Hear me roar — Nakhus

Y’avait eu la rumeur, qui s’était répandue comme une traînée de poudre. Le territoire Nakhus, fermé. Plus d’accès à la bibliothèque. La nouvelle avait révolté Prudy, mais qui avait fini par voir le sens dans cette décision. Pourtant… Pourtant elle ne pouvait pas penser être séparée de la bibliothèque, c’était chez elle là-bas. Son foyer.
Le museau posé sur ses pattes, elle regarde la pluie tomber. Sa petite cabane de fortune avait une fuite, trempant son pelage. C’était un bien maigre abri. Ce n’était rien.
Peter vient s’enrouler entre ses pattes, le mauvais temps l’agaçait. N’ayant rien d’autre à faire, Prudence se trouva perdue dans ses pensées.

Les frontières fermées, à moins de…
Prudence n’aimait pas se sentir aussi impuissante, elle voulait aider à réparer la bibliothèque, lui redonner une seconde vie.
Elle ne voulait pas se retrouver seule.
Mais elle ne voulait pas être aux côtés de sa famille non plus.
Elle aimait ses parents, mais…
Ses soeurs… Prudence voulait faire des choses par elle-même, sans aucunes d’elles. Onyx était occupée avec son projet de refuge, Gathe… Gathe aussi d’une certaine manière.
C’était à elle de tracer son propre chemin, sans être l’ombre de personne. Sans qu’on lui rappelle qu’elle était la soeur d’Onyx.

Je suis une louve, alors entendez moi rugir.

Sans réfléchir davantage, la Licorne se lève, embarque son sac en bandoulière, laisse Peter se glisser sous son col de fourrure, et quitte (pour la dernière fois ?) cet endroit. La pluie alourdit rapidement son épais pelage. Qu’importe. P’pa lui avait appris à bosser son endurance, elle comptait bien mettre ces exercices à profit.
Elle coince le sac dans sa gueule, pour le maintenir hors de l’eau, alors que Peter s’installe entre les cornes pour la traversée. C’est pas évident, entre la pluie, l’agitation de l’eau, pourquoi n’y avait-il pas de pont comme pour accéder à l’île de Moiro ?
Après de longues minutes, la solitaire se hisse sur un rocher, le pelage dégoulinant, essoufflée. Elle n’était pas sur le territoire Nakhus, juste à l’extrémité. Peter vient directement se blottir contre son ventre, cherchant le moindre point de chaleur.

Les frontières, elle les respecterait.
La tête se penche vers l’arrière, en un hurlement pour signaler sa présence.
Elle attendrait.

Il continu de pleuvoir. Peter siffle, menaçant, plantant ses crocs dans le sac de Prudence lorsque cette dernière tente de le protéger des intempéries.
La Licorne se montrait patiente (elle qui d’habitude bouillonnait d’énergie), faut dire que le rocher sur lequel elle s’était postée n’était pas particulièrement large. Le maximum qu’elle pouvait faire là c’était bouger le bout de ses pattes en fredonnant. C’était p’t’être ça qui aggravait la météo en fait, tss.
Puis une voix. Prudy se tait, ses oreilles se redressent alors en attendant son nom. Si c’était pas Nymeria ! Iel avait bien poussé depuis leur première rencontre.

« — Nym ! »

Un sourire étire les babines de la louve.
Iel conserve une distance quand même, de leur côté. À croire qu’il n’était désormais plus possible de faire confiance à ceux de l’extérieur. M’enfin, comment leur en vouloir ?

« — Je passe un agréable moment sur un rocher sous une pluie d’enfer. »

Un rire.
Puis une expression un peu plus sérieuse alors qu’elle observe avec douceur Nymeria.

« — J’ai besoin d’aide. »

Le regard se porte vers la bibliothèque qui avait été partiellement abîmée par les flammes, avant de se reposer sur iel.

« — Je sais que… que vous ne voulez plus laisser les étrangers venir sur vos terres… et je crois qu’il n’y a qu’un seul moyen pour changer ma situation. Devenir l’une des votres. »

Prudence passe une patte dans ses cheveux mouillés, un sourire gêné aux babines. Après tout, elle ne portait pas la couleur de Yurai ou de Mido, elle était une Licorne ce qui pouvait se montrer handicapant pour eux... Hum... Mais elle avait de la bonne volonté à apporter. La disciple rose voulait faire ses preuves, auprès de nouveaux individus, sans que personne ne vienne la comparer à un tel ou un tel. Simplement vivre une nouvelle aventure.
Et iel était actuellement le.a seul.e à pouvoir l’aider.

En voyant la gêne chez Nymeria, Prudence est quelque peu mal à l'aise. Elle le.a mettait dans une situation pas évidente. Pourtant… L’entendre dire qu’iel était prêt.e à témoigner en sa faveur, toucha la louve.

« — Merci Nymeria. »

Oui à tous les coups, d’autres avaient entendu son appel, cela avait été le but après tout. Plutôt que de franchir les frontières en espérant croiser le chemin d’une patrouille (qui peut-être ne se serait pas montrée très chaleureuse en voyant un tel manque de respect), la disciple de Moiro préférait attendre qu’ils viennent à elle. Si cela était leur volonté.
Un coup de museau taquin sur la joue de Nym.

« — Je respecterai vos frontières, t’en fais pas ! »

En voyant la feuille de rhubarbe, elle pose un regard plein de gratitude sur le Nakhus.

« — Ahah, oui, vu comment il siffle à mon avis il appréciera vraiment le geste ! »

Petit serpent capricieux qui n’en faisait qu’à sa tête. Tss. La feuille est tenue au-dessus du reptile, qui continue de se plaindre en sifflotant. Ça lui offrait au moins un abri temporaire.
Sous la pluie, les deux loups entamèrent une discussion. Un disciple de Kiro ici ?

« — Je croyais pourtant qu’ils étaient tous Etelkrus… »

Pas tous visiblement…
En entendant le nom de sa déesse, Prudy sourit avec légèreté. Sa déesse, elle avait toujours eu foi en elle, même dans les moments les plus sombres. Parler de Moiro, ne pouvait que mettre la solitaire de bonne humeur.

« — Oui c’est bien Moiro ! Tu dois te soumettre à une épreuve de séduction. Par exemple j’ai du séduire une chimère, un mélange entre plusieurs créatures rencontrées au cours de mon voyage. Un autre loup n’aurait sûrement pas eu la même chose. C'était vachement amusant comme exercice ! »

La queue nattée remue doucement.

Prudence était ravie que Nymeria puisse s’intéressé.e à Moiro.

« — J’en ai eu la certitude quand j’ai rencontré la déesse pour la première fois. »

Quand son père la lui avait présenté officiellement. Bon avant tout ça, elle avait toujours vu le glowstick de Teddy, l’avait écouté parlé de sa déesse, quand M’man parlait plus d’Ao.

« — Un jour peut-être si tu le souhaites… je pourrai te présenter à Moiro ? »

Prudence fixe le.a Nakhus un instant, avant qu’une voix n’attire son attention. De son rocher elle se redresse (commençait à avoir une crampe). C’était pas n’importe qui dis donc ! Les pattes se fléchissent, prêtes à bondir vers l’amie (renversant un peu d'eau au passage sur Peter qui s'état installé sous la feuille), mais la Licorne s’interrompt dans son mouvement. Les frontières p’tain, c’est vrai. Fallait pas qu’elle oublie cela même dans un tel moment.

« — Kerguelen ! Je suis heureuse de te revoir moi aussi. »

Depuis la grève, cela commençait à remonter un peu. Elle n’avait pas encore son glowstick à l’époque. Prudy sent d’ailleurs le regard de la Nakhus sur le symbole de son appartenance à la Tigresse.
Un projet de correspondance ? Whouah, c’était vraiment trop cool. Au moins une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitaient toujours emprunter des livres !

« — Non, je ne suis pas là pour ça, même si je suis contente d’apprendre qu’un tel projet a été mis en place. »

Mais peut-être que la proposition de Kerguelen était tout ce que Prudence pouvait obtenir pour le moment ? Hum… Qu’importe, qui ne tente rien n’a rien.
Un coup d’oeil à Nymeria, pour lui montré qu’elle ne l’oubliait pas.
Bombant le torse, la solitaire plonge ses yeux mauves dans ceux dorés de la louve sans oreilles.

« — Malgré la situation compliquée… J’aimerais vous rejoindre. » Une brève pause. « Je sais que ma couleur n’est pas celle de Yurai, mais je peux aider. »

À réparer la bibliothèque, à m'occuper du potager, à faire la lecture aux plus petits, leur apprendre plein de choses sur pas mal d'espèces animales, leur parler de Moiro, apprendre aux autres à respecter la vie, construire un récupérateur d'eau pour arroser les plantes, un moyen d'accès autre que la nage pour accéder à la bibliothèque...
Ce n'était pas les idées qui manquaient.

« — J’espère qu’au vu du contexte actuel, ma demande ne te paraîtra pas déplacée. Je suis prête à me soumettre à des tests si il y en a ou à répondre aux questions… »

Un sourire.
Faut dire que la louve savait pas trop comment ça se passait le processus pour intégrer un clan… M’enfin, si les Nakhus voulaient lui faire passer des épreuves, ce n’était pas quelque chose qui l’effrayait.

Ou demandes-moi de partir si c'est que tu souhaites Kerguelen, je comprendrais.

La solitaire sent le regard de Kerguelen sur son glowstick. Oui, le rose n’était pas la couleur de la Corneille, mais c’était la couleur qui correspondait à Prudence, trahir Moiro au profit d’une autre divinité était tout simplement impensable. Aux yeux de certains, la Tigresse pouvait paraître en désaccord avec la divinité Nakhus, de part leurs valeurs différentes, mais apprécier la beauté… ça ne voulait pas dire ne pouvoir se montrer juste, gentil avec les autres.
À la blague de la Nakhus, Prudence sourit avec amusement.
Tout cela semblait un peu protocolaire, mais pas trop non plus.
Un moment d’hésitation, quand son amie évoque sa naissance. Comment pouvait-elle savoir que… Ah. Bien sûr. Onyx. Jusqu’où sa soeur était-elle allée dans les explications de leur nature ? Avait-elle évoqué les différence entre elles deux ? Quand Onyx ne ressentait pas de culpabilité accentuée face à une atteinte à la vie, contrairement à Prudence ou Agathe… Cela devait être étrange quand même… Kerguelen ne devait connaître ainsi qu’une petite partie de la nature de Licorne, mais ce n’était pas une chose que la louve cacherait.
Pourquoi rejoindre les Nakhus ?

« — Vous semblez tous… si unis. »

Une famille.
Ok, ça pouvait paraître bizarre, parce que sa famille à Prudence était quand même unie, enfin chacun vivait un peu de son côté depuis le premier anniversaire, mais y’avait toujours un moment où se retrouver… puis… puis c’était pas pareil. Parce que une fois les retrouvailles terminées, chacune repartait de son côté.
Ce n’était que temporaire.

« — Ça va peut-être te paraître égoïste, mais je ne veux plus être seule. Je souhaite trouver un environnement stable, mais qui partage mes valeurs. Tu as raison, de part mon sang de Licorne, je ne puis porter atteinte à une vie, je ne peux pas prendre part aux affrontements. Ce sont de toute façon des choses auxquelles je ne puis penser. Pour certains, je représenterai un poids… »

Une brève pause.

« — … mais je souhaite me rendre utile, mettre à profit mes connaissances, vivre et m’épanouir auprès d’une meute qui en a besoin et dont je partage les principes. Je veux aider, toi, les Nakhus, ceux qui en auront la nécessité et l’envie. »

Bon d’accord, même si Prudence n’était clairement pas du genre stressée, savoir Nymeria à ses côtés ça avait quelque chose de rassurant, même Kerguelen. C’était ses amis. Toutefois, attendre le verdit de la Nakhus, lui donnait la boule au ventre. Parce qu’un refus n’était impossible au vu de la situation actuelle. Et si… Et si c’était non… la disciple de Moiro ne savait pas ce qu’elle ferait.
L’attente lui semblait interminable.
Puis…
Bienvenue dans notre famille Prudence.
Un instant, la Licorne ne réagit pas. Elle s’était attendue à devoir donner des arguments supplémentaires, peut-être même passer un test (ça avait beau être son amie, on parlait quand même une intégration au sein de la meute).

« — Je… Merci ! »

Un large sourire aux babines, elle bondit sur la terre ferme, serrant Kerguelen entre ses pattes, avant de se reculer pour donner un coup de museau à Nymeria. Peter siffla mécontent, se cachant tant bien que mal sous le corps de la cornue.
Un mentor ? La solitaire pencha la tête sur le côté se demandant bien en quoi cela consisterait.
En recevant la plume, Prudence hocha la tête, plaçant de manière théâtrale la patte sur son poitrail, adoptant une expression amusée.

« — Je ne me séparerait de cette plume ni de jour, ni de nuit ! »

La queue tressée balaya l’herbe humide trahissant l’enthousiasme de la solitaire… enfin de la jeune recrue Nakhus !
Elle se tourna vers son ami.e.

« — Tu me fais visiter ? »

Toujours à droite. Un conseil que Prudence mémorise. Les prunelles mauves observent la silhouette de leur aînée qui s’éloigne -sûrement pour retourner à ses occupations ou surveiller les frontières ?- les laissant seuls.
Bon ne restait plus qu’à visiter le camp Nakhus.

« — Allons-y ! »