Phenomenon — Épreuve de vie

Voilà plusieurs semaines que Nyu s’était absentée. La traque lui avait pris bien plus de temps qu’elle ne l’aurait imaginé. Un rythme intense, qui l’avait amené à s’aventurer toujours plus loin dans les terres.
Devenir plus forte.
Un objectif qui résonnait en échos, encore et encore dans son esprit. Depuis le combat avec le dragon-squelette aux côtés de Dysis qui s’était soldé par un échec. Depuis qu’elle avait vu Cassius détruit par la mort de son père, tué par un maudit serpent.
À vous monstres, qui proliférez sur ces terres, je vais vous détruire, dans votre berceau.
Avant même que vous ne veniez à éclore.
Avant même que vous ne soyez conçus.
Pour cela, l’Etelkrus s’était laissé dans sa plus grande traque, celle d’une mère-monstre. La véritable menace des chasseurs. Les mères étaient dangereuses, intelligentes et protectrices envers leur progénitures… souvent mortelles. Peu de chasseurs s’y risquaient car cela se résumait à une dernière et ultime chasse.
La mort n’a jamais effrayé Nyu.
Alors, elle avait multiplié les stratagèmes, s’était servi de plus jeunes monstres pour attirer plus gros. La remontée fut longue, les nuits courtes pour capturer ce gros monstre. La marque avait grandi sur son corps, s’était allongée par tous ces repas composés de monstres. La rassasier trop, était un jeu tout aussi dangereux que celui de l’affamer.
Car la marque s’habituait.
Ce qui la rendait de plus en plus exigeante.
La piste des monstres-reptiliens l’avait fait partir des marais aux lianes, passé par les terres Nakhus et remonté jusqu’à la plaie du monde. L’endroit de tous les cauchemars pour certains. Un simple lieu de chasse comme un autre pour la féline. Continuant de pister l’odeur du monstre, la louve croise des cadavres d’animaux en décomposition, fronce le museau face à leur odeur. Dans quelques recoins des os.


Le corps est parcourut d’une décharge et d’éclaires dorés. Nyu sent ses poils et ses cheveux se hérisser, alors que son museau se lève pour humeur l’air. Un monstre.
De quel genre es-tu toi ?
À chaque pas, la marque s’agite un peu plus, les petites décharges s’accentuent sur son corps. L’adrénaline monte chez l’Etelkrus.
Elle déboule dans une pièce circulaire, dont la plupart des murs sont percés. En son centre, une masse écailleuse enroulée sur elle-même.
Un immense sourire qui étire ses babines, quand s’étire le corps reptilien, se redresse avant d’ouvrir sa gueule triangulaire dévoilant de larges rangées de dents pointues. Un dragon wyrm. Bien plus serpent que dragon.
Une mère.

« — C’est toi que je traquais, monstre. »

C’est toi que je vais écraser.
Monstre.
Pour le dragon qui s’en ai pris à Dysis.
Pour celui qui a détruit les terres Nakhus.
Pour ton cousin qui a tué le père de Cassius.
Je vais dévorer tes yeux.
Nyu adopte une posture défensive, avant d’aboyer avec provocation envers cet adversaire. La base du corps du serpent s’enroule sur lui-même, tandis qu’il recule son coup et sa tête. Les yeux dorés l’observent, attendent qu’il commence cette danse mortelle.
Bien que gros, elle devait prendre en compte son agilité certaine et sa rapidité d’attaque. Néanmoins au vu de sa taille…

… si t’attaques en balançant ta tête comme tous tes semblables tu vas être sonné en ratant ta cible… et moi j’aurais une chance de te frapper.

Il fallait tester avant tout cette théorie, avant d’attaquer. Nyu avait pu constater que même sous forme de squelette, les dragons étaient des monstres intelligents. Si elle attaquait directement après le premier loupé, son ennemi ne lui laisserait pas d’autre opportunités.
Il faut le fatiguer, avant d’attaquer.
Un jeu d’attaque et de pirouette, en attendant le bon moment.
Le monstre balance sa gueule vers Nyu qui fait une roulade sur le côté pour éviter la mâchoire qui se referme pile à son emplacement d’il y a quelques secondes. Un peu plus lentement qu’il n’a attaqué, le dragon-serpent se redresse, balançant de nouveau sa gueule. Nyu se laisse glisser dessous et tente de mordre le serpent au niveau des joues, avant de se reculer brusquement.
La peau était trop dure.
Les écailles protégeaient la chair du dragon.
La queue du serpent bien frapper Nyu à l’épaule, la promettant contre un vieux pilier de pierre. Le souffle coupé, elle se redresse tant bien que mal, sous la pression de la marque qui bouge sur son corps et accentue l’envoie de petites décharges.
Essais-tu de me faire oublier la douleur ?
L’épaule est les premières côtés sont douloureuses.
Ok, point à noter, surveiller les dents et la queue. Rien que ça.
Le serpent se projette de nouveau vers l’avant et Nyu se place derrière le pilier de pierre qui tremble au moment de l’impact avec le reptile avant de doucement basculer, l’obliger à changer de cachette provisoire.
Putain de merde, elle avait provoqué un dragon-wyrm bélier qui avait l’intention de tout casser juste pour la manger !
L’excitation qui envahit les sens de la louve.
Ça lui plaisait drôlement un adversaire pareil.
Bien quelques secondes de réflexion pour revoir le plan. Les endroits tendres du dragon qui permettraient d’infliger un coup fatal… les yeux mais il fallait enfoncer quelque chose de long et pointu, de même que sa gueule… Nyu passe la moitié de sa tête au-dessus de la pierre.

« — Hé tu v’drais pas gentiment baisser ta tête que j’puisse te croquer les yeux ? »

Un rugissement qui monte chez le monstre, alors que sa tête bascule vers l’arrière. Nyu perçoit un petit trou noir. Les pupilles s’élargissent.
Une faille.
La faille pour peut-être le battre.
La chasseuse devait l’obligé à baisser sa tête, une dernière attaque pour pouvoir attendre sans problème cette opportunité.
L’Etelkrus sort soudainement de sa cachette, pour bondir sur le corps du reptiles, atterrissant sur les écailles dorsales. Problème, c’était glissant, comme si tout était visqueux et les griffes de Nyu n’ont pas d’emprise dessus. La louve voit en même temps la gueule du dragon plonger vers elle et la queue prête à la frapper. L’un des deux allait la toucher…
Mais quitte à choisir… elle se laisse glisser vers la queue qui cette fois claque comme un fouet sur son museau. Sonnée, elle étouffe un gémissement quand son corps heurte le sol froid des ruines. La marque continue de bouger, lui intime de se relever, de se battre encore.
Le serpent rugit préparant sa prochaine attaque, prêt à plonger de nouveau pour cette fois croquer la louve.

« — … t’es qu’un putain de gros serpent… » Nyu se redresse en grimaçant. « … et tu sais quoi… »

La tête du serpent s’abat, quand Nyu se laisse rouler bien plus maladroitement que les fois précédente. C’est à elle de se redresser, d’accentué la douleur suscitée par ses blessures, de chasser le sang qui s’écoule de son museau pour lever sa patte, toutes griffes sorties et l’enfoncer dans le point faible du monstre.

« — J’déteste les serpents. »

Ils ont fait du mal à Cassius.
Ils sont rattachés à Kiro.
Les serpents ne sont bons qu’à être mangés.
Alors toi aussi j’vais te manger comme tout tes semblables.
Le monstre pousse un cri strident, avant de se redresser. Nyu se cramponne, cherche à enfoncer sa patte plus loin, arrache les écailles de l’intérieur à l’aide de ses griffes, avant de plonger son museau dans la chair. Le goût de ce sang est immonde, mais ce n’est pas grave. La louve arrache ce qui passe sous ses crocs. La queue du serpent claque dans l’air, cherche à l’atteindre. Le monstre bouge, Nyu sait qu’il est prêt à tout pour la déloger, elle l’entend rugir. Elle accentue la pression, arrache ce qui entre ses crocs lui semble être des nerfs, voir artère.
Soudain un choc qui la déloge.
La vision se trouble, alors que le souffle coupé, elle tente tant bien que mal de reprendre son souffle entre une quinte de toux qui lui aussi bien cracher le sang du monstre que le sien. Désespéré, son adversaire les avaient tout deux projeté contre un mur qui s’était effondré. L’estomac de Nyu se retourne, la faisant rendre ce que contenait son estomac, alors qu’elle recule en boitillant. Le monstre est affaissé sur le sol, sa respiration se mélange sonne comme un étrange gargouillement alors que sous lui se forme une large flaque de sang. La respiration haletante, Nyu s’approche prudemment. La marque des chasseurs s’agite un peu moins, la moindre douleur fait grimacer la louve.
Plusieurs spasmes qui secouent le corps du grand reptile. Nyu s’approche de la tête.

« — Ce n’est pas dans mes habitudes de vous laissé agoniser de la sorte. »

Ce n’était pas une mort honorable.
Ni une chasse efficace aux yeux de Nyu.

« — Au moins ta mort, permettra de sauver des innocents. C’est de bonne guerre. »

Nyu s’assit dans le sang du monstre, contre sa tête, alors que la bête rend son dernier soupir. Il lui fallait prélever un trophée, se nourrir, quitter cet endroit… mais avant… elle avait besoin de reprendre son souffle. Maladroitement, elle applique des bandages autour des blessures ouvertes qui lui paraissent les plus importantes. Le reste… se remettrait avec le temps.
Ces dernières semaines furent épuisantes.
Avaient nécessités de longs entrainements et beaucoup de concentration.
Suis-je assez forte maintenant ?
Pour tous vous traquer vulgaires monstres ?
La tête de la louve qui bascule vers l’arrière.

C’est ce qu’on verra.
Car je ne connaîtrais aucun repos, tant que je ne vous aurez pas traqué.
Jusqu’au dernier.