sa sœur à aller se vautrer dans la boue. Lui, il préfère quand même le soleil.
Il soupire.
Un contact léger contre sa patte lui fait baisser le regard. Ah. C'est Slurp, le serpent qui s'est attaché à lui et qui ne l'avait manifestement pas franchement inspiré en terme de nom. Slurp ennuie parfois Mylo - parce que comme si ce n'était pas suffisant qu'il ait rien de spécial par rapport à sa fratrie, voilà qu'il se trouvait souvent à se dire que quand même, il était pas si fan des serpents que ça - mais il est quand même assez marrant, et la plupart du temps il aime bien le regarder vaquer à ses activités de serpent.

Et là !! Il vient de lui donner une idée qui pourrait p'têt le sortir de l'ennui.
Mais il a besoin d'quelqu'un, pour réaliser son idée. Alors il tend un peu plus le cou vers l'extérieur, prend le risque de se faire mouiller la truffe pour appeler la créature qu'il sait être en train de rôder quelque part dans la vase, pas très loin, à chercher des trucs.

— Pssst ! Vali' ! 

Mylo essaye de n'avoir son attention qu'à elle - pas celle de 'Zil, qui essaierait comme toujours d'être le plus malin et rendrait ça bien moins drôle.

Quelques secondes passent, puis il voit une forme se détacher du paysage morose - couverte de boue, bah ouais, évidemment.
Sa sœur tourne vers elle son regard aux yeux vifs, puis s'approche, silencieuse. Mais il la connaît, Vali', il sait qu'elle l'écoute et qu'elle est au max de son attention, là, avec ses grands yeux et ses oreilles pointées vers lui.
Alors il s'aventure un peu plus dehors, frissonne aux quelques gouttes qui l'agressent - bientôt, il s'y habitue et ne s'en soucie plus. Mylo jette aux alentours un regard un peu théâtral pour s'assurer que personne n'ose les espionner, puis il chuchote au visage de sa sœur.

—   L'est où, ton serpent ? J'ai eu une super idée !

Lui attrape Slurp d'une patte et le lève pas loin de son museau, accordant un bref coup d'oeil aux deux billes noires qui le fixent en retour, interrogatives - 'fin, il en sait rien, c'est pas super expressif un serpent, mais si lui était Slurp et qu'on le prenait comme ça il serait interrogatif en tout cas.
Son sourire se fait un peu plus bravache, et le coin de ses yeux se plisse d'une manière qui rappelle les expressions taquines de leur mère.

—   On va leur faire faire la course.

Ouais. Mortel, hein ?
Il agite les sourcils, fier de son éclat de génie, et attend la réaction de sa sœur - qui sera sans nul doute comblée d'excitation.

Ah ! Il reconnait à l'intonation de ce Meep et au langage corporel de sa sœur qu'elle est intéressée. Ça fait se lever sa queue à lui, qui se tient droite dans son dos et se balance de quelques mouvements. Il aurait été un peu triste - vexé - que Vali' trouve ça nul et retourne plutôt farfouiller dans les fourrés. Puis il serait resté tout seul à s'ennuyer, sans plus aucune idée pour le divertir.
Bref : il la suit des yeux quand elle part ramener Viper, qui rejoint alors Slurp sur le sol. Ils sont frères et sœurs, eux aussi (ou bien frères et frères. Ou sœur et sœur. Ou sœur et frère. Il a aucune idée du sexe de leurs serpents respectifs, en fait) et Mylo se demande si comme eux, les louveteaux, ils font parfois des choses ensemble. Ils en auraient l'occasion aujourd'hui, en tout cas - ils ont intérêt à être contents.
Mylo sent sur lui le regard de sa sœur, et quand il relève la tête, elle est bel et bien en train de le fixer, dans l'expectative. Ben oui, maintenant que les compétiteurs sont là, ils peuvent rentrer dans le vif du sujet et commencer !
...
Euh. P'têt bien qu'en fait, il a pas réfléchi plus loin que le concept et les participants.

Il n'a cependant pas envie de décevoir sa sœur ni de perdre son intérêt, alors il doit improviser en gardant sur son visage et dans sa voix toute l'illusion de l'assurance.

—   Alors ! Pour la course, y faut... (il fronce les sourcils et réfléchit très fort) Creuser un parcours !

Et il s'élance pour d'une patte qu'il enfonce dans la boue, faire des sillons les plus profonds possibles, dessinant parfois des courbes et des virages. Son premier tracé est toujours effectué du bout des griffes, histoire de donner l'idée de la forme du parcours, puis il s'acharne ensuite à extraire suffisamment de terre pour que le canal ainsi créé soit bien visible et bien marqué.

—   'Faut faire deux trous, pareils mais l'un à côté d'l'autre, pas'qu'on a deux serpents !

Ben oui, eh. Chacun sa piste, tant que la piste est pareille : ensuite, le plus rapide à arriver au bout l'emportera.

Sa sœur d'enthousiasme de sa proposition et se joint à la tâche, au plus grand ravissement de Mylo, qui n'aurait pas trop su comment la convaincre sinon. Tous deux creusent pendant de longues minutes, Vali' se débrouillant vachement bien avec ses longues griffes - pi elle passe déjà tout son temps dehors à remuer des trucs. Alors creuser de la boue, c'est dans ses cordes.
En tout cas, en travaillant à deux, ils finissent rapidement : et alors qu'il s'apprête à passer à la suite, sa sœur semble avoir une idée plutôt... Fixe. Et elle décolle au quart de tour.
Mylo la regarde faire avec un sourcil haussé - bah, très bien. Lui ça lui laisse un peu de temps pour réfléchir à la suite et continuer à faire semblant qu'il a pensé à tout depuis le début. Tirant sur ses moustaches, il se demande comment faire en sorte de motiver leurs serpents à avancer. En leur donnant des trucs à manger ? Il est même pas sûr de savoir ce que mangent leurs serpents.

Déjà de retour, Vali' débarque sur un dérapage contrôlé et commence à installer tout un bordel de cailloux et de brindilles à l'arrivée des parcours. Fière de sa création qui se trouve ponctuée d'un habituel Meep, elle se plante et attend. Le jeune loup observe le tout avec un sourire en coin, plutôt content que sa sœur s'enthousiasme assez pour vouloir contribuer.

—   Ouais, c'pas mal comme ça !

Bon, et maintenant...

—   'Faut attraper quelques insectes et les utiliser pour conduire les serpents, j'pense ! Genre... Des vers. On les attache à un bâton avec un bout d' liane et pi on attire les serpents avec.

L'âne et la carotte, même si Mylo ne sait pas ce qu'est un âne et n'a encore jamais vu de carotte non plus.
Toujours dans le rôle du chef d'opération, il n'attend pas l'aval de sa sœur pour se tourner vers l'environnement et commencer à chercher des lombric, ou d'autres trucs qui feraient bien l'affaire pour motiver les serpents.

[ RC : il trouve deux trucs
RS : il trouve un seul truc
ES : rien
EC : il tombe dans un trou de vase et se fait mordre par une bestiole ]

Fort heureusement pour les deux louveteaux, la Moere regorge de bestioles en tout genre et il ne faut que peu de temps à l'un comme à l'autre pour dégoter chacun une bestiole. C'que lui trouve sous la feuille humide d'un buisson bas ressemble à un genre de chenille, quand sa sœur lui rapporte elle un bon gros lombric tout droit sorti du sol. Et à la façon dont elle lui lâche juste à côté en braquant sur lui des yeux plein d'attente, il comprend sans mal qu'c'est à lui de s'débrouiller avec.
Ew, bon, y'a des inconvénients à être chef de projet, mais tant pis. Il assumera son rôle, non sans une grimace explicite de dégoût en touchant la chose qui se tortille. De doigts pas encore très agiles, Mylo noue un morceau de jeune liane autour des deux appâts et attache l'autre côté du lien à des bâtons.
Il tend celui du lombric à sa sœur, puis cherche du regard la silhouette de Slurp.
... L'est passé où encore, c'con d'serpent ?
Soufflant du nez avec exaspération, Mylo s'aventure un peu dans les fourrés jusqu'à le retrouver en train de se barrer plus loin.

—   Hééé, r'viens par là toi !

D'une patte il vient le cueillir, attrapant le reptile avant qu'il puisse se faufiler hors d'atteinte, ce qui ruinerait tout ce qu'ils s'échinaient à mettre en place.
Bon ! Ça, c'est fait. Avant de positionner son serpent au début de leur parcours, ne reste qu'un dernier p'tit test : voir si son appât l'intéresse.
Essayant de capter l'attention de son serpent, Mylo commence à agiter le bâton pour faire rebondir la chenille devant sa tête et susciter son intérêt.

[ RC : Slurp est tellement intéressé qu'il gobe direct la chenille
RS : L'appât lui convient, il est prêt à suivre
ES : Slurp s'en carre le cul
EC : Slurp s'en carre le cul + se barre de nouveau ]

Il y a d'abord un flottement, un moment de vide durant lequel seul le balancement régulier de sa chenille devant les yeux ronds et noirs de Slurp focalise toute son attention dans un suspense qui le fige.
Puis... Snap.
Le mouvement est vif, si vif qu'il aurait pu le manquer en clignant des yeux. Slurp a gobé la chenille. Slurp a GOBÉ la chenille ! D'un coup ! Ça veut dire qu'il a plus d'appât, qu'il doit tout r'commencer pour aller en chercher un autre !
La gueule de Mylo s'est ouverte sur une expression outrée, mais aucun son n'en sort tant la situation le laisse abasourdi.

Du coin de l'œil, il voit Vali' s'adonner au même exercice que lui, agitant son ver devant sa serpente. Dans son cas à elle, il s'passe le contraire : Viper essaye même pas d'attraper la proie, elle bouge pas.
...
Sans trop l'sentir arriver, Mylo a brusquement la gorge qui se serre et une montée de larmes qui menace de s'évader.
Tout s'passait plutôt bien jusque là, mais maint'nant il est complètement découragé. Il a pas la motivation d'retourner chercher deux appâts différents, d'empêcher Slurp de s'enfuir, d'affronter l'regard déçu de sa sœur qui voit bien qu'ça marche pas, et tout l'reste.

D'un coup de patte, l'enfant envoie dans le décor ce qu'il reste de son bâton, avec la liane qui pend mollement, vide d'appât. Puis sans même se retourner vers Valériane, il s'éloigne en traînant des pieds, tapant occasionnellement dans un caillou, l'air maussade.

—   Laisse tomber, c'tait nul comme idée.

Il s'assoit un peu plus loin, toujours sans accorder d'attention à rien ni personne, et laisse échapper un gros soupir exaspéré.