Pretty please •• Pv. Keran

« Sans déconner » ronchonna la gamine, glissant une énième fois sur les cailloux roulant sous ses pas et égratignant ses coussinets. « Comme si j’étais du genre à randonner » Elle pila, toisant d’un air irrité le chemin pentu qui s’amorçait devant elle, et poussa un râle de fin du monde, le genre de cri que la progéniture entre un mammouth et un phoque auraient pu faire. Long, grâve, courroucé… Et pas franchement mélodieux.
Déterminée, elle posa ses fesses à terre, non sans un regard de défi au paysage somptueux - mais vide - comme si elle l’interdisait de contredire son manque de motivation évident. « Mais qu’eeeeest-ce que je fous là sérieux » Oh, elle avait eu un élan de motivation, était partie d’un bon pas pour avaler les kilomètres (songeant qu’il fallait bien perdre les trois grammes de gras qui pointaient sur ses cuisses) et avait regretté assez vite cet élan irréfléchi et passablement inutile.
Pauvre larve blasée, Kwami roula sur le dos, ravalant les jurons destinés à maudire la terre entière lorsque des pierres lui esquintèrent le dos. Oh bordel mais tuez moi. La vie était trop dure. Sans ses bitchettes à qui broder du ragot en fin de satin, la vie ne valait pas la peine d’être vécue. Véritable drama queen jouant la scène de sa vie devant un public absent, la Lazuli se redressa, paupières papillonnantes et yeux embués de larmichettes. Quelqu’un était là. Elle sentait une odeur. « A l’aideuuuuhhh » chouina-t-elle de sa voix mélodieuse et euh, pas mal pathétique aussi. « Je me suis foulée la patte » poursuivit-elle en voyant l’individu arriver dans son champ de vision.
Avec un peu de bol il la porterait jusqu’en bas.
Elle avait trop la flemme de redescendre.

Zut, c’était un gamin. Il aurait été bien trop beau de tomber face à un grand loup aux épaules puissantes et au sourire ravageur. Mais hey, de la compagnie, quelle qu’elle soit, c’était mieux que rien. Roulant sur le dos, Kwami lui jeta un regard torve, les quatre fers en l’air et toute fierté de côté. Ouais, elle s’en battait les reins sévère, du prestige là. « Un loup comme toi n'as pas besoin de quelqu'un comme moi » disait-il ? Elle pouffa. « Non c’est clair, ravie de te l’entendre dire ! » Louchant entre ses mèches, elle évalua la situation. Devait-elle bondir sur ses pattes et faucher le gamin d’un petit pivot rotatif, style “matte moi ce skill, morveux” ? Nooon, continuer à jouer la comédie c’était quand même plus drôle, aussi garda-t-elle une expression hermétique. « Je me demande ce qu’on dira de toi si on apprend que tu maltraites une pauvre demoiselle en détresse » Bien sûr qu’elle était en détresse. Elle avait très mal à sa flemme. Sa motivation saignait. Ouch, aie. On se demande c'est qui le mousse ici! On dirait une gamine en train de se morfondre. Tes parents t'on jamais éduqué qu'il faut se débrouiller par ses propres moyens! Franchement, je croyais les loups des continents plus intelligents que sa, « Le mousse ? » Elle ricana. « Tu vois un bateau quelque part ? » Elle colla son oreille contre la pierraille envahissant le sentier, comme s’il s’agissait de coquillages. « Oh, oui, tu as raison, j’entends la meeeer ! » Elle ravala son rire. Non mais il était sérieux ? Elle allait mourir s’il continuait à se la jouer petit marin de salle de bain, à voguer sur l’eau paisible d’une flaque. Terrible. Elle avait déjà des dossiers à ressortir aux autres, et se voyait déjà momer le pseudo mousse en roulant des yeux hagards.

Hé la grande! T'as fini de geindre ou tu va m'implorer pour que j'aille te chercher quelqu'un? J'ai pas toute la journée moi! Faut dire aussi, vous autres vous êtes des princesses. Vous savez même pas gérer une petite douleur! Elle reporta son attention sur lui, et haussa les épaules. « T’as pas toute la journée mais t’es en train de monologuer en te prenant pour un marin… » Quant à la mention de son état de “princesse” elle ouvrit un sourire qui lui découvrit les dents, et roula de nouveau sur le flanc, comme un chiot labrador particulièrement fier des conneries qu’il vient d’accomplir. « Oh, je suis une princesse pour toi ? C’est vraiment trop mignon, et si tu allais chercher ma couronne ? » Oui, elle avait bien compris, être une princesse était supposé être une insulte. Mais, c’était finalement plutôt flatteur non ? Et l’idée de prendre à contrepied le marmot l’amusait follement.