Les fleurs du mal | Reno

Tout allait de mal en pis décidément.
Le Savant au pelage de neige s'était retiré pour la soirée des Mines Abandonnées. Les patients étaient au plus mal - ou du moins il avait du mal à imaginer de quelle manière leur état pourrait encore se détériorer. La fatigue se lisait dans ses eux clairs et sur les traits tirés de son museau, sur son pelage ébouriffé ou ses cheveux coiffés à la hâte. Il s'était donc accordé une pause très brève, et en avait profité pour régler une autre toute petite affaire. Ou du moins l'espérait-il. Il avait croisé Reno au camp et lui avait demandé s'ils pouvaient parler seul à seul. Il espérait que le loup viendrait. Il ne le connaissait pas assez pour savoir s'il était le genre d'individu à sentir venir les embrouilles et espérait fortement que non. Il ne le connaissait pas, mais il le haïssait déjà.

Il n'avait jamais éprouvé ça pour quelqu'un encore, cette colère sourde. Elle avait jusque là été dirigée dans le vide puisqu'il avait longtemps ignoré qui était à l'origine de cela. Puis la ressemblance était devenue frappante, il avait demandé et avait deviné. Reno était le père de Thyara. Accaparé par son travail à la Mine, le loup blanc n'avait pas saisi durant la prime jeunesse de sa nièce, cet air, cette couleur de pelage, ces motifs qui pourtant trahissaient clairement son ascendance. Il se souvenait du désespoir de Maisie lorsqu'elle s'était rendu compte de sa grossesse, lorsqu'elle était venu le voir et qu'il était tombé des nues en devant effectivement lui confirmer ce diagnostique. Il se souvenait la frayeur qu'il avait lu dans les prunelles de sa soeur alors que ses formes s'arrondissaient et qu'elle devait affronter le regard des autres loups puisqu'elle ne connaissait pas le responsable de tout cela. Fort heureusement pour elle, les autres canidés avaient été si préoccupés par Everbloom que cela avait légèrement détourné leur attention de tels ragots. Mais tout ce qu'elle avait enduré avait rendu Roy mauvais envers le responsable. Il était loin de penser que depuis tout ce temps, il se trouvait là, juste sous ses yeux.

Il s'était isolé un peu à l'écart du camp, dans une sorte de petit cirque rocheux suffisamment éloigné pour que personne ne vienne les interrompre. Il l'attendait dans un calme froid, assis et le visage neutre. Il ne savait même pas ce qu'il dirait. Il ne savait pas ce qu'il ferait, comment il réagirait en faisant face au loup qui avait arraché à sa soeur les dernières onces de sa jeunesse joyeuse. Car Maisie avait changé après cela. Elle avait perdu sa légèreté, elle avait perdu cette lumière insouciante dans son regard.
Et c'était à cause de lui.

Cela faisait longtemps maintenant, qu'il ruminait.
Il avait l'impression que sa dernière rencontre avec Maisie datait à la fois tellement, et si peu à la fois. Ça aurait pu être hier comme l'année précédente, si bien qu'aujourd'hui il ne savait même plus quand ça avait vraiment eu lieu.

Reno se sentait si seul. Paprika était de plus en plus malade, ses parents réduits à l'état de fossiles, et ses frères dispatchés dans le clan. La tanière familiale abritait aujourd'hui essentiellement ses deux pères, qui vieillissaient de plus en plus chaque jour. Mais il savait, il devinait qu'ils étaient sur leurs dernières semaines, leurs derniers jours peut-être, et c'était...douloureux.
Tout le monde perdait ses parents un jour, mais quand personne d'autre de son entourage n'était mort avant, ça restait un cap à passer. Alors Reno longeait les murs dans l'ombre de la nuit, de chaque nuit, et finissait souvent par se défouler sur une chasse quelconque ou peu importe quoi de physique pour se changer -sans y arriver pour autant- les idées.
Le pire était probablement quand il apercevait sa...fille, dans le camp. Elle lui ressemblait tellement. Pourtant elle n'était jamais allée le voir, soit sa mère le lui avait interdit, soit elle était un peu stupide. Enfin, pour sa défense il était essentiellement sorti à des heures impossibles, admettons.
Oh Reno, arrête de lui cracher dessus, ça changera rien.
Non, certes, mais cette amertume lui donnait une étrange satisfaction. Celle de découvrir qu'il était possible de s'enfoncer encore et encore dans la déchetterie mentale qu'il commençait à sérieusement accumuler.

Et puis, il était sur le point de perdre deux membres très importants à ses yeux, et avait ruiné toute situation sentimentale pour toute sa vie, il avait bien le droit de vomir un peu sa douleur sur le monde.

Puis, un loup lui était tombé dessus et avait demandé s'ils pouvaient parler un peu tous les deux, ce qu'il avait accepté de loin, un peu au pif. Il ne comprenait absolument pas ce qu'il pouvait lui vouloir, ils ne s'étaient jamais vus de leur vie, mais l'autre avait l'air très sérieux, alors c'est ainsi qu'il se retrouva au crépuscule à essayer de le retrouver dans la zone qu'il lui avait indiquée. Il aurait bien voulu l'envoyer chier ailleurs, mais de son théorique titre de Conseiller il pouvait bien essayer de conserver des vagues apparences, de toute façon personne ne savait ce qu'il faisait le reste du temps alors s'il parlait gentiment quand on le voyait ça devrait passer.
Il était juste censé aider Paprika, après tout.

Le grand brun était parfaitement à la bourre, mais pour ce qu'il s'en foutait, c'était à l'autre d'assumer de l'avoir demandé lui. Reno espérait que c'était encore un con qui flippait pour Everbloom, il pourrait ainsi lui dire que putain de personne en savait quoi que ce soit de plus que les autres, même les Alphas, enfin, ce qu'il en restait. Avec ça, ce serait rapidement bouclé pépère. A moins qu'il lui partage sa grande idée de barbecue géant, ce pourrait aussi être plutôt amusant.
Il repéra enfin une tache blanche parmi les rochers gris, et se dirigea nonchalamment vers Mr Albinos.
....oh bordel de chiottes de merde.

Après le gay et Maisie, il tombait encore sur un loup blanc ? Il n'avait pas fait gaffe quand il lui avait répondu l'autre fois, mais c'était pire encore qu'un signe quelconque à ce niveau-là, ça devenait un abonnement.
Il descendit quelques rochers, agitant vaguement sa queue à l'intention de l'autre mâle dans un salut quelconque, avant de s'asseoir lourdement devant lui.

« Qu'est-ce que j'peux pour toi ? » demanda-t'il d'une voix rauque.

Il ne sut pas exactement combien de temps il attendit. Il s'était figé dans une posture assise et rigide, dans une immobilité presque parfaite. Seul le vent qui venait murmurer en timides courants d'air, donnant du mouvement aux quelques mèches qui pendaient autour de son museau, cassaient de temps en temps cet aspect statufié, gelé, qu'il avait pris. De longs instants s'écoulèrent, et ses pensées semblaient être figées elles aussi, dans l'attente de ce qui se passerait. A aucun moment, il ne supposa que peut-être l'autre ne viendrait pas.

Soudain, il y eut du mouvement un peu plus loin, et il aperçut enfin se détacher sur le fond grisâtre de la Cordillère la silhouette brune de Reno. Son regard se durcit légèrement, alors que l'autre approchait. Par les Sept, que Thyara lui ressemblait, à cette saleté. Heureusement qu'il y avait eu Everbloom comme claire distraction dans la vie de la meute, sans quoi il n'aurait certainement pas été le seul à faire le lien entre le pelage du mâle et celui de sa nièce. Même si cela s'était sans doute fait au prix de la chance, car cela faisait quelques temps déjà qu'il cherchait à entrer en contact avec le mâle brun, mais celui-ci était rarement aisément trouvable au clan. Se cachait-il ? Fuyait-il cette petite silhouette qui était son portrait craché, ou bien une autre,plus grande et plus désespérée. De ce qu'il en savait, Thyara ne connaissait pas son père. Mais il suffirait sans doute qu'elle ne croise cet individu ne serait-ce qu'une seule fois pour comprendre qui il était. Comment réagirait-elle ? Le détesterait-elle pour les avoir abandonnées lâchement, elle et Maisie ? L'adorerait-elle simplement avec la candeur d'un enfant qui retrouve son père n'étant jusqu'alors un fantôme ? Quoi qu'il en soit, la réaction du Savant ne laissait rien au doute.

Il avait contemplé durant des lunes sa soeur adorée être rongée par l'incompréhension, la peur, et maintenant il lisait bien dans ses yeux qu'elle n'avait pas été capable de tourner la page. Et sa colère envers le brun grandissait quand il avait l'impression de saisir une infime lueur d'espoir, lorsqu'elle parlait de lui. Elle espérait toujours quelque-chose. Mais lui ne lui donnait rien. Reno vint s'asseoir devant lui et lui parla, presque comme à un enfant, ce qui ne fit rien pour améliorer la situation.

"Rien, j'en ai peur." Répondit le blanc d'un ton glacial."Ce que tu m'as fait n'est hélas pas réparable."

Il faisait de son mieux pour contenir les accents de haine qui pointaient derrière chacune de ses syllabes. Son regard s'était accroché à celui de son interlocuteur, comme pour l'épingler au mur de sa culpabilité.

"Ce que tu lui as fait."

Son regard s'assombrit et un frémissement agita ses babines.

"Je suis le frère de Maisie." Lâcha-t-il d'une voix plus basse, et d'un ton qui signifiait clairement qu'il n'était pas là pour faire ami-ami. Bien au contraire.

L'atmosphère s'était tendue à mesure que ses paroles résonnaient dans la crique de pierre où ils se trouvaient. Il sentait ses muscles se crisper légèrement sous son pelage de neige.
Qu'est-ce que tu as à me répondre ?

"Rien, j'en ai peur."

Reno haussa les sourcils, plutôt étonné de la réponse.

"Ce que tu m'as fait n'est hélas pas réparable."

Avant de subitement les froncer. Qu'est-ce qu'il lui sortait ce gus, là ? Un peu décontenancé, le brun détailla un peu plus ce putain de troisième albinos sur sa liste, trouvant qu'il avait quand même un sacré balais dans le cul, droit comme ça à le fixer de son air sérieux-pas-content. Merde, et si c'était le frère de Néther' qui venait lui cracher dessus parce qu'il avait fut un temps volé les lunettes de l'autre gay ? Il avait quand même deux-trois saisons de retard.

"Ce que tu lui as fait. Je suis le frère de Maisie."

Ah, il y était presque, sauf que c'était à peu près dix-mille fois pire. Il était donc actuellement devant le frère de Maisie -elle avait un frère elle ?- dont, vu la tête, on pouvait à peu près deviner l'active intention de lui sauter à la gorge. Reno ne manqua pas de se renfrogner subitement, la fourrure de sa nuque se hérissant légèrement.
Si ces histoires commençaient à toucher d'autres personnes qui allaient venir l'emmerder directement, ça allait l'amuser encore moins que ce n'était déjà le cas.
Puis d'où elle lui envoyait son frère le clasher en 1v1 comme ça, cette conne ?

« Eh là, tu vas te calmer tout de suite mec. » répondit-il sur le même ton proche de la menace que le blanco.

Oui, il avait certes pas trop assuré avec la Blanche, mais c'était pas une raison pour venir lui bouffer les pattes comme ça, il s'auto-flagellait déjà assez tout seul. Elle l'avait croisé, chauffé de manière incompréhensible, avant de l'oublier directement. Certes ce n'était pas de sa faute, mais de quelle manière il pourrait lui vivre une vie de père avec une louve pour qui il était en fin de compte un parfait inconnu, et ce du jour au lendemain alors qu'il ne l'avait rencontrée qu'une seule fois ?
Ça ne se faisait pas comme ça, un couple. Du moins pas pour lui.

Cette gamine, elle ne l'avait pas voulue avec lui. Et lui non plus avec elle, d'ailleurs, cette soirée restait encore un peu bizarre dans sa tête mais il était sûr à 100% d'avoir juste voulu coucher avec elle à cet instant précis. Ce qui certes, était con, parce que c'est vaguement la manière de pondre un gosse, et là était sa seule mais grosse erreur personnelle. Bref, il n'était son père que biologiquement parlant, et elle n'avait pas à lui en vouloir de pas l'élever avec elle. Point.

« C'est pas tes oignons. Si jamais elle veut en parler elle a qu'à venir me voir directement, plutôt qu'envoyer son bro'. » ajouta-t'il dans un grognement.

Puis y'avait des nourrices dans le clan qui comptaient pas pour du beurre, c'était pas non plus comme s'il l'avait abandonnée dans la nature avec un gosse.

« Du coup, si c'est pour parler de ça, moi j'me casse, j'ai rien à foutre là. Si jamais j'ai à la limite un compte à rendre c'est avec elle, pas toi, mais elle n'est jamais venue me voir, alors moi j'y peux plus grand chose. »

Il se releva sur ses quatre pattes, les yeux plissés, défiant du regard l'espèce de jeune crétin aux airs de fils parfait, avec ses beaux cheveux longs de tapette. Ce truc devait avoir l'âge de ses petits frères, et il venait comme un gros bonhomme lui expliquer la vie, mais où allait le monde.
Le brun se détourna alors sans plus de cérémonie, dans l'optique de quitter ce creux et cet albinos raté. Définitivement, les loups blancs n'apportaient rien de bien à sa vie.

Le ton monta bien plus vit qu'il ne l'aurait cru.
Un frisson de colère parcourut le blanc lorsque l'autre lui répondit directement avec un air agressif. Roy prit conscience qu'il ne le connaissait vraiment pas. Il ignorait complètement avec quel genre d'individu avait eu lieu ce qui s'était passé pour sa soeur, mais une chose était certaine : la réaction de l'autre venait de complètement faire pencher la balance en faveur d'une haine durable et brûlante. L'autre le prit aussitôt de haut en lui envoyant vertement dans le museau qu'il n'avait absolument pas à aller fourrer son nez là-dedans. Mais c'était de sa soeur qu'il était question, bon sang ! Lorsqu'il fit un mouvement pour partir, Roy se mit aussitôt en travers de son chemin. S'il croyait 'en tirer comme cela, il était bien loin du compte. Roy n'était plus un louveteau, et tout ce qui leur arrivait en ce moment lui pesait autant sur les nerfs que cette affaire. La provocation du brun n'avait rien fait pour arranger les choses.

"Tu comptes fuir comme tu l'as fait en apprenant ta bêtise ?" Gronda-t-il en lui faisant face, les babines retroussées.

Il savait qu'il n'était pas impressionnant, avec son allure de bon élève et sa petite taille. Mais en cet instant, son pelage hérissés et sa masse chevelue, loin d'adoucir ses traits, rendaient plus féroce encore son expression. A travers sa colère, Ry éprouvait une sévère pointe de déception. Malgré toute sa haine, il avait espéré - un peu - que le père de Thyara soit au moins quelqu'un de bien. Il le détesterais de toute manière pour ce qu'il avait fait à Maisie, mais cela aurait pu arranger les choses. Mais non. Cet espoir naïf venait d'être balayé avec violence. Reno venait de faire figure de lâche face à lui, lui permettant certes de mieux comprendre pourquoi il n'avait pas assumé les conséquences de ses actes, mais lui inspirant surtout un dégoût terrible. Et dire que c'était sous ses charmes à lui qu'elle était tombée. Le destin était bien cruel.

"Donc non, je ne me calmerai pas."

Ses prunelles glacées étaient accrochées à celles de son interlocuteurs, sans la moindre once de peur.

"Tu l'as repoussée lorsque tu as su qu'elle attendait un enfant de toi, et c'était à elle revenir !?" Cracha-t-il avec hargne. "Qu'est-ce que tu croyais, qu'elle allait te courir après ensuite ? Tu l'as brisée ce jour-là Reno. Tu l'as brisée."

Il était donc naïf au point de croire que Roy lui en voulait simplement pour l'acte de chair qu'il avait commis ? Tss. Bien-sûr que le blanc n'avait rien à dire à ce sujet, sa soeur était libre de ses actes, et surtout elle avait agi sous l'emprise de son pouvoir. Mais que le brun n'aie pas vu la peine qu'elle avait enduré lorsqu'elle ne connaissait pas le père, et qu'il n'aie rien fait ensuite même pour l'aider à élever sa fille, mais où avait-il la tête ? Qui lui avait appris à vivre ?

"C'est moi qui ai dû la ramasser alors en morceaux, à cause de toi." Il se rapprocha du brun. La colère semblait émaner de son corps, une colère froide, sourde, à peine contenue. "Est-ce que tu vas encore fuir devant les conséquences de tes actes maintenant ? Est-ce que tu n'es vraiment qu'un lâche ?"

Ses crocs luisirent sous la lumière froide du jour.

Un long grognement sourd remonta dans la gorge de Reno.
Qu'il se taise cet abruti. Oui il l'avait brisée, mais n'était-ce pas dix fois pire de lui faire croire à une histoire d'amour illusoire ? Elle avait eu la vérité, il lui avait dite, alors qu'il était lui-même aussi sous le choc ! C'était pour le mieux, qu'aurait-il pu lui apporter, lui, renié d'Aka, pauvre et simple profiteur du clan ?
Est-ce que tu vas encore fuir devant les conséquences de tes actes maintenant ? Est-ce que tu n'es vraiment qu'un lâche ?

Le brun se retourna vivement avec un grondement vif de colère.

« Mais à qui tu crois parler, petit merdeux ? »

Il planta ses yeux bicolores dans ceux du loup blanc, saluant de loin ses crocs apparents des siens.

« Je n'ai jamais voulu qu'elle revienne ! Tu aurais voulu quoi, qu'on s'occupe de cette gosse comme des parents aimants et tout gentils ? Alors qu'on ne se connait pas ? Oui on a baisé, mais ni l'un ni l'autre n'en voulait plus ! » lui cracha-t'il dessus. « Je l'ai laissée parce que je n'aurais fait qu'empirer les choses, tu l'aurais pris comment toi, si un gars random te demandait d'élever ton mioche en te traitant comme un putain d'inconnu ? Le gamin il va en penser quoi ? »

Reno releva la tête, fixant avec irritation de plus haut le mâle blanc. Il était putain de jeune, et aveuglé par la tristesse de sa sœur. Vois au-delà de ton nez, ducon.

« Tu ne me connais pas putain. J'ai rien à foutre en père, tu devrais plutôt être content pour cette gosse qu'elle ait pas eu de faux parents » ajouta-t'il d'un air légèrement dédaigneux.

Ce crétin lui donnait une furieuse envie de le mordre, tiens.

Le grognement que poussa le brun avant de lui répondre fit presque attendre à Roy une attaque physique, mais elle ne vint pas. En revanche, les mots que l'autre lui gronda au museau montraient qu'apparemment, il avait presque atteint les limites. Comme s'il craignait de les dépasser. Le blanc frémit sous l'insulte, mais ne se démonta pas. Les paroles de l'autre perdaient en cohérence, après s'être presque plaint que la louve n'était jamais revenue vers lui, voilà qu'il lui crachait qu'il n'avait jamais voulu qu'elle revienne. Ni l'un ni l'autre n'en voulait plus. Mais par les Sept, il avait vécu dans une grotte ces deux dernières années ? Le désespoir de Maisie lorsqu'il l'avait repoussée avait crevé les yeux de tous ceux qui la croisaient et le faisait encore. Mais après tout, comment pouvait-il le savoir puisqu'il l'évitait si lâchement et ne la connaissait pas ? Plus Reno ajoutait de mots à ses propos et plus l'envie de lui décocher un bon coup de pattes ou de dents chatouillait le blanc. La mine du brun s'était faite hautaine alors qu'il le regardait de haut. De cette damnée hauteur que Roy n'aurait jamais car la génétique en avait décidé autrement, chose qui le faisait encore d'avantage bouillir intérieurement à cet instant précis. Peut-être que s'il avait été bien plus grand et puissant que l'autre, la conversation aurait tourné autrement dès son commencement. Mais non. Il était petit, il n'avait rien d'effrayant avec son allure fragile de presque albinos et pouvait tirer un grand trait sur l'idée d'intimider l'autre.

"Si tu n'as rien à faire en père, arrête de faire des enfants." Cracha Roy avec mépris. "C'est pas toi qui as entendu le "gamin", comme tu dis si bien, demander son père à tout le monde et voir sa mère prier pour qu'il ne l'apprenne jamais comme ça !"

Il gronda à son tour, les babines frémissantes.

"D'ailleurs c'est "une" gamine, au cas où tu ne serais pas au courant. Tu ne l'as peut-être pas encore remarqué." Lâcha-t-il d'un ton qui se voulait clairement provoquant.

Jusqu'où irait la patience de cette saleté ? Il le sentait déjà brûlant d'envie de lui sauter à la gorge.

Étrangement, ça le fit sourire. Un sourire habillé du pire mépris possible, à la limite du carnassier, tandis que sa fourrure était aussi gonflée de colère qu'elle le pouvait, mais pourtant ses muscles frémissaient à peine. Il suffisait d'un rien, un petit quelque chose pour que la limite soit franchie, mais pour l'instant l'autre n'était pas assez blessant à ses yeux pour le déchaîner, il n'avait globalement qu'un profond mépris envers cette créature. Reno avait même un peu pitié pour lui, pauvre tafiole blanchâtre de son état.

« Oh, et pourquoi tonton sauveur lui a pas dit alors, t'avais ton temps pour réagir et discuter avec sa mère avant qu'elle gambade partout peut-être hein, non ? » demanda-t'il en s'approchant encore de l'autre mâle. « Mais oui, c'est beaucoup plus simple d'aller râler sur Reno, aller briser les espoirs parentaux de sa nièce est autrement plus dur à assumer qu'engueuler un inconnu dont t'en as rien à foutre. »

Il poussa alors brutalement de ses deux pattes avant le mâle blanc pour le déséquilibrer, avant de lui donner un grand coup d'épaule afin de le jeter au sol. Reno se plaça alors au-dessus de lui, plantant ses pattes de part et d'autre de sa tête, cherchant à le dominer sans le moindre respect.

« Mais ouii une gamine j'avais vu t'inquiète, enfin grâce à toi, j'apprends par contre que sa féminité ne doit pas tenir que de sa mère » ajouta-t'il d'un ton moqueur totalement assumé.

Bouge et je te fais bouffer tes moustaches.

Roy retroussa les babines, alors que Reno approchait son museau un peu trop près du sien. Il était de toute façon beaucoup trop près de lui pour que ce soit acceptable, et le fait qu'il venait de le renverser au sol n'arrangeait rien du tout. Presque pris au dépourvu par la force du brun, le blanc s'était retrouvé ridiculement plaqué dos contre terre, alors la silhouette chocolat de l'autre au dessus de lui, dans une posture clairement dominante. Ses les premières paroles de Reno ne lui inspirèrent que d'avantage de mépris à son égard - si tant était que c'était possible, la jauge aurait dû exploser depuis un bon moment -, sa dernière pique frappa durement. Roy se figea un instant, alors que les mots de Reno venaient de toucher une corde sensible. Il avait osé. De n'importe qui d'autre, il peut-être compris, il aurait supporté, il aurait admis, mais là. Mais là.

"C'est vrai que ça ne risque pas de venir du tien." Cracha-t-il.

Un violent coup de patte s'abattit sur la babine droite de Reno, le distrayant sans doute assez pour que Roy ne s'en dégage d'un brutal coup de ses postérieurs. Même si sa taille ne le laissait pas forcément soupçonné, il n'était pas en reste par rapport à ses congénères ne ce qui concernait la force physique. Il se redressa d'un bond,et ce fut à son tour de prendre un air presque hautain. Reno s'était lui-même mis en tort dans es propres propos, puisque lui n'avait rien fait du tout. Oh, qu'il était mal placé pour aller parler d'assumer et de... comment avait-il dit ? Briser des espoirs parentaux. C'en était presque risible. Même si sa tentative n'était pas forcément la meilleure des solutions - même sous la colère, il le reconnaissait - au moins lui avait fait quelque-chose. Alors que l'autre lâche n'avait pas bougé un poil de son postérieur pour tenter d'aller arranger la situation dont il était plus ou moins - beaucoup plus que moins - coupable.

Roy ne se jeta pas de nouveau sur Reno mais le laissa se relever avec un air de dédain.

"Ne me reproche pas de n'avoir pas fait ce qui était ton devoir." Lâcha-t-il, plus froidement que furieusement. "Tu sais j'ai vraiment espéré que Maisie aie trouvé quelqu'un de bien. J'ai du mal à croire que je me suis trompé si lourdement."

Il plissa les yeux.

"C'est amusant que tu penses que m'intimider changera la manière dont je vois les choses. Dont toute la meute la voit, d'ailleurs. Ce n'est pas comme si la ressemblance leur avait échappé."

Sa voix était bien plus basse, comme s'il considérait que l'agression était terminée. Comme s'il ne voulait pas s'abaisser à aller faire une bataille de crocs et de griffes, comme un empereur qui jaugerait un sous-fifre trop turbulent.

"A moins que tous ne soient aussi perspicaces que notre cher conseiller de meute." Siffla-t-il finalement. "Qui nous guide si bien vers la sagesse et les honorables comportements."

Nouvelle carte sur la table.
Dont les conséquences étaient bien moins prévisibles.