Le manger de l'amour ✩ Serket-Beatriz & Noé

J'avais lu cette phrase dans un livre, il y a longtemps. Je ne me souvenais plus bien du titre, tachait de me le remémorer en même temps que je coupais en petits bouts la viande du dinosaure. Le fumet au nez était agréable, la viande s'annonçait d'une tendre inversement égale à la monstruosité de la bête et le gras faisait avec aisance glisser la lame du couteau en son cœur.
L'eau des roses. Ou L'eau des fleurs. Oui, c'était quelque chose comme ça, le titre de cet ouvrage dont les paroles d'un personnage m'étaient revenus...

Des paroles qui résonnaient en moi, des mots que je me répétais entre deux battements de cœur. Des phrases qui m'allaient bien, parce que c'était mon état d'esprit.
Qu'était celui de vouloir fournir aux loups (on ne parlait plus de meute, maintenant, mais d'individus qui ensemble avaient décidés de faire équipe, faisant tomber toutes les frontières, tous les différents, pour apprendre à se connaître et enfin s'unir !) de quoi manger, ici et sur la glace.
Un peu de réconfort, aux explorateurs des terres gelées qui nous reviendraient et viendraient partager autour du feu un peu de ragout, trouvant chaleur dans le jus, appétit dans la viande bouillie, et soins dans les plantes et les légumes infusées.
Un peu de réconfort, aussi, à ceux qui sur la glace loin d'ici perdraient leurs pas. Et quand la faim les tenailleraient, quand ils penseront perdre leur énergie... Serait heureux de trouver dans la poche de leur cape une barre d'énergie, de quoi leur offrir un remontant. Les faire penser à ici. Leur donner de la chaleur, de quoi lutter contre les maux du froid. Un peu de piment, dans tous les sens du terme.

Je me racle la gorge. L'angine se soigne, mais est encore là.

Comme la douleur, de la patte qui manque et dont j'oublie parfois l'absence. Je ne m'y suis pas encore habitué, pourtant... Je ne le vis pas mal.
Ce n'est qu'une patte arrière, aussi inutile que ma queue ! Je n'avais besoin que de mes pattes avants, pour lire et pour cuisiner, tiens, ma vie ne s'en trouvait donc pas plus impacté que ça. Génial, quoi !
Il y a un sourire immense sur mes babines, quand Keemun (démon grandissant perché sur deux pattes, qui déjà me dépasse) apporte à mes côtés des casseroles et d'autres ustensiles, les fait bruyamment s'entrechoquer les unes avec les autres.

Je le gratifie d'une buche calcinée, qui traine sur le côté après avoir été retiré du foyer qui persiste au centre du campement. Me remet au travail.
Jusqu'à ce que vous arriviez, l'un puis l'autre. Réunion des blessés de guerre, huehue ! C'est une pensée qui me viens mais que je n'énonce à voix haute, car nous n'étions pas tous remis de la même façon. L'optimiste était une denrée variable, d'une personne à une autre.
Si j'en avais beaucoup, beaucoup, beaucoup ! ce n'était peut-être pas votre cas.
Je vous souris toutefois, à vous qui souhaitiez participer à l'effort collectif sans pouvoir reprendre la route comme d'autres le feraient, en allant du côté de la brèche.

« Coucou ! Vous vous portez mieux j'espère ?
...Oh ! En étant alité, j'ai beaucoup pensé à quoi cuisiner. Vous me direz ce que vous en pensez..? »

Je pousse une grande marmite, remplie d'eau, vers le feu allumé là...

« Pour le campement, un ragoût de viande de dinosaure, avec de la viande de phoque récupérée sur les proies utilisées pour préparer des protection contre le froid je crois..! Avec quelques légumes, plantes et rhizomes du Petit Eden..Des carottes, un peu de gingembre... Du poulet, pour faire le bouillon.... Des plantes médicinales en infusion pour aider aux soins ! On attrape vite un rhume. »

...Montre d'une patte les ingrédients disposés, qu'il faut maintenant couper, dépecer, ciseler !
Puis poursuit l'exposition de mon idée.

« Et pour les explorations, des barres énergétiques ! Toujours avec de la viande de dinosaure comme base, que l'on réduira en hachis, avec une purée composée des mêmes légumes que le bouillon, que l'on sortira d'ailleurs de celui-là ! On y ajoutera de l'huile de coco, pour permettre la solidification en forme de barre pour faciliter son transport, tout en ayant des vertus antibactériennes bienvenues.
...
Vous en pensez quoi ? Vous avez d'autres idées, des améliorations ?? »

Dans mes yeux, l'envie forte de bien faire.
Pour offrir, à ceux qui m'avaient aidé, la barre parfaite en gage de ma reconnaissance.

Oh ! Que vous vinrent chargés de victuailles !
Je me ravis de voir tant de nourriture devant moi. J'imaginais déjà le bruit du gras palpitant au fond d'une poêle, ses petits crépitements qui se joueraient en mélodie à nos oreilles, avant de fondre par la suite dans la gueule des nôtres ! L'enrobant de milles et une saveur, leur rappelant leurs terres qu'ils se devraient de retrouver, rien que pour à nouveau sentir dans leur narine les odeurs venus en réminiscence par le biais de ce met.
Il y aurait beaucoup de travail, pour parvenir à notre fin (ou faim, huehue !). Mais j'avais confiance en notre capacité à travailler en équipe, oui !

« On s'occupe bien de moi alors... Ça va bien !! »

Tu aurais dû voir le jeune panseur de l'autre meute, celui qui s'était occupé de me faire un joli moignon, me donner toutes les explications pour palier à mon manque de quatrième patte ! Il m'accompagnait dans ma convalescence, venait deux fois par jour changer mes bandages. Il était assidu à sa tâche, peut-être même un peu trop ; n'avait pas voulu m'écouter, quand je lui avais dis que s'il le voulait, je pourrais prendre sa relève. C'était son devoir, un truc du genre, enfin bref j'allais pas lui faire de la peine en insistant davantage !
Ton évocation des poissons séchées me fit ouvrir les yeux en grand.
Miam !!

« Oh oui, ça sera trop bon ça ! Bon, ça va sentir fort au fond de leur poche et ils vont puer des pattes en les touchant, mais ils se régaleront au moins huehue ! »

Je rigole et prends plaisir à briser le silence de ce rire. Parce que nous en avons besoin, non ? Notre vie continue, mes amis, nous nous relèveront, même un membre en moins.
Nous sommes des vainqueurs, regardez-nous ! On parle, on cuisine, on se retrouve ensemble.
Oh, Serket !
Ne fait pas cette tête !
Je m'approche de toi, me glisse dans ton dos. Tu t'es mise un peu à l'écart, tu t'es excusé et je sens bien que ça ne vas pas très fort. C'est vrai, c'est une situation un peu délicate, il est parfois dur de trouver la lumière dans son océan d'obscurité mais...
J'aimerais y prétendre, aujourd'hui.
Laisse-moi t'aider.
Ma patte se pose sur ton épaule et je te souris, rien qu'à toi, t'offre cette expression comme un cadeau.

« "Que" de la viande de mosasaure ? Mais c'est déjà plus qu'extra huehue, t'en fais pas ! 'pis vient avec nous, regarde, ça sera plus sympa si on travaille tous ensemble, rapprochés.
Et ça sera plus facile comme ça, pour rassembler tous les ingrédients et faire les barres énergétiques et les mets séchés ! Sans en faire tomber partout, en essayant de les rapporter d'un endroit à un autre... »

De ma gorge, un nouveau rire en sort.
Puis un mouvement vif, un peu maladroit, c'est presque une danse que j'improvise pour ne pas dire que je perd l’équilibre, retournant ainsi à mon post. Là ! Voilà !
Au travail, maintenant.
Je m'occupe de découper la viande de dinosaure. Pas parce que je suis le plus fort, oh non non non ! De nous trois... Ah, je crois que nous étions à égalité, avec notre force de crevette. Mais j'avais l'habitude de cuisiner, alors le couteau, je le maitrisais assez bien !
Je pouvais donc m'en occuper.
Pour couper, tchac tchac tchac.
L'écraser, du plat de la lame.
Reprendre la découpe.
Hacher menu, de la sorte !
Des tous, tous petits bouts, qui n'attendront plus que l'incorporation des plantes taillés fines et de la chair de poisson.

« Ca vous dérange, si je mets un peu de musique ? »

Et parce que je n'avais pas de tourne-disque pour faire passer une symphonique classique... Je me mis à siffler avec gaieté, les pommettes relevées et les yeux plissés.
Un peu pitre, volontairement.
Y avait quelqu'un à faire sourire, parmi nous.