Chaque fois qu'il s'éloigne du territoire Nakhus pour parcourir de la distance et prendre le temps de s'investir dans plusieurs jours de marche, les terres du Sud se retrouvent le plus souvent comme un choix de prédilection.
Peut-être parce que malgré l'habitude qui avait forcé l'accoutumance, il n'affectionne toujours pas cet air humide et un peu frais. Maintenant que les matins sont plus brumeux et que jour après jour baissent les températures comme les heures de soleil, Grimalk est inexorablement attiré vers les climats plus cléments qui lui donneront l'occasion de sentir le soleil sur son pelage, là où le fond du vent est encore chaud et sec.
Et puis il y a le reste, aussi. Sa meute a été déstabilisée par l'arrivée du dragon. Il n'a pas été là pour en voir les débuts et les conséquences premières - dont la mort de Kerguelen, celle qui l'accepta quelques années auparavant.
Sous conditions, un peu comme un essai.
Qu'il n'eut jamais à valider et en son absence, personne ne questionna son retour silencieux parmi leurs rangs, après de trop longs moments à en être plus absent que solidaire.
Et après la mort, il y avait eu la déchéance de leur Déesse. De quoi abattre certains d'entre eux, tant fidèles à la divinité, perdus sans elle.

À lui qui a regardé de loin avec prudence et retenue, ça n'a provoqué tien d'autre qu'un vague sentiment de méfiance. Comme pour le dragon, il sera prêt à se battre si besoin.
Mais qu'en sera-t-il du reste de leurs effectifs, déroutés et démunis ? De sa place dans les ombres et de son regard d'or, il a conscience de les juger en silence dans l'attente de la suite. Pas certain de les croire capables de trouver la bonne démarche dans une telle situation.

Se disputeraient-ils encore sur la marche à suivre à un moment critique, si une décision difficile se devait d'être prise ?

Les pattes dans le sable, Grimalk lâche un soupir las et abandonne le cours de ses pensées pour rediriger ses yeux sur le paysage. Il se souvient de la fois où il est venu sur ces côtes - il n'a pas oublié l'éclat fascinant des milliers de bouts de nacre qui en parsèment le sol et qu'il prend aujourd'hui encore le temps de détailler. Il s'approche de l'eau et se souvient également de sa rencontre avec une louve faite de plumes et d'écailles.
Et de l'eau qu'il avait appris ce jour à dompter.

Ce n'est que quelques secondes plus tard que le mâle prend conscience d'une présence et qu'il tourne la tête pour préciser la forme encore lointaine. À quelques dizaines de mètres se trouve une jeune louve qui ne doit même pas encore avoir passé sa première année. Pelage majoritairement clair mais jonché de feuilles, une drôle de créature non loin de ses pattes, et le regard rivé vers l'horizon où se dessine une île pas si lointaine.
Lui est en retrait et toujours éloigné, il y a peu de chances que l'adolescente l'ait déjà remarqué - et suivant la même trajectoire que ses yeux, Grimalk se met à son tour à se focaliser sur ce morceau de terre qui surgit des flots.
Il sait que ce n'est pas l'île des Pirates. Du reste... Il n'y a encore jamais posé patte.

À nouveau il tourne la tête vers la silhouette pâle qui attend au bord de l'écume.
Il hésite, puis finit par s'approcher d'un pas lent.

— Tu connais cet endroit ?

Peut-être qu'elle en vient et qu'elle cherche à y retourner. Elle n'a pas l'air de porter l'odeur d'une meute - ni de quiconque, à vrai dire ; et elle paraît jeune pour être seule. Du moins pour les mœurs d'ici.
Peut-être l'aura-t-on abandonnée et laissée ici sur ces berges.

Ça n'éveille en lui rien de particulier alors qu'il se concentre sur l'attente d'une réponse, son regard intense braqué sur elle.

La silhouette pâle s'éveille d'un bond au son de sa voix.
Il rencontre alors son regard - rose qui ressort sur le blanc de son visage et de ses cheveux - et y voit une frayeur évidente. Il a conscience de l'avoir surprise, d'être arrivé proche d'elle sans s'annoncer. Elle est jeune et inexpérimentée. A Arabahos, pareille inattention en vivant seule ne lui aurait pas permis de voir beaucoup d'autres lendemains.
Mais la stupeur passée, elle ne s'éloigne pas de lui : elle l'observe en retour dans une brève et mutuelle analyse qui s'étire sur quelques secondes, et même si semble demeurer chez elle une certaine méfiance, elle répond à sa question. Le brun penche la tête sans la lâcher du regard, continuant de parcourir son corps aux poils ébouriffés - le plus souvent s'arrêtant à ses pattes, où demeurait ce qui ressemblait à une plante vivante et capable de se mouvoir.
Grimalk ne s'étonne plus de grand chose, sur ces terres ; c'est néanmoins ce qui retient pour le moment le plus son attention.

Il finit néanmoins par relever les yeux sur elle et verrouille à nouveau ses prunelles or et noir dans les siennes.

— Pourquoi tu ne pourrais pas ?

Tu as des pattes fonctionnelles et des muscles assez matures pour nager.
Puisqu'elle ne connait pas l'île, sa première théorie s'était révélée erronée. Maintenant... Soit elle a peur de quelque chose - de l'océan, de ce qui se cache sous la surface ?-, soit elle ne s'en sent pas capable.

La réponse ne tarde pas à venir et un léger sourire asymétrique commence à se former sur les lèvres de Grimalk.
Elle ne sait pas nager parce qu'elle n'a pas essayé, alors. La louve n'est pas bien grande ni musclée, pas encore adulte non plus - mais suffisamment âgée malgré tout pour se lancer dans cette confrontation aux éléments. Comment compte-t-elle apprendre si ce n'est pas en enclenchant la démarche, de toute manière ?
Et si elle comptait survivre seule, se débrouiller seule aussi allait lui être plus que nécessaire.

— J'ai appris ici, dans ces mêmes vagues. Il suffit d'y aller et de laisser ton corps s'exprimer.

Jusqu'à réussir.
Si eux canidés étaient certes créatures de la terre, ils n'en étaient pas moins capables de dominer en partie l'eau. Lui-même en avait longtemps été méfiant, né de toute façon loin de toute étendue assez large pour pouvoir immerger son corps. Il n'a connu d'océan, de puissantes rivières et de grands lacs qu'à son arrivée ici où il ne faut jamais marcher loin pour trouver de quoi boire ou se rafraîchir.
Mais leur corps sait, si on laisse à l'instinct le loisir d'exprimer sa nature. Il y a d'abord de la panique et des difficultés - il se rappelle de la désagréable sensation de l'eau qui s'infiltre tout autour de lui et gorge son pelage, du courant qui lutte contre ses mouvements et des vagues qui lui passent par-dessus la tête - mais si la volonté de réussir est présente et tant que les muscles n'abandonnent pas, seul l'exercice amènera la réussite.

Il hausse un sourcil à son égard et d'un vague geste du museau pointe le rivage où l'écume vient presque lécher leurs pattes à un rythme régulier.

— Si tu es en difficulté, je te sortirai de l'eau.

Pour reprendre son souffle et autoriser aux muscles un peu de repos. Avant de recommencer.

L'adolescente n'a pas l'air enchantée par l'idée de littéralement se jeter dans l'inconnu - il fallait s'y attendre, si d'elle-même et après une longue attente à simplement regarder l'eau elle ne s'y est pas encore aventurée. Mais le mâle est convaincu de ce qu'il avance, lui, et il se contente de l'observer en retour sans modifier son expression ou chercher des paroles encourageantes.
Au moins ne tente-t-elle pas d'argumenter ou de se chercher davantage d'excuses. Mieux, il la voit qui finit par se lever après avoir tant considéré la chose et tenter quelques timides pas vers les vagues qui s'écrasent sur le sable.
Petit à petit, elle s'aventure dans la mer. Ce sont d'abord ses doigts puis ses pattes qui s’enfoncent qui laissent leurs traces sur le sable mouillé puis disparaissent dans l'eau, et au fur et à mesure qu'elle ne s'arrête pas et continue de progresser, son corps entier se trouve entouré par la houle.
Les yeux de Grimalk ne la quittent pas et il la fixe désormais avec un intérêt un peu plus pointu.
Elle a fermé les yeux pour ne pas être agressée par le sel dont la morsure inattendue est toujours désagréable au début, et elle laisse la portance de l'eau faire son effet à soulager le poids de son corps. Mais...
Elle ne nage pas.
La jeune louve ne s'est pas avancée bien loin, alors le Nakhu peut observer ses mouvements et constater qu'ils sont tout simplement absents. Se laisser flotter ne l'amènera pas à décider où aller.

Le mâle fronce les sourcils et se lève pour faire quelques pas, mouillant le bout de ses pattes sans pour autant rentrer dans l'eau - simplement de quoi s'adresser à elle d'une voix qu'il hausse pour s'assurer d'être entendu par-dessus les vagues.

— Agite tes pattes, avec des gestes lents et amples !

Ça devrait être instinctif, mais l'adolescente a l'air terrorisée par la situation. Qui n'a cependant rien de critique ; alors Grimalk ne compte pas s'avancer davantage pour la sortir de là. Il est encore temps pour elle de reprendre le contrôle et de maîtriser l'eau. Le temps est clément aujourd'hui, les vagues sont presque douces : avec un peu d'efforts, elle y arrivera.
Au moins ne panique-t-elle pas : c'est en voulant se débattre de gestes frénétiques et désordonnés qu'on s'épuise et qu'on perd contre le ressac qui, lui, ne fatigue jamais.

Ses mots atteignent sa cible, et la louve qui se laissait jusqu'alors flotter commence à activer son corps. Depuis la berge, Grimalk continue de l'observer et de simplement vérifier que les vagues qui viennent se briser contre elle ne l'attirent pas sous la surface - son regard doré parfois attiré par l'étrange créature végétale qui semble, elle, bien mieux se débrouiller. Incapable de lutter contre la houle et le courant au vu de sa taille, mais sans doute inapte à couler grâce à sa légèreté.
L'adolescente ne se laisse pas abattre et continue tant bien que mal d'enchaîner les gestes. Et à force, elle avance au lieu de simplement être malmenée par les éléments.
Les oreilles du Nakhu se redressent et c'est l'écume venant lécher ses griffes qu'il regarde désormais. Il n'a pas l'air d'avoir besoin de la sortir de l'eau ; et elle avance vers l'île plus loin sur les flots. Mais d'ici à ce qu'elle y arrive sans s'épuiser, il y a encore une marge de progression.

Le loup brun commence à s'avancer avec lenteur, ressentant ses doigts s'enfoncer dans la vase et l'eau venir mordre ses pattes. Cela fait un moment que lui-même ne l'a pas affrontée, la mer. Il redécouvre la sensation des vagues venant lutter contre son poids comme pour l'empêcher de communier avec les vagues ; test de passage, démonstration d'intimidation pour le juger digne d'entrer en ce domaine. La houle dévore son poil avec appétit, éclabousse jusqu'à son visage, mais il ne recule pas - et il finit tout entier submergé, porté par les flots, soulevé du fond par les mouvements de l'eau. Les yeux droit devant, il active ses muscles en d'amples foulées et gagne en vitesse, surpassant tout rouleau cherchant à s'opposer à son avancée.
Rapidement, il arrive au même niveau que la jeune louve blanche et nage à ses côtés, ne détachant ses yeux de l'objectif - cette île qui se découpe sur l'horizon - que pour trouver les siens l'espace d'un instant.

— Continue.

La traversée n'est plus très longue.

La louve semble l'avoir entendu - ou peut-être pas, peu importe.
Ce qu'il compte, c'est de la voir persévérer. Du coin de l’œil, il guette tant bien que mal à travers les éclaboussures et les mouvements conjugués de la mer et de leurs corps sa progression. Et elle ne semble plus tant lutter à chaque instant : bien-sûr, la mer reste toujours plus forte qu'elle - ou bien que lui, dans l'absolu - mais ses gestes sont rendus plus fluides, et son regard se porte plus confiant vers l'horizon.
Bien.
Lui-même le devient, confiant, et il pense pouvoir affirmer que sera atteinte leur destination sans même qu'il n'ait besoin d'intervenir pour l'aider physiquement. A son tour il la quitte du regard et le braque vers l'avant, envoyant plus d'énergie dans ses muscles pour parcourir les derniers mètres et enfin poser patte sur la plage. Là, le mâle continue d'avancer et attend d'être tout à fait sorti de l'eau pour ensuite s'ébrouer vivement, chassant de son pelage autant d'eau salée qu'il le peut. Avoir appris à nager ne rend pas nécessairement l'expérience plaisante pour autant, et il déteste tout particulièrement la sensation du sel venant figer sa fourrure et gratter sa peau jusque dans les moindres interstices. S'immerger dans l'eau d'une rivière ou d'un lac est bien plus agréable.

Grimalk finit par se retourner vers l'adolescente, ne parvenant pas tout à fait à chasser de son visage une expression agacée. Ses mèches noires le collent, il sent déjà ses poils se solidifier sous la chaleur du soleil, et il sait qu'il passera les prochaines heures à être parcouru de détestables fourmillements qui surchargent ses capteurs sensoriels.
Peu importe. Ils ont maintenant une nouvelle terre à leurs pattes, et il dirige son attention vers celle-ci - il parcourt de ses yeux le nouveau paysage, flaire et cherche dans l'air toute trace d'une autre présence que la leur.
Quelques fragrances lointaines, mais rien qui ne semble très persistent ou d'actualité.

— Il n'y a personne.

Pour le moment, du moins.
Ses iris dorés s'attardent une seconde sur la louve, puis il commence à marcher le long de la plage, laissant son attention être attirée ailleurs en cet endroit inexploré.

Le son d'une cavalcade rapide mais légère lui fait tourner le museau - pour voir l'étrange créature végétale galoper à sa suite. Il avait fini par ne plus y faire attention, en particulier au milieu des flots, là où chaque vague était bien plus haute que cette... Chose qu'il ne parvient à identifier ou à comprendre. Mais elle a réussi à s'en sortir, elle aussi. Ça ravira sans doute la jeune louve qui semble y être attachée.
Jeune louve en question qui ne tarde pas non plus à presser le pas dans sa direction pour le rattraper, à son tour. Il s'arrête, braque l'or de son regard dans ses grands yeux pâles, prêt à l'écouter. Le remerciement ne trouve en réponse chez lui qu'un simple mouvement d'oreilles. Grimalk ne considère pas tellement l'avoir aidée, en réalité. Il lui a simplement fait prendre conscience des capacités naturelles qu'elle possède.
C'est une question qu'elle lui pose ensuite, moins hésitante, et le Nakhu répond sans tarder.

— Grimalk.

Il est excessivement rare que lui demande un nom - qu'il s'agisse d'une initiative ou en réciproque. C'est quelque chose qu'il juge être le plus souvent inutile pour de multiples raisons.
Parce que ça fait partie des formulations de bienséance dont il se passe volontiers, dans une volonté d'évincer toute parole qu'il juge être une perte de temps ou se caractériser par un manque total d'intérêt.
Parce que la plupart des individus le donnent volontiers d'eux-même, c'est quelque chose qu'il n'aura manqué de noter tout au long de sa vie - et qui vient chaque fois renforcer l'idée qu'il n'est même pas la peine de formuler la question.
Parce qu'il finit toujours par obtenir l'information de tout patronyme qu'il désire vraiment obtenir, quand il lui devient essentiel. Grimalk n'en oublie jamais qu'un nom a une valeur puissante, et que l'intérêt à les connaitre allait malgré tout au-delà de la formule de politesse.
Le Nakhu attend maintenant de voir dans quelle catégorie se rangera cette adolescente au poil clair et plus ébouriffé encore qu'auparavant, maintenant qu'elle avait traversé le bras de mer.

— Tu voulais venir ici. Que comptes-tu y faire, maintenant ?

Le mâle arque légèrement un sourcil. Simple caprice d'enfant esseulée, ou véritable objectif à accomplir sur cette île ?

Perséphone.
Le Mage ne s'est pas trompé en s'attendant à recevoir son nom en retour sans même avoir à le demander - et il l'enregistre, soigneusement, en lui liant les traits du visage de la jeune louve et toute autre information utile à mémoriser à son propos. Peu après son attention se reporte sur le reste du paysage. Ils marchent toujours dans le sable, dont la plage fait sans doute tout le tour de l'île, mais son regard se déplace plus loin - là où se concentre une végétation bien plus dense, muraille de verdure s'érigeant sans transition. Lentement, il commence à faire dévier sa trajectoire pour s'y diriger, curieux de ce qui se trouverait à l'ombre de cette jungle dont il n'a pas vu le pareil sur le continent.
Seules ses oreilles se tournent vers Perséphone quand elle répond à la question, et le visage du mâle ne trahit pas la légère surprise qui le traverse. Du parfum naturel ? Pourquoi, de tous les usages qui peuvent découler de l'exploitation des plantes, se concentrerait-elle en premier lieu sur du parfum ? Il ne fait cependant aucun commentaire - de toute manière, ils atteindraient d'ici quelques minutes ce nouveau biome où l'adolescente pourrait sans doute découvrir beaucoup d'espèces végétales différentes.
Puis elle rajoute un autre élément d'information, et cette fois c'est tout le visage de Grimalk qui se retourne vers elle sans suspendre la marche.

— Te connecter à la Nature ?

Son ton peu expressif est néanmoins souligné d'une inflexion perplexe, et l'un de ses sourcils est dressé sur un regard interrogateur.
Il a désormais l'habitude que les individus croisés sur ces terres - qu'ils en soient originaires ou non, d'ailleurs - possèdent des facultés plus ou moins étonnantes. En ce qui concerne la jeune louve blanche, ce qu'elle appelle se connecter à la Nature
l'éclairera peut-être davantage sur son histoire et expliquera peut-être, également, l'origine de cet étrange buisson vivant ainsi que toutes les feuilles juchées dans son pelage hirsute.

Grimalk, en tout cas, porte toujours un fort intérêt à découvrir ces diverses manifestations de magie qui s'expriment ici comme nul part ailleurs.

Sa question trouve sa réponse dès que leurs pas quittent le sable omniprésent pour s'engager dans la forêt dense et humide.
Ici, le paysage change du tout au tout en l'espace d'un instant et le soleil qui jusqu'alors baignait leurs pelages se trouve tamisé par l'épaisse canopée à plusieurs mètres au-dessus de leurs têtes, seules quelques tâches de lumière filtrant à travers les feuilles pour éclaircir les ombres. Là, la jeune louve semble s'animer d'une nouvelle confiance alors qu'elle se laisse porter par son élan, et s'illustre alors le phénomène auquel elle venait de faire référence quelques instants plus tôt : dans son sillage, des petites plantes se lèvent de terre puis fanent et disparaissent, traçant derrière elle un chemin de verdure éphémère dans un cycle de croissance et de mort accéléré.
Lui aussi s'arrête quelques secondes pour mieux observer cette manifestation inexplicable, une de plus à ajouter à son catalogue mental des particularités qui se déclinent chez de nombreux individus.
Puis son regard remonte vers Perséphone lorsque sa voix s'élève de nouveau et il se contente d'acquiescer d'un signe de tête - tant pour constater cette fameuse connexion que pour la laisser choisir la direction à emprunter.

Si elle se trouve tant que ça être liée à la végétation, peut-être peut-il compter sur un instinct dont elle n'aurait pas pleinement conscience mais qui la guiderait vers ce qu'il pourrait y avoir d'intéressant et de plus spécial que les fougères en surnombre.
C'est elle qui a voulu traverser le bras de mer pour rejoindre cet endroit, après tout. Quelque chose en elle l'y a peut-être poussée.

Et alors qu'il marche légèrement derrière elle dans cette obscurité verdâtre, c'est comme en réponse à ces quelques fragments de magie invoquée par l'adolescente qu'à son tour elle s'éveille, dans la forme familière de ces papillons de nuit fantomatiques qui se dessinent en silence autour de lui et battent de leurs ailes immatérielles. Ou peut-être était-ils déjà présents, mais invisibles dans la trop grande luminosité de la plage.
Peu nombreux et flegmatiques, ils naissent dans la brise chaude et s'intègrent au paysage, formes violettes et éthérées qui se posent sur les larges feuilles ou à la surface d'une flaque d'eau, pareils à leurs semblables bien vivants aux couleurs plus chatoyantes.

Tombant dans une pluie légère, les gouttes d'une averse traversent le plafond de verdure et viennent s'échouer dans leurs pelages et la nature environnante.
L'air était déjà assez humide comme cela, voilà que cette pluie n'arrange rien - Grimalk espère qu'elle sera brève. Cela ne le détourne pas de ses observations néanmoins, alors que ses yeux se posent successivement sur les différentes espèces de plantes, les insectes qui peuplent la zone et parfois la jeune louve qui continue d'avancer et qu'il suit par défaut tout en empruntant un chemin un peu différent.

Elle finit par l'interpeller après avoir trouvé quelque chose et le Nakhu la rejoint à pas lents, baissant le museau vers la curiosité désignée. Non, pas une branche ni une corne, en effet.
S'il a rapidement reconnu les éléments caractéristiques de cet appendice visqueux, il garde cependant les yeux dessus plusieurs secondes encore dans l'espoir d'affiner sa compréhension - mais il finit par relever la tête pour trouver les yeux pâles de Perséphone.

— Un tentacule. Mais je ne sais pas de quel animal.

Pas vraiment spécialiste d'espèces marines, encore moins sur ces terres où la simple faune se mêle à d'autres créatures et monstres, Grimalk ne saurait élaborer davantage sans conduire des recherches ou tenter de retrouver à la source la bête qui posséderait similaire membre.
Mais il n'en ressent pas un grand intérêt, peu enthousiasmé par ce bout de cadavre.
Il laisse cependant la louve en faire ce qu'elle souhaite alors qu'il s'en détourne et reprend sa marche, toujours accompagné du vol silencieux de quelques uns de ses spectraux papillons de nuit.