Ca commence par un baiser, ça finit par nous.

Une journée encore bien calme et silencieuse. Swing remarquait que son frère était actif, il bougeait, balottait de droite à gauche, ses immenses pattes trainaient sur le sol rocheux de la maison. Elle ne dit rien, et le vit même disparaitre de l'autre côté de Sakura. Les oreilles de la jeune louve se dressèrent, intéressée par ce qui animait autant Ottar.

A son tour, elle se leva, retraçant son chemin le nez au sol en quête de ce qui dirigeait l'intéret du petit mâle. Elle fut rapidement derrière lui, sans trop de bruit, et devant eux, un gros amas coloré associé à une odeur ferreuse. Là où le louveteau avait osé toucher cette chose molle, elle renifla à son tour, assez neutre. C'était bizarre, ce truc. Elle releva la tête en une grimace.

- Qu'est-ce que c'est ?

Il ne fallait pas réveiller maman, alors elle avait chuchoté, sans même tourner son visage vers son frère. Il saurait de quoi elle parle, vu qu'il s'y était penché avant.

Swing restait confuse, même avec les explications d'Ottar. Du lait ? Impossible. Là, c'était rouge, comme les glowsticks. Elle réfléchit un temps, cherchant le lien logique entre les deux ... Elle le voyait, mais ne le comprenait pas. Mais c'était déjà pas mal, et elle s'en satisfaisait bien assez.

- Beurk !

C'était assez immonde. Ça puait le métal, c'était rouge, plein de bestioles dessus. Et il voulait qu'elle goûte ! Elle fit une grimace d'enfant, touchant encore et toujours ce truc mou. Elle se balançait doucement de droite à gauche, quelque chose l'attirait dans tout ça. Il y avait des petits bouts, prêts à être détachés à portée de truffe.

- On essaye à deux, alors !

Comme ça, pas de jaloux. Elle pointa du doigt celui le plus proche d'Ottar, et elle en trouva un autre. Elle souffla, et pris son courage à deux pattes, y allant franco, dents sorties pour croquer la viande. Chipoter ne servait à rien.

Ça a une texture douce et agréable, contrairement à ce qu'elle pensait. Une sorte d'énergie en plus en sortait, c'était si bon ! Hell' mâchait toujours, cherchant les moindres détails pour s'en accommoder. Et avala, l'air conquérante. Elle comprit ainsi pourquoi maman et papa aimaient ça.

Son frère l'imita avec un peu d'hésitation, mais elle ne se laissait pas dégonfler. Il avait aussi essayé, et il lui semblait deviner également qu'Ottar oscillait entre la surprise et la confusion. A vrai dire, comme n'importe quel louveteau découvrant une nouvelle chose.

La voix déjà profonde de l'enfant résonna. Elle acquiesça, les choses semblaient plus impressionnantes quand c'est les adultes qui le font. La peine valait-elle de se rouler dans la nourriture ? Pas vraiment, de toute façon, Hell' n'aimait pas être sale, elle préférait l'ordre.

- C'est parce qu'on est encore petits.

Bien qu'ils rattrapaient déjà maman à une vitesse folle ! Ca, Swing l'avait bien remarqué. Déjà, ils étaient plus grands que les autres enfants ... Ils faisaient peur, apparemment, et elle n'aimait pas ça. Il se fallait donc être présentable pour ne pas avoir honte en plus d'être un monstre.

- Quand maman sera réveillée, on lui demandera où elle a trouvé ça !

Elle se braqua à la réponse d'Ottar. Comment ça, pas la peine ? Evidemment que si, ça en valait la peine de connaître la source de cette nourriture s'ils étaient amenés à en trouver comme les parents ! Son air se fit plus froid et dur. Mais elle le laissa finir, encore moins enchantée.

Swing soupira.

- Petits car on est pas aussi adultes que Papa ou Maman ... Eux, sont forts, avec une grosse voix !

Un nouveau pincement, elle savait qu'ils étaient grands par rapport aux autres et dans un sens, Hell' s'en handicapait avec le regard des autres. Ils étaient très grands, pas qu'ils cotoient la taille de leurs géniteurs, mais ce n'était sans doute qu'une question de semaines. Elle réfléchit un temps.

- ... Mais on est grands avec nos pattes.

Surtout Ottar qui poussait comme un tournesol au soleil. Mais c'était un garçon donc c'était normal.

Elle s'adoucit subitement en voyant Ottar revenir à la raison et mieux comprendre. Sa queue frétilla doucement. Le rapprochement physique désamorçait aussi beaucoup la chose, elle ne cherchait pas le conflit avec sa famille, ou n'importe qui de la meute ...

- Oui oui oui !

Quelle question ! Découvrir les choses par eux-même était un sujet qui la bottait depuis toujours, aussi loin qu'elle ne puisse s'en rappeler. Elle se gonfla de fierté et d'enthousiasme. Partir à l'aventure avec Ottar ...

- On pourrait ... Aller dehors, tous les deux, sans Maman ou Papa. Juste en bas de la maison, dans l'herbe.

Un plan rondement mené. Il y avait tant de choses à découvrir ! Et puis, les enfants devaient bien se faire un avis par eux-même de ce qui les entouraient. Être avec les autres enfants ne permettait pas toujours de se forger une opinion. Avec son frère, Hell savait qu'elle pouvait dire les choses sans avoir peur de faire des vagues.

- On peut voir quels insectes vivent dans la terre et l'herbe, qu'est-ce que tu en penses ? Ou les oiseaux !
   

Ottar ouvrit la marche, et Hell' suivit docilement, un sourire évident collé au visage. Elle venait même frôler son frère en trottinant furtivement au passage, comme pour se rassurer.

L'adrénaline montait. Ce n'était pourtant pas grand chose, mais ce truc en elle, son côté sauvage ... Il était bien présent. Après tout, elle et son frangin étaient des prédateurs, la force et l'impulsion coulaient naturellement dans leurs veines. L'appel de l'aventure et du risque fit moteur.

L'herbe naissante donnait une jolie couleur verte au sol. Parfois jaune pour les pousses les plus jeunes. Qu'importe ! Les grosses pattes des enfants les écrasaient sans grand remord.

- On a réussi !

Le coeur de la fille tapait très fort dans sa poitrine. Derrière eux, il y avait une bonne dizaine de mètres sans doute, leurs truffes à hauteur des plantes les plus anciennes. Swing reniflait silencieusement, ses oreilles bien droites et en avant pour écouter le moindre bruit.

Le vent, le sifflement entre les feuilles des arbres, le battement des ailes des oiseaux et des premières abeilles de la saison. La louve restait de marbre sans trop savoir comment réagir. C'était sublime, mais elle aurait voulu en voir plus. Son regard se tourna vers Ottar.

Son frère se montra moins impressioné, mais Swing savait que c'était sa façon de voir les choses. Il était plus froid qu'elle, tout semblait sonner comme évident. Et elle admirait un peu ce trait de caractère, qu'il devait en voir des choses différentes d'elle !

Il fatigua et se laissa haper par l'envie de se coucher. La louve rit doucement avant de le rejoindre, proche de lui et également sur le dos à regarder le ciel et les quelques nuages qui passaient.

- On ne reste pas longtemps, promis !

Et elle tenait ses promesses.

- On profite encore un peu et on rentre à la maison.

Il n'était jamais agréable de se faire gronder.

Ils restaient ainsi un temps, avant qu’Ottar ne se lève. Swing le regardait se remettre sur ses pattes un peu lourdement.

Et il avait raison, elle lui sourit en acquiesçant, se dressa aussi à son tour et le suivit jusqu’à la tanière, l’air de rien.