Conquérir le monde, mais pas pour tout de suite (Teddy)

C'était un banal matin d'automne, où tu t'étais laissé rattrapé par la fraicheur de la rosée nimbant les feuilles rouges. Un volute de fumée se dessinait devant ta bouche, alors que tu foulais d'un pas mêlant la souplesse de ton corps athlétique à la rapidité d'un père désireux de revoir ses filles. Tu comptais apporter le petit déjeuner, par ce lièvre qui pendait de part et d'autre de ta gueule, laissant sur tes babines de petits points de sang.
Tu avais chassé juste avant que le soleil se lève, attrapant la proie avant qu'elle ne rentre dans ce terrier. Tu étais bon chasseur, porteur de tes années d'expérience !

Et encore et toujours...
Tu ne pouvais pas t'empêcher de le faire seul.

Ta manie de solitaire ne t'avait finalement jamais vraiment quitté, Teddy, toutes ces années loin d'une meute t'avait forgé différemment que ces clanistes parmi lesquels tu pensais t'être fait ta place, sans pour autant pouvoir le certifier. Toi, le Polyvalent, qui cherchait à s'adapter et à prendre sur lui plutôt qu'à trop compter sur les autres.
Oh.
Tu avais souvent une pensée pour ta déesse, dans les situations difficiles. Cela se révélait comme une nouvelle faiblesse, celle de trop croire en des forces supérieures : tu finirais par t'en rendre compte, bien à tes dépends.
Tu déposes la proie au sol, t'intéresse à quelques racines comestibles que tu arraches, ainsi que ces fruits savoureux arrivées avec la mauvaise saison. Des châtaignes, que tu rassemblaient et transporteraient à l'aide de ton pouvoir. Quelques pommes.
Tout cela irait pour Leikn. Ta compagne, ta Licorne, peu avide de viande, aussi fraiche soit-elle. Pour qu'elle partage sans broncher le repas, lorsque les filles avaleraient avec bien moins d'hésitation ce que tu leur rapporterais à manger.
Content, y a ce putain de sourire qui vient trainer sur tes lèvres, alors que tu longes le fleuve chantant.

La température a chuté, à ses abords, l'humidité dessine un léger voile brumeux au-dessus de son cours tranquille.
Tu viens laper quelques gorgées de l'eau du fleuve, jusqu'à ce qu'une voix méconnue te parvienne. Alors, tu te redresses, posant tes yeux améthystes sur le fils de Spleen.
Un garçon discret, que tu voyais souvent à la suite de sa sœur. Sa sœur qui t'avait marqué, au réunion de meute, par la vivacité de ses paroles. D'eux deux, elle était la meneuse, cela ne faisait aucun doute pour toi.
Il se montra un peu familier avec toi, après une approche plus solennelle, ne te plaçant que peu sur la façon de l'aborder toi aussi.
Pas compliqué, tu optas pour la même familiarité, restant debout alors que lui s'était assis.
Il voulait tenir une discussion avec toi, c'est évident. Sinon, il ne se serait embarrassé à s'assoir.

« Bonjour, Vanhir. Ça va, ouais, et toi ? »

Bon Teddy. T'étais par contre pas le genre de gars qui y allait par quatre chemin (enfin, ça dépendait pour quoi, disons si ça ne concernait pas tes sentiments, tout était plus simple). Alors t'enchaina, levant un sourcil curieux et lui accordant un sourire en coin, l'air sympathique.

« ..Y a quelque chose que tu dois voir avec moi, c'est ça ? »

Sinon, il ne serait pas venu, puisque vous n'aviez que peu de raison de vous côtoyer, bien que sa mère et toi étiez né au même endroit.

Ahah. Il avait ainsi besoin de toi, Teddy.
Tu relèves le menton, avec cette curiosité qui anime ton regard. Intéressant. Ce jeune était intéressant, ouais, même s'il ne valait mieux pas que tu saches à quel point il se méprenait sur toi, à te penser fort absent du gouffre alors que tu y passait pourtant la majeur partie de ton temps. Tu étais une présence forte, au sein de la meute. Tu avais accompli beaucoup, pour elle, et comptait bien mettre en place bien des choses.
Toi, le solitaire qui s'était illustré au point que ce soit ton nom, qui fleurirait dans la gueule de Gloriel lorsqu'il déciderait de nouveaux chefs pour votre meute.
Mais nous n'en étions pas encore à ce point là de l'histoire.

Et tu l'écoutes jusqu'au bout, quand ce gosse prend la parole.
Son orgueil et son assurance te font souffler par le nez. Il t'amuse, tu as envie de le tester un peu, maintenant. Voir ce qu'il sait vraiment, ce p'tit mec qui n'maîtrisait pas même encore la montée d'hormones de son corps, et qui avait l'air de se penser roi maintenant qu'il s'était vu pousser trois poils en plus. Lui qui voulait savoir plus qu'il ne savait déjà, lui qui acceptait de se voir entendre ses éventuels défauts.
Eh bah, eh bah ! Tu lui trouvais déjà fort orgueil, à ce minot.
C'qu'il semblait vraiment déterminé, en plus.
Tu n'cesses de l'observer, de l'analyser.
Il te fait penser à quelqu'un, ce gosse presque effronté, hein ?

On dirait toi, à son âge.

Un putain de mini-toi, avec l'égo déjà bien gonflé.
Un sourire franc marque tes babines. Et quand il cesse son p'tit discours, faisant office en votre monde d'une lettre de motivation qu'on t'aurait collé sur le bureau... Tu te relèves, marche un peu autour de lui.

« Pour me croiser, il faut franchir la tanière des herboristes, ou aller se coucher à l'aube plutôt que de s'y lever. Ce n'est pas pour rien, que bien des prédateurs sont nocturnes : mais ça, tu dois déjà le savoir, n'est-ce pas ? Et y a bien intérêt, que tu acceptes les critiques : à trop se faire mousser ou à n'attendre que des compliments, on ne développe que son égo, pas ses compétences. »

Tu le taquines, ton regard accrochant sa silhouette du coin de l’œil. Puis tu exécutes un bref mouvement de tête, l'incitant à te suivre le long du fleuve.

« ...Allez. Viens, allons marcher un peu, toi et moi. Il faut que j'en apprenne un peu plus, sur mon apprenti. Tu me vends si bien ta personne qu'il faut que je sache quoi t'enseigner, pour ne pas empiéter sur tes acquis. Tes acquis qu'il va falloir me prouver, maintenant que tu me les as avancé. Que sais-tu, exactement ? Explique-moi ce qu'ils sont, et la méthode d'enseignement qui a été usée pour chacun d'eux. »

Tu attendais une réponse précise et longue. Être trop confiant sur ses bases, c'était déjà s'aventurer vers les lacunes et les faiblesses. Et puis, tu avais besoin de connaître la méthode, pour monter par la suite un plan d'entrainement solide.
Et quand bien même ce gamin pouvait être une chtouille agaçant...
T'étais content, d'enseigner.

C'est qu'il grognait, le cabot. Tu notas intérieurement son faible sens de l'humour et l'incapacité de comprendre les taquineries. Un gosse bien premier degré, comme tu l'étais pas bordel : il continuait cependant à te rappeler suffisamment le petit loup fort orgueilleux que tu avais longtemps été (car tu ne l'étais plus, désormais ? Soit honnête, Teddy...) pour que tu ne prennes la mouche. C'était cependant quelque chose à laquelle il faudrait qu'il prenne garde, ce gosse, peut-être quelque chose que tu lui enseignerais un jour...
Oh, ouais. C'que tu venais carrément à penser à son apprentissage sur le long terme, maintenant.
Mais s'il devait un jour se présenter à une meute (pt'être que t'avais là un futur chef, qui sait !), mieux valait attirer la sympathie, et non refroidir les autres d'la sorte, avec un côté trop terre à terre et une fierté de soi trop visible.

Avec attention, tu écoutes le gosse poursuivre.

Ses parents lui avaient déjà appris beaucoup. Son père, surtout, de c'que tu comprends. Un père qui n'était pas du clan, mais pas mort : tu te demandais de qui il pouvait bien s'agir, finalement. Quelqu'un de balèze, d'orienter sur le combat : ces simples hypothèses font que tu penses, à raison, qu'il s'agissait d'un Etelkru, dans la stéréotypie de la brute qui accompagnait ce clan. Clan contre lequel tu n'avais rien, toi : tu avais, jadis, fais équipe avec un membre de celui-ci. Athelstan : un loup qui s'était montré bien plus ingénieux que toi, dans son calme et sa sagesse. Tu t'demandais c'qu'il était devenu, en songeant à toutes ces rencontres passées.
Quoi qu'il en soit...
Chasse, combat, traque, étaient acquis ou en cours d'acquisition par le jeune loup.

Mais plus que la force, c'est la rapidité qu'il désirait avoir. Spleen lui trouvait la même carrure que son père. Lourde, ce qui l'inquiétait quant à la réussite de cette tâche, mais n'effaçait sa détermination.
Tu souris, satisfait.
Tu penses pouvoir l'aider, Teddy, et fier tu seras si ton entrainement viens compléter celui déjà octroyé par ses parents.

« Ta réponse m'plais bien. Et plus que réécrire le livre, je te propose plutôt d'en façonner le deuxième tome. »

T'as finis de l'analyser et de l'écouter, y a dans ta tête bien des entrainements qui se profilent. Toi qui t'étais arrêté, tu te remets en mouvement, énonçant en même temps ce que tu comptais faire avec lui.

« Je pense que je n'aurais pas grand chose à ajouter à la façon dont tu chasses, nous nous contenterons de pratique de ce côté-là : la nuit, nous pratiquerons ensemble, l'expérience achèvera la formation initiée. Je t'invite aussi à ne pas interrompre tes lectures : en médecine, c'est ainsi qu'on apprend le plus, nous avons rarement l'opportunité de nous faire la patte sur tout. J'accentuerais cependant ta formation sur les remèdes utiles pour les plaies et les hématomes, ainsi que tout ce que tu pourras prendre à même un champ de bataille pour n'pas flancher, qu'ça soit pour toi ou tes coéquipiers. »

Ce qui lui permettrait de se bander en urgence, ou d'se requinquer un peu : une façon d'avoir plus d'endurance qu'un autre, avec ça, eh. Même si, au fond, tu n'lui souhaitais pas de se battre.
Tu ne savais cependant que trop bien qu'on était, un jour ou l'autre, forcément amené à le faire...

« Pour ta vitesse, je pense aussi pouvoir faire quelque chose. Plus que de courir sur de longues distances, c'est un travail de ta musculature et de tes foulées que je te proposerais. Des cuisses musclées te rendront plus explosif, des épaules bien façonnées te permettront de sauter plus haut et de ne laisser aucun obstacle entraver ta route. Quant à tes foulées, j't'aménagerais des circuits, qui te forceront à les étendre d'avantage : au fur et à mesure, elles deviendront naturelles.
Et à la fin, j'te le promets : tu seras aussi fort que rapide.
Quant à l'endurance, c'tout naturellement qu'elle viendra. »

Tu lui accordes un large sourire. Et tu conclus, comme ça :

« Alors, t'es chaud pour ce programme ? »

Yes, mon gars.
T'avais réussi à complètement le captiver, le môme. Malgré son visage neutre, qu'il bridait de ses émotions, tu pouvais deviner à la tension de ses membres l'excitation qui le prenait. C'qu'il semblait emballé, prêt à détaler pour courir et sauter partout. Mais il s'tint correctement à tes côtés, bien que tu aurais accepté avec amusement un quelconque débordement de joie.
Non, vraiment, il ne cessait de te faire penser à toi...
Trottant à ses côtés, tu t'emballes toi aussi lorsqu'il te demande quand vous commencerez votre entrainement. Ptain ouais, c'est ça que tu attendais ! De l'engouement, de la détermination, d'la motivation... Il en transpirait, ce gosse.

C'que t'allais kiffer de bosser avec lui. Un élève motivé, c'était être un mentor motivant.
De façon plus modérée, ta queue prend le sens de la sienne, battant en un lent mouvement de balancier dans ton dos, toujours dressée haute.

« Bah puisque t'en as si envie qu'ça... Aujourd'hui. »

Hors de question d'repousser à plus loin : tu n'étais pas un procrastinateur, Teddy, et comptais bien user de l'actuel mood du gamin pour débuter dès aujourd'hui son entrainement. Lui laisser le temps d'exprimer sa joie ou de te faire part, que ce soit par l'action de son corps ou de ses mots, de son emballement, tu réfléchis brièvement à ce que tu pouvais dès lors lui présenter.
Tu n'avais pas encore de matériel, qui te permettrait de le faire gagner en vitesse : tu réserverais cette leçon à plus tard, lui installerait tout un parcours sur lequel tu l'initierais. Un parcours qui deviendrait ensuite le sien, et dont il serait libre de jouir quand bon lui semblerait, dans un travail en toute autonomie : la tenue de cet exercice, le fait de le faire un peu chaque jour, le conduirait rapidement à atteindre ses objectifs de vitesse.

« J'peux déjà te montrer toutes les plantes qui t'aideront à te soigner dans une certaine mesure, et que l'on trouve facilement sur nos terres. Ainsi que leur utilisation, accompagnée des premiers secours. Intitulons ce cours "Initiation à la médecine générale".
On va te constituer un p'tit bouquet, j'te noterais leur nom dessus, et tu pourras par la suite mémoriser au calme leur odeur pour plus facilement les retrouver. T'en dis quoi ? »

Ouais, ça t'paraissait pas mal, pour commencer. Tu verrais ainsi quel serait son degré de concentration, maintenant que tu avais pu jauger de son envie de travailler en binôme avec toi (t'en revenais toujours pas, de cet honneur que de devenir enfin mentor). Comme ça, ça s'ra déjà une bonne chose de faite, et nous n'aurions plus qu'à plancher sur les stratégies de chasse et de combat, ainsi que ta préparation sportive 'vec ton renforcement musculaire.
Tu l'invites à te suivre, vous éloignant de la rivière pour vous enfoncé dans le sous-bois qui la borde, là où la végétation se faisait bien plus dense et variée. Tu débutes ta leçon, d'une voix calme, de quoi lui laisser le temps de tout assimiler, voir de poser des questions ou de te demander de répéter. Ça serait dense, rien ne vous empêcherait de reprendre à nouveau tout ça par la suite, lorsqu'il aura bien mémorisé les bases.

« Les plantes sont rarement utilisées dans leur globalité. On use plutôt d'une seule partie, comme les pétales, les feuilles, les racines, les bourgeons... Sur notre terre, un bon quart des plantes, au moins, trouvent une utilité en médecine, qu'ça soit sous forme fraiche, ou séchée. La forme séchée est d'ailleurs pratique en hivers : il t'est toujours possible d'en faire un stock à la belle saison, pour tenir tout l'hiver. C'est toujours plus pratique à avoir sur soit, aussi. Je te donnerais quelques petits contenants, chez moi. »

Tu te stoppes. Aux abords de la rivière, le sol est humide : on y trouvait bien des plantes intéressantes, comme la grande pimprenelle que tu lui présentas alors, lui expliquant les propriétés hémostatiques qu'avaient ses feuilles. A prendre en décoction, ou à mâchouiller. Bonne à avoir en combat, donc.
L'incitant à cueillir quelques feuilles, tu poursuivis ton chemin. P'têtre que tu devrais lui offrir un sac de bat, à c'gamin, comme toi tu pouvais bien en posséder un pour tes voyages... T'y réfléchirais. Ça pourrait être sympa, pour qu'il puisse y ranger tout c'que tu l'inciterais à cueillir, après tout.
Tu lui parlas rapidement de l'ortie, que tu faisais sécher au soleil pour la réduire ensuite en poudre, pour les douleurs articulaires en combinaison avec l'argile verte, trouvable sur les berges de la rivière.
La prêle, capable de consolider les fractures, par son effet reminéralisant.
La salicaire commune, abordées ici en cas de saignement de la gencive, si le gamin venait à trop en découdre.
La mousse, bien sûr, à appliquer avec l'argile sur une plaie, en cataplasme. Avec du miel, s'il venait à en trouver.

Et t'avait encore bien des choses, à lui expliquer...

Le gamin semblait intéressé par tout ce que tu pouvais dire, buvant tes paroles comme si elles étaient paroles saintes. Tu ne doutais pas de sa capacité de mémorisation, et aurait sans doute été content de l'idée d'herbier qu'il trimballait dans sa tête, meilleur que la proposition que tu venais de lui faire. Ce petit avait de belles ressources, et tu t'enjouais d'en être aujourd'hui le mentor.
Toi, qui aurais kiffé mettre en place une école, au temps où les enfants étaient abondances dans la meute : tu n'étais encore cependant même pas officiellement membre, à ce moment précis. C'est aussi à ce moment que tu avais perdu Mel'.

Tu aurais aimé, lui apprendre un peu plus de trucs, à Mel.
Tu pouvais au moins te satisfaire de lui avoir réappris à sourire.

Mais à ce gamin... Tu appendrais tout. Comme à un fils, celui que tu n'avais jamais eu, celui que tu n'aurais jamais. Il serait l'héritage que tu laisserais en ce monde, une fois parti, car tu lui souhaitais de te survivre bien longtemps.
Putain, Teddy, calme.
Tu partais déjà loin, avec le môme. Pardon. C'l'instinct paternel que tu avais un peu trop, qui revenait face aux plus jeunes et à l'affection que tu pouvais leur porter.

Il venait de soulever une question intéressante, qui te fit hausser les sourcils.

« Bonne question, c'est une éventualité à laquelle 'faut savoir faire face, car c'est déjà arrivé par le passé ! C'est là que le fait d'avoir un stock de plantes séchées, car beaucoup peuvent l'être en dehors de l'ortie, devient justement intéressant : il faut se préparer à toutes éventualités, et avoir dans ses armoires une réserve pour y faire face. Et si, vraiment, ce n'est pas suffisant... Se rabattre sur les écorces et les racines des plantes restantes, pouvant se substituer à quelques traitement. Et si c'est tooujours pas suffisant... Faudra songer à trouver, si la situation perdure autant, une terre moins hostile. »

En bref, compter sur sa gestion des stocks et sa prévention, et ne pas hésiter à aller voir ailleurs si les mauvais temps s'éternisaient éternellement. Tu avais voyagé ailleurs que sur PunkWolf, toi, traversé bien des territoires. C'est de cette façon, que tu avais échappé à la sécheresse et à la famine survenues il y a bien des années de ça, suivant l'étrange amie que tu t'étais faites alors...
Tu te demandes si tu viendrais un jour à lui parler, de tes voyages, à Vanhir. Cultiver son envie d'aventure, ouvrir chez lui une soif d'exploration... Bah. Ça se présenterait peut-être, un jour : il était encore jeune, avait toute la vie devant lui.
Tu inities un peu le sujet, discrètement.

« Quant aux terres gelées, la neige cache souvent une végétation rare qu'on ne lui soupçonne pas, jouant le rôle de protection thermique : il faut la gratter délicatement, pour découvrir les plantes qu'elle aura préservé du gel. »

C'est comme ça, qu'on découvrait bien des trésors préservés de la nature.

Il était cool, ce môme. Vraiment cool. C'genre de fils que t'aurais kiffé avoir élévé, si tu te décidais un jour à franchir le pas avec ta belle. Tu le regardes changer d'expression, perdre sa réflexion négative au profit d'une joie incommensurable. Il évoquait la neige, et parlait de partir sur la grève gelée.
Ah putain, la grève gelée.
C'là que tout avait commencé, pas vrai Teddy ? Là où tu t'étais perdu, pour de bon, loin de ta famille de Raedes. Là où tu étais parti au-delà, sur des terres gelées. Les montagnes à la neige qui jamais le fondais, la toundra glacé, le blizzard qui masquait une terre entière. T'avais six mois, et ta mue adolescente s'était adaptée à ce climat, raison pour laquelle aujourd'hui tu gardais un poil si long et si épais.
T'en étais revenu changé.

« Bonne idée, gamin ! Aller voir d'autres terres, découvrir toutes celle de notre continent et même celles au-delà... C'est comme ça que tu te forgeras tant une bibliothèque de savoirs quant aux plantes et leurs emplacements, qu'un panel d'expériences enrichissantes. »

Ton sourire reste franc, à son intention. Et alors que tu amasses quelques plantes que tu ranges dans ton épaisse toison, à défaut d'avoir prévu autre chose pour, tes yeux améthystes reviennent sur le gosse.

« Allez, on reste sur ça pour aujourd'hui ? Qu'on n'fasse pas tout l'programme en deux jours, quand même.
J'te propose qu'on se retrouve à l'aube, demain, devant le gouffre au faucons. Pour chasser ensemble. »

Tellement content d'cette première session qu't'avais carrément envie d'le hug, ce gosse. Mais t'allais t'abstenir, hein, on allait t'prendre pour un pédo après.
Alors tu trottines et tu t'éloignes, lui adressant un dernier mouvement de la tête, ravi, avec la hâte de poursuivre l'enseignement à un élève à ta hauteur.
Et qui, tu le savais, ferais plus tard ta fierté.