Il y a des jours comme ça [Reno]

Il faisait jour, il faisait frais. Les ruminants broutaient, les herbes rouges ondulaient au fil du vent, la poussière restait gelée contre la terre.
Mais nom de dieu qu'est-ce qu'il foutait là.

Pour une raison inconnue Aeon avait décidé de soudainement nettoyer l'intégralité de leur tanière, et pour cela avait jerté dehors son fils en plein sommeil sans la moindre compassion, lui chantonnant qu'il finirait dans une heure ou deux. Le monde était cruel envers les animaux nocturnes.
Reno, peu tenté par l'idée de rester bêtement planté devant la maison au milieu de gens vifs et éveillés -la compagnie des loups normaux le mettaient presque mal à l'aise à force, il n'en connaissait plus que très peu et avait l'impression d'être au milieu d'inconnus- avait décidé de fuir le camp et, tant qu'à faire, retrouver sa sœur pour tuer le temps. Zeno lui avait dit qu'elle était partie de bon matin -comme toujours- dans une direction inconnue, mais l'info lui suffisait déjà, plutôt que déambuler dans le camp il n'avait qu'à tenter de la pister. Il était un loup, fallait bien que sa truffe serve au moins une fois dans sa vie. Il eut un peu de mal au départ à la retrouver parmi toutes les autres effluves de loups sortis du camp dans la matinée, mais avec un peu de motivation il finit par deviner son odeur se dirigeant vers la Rougelande. Soit.

Il se retrouva donc assis au milieu de la cambrousse, le pelage ébouriffé par l'air frais de début de printemps, l'air complètement pété, entouré de fabuleux bisons et autres énormes bestioles disgracieuses. La lumière du soleil, même si elle n'égalait pas un zénith d'été, lui agressait la vue et l'empêchait de fixer correctement l'horizon, et par la même occasion de chercher du regard sa sœur. Il avait perdu son odeur en chemin, mais elle traînait encore probablement dans le coin, enfin peut-être tentait-elle de chasser, il n'entendait rien mis à part les élégants reniflements des bovidés environnants.
Mais si mais si, Reno était un formidable pisteur. Il n'était juste pas en forme. Et puis il faisait jour. Et puis merde.

« ...Paprikaaa ? »

L'espoir fait vivre dit-on, mais peut-être avait-il parié sur un aléa trop aléatoire. Bah on sait jamais, des fois appeler les gens était utile pour les attirer vers soi, mais il était possible qu'en ajoutant "énorme plaine pleine de bisons bruyants" à l'équation ça pouvait potentiellement coincer.
Haussant les épaules avec un léger soupir, Reno entreprit de se relever afin d'aller voir ailleurs, quand il entendit un bruissement tout près de lui. Relevant vivement la tête dans la direction du bruit, il n'eut néanmoins pas le temps d'identifier le truc qui venait de lui bondir dessus et se fit totalement noyer sous un câlin fraternel.

« Tiens, tu ne dors pas à cette heure-ci Reno ?
- Bonjour à toi aussi » lui répondit-il avec un sourire amusé.

Putain elle lui avait fait peur quand même. Le brun se retourna et se vengea et lui serrant fort l'encolure entre ses pattes pour l'écraser à son tour dans un câlin, le museau enfoui dans sa fourrure. Sous l'odeur fleurie que son nouveau glowstick lui avait accordé, il arrivait encore à déceler son odeur à elle, qui ressemblait à celle de leur famille tout en ayant sa nuance personnelle.

« Tu sens bon. Sinon non, papa m'a jeté de la tanière pour faire le ménaage » ajouta-t'il d'un air plaintif.

Et toi tu me manques un peu quand tu n'es pas là, à force.

Elle avait osé lui faire une grosse léchouille.

« T'inquiètes, je suis sûre que tu survivras à cette dure épreuve »

Ça s'pas sûr. Il était pourtant si bien tout à l'heure dans son agréable nid de mousse et de feuilles, à se reposer tranquillement plutôt qu'en se traînant avec un manque de sommeil désagréable dans un monde diurne. Heureusement qu'il avait son monstre de sœur pour le protéger.
Il l'observa se lever d'un air blasé, restant affalé dans la poussière avec la volonté d'y rester tandis que Paprika essayait de le pousser.

« Bon, on s'bouge ? On voit pour choper un truc badass ? »

Reno bâilla. Cette plaine rousse lui pétait la rétine, et attraper un vieux bison à l'odeur terrible le tentait moyen. Il y avait quoi comme plus badass en stock ?

« Tant que c'est dans un endroit plus sombre, genre une forêt ou peu importe je te suis » dit-il en s'étirant.

Il avait un peu perdu de la fougue qui le caractérisait plus jeune avec sa sœur, mais là en l’occurrence c'était surtout parce qu'il était vraiment fatigué. Le brun se souvint d'un coup d'une journée où leurs parents, qui étaient encore assez en forme pour vagabonder hors du camp, les avaient emmenés chasser ici, à la Rougelande ; Paprika était partie comme une fusée alors Aeon avait dû l'emmener seul pendant que Zeno lui courait après. Mais son papa bleu avait eu la formidable idée de l'accrocher sur son dos avant de se mettre à galoper à vive allure, tandis que lui s'égosillait derrière. Ça le fit sourire.
Fais pas ta tafiole, et trouve plutôt un truc à écraser pour l'ajouter à nos trophées de chasse. Soit, à côté d'une casquette -volée- de Raw, une peluche -tout aussi volée- d'un Brethen paumé, une touffe d'aiguilles d'un porc-épic -douloureusement acquis celui-là- et quelques autres trucs sans rapport les uns les autres. Leur fierté.