Diamant noir sur fond de nacre | Libre

Silence

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Mais personne ne lui répondit. Il ouvrit subrepticement son œil, comme pour être certain que rien n'avait changé. Mais rien n'avait changé. Ni la mer se mouvant avec élégance et dédain. Ni le ciel, si noir, à peine éclairé par les étoiles et la pleine lune cachée par d'immondes nuages, serpentant comme l'orange en grondant tout ses éclairs. Oui. Tempête approchait. Alors, il soupira, déçu. Déçu de ressentir tant de peur, tant d'angoisse, tant de détresse, alors que lui, pouvait être paisible. Lui pouvait fermer les yeux sans craindre d'une menace.
Dormiraient ils cette nuit ? Pourraient ils manger ? Ou étaient-ils déja attrapés, torturés, agonisant dans les sanglots et la chair ?

Il frémit.
Et puis, un clapotis dans l'eau se fit. Là. Soudaine. Rapide. Si fugace qu'il lui semblait avoir rêvé. Un insecte peut être ? Non, pas en mer. La pluie ? Non, trop lointaine, il peinait à entendre rouler le tonnerre approchant. Un poisson ? Si proche de la berge, cela aurait été du suicide. Alors quoi ? Quoi, dans ce monde pouvait réaliser ce petit éclat d'eau, ces cercles concentriques ?

Rien.
Car cela ne venait pas de leur monde.

Il sursauta.
Et, comme soudainement réveillé par toute cette peur, il se retourna, cherchant de l’œil une branche, une planche, qu'importe. Et quand il en trouva une, d'un arbre brisé, emporté par la marrée, il l'arracha, l'utilisant comme un bâton de belle ampleur. Il gratta le sol de ce stylo improvisé, quelques lettres, qu'il espérait visible dans ce miroir sanglant.

3 = OK

Satisfait, si l'on pouvait nommer ce bref sourire "satisfaction", il accourut vers la berge, pénétrant dans l'eau glacée jusqu'au coudes et genoux, laissant son écharpe se laver du sable et du sang accumulés lors du combat. Son torse pulsait, de par la morsure glaciale sur son poil, et de son coeur vibrant, paniqué, inquiet, guidé uniquement par cette peur qui le noyait.
Et d'un ample coup, il frappa la surface de l'eau trois fois, pour créer de semblables impacts. Téléphone arabe de la nature, il cherchait à communiquer, par tous moyens. Si le chant ne marchait pas. Si la pensée ne marchait pas. Peut être que le visuel fonctionnerait ? Etaient-ils dans une bulle fantôme, sourde à leurs complaintes ? Ou dans un miroir, renvoyant leurs propres émotions ?

Loup-bleu-qui-danse est bien trop nerveux.

Agité dans tous les sens, tandis que la pirate l’observait la tête penchée sur le côté. Loup-bleu-qui-danse fait des choses insensé, à se demander qui était le plus fou entre lui et Celui-qui-mange-sans-fin. Voilà que maintenant, il fonçait dans l’eau, se servant d’une branche comme aide… Lewis devait-elle en rire ou en pleurer ? Ne connaissait-il pas les dangers de l’océan ? Maintenant il faisait du bruit, de plus en plus, tapant trois fois violemment. La pirate ne bougea pas, observant un moment, avant qu’un croassement ne vienne la distraire. Une grenouille se tenait là, tout près, croassant doucement. Un sourire en babine, l’adolescente se pencha sur elle, juste à temps pour lui asséner un de ses « baisers magiques » qui contraindrait le reptilien à demeurer à ses côtés… du moins jusqu’à la fin de sa brève vie. C’était la combien à présent ? Quinzième ? Vingtième ? Bah, au bout d’un moment on ne comptait plus…

L’idée de loup-bleu-qui-danse ne semble pas stupide. Loin de là même. Mais avait-il tout compris ? La mauve s’approche du casque à plume laissé sur le sable, le reniflant sans la moindre gêne. L’autre corneille n’était plus là pour s’en plaindre de toute façon. C’était ici, qu’ils avaient disparu… Hum… Poe coasse, suivant sans vraiment comprendre. Lewis remua sa queue recourbée, un sourire aux babines, avant de se poster au-dessus du casque, ouvrant grand sa gueule pour laisser plus que jamais sa voix porter.

(Lancé de dé)

« — Entends Créature sans faim
Le bleu réclame sa propre fin
Parce qu’il pense danser
Alors qu’il ne fait que s’enfoncer

Entends Crève-la-faim
Ce n’est point l’heure de la fin
Reviens donc assaillant
Car l’heure est venue de devenir défaillant »

Chanté sur un air de « marin riche et sans peur », cela attirerait probablement Celui-qui-mange-sans-fin. Après tout, qu’est-ce qui l’empêchait de revenir ?

Silence

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Mais personne ne répondit. Ni d'écriture sur le sable humide. Ni de tapotement dans l'eau, aussi anarchiques et bourrins fussent les siens. On aurait dit un chien fou, heureux de son bâton. Ou un crétin un peu attardé trouvant rigoler le fait de faire du bruit sans queue ni tête. Bref. Il passait pour un débile.
Probablement parce qu'il l'était.

Alors, dépité, il sortit de l'eau sous la comptine sordide de la louve, murmurant pour lui même ô combien elle devrait fermer sa gueule car la prochaine fois il la laisserait se débrouiller seule face à la vermine d'outre-monde.

Mais rien ne semblait vraiment agir.
Pourtant, il sentait toujours la même, et même bien plus, en ces lieux.
Mais ici, seul le dépit semblait s'amuser comme un roi sur son royaume luxuriant de vide, de néant. De rien.

Putain, il ne se passait vraiment rien.

- MAIS PUTAIN ON SAIT QUE VOUS ÊTES QUELQUE PART ALORS RÉPONDEZ BORDEL !

Il avait explosé, sa voix résonnant d'entre les vagues. Colère. Inquiétude. Un mélange d'énervement et de lassitude qui fusait dans sa gorge comme une menace tonitruante. Il voulait les savoir en vie. Il voulait les savoir en sécurité. Et si ça ramenait l'autre noiraud, et bien soit. Peut être pourrait il ouvrir de nouveau sa brèche sur le monde rouge et ainsi permettre une sortie de secours aux comparses de mésaventures. Il fallait juste qu'il vienne. Qu'ils le retiennent le temps de passer. Qu'ils ne crèvent pas. Et qu'ils lui déboitent les genoux -et facultativement, la gueule- pour éviter qu'il ne revienne.

Un plan simple, non ?

Loup-bleu-qui-danse ne sait pas demeurer calme.

Lewis remua le bout de sa queue recourbée, cherchant à comprendre comment fonctionner le lien entre leurs deux mondes. Concentre-toi, après tout, ce n’est probablement pas sorcier. Les yeux de la mauve finissent par se poser sur la limule que sa compatriote pirate avait laissé derrière elle avant de disparaître. Se désintéressant du casque à plume, la Raeder s’approcha de l’animal, posant doucement ses pattes dessus. Poe la suit en croassant paresseusement, sur quel genre d’amphibien était-elle tombée encore ? Si le casque de la solitaire n’avait pas donné grand chose, peut-être que l’objet de Limule lui…

(Lancé de dé)

Fermant les paupières, l’adolescente fronça les sourcils, signe de concentration chez elle. Tentant de mieux percevoir ce monde de rouge et de noir. Celui-qui-mange-sans-fin est là, en compagnie d’autres loups. La pirate reconnaît Limule, bien ! Au moins était-elle en vie à défaut d’être en sa compagnie.

« — Limule, vas à l’intérieur de lui, comme Celle-qui-se-tient-tranquille-dans-la-mort. Évides-le. »

Ses paroles parviendraient-elles jusqu’à la louve blanche ?

Silence

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Mais rien ne se fit. Là encore, rien. Toujours rien. Décidément, c'était tout ce dont Yersine était capable. Bon à rien, mauvais en tout. Quelle plaie, pour lui comme pour les autres. Pourtant, au fond, il sentait que ses pensées qu'il avait tenté de garder calme, ses visions, ce monde qu'il avait fait bouger, avait peut être, quelque part, tout au fond des victimes de la goule, marqué une braise dans l'obscurité.

Ils se battaient.
La peur avait cédé sa place à la colère. Au déni. A l'envie de rentrer chez soi.

Et tandis que la jeune femelle dictait quelques ordres, comme évider le monstre pour l'utiliser comme portail, Yersine, lui, resta pantois. A quoi pouvait il bien servir ? Il n'avait aucun lien, contrairement à la pirate, avec l'une des victimes. Pourtant, lui aussi désirait que tous rentre chez soi. Que tous revienne, d'entre les mondes. Sains et saufs.

- Allez, vous pouvez le faire...

Son murmure se perdit dans le claquement des vagues. D'une griffe, il toucha la perle que Yurai lui avait confié, avant d'y apposer finalement la patte toute entière. Il ferma les yeux, comme une prière anonyme, cherchant à la fois à connecter son monde avec les dieux et les disparus.

- Yurai... J'ai besoin de ta sagesse pour les guider. Éclaires les de tes ailes, eux qui se battent désormais pour leur destin. Fais leur voir notre monde, leur maison ; ceux qui les entendent, qui les attendent, et qui espèrent. Donne leur ta force. Donne leur l'espoir. Moi qui suis venu te voir pour unir de nouveau notre Famille, je t'en conjures... Aide-les.

Il chercha à se concentrer sur ce lien infime que la déesse avait tissé pour lui, cette perle qui était censé briser le dôme pour le laisser passer, lui, et uniquement lui. Cette perle qui, si elle pouvait ainsi détourner la puissance d'un dieu, pouvait peut être ouvrir un passage. Forcer le continuum espace-temps à s’ébrécher. D'une poigne juste sur l'artefact de mauve, forte de conviction mais douce de compassion, il fixa le point sur le quel l'avatar de l'ombre s'était faufilé.

- Montre leur la voie.

Et que nos prières retournent à terre.

Tu le ressens n'est-ce pas ? Le fait de savoir que ton message a été porté, que Limule t'a sûrement entendu. Le message était davantage dirigé à l'intention de la bête, aux pulsions bien plus violentes, mais c'était déjà une petite victoire. Celle-qui-se-tient-tranquille-dans-la-mort avait évoqué en ta présence la sensation de sécurité qu'on ressentait à l'intérieur... Pourquoi cela serait-il différent avec Celui-qui-mange-sans-fin ?

Loup-bleu-qui-danse a prié, visiblement si fort que quelque chose semble se passer de l'autre côté. La pirate l'observe intriguée. Le solitaire quémandait l'aide d'un dieu, dans ce moment d'obscurité. La fois des continentaux était-elle si forte ? De l'autre côté, les choses semblent bouger, l'un d'eux a trouvé une lumière, forte. Étais-ce la porte de sortie pour ceux bloqués dans cet univers de noir et de rouge ? Dans ce cas, Lewis devait continuer à essayer de réouvrir le portail, même si cela voulait dire faire revenir Celui-qui-mange-sans-fin. Ses yeux se posent sur le solitaire.

« — S'ils ont pu sortir, pourquoi nous ne pourrions entrer ? »

(Lancé de dé)

L'enfant se tient juste à l'endroit où avaient disparu la créature en emportant les loups présents. Serrant le limule entre ses crocs, prenant soin de ne pas le briser, l'enfant posa sa patte dans le vide, à l'endroit où avaient disparu les autres.