« I won’t trust myself once I hear your call. » | ft. Elaine

Élaine

Sous une fine pluie glaciale, accompagnée d'un vent violent, Élaine avait accompagné un petit groupe de chasseurs à la Rougelande. Depuis peu, des solitaires avaient été vus traînant leurs carcasses dans les parages et la jeune Alpha avait décidé d'accompagner certaines rondes dans les terres sensibles, la Rougelande et le Marais. Bien qu'elle avait entière confiance en sa meute, elle tenait à les accompagner afin de gérer une potentielle rencontre avec ces pilleurs incendiers. La queue battant l'air avec un mouvement régulier, sa langue claquait entre ses crocs tandis que son regard vert d'eau balayait l'immense plaine à la recherche des parasites. Mais il n'y avait personne. La partie de chasse avait été fructueuse, ils avaient réussi à attraper deux biches et quelques lapins. Élaine félicita ses paires et les suivit du regard pendant qu'ils rebroussaient chemin, les proies dans la gueule ou traînantes derrière eux. Elle ressentait une profonde fierté, et elle était heureuse de voir que la meute devenait de jour en jour plus forte, plus confiante. Les membres se faisaient confiance, et elle sentait enfin qu'on lui faisait confiance, à elle et à son compagnon de règne, Ezhekiel. Pour l'instant, ils avaient réussi à appréhender l'hiver en doublant leur stock de proies, elle veillait chaque jour à ce que personne n'ait faim ou froid. Alors qu'elle réfléchissait à quoi faire par la suite, un des mâles de la meute s'approcha d'elle. Elle lui offrit un beau sourire chaleureux tout en l'observant, une crinière rouge ébouriffée encadrait son regard bleuté. Elle se rappela alors qu'il s'appelait Gabryël et qu'il venait d'arriver parmi les Etelkrus. Sa question l'étonna, elle tourna la tête vers lui et sourit une fois de plus.

"Je l'ignore, à vrai dire. Quelques solitaires ont été repérés dans les parages, je ne sais pas ce qu'ils trafiquent."

Agacée par cette idée, sa queue se remit à fouetter l'air violemment. Elle n'aimait pas savoir que des solitaires rôder sur leurs territoires.

"L'hiver se fera sûrement rude mais nous avons la grâce des Dieux, le gibier abonde encore."

Elle regarda au loin, la Rougelande avait encore sa couleur roussie malgré le vert qui gagnait peu à peu l'herbe. Le gibier finirait par disparaître avec la saison froide, et ce jour-là, il leur faudra trouver d'autres terres de chasse. Elle reporta son attention sur Gabryël et sa voix douce résonna à nouveau.

"Alors ? Tu te plais parmi nous ?"

La jeune au chignon noir savait que Gabryël était arrivé parmi eux plusieurs lunes auparavant, il avait passé les épreuves de glowstick avec brio, gagnant ainsi la bénédiction de Dairo, tout comme elle. Elle l'avait trouvé courageux d'avoir ainsi réussi à s'inculquer dans une meute nouvelle, sans connaissance ni aide. Un départ à zéro qui s'était vu couronné de succès, en témoigne l'élégant et discret pendentif autour de son cou qui brille d'une lueur orangée. Elle l'observa, ses couleurs flashy lui donnaient l'air sympathique, elle songea alors qu'elle n'avait jamais pris le temps de parler longuement avec lui, elle l'avait croisé, salué mais sans plus, et Élaine s'était fait la promesse de connaître chaque membre de sa meute comme un ami.

Élaine

Élaine écoutait avec attention quand il commença à parler mais il se stoppa net dans sa phrase. Elle regardait au loin et n'avait rien vu de spécial, quand elle tourna la tête pour questionner le mâle à ses côtés, elle se demanda si elle n'avait pas des hallucinations. Elle écarquilla les yeux. Il avait, normalement, une crinière rouge vif, des marques de couleurs flashy, mais devant ses yeux vert émeraude, le mâle était blanc comme neige. Elle recula d'un pas, instinctivement et fixa son compère. Elle leva un sourcil en voyant que lui-même ne comprenait pas ce qu'il se passait, alors elle ôta le doute qu'elle venait d'avoir. Peut-être était-ce son pouvoir de retirer les couleurs des pelages. Mais au vu de sa réaction, elle secoua la tête. Elle bredouilla un instant, décontenancée de ne pas avoir la réponse à la question qu'il venait de poser. En tant qu'Alpha, jusqu'à présent, elle avait su trouver de bonnes réponses, ou au moins des pistes à explorer. Elle secoua la tête à nouveau, et d'une voix troublée, elle répondit à sa question :

"Je... Je n'ai aucune explication... Est-ce.. Est-ce que tu te sens mal ?"

Elle le regarda, inquiète pour son état, prête à courir lui chercher des remèdes mais elle ne décela aucune trace de souffrance dans ses yeux bleus. En tant que fille d'une guérisseuse hors-pair, elle savait plus ou moins voir quand quelqu'un souffrait. Elle s'assit dans la neige, et ne quitta pas des yeux Gabryël, ce qui, en soit, pourrait très bien le rendre mal à l'aise. Elle sentit ses joues s'empourprer, mais sa curiosité prit le dessus.

"Tu... comment ça t'es arrivé ? Enfin, je veux dire en si peu de temps ? Tu... C'est le don de Dairo qui te fait ainsi perdre tes couleurs si vives ?"

S'il y avait bien une chose qu'Élaine avait appris, c'est que la Renarde divine donnait à ses disciples toute sorte de don, le sien étant l'une de ses premières découvertes. D'ailleurs, quelques lièvres s'approchaient avec douceur des deux loups. Ainsi à découvert, il n'était pas prudent de s'avancer ainsi, encore moins vers deux prédateurs. Elle resta bouche bée, attendant un semblant d'explication à cette... magie blanche.

Élaine

Le loup coloré semblait ne pas réussir à faire ce qu'il voulait faire. La jeune alpha tenta de l'encourage avec une petite tape sur l'épaule, puis un sourire chaleureux. Gabryël était agréable, sympathique et cette perte de couleur pouvait forcément le déstabiliser un peu, elle ne lui en tiendra pas rigueur. Elle porta son attention sur le lapin contre lequel son semblable grogner. En effet, le lièvre semblait complètement absent, il s'approchait avec douceur, son regard vide vissé sur Élaine. Elle soupira, et d'une patte nonchalante, elle lui intima de partir, de rebrousser chemin. Le lièvre afficha une mine déçue puis fit demi-tour rapidement, restant à une distance plus grande, mais le regard toujours posé sur la jeune louve. Elle le regarda, et tira la langue d'un geste amusé. Elle s'y habituait, peu à peu, et maintenant, au lieu d'être étonnée, elle les taquinait, leur tirait la langue ou leur faisait peur en leur fonçant dessus. La plupart du temps, ils s'en fichaient, ils ne bougeaient pas, mais maintenant, ils l'évitaient, comme si une once de conscience les avait assailli, et que leurs instincts primitifs étaient enfin revenus. Élaine sourit et son sourire disparaît quand elle entend un bruit assez peu commun, une sorte de grondement sourd. Elle se retourne vers Gabryël mais il ne semble pas grogner si fort. Elle se tourne, regarde en arrière et la peur l'assaillit.

Un puma, aussi haut que large, se tient entre les hautes herbes. Les lapins et autres mammifères ont du l'attirer jusqu'ici, c'était l'un des inconvénients du pouvoir d'Élaine. En attirant le gibier, elle attirait aussi les prédateurs qui chassaient. Elle se ressaisit, lance un regard en arrière pour s'assurer que le reste du peloton de chasse bien déguerpi. Il ne reste qu'elle et Gabryël. Elle le regarde, lui lance un hochement de tête encourageant et rassurant. Ils sont deux, il est seul. Qu'il soit félin enragé, il ne tiendra pas face à deux loups adultes. Élaine sent ses poils s'hérisser, ses muscles se gonflent d'acide lactique, l'adrénaline courant le long de ses veines, elle retrousse les babines, prête à se battre pour défendre le membre de sa meute, de sa grande famille. Elle plante son regard vert pastel dans celui jaune du puma, il gronde, ses grosses babines moustachues sont redressées, dévoilant de longs crocs acérés. Elle peut apercevoir sa longue queue féline se balancer derrière lui. Pour lui, ils ne sont que deux obstacles l'éloignant d'un lièvre gras et frais. Il n'aura aucune pitié à les tuer pour récupérer encore plus de chaire fraîche. Élaine soupire, et regarde Gabryël, attendant qu'il soit prêt à se battre, ou qu'il prenne le temps de s'enfuir. Elle retiendra le puma, qu'importe le choix qu'il fasse, elle ne le jugera pas. Elle lui offre une possibilité de s'échapper, en grondant plus fort que le puma. Le félin regarde intensément la femelle, voyant son comportement agressif, et la fureur s'empare de son regard. Quoiqu'il choisisse, Gabryël devait se dépêcher un tant soit peu.

Rien ne vaut qu'un combat singulier pour renforcer les troupes.