When a new life begin (pv Anthem)

Il avait senti la louve agitée ces derniers temps. Elle ne cessait de bouger lorsque venait la nuit, se levait tôt, se recouchait, et dans ses yeux se lisait quelque-chose comme une sorte d'anxiété. Il savait que c'était sa première portée, mais il ignorait comment l'aider à porter cette charge et à maîtriser cette peur d'un inconnu qui se profilait au fil des jours. Alors il restait avec elle, sans forcément lui parler, mais en la gratifiant simplement d'un regard doux et de sa présence silencieuse. Lui non plus n'était pas exactement serein face à sa silhouette qui s'arrondissait doucement. Il connaissait parfaitement les risque que cela présentait, mais que pouvait-il y faire ? Strictement rien - d'autant plus qu'il n'était pas Savant. Ces loups là devaient avoir une infime chance de plus que tout se déroule bien lorsque le grand jour venait, songea-t-il. Ou peut-être pas. La panique devait peut-être effacer de leur mémoire tout ce qu'ils connaissaient. Il ne savait pas. C'était une bonne question, mais trop morbide pour qu'il ne s'y attarde plus longtemps.

Ce matin là, elle se leva plus tôt que d'ordinaire, après une nuit plus agitées que jamais. Une sorte de tension semblait peser sur leur petite tanière. Ses yeux s'entrouvrirent pour la regarder descendre dans le Creux aux Loups puis disparaître derrière un amas rocheux, descendant sans doute vers la vallée pour prendre un peu d'air. Il resta immobile quelques instants, mais il était incapable de retrouver le sommeil, aussi finit-il par se lever à son tour. En quelques bonds, il se percha sur un petit promontoire rocheux qui surplombait l'entrée, reproduisant la pose qu'il avait tenue lors de sa première conversation avec Hylda, alors qu'ils n'étaient que des enfants. Tant de choses s'étaient passées depuis. Tant d'années, aussi. Il avait parfois l'impression que la cape lourde de l'âge pesait sur ses épaule,s bien que son corps ne l'ai pas trahi véritablement encore. Ses prunelles vairons scrutèrent l'horizon, pour finalement tomber sur la silhouette lointaine de la louve caramel. Elle semblait se diriger vers l'Etang Nacré.

D'un bond souple, il descendit sur le sentier et prit à amples foulées le même chemin, suivant instinctivement la piste de son parfum qui flottait encore dans la brume matinale. L'air était frais, presque froid, et la rosée luisait doucement aux premières lueurs d'une aube timide. Ce serait sans doute une belle journée, comme ils en avaient de plus en plus avec le retour tant désiré de l'Eté. Tant de loups n'avaient connu sur le continent que les froides morsures de l'hiver. Peu à peu, alors qu'il descendait dans les plaines, la température s'adoucit et les premiers rayons du soleil vinrent frapper son pelage sombre, le parant d'éclats fauves. Enfin, il parvint aux abords du lac. A peine eût-il posé les yeux sur Plume Blanche que son coeur fit un bond. Debout, la tête basse et les oreilles plaquées contre le crâne, elle semblait proie à une soudaine terreur. Il força l'allure et en quelques bonds, fut près d'elle. Dès qu'elle le vit, elle se jeta contre lui - il y avait presque pris goût, à force - tremblante.

"Je suis là." Murmura-t-il en lui donnant un coup de langue sur le front.

Elle s'écarta soudain de lui en grondant de douleur, et il n'ut plus aucun doute sur l'issue de cette matinée. Cela était nouveau pour lui aussi, finalement. Il n'avait pas vu naître Romance, étant parti chasser lorsqu'Etheria avait commencé le travail. Il savait, bien-sûr, comment cela déroulerait. Mais serait-ce suffisant ? Il brida solidement la crainte sourde qui enflait dans son esprit et s'approcha doucement de Plume, qui s'était couchée au sol - presque laissée tomber d'ailleurs - et respirait bruyamment, les yeux clos. Il s'assit à se chevet et passa son museau sur sa joue, lui murmurant des paroles douces, dans une sorte de litanie qui n'avait peut-être aucun sens mais qui n'avait pour autre but que d'apaiser la louve brune.

Cela lui sembla durer une éternité, avant qu'un gémissement ne s'échappe de l'ombre de son flanc. Aussitôt, la louve se redressa pour les ramener contre elle, et Anthem se releva, alors que son regard se posait sur les deux petits êtres qui rampaient au sol, leurs minuscules yeux clos. Il ne savait trop ce qu'il ressentait à cet instant, comme si un grand vide s'était fait dans son cerveau, l'empêchant de parler, ou de faire quoi que ce soit d'autre que de contempler les deux louveteaux nouveau-nés. Ses petits. Leurs petits.

Il e put s'empêcher d'avoir comme un rire discret, sous l'émotion sans doute, quand Plume fit la remarque que le petit mâle lui ressemblait déjà. Il posa les yeux sur la petite boule de poils anthracite, sans réussir à se départir de son sourire et de la lumière qui brillait dans ses yeux.

"Oui... Oui, ils sont magnifiques." Souffla-t-il. "Ils nous ressemblent tous les deux."

Les deux petits se pelotonnèrent contre le flanc de leur mère, deux petites perles de vie qui étaient l'ultime fil de l'union qu'ils avaient tissée. Des enfants qui porteraient leur sang, et auxquels il s'était attaché aussitôt bien plus qu'il n'aurait cru. Il posa sa tête contre celle de Plume Blanche, sans dire un mot, le bonheur qu'il affichait suffisant à exprimer plus que n'importe quel discours.
Ils devraient les ramener au camp pour qu'ils soient au chaud et en sécurité.
Mais pour le moment, il savourait simplement ce moment de félicité, que le soleil levant venait teinter d'or et de grenat.