La traversée à marée basse [Libre]

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F A E I

Il s'avère que les hormones pouvaient bien rendre une femelle désagréable. Ann se rendait compte depuis quelques jours qu'elle était étonnement tendue et avait une tendance à la réplique cinglante plus prononcé que d'habitude. Si elle n'était certaine de rien, elle ne pouvait s'empêcher d'espérer avoir raison. En attendant, elle était plutôt de mauvais poil et avait décidé de se cacher sous un tas d'algues sombres afin de n'être dérangée de personne. Hors, évidemment, la tranquillité ne dura pas alors que des bruits de nage dans l'Océan trop doux attirèrent ses oreilles. Elle redressa très légèrement le museau, silhouette noire sous une couverture d'algues brunâtres et sombres. Un parfait camouflage pour voir débarquer sur l'île des pirates cette jolie louve au pelage mêlant cendre, charbon et braise. A son côté, une dague non dissimulée. Ann dévoila des crocs parfaitement blanc, mais se contenta silencieusement d'observer la supposée menace. Jusqu'à ce que la nouvelle venue se transforme en attaquante.

« Que lui veux-tu ? »

Gronda la sorcière en se relevant d'un bond avant de s'ébrouer vigoureusement pour se débarrasser de sa cachette en lambeaux visqueux. Non mais elle débarquait comme une fleur la belle femelle, et demandait après SON Abysse ? Et puis quoi encore. Ann était bien contente d'avoir été là pour la voir arriver, et d'être celle qui la ferait débarquer aussi vite vers le continent -ou la mer, qu'elle s'y noie- pour qu'elle n'ai rien à faire avec son mâle. Elle venait enfin de le conquérir, et elle ne comptait paslaisser une pimbêche le lui voler si vite.

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Oh qu'elle aimait sentir la peur dans les embruns que lui apportait la mer. Oh qu'elle se contentait de cet air effrayé chez la nouvelle venue. Un large sourire moqueur fendit les babines de la noiraude. Elle s'ébroua à nouveau, cette fois ci dans un véritable concert de tintement et d'entrechoquement de bijoux en tout genre. Bien que de petite taille, Ann se hissant sur le bout des pattes pour s'imposer plus encore. Ses prunelles a la couleur de sang ne quittèrent pas un instant la femelle tricolore qui chercha une bien piètre excuse. Enfin... C'etait probablement la vérité. Cetait bien le genre du loup qu'elle aimait d'inviter tous les banquignolles du coin sur Morne-Oeil. C'était une des raisons pour lesquelles elle l'appréciation tant d'ailleurs. Se pourlechant les babines comme le ferait un cannibale, elle rétorqua, goguenarde :

« Les interdits ne sont-ils pas fait pour être broyés de toute façon ? »

Menace en l'air bien sûr, Ann n'était pas celle qui pouvait, avec sa force de concombre de mer, fait du mal a qui que ce soit. Elle avait par contre bien d'autres tour dans ses manches la petite Maîtresse des Rituels. Son attitude se radoucit, et elle se contenta de se faire plus accueillante, avec un rictus moins mauvais. Ses yeux se plissèrent même, amusés.

« Pardon je manque a mes devoirs. Un petit apero de bienvenu ca te tente ? Je suis Ann. »

Elle se garda bien de faire mention de son statut. Ça aurait pu mettre la puce à l'oreille de l'autre que son sourire était plein de fourberie.

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Ann entendit elle aussi la queue reptilienne du fils d'Abysse frapper le sable. Elle detourna finalement le regard pour observer son Capitaine ramener sa fraise dans un demi-sourire railleur. Elle le laissa prendre sa place de chef, s'imposer tandis qu'elle s' asseyait tranquillement et farfouillait sa sacoche. Malgré ce désintérêt visuel, la sorcière ecouta les quelques mots échangés. Même sans regarder, elle savait l'incofort et l'angoisse montante chez la femelle. C'était très amusant de voir Chimaera l'effrayer plus encore. Lorsque la femelle frisée avoua être seule et qu'elle comptait repartir, la noiraude éclata de rire. Comme s' ils allaient la laisser fuir comme ça!

« Pour que tu nourisse les poissons ? Ce serait idiot. »

Elle croyait berner qui ? On ne partait jamais a marée montante, ça les Raeders pouvaient le dire. Dans un haussement d'épaules, la petite sorciere sortit de son sac quelques macros fumés aux herbes. Elle en jeta un a la louve, puis au mâle avant de croquer, déjà, dans un troisième.

« Repose toi donc un peu. La tempête se lève et l'Ocean seul sait combien de temps ça va durer. »

Puisque Chimaera était là pour gérer, la Maîtresse des Rituels n'avait plus qu'à passer du bon temps et ne plus se préoccuper du sort de la solitaire. du moins faisait-elle semblant, car ses sens restaient en alerte. Sa faim s'apaisa avec cet encas et elle pu se libérer d'un peu de mauvais humeur. Enfin tant que l'autre ne mentionnait plus son Abysse. Laissant le Capitaine s' amuser au dépend de la femelle, Ann décida d'ailleurs d'écouter l'Océan pour déterminer quand l'orage éclaterait vraiment.

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F A E I

Son regard sanguin pétilla de malice alors qu'elle souriait à Edessa, narquoise.

« Oui mon Capitaine. Elle aura tooooute mon attention. »

Elle se moquait bien entendu également de Chimaera, un petit peu, en forçant le ton soumis. La sorcière lui avait voué allégeance, mais cela ne faisait pas d'elle une membre d'équipage docile et silencieuse. Elle serait toujours l'une des premières à rire et jouer aux insubordonnées. Puis, alors que le loup hybride s'en allait pour sans doute aller passer ses nerfs ailleurs, débarquant avec une bonne humeur très contrastante avec son fils, Abysse fit son entrée en scène. Remarquablement maladroite, adorablement maladroite. La noiraude pencha la tête en l'observant, un tout autre type de sourire fleurissant sur son museau. Comme il n'avait rien, elle le laissa venir jusqu'à eux sans se lever. Après tout, il serait de mauvais ton de laissé la possibilité à l'adversaire de trouver une faille dans la surveillance, non ? Toutefois son air attendrie fût de très courte durée, en voyant le mâle vert déposer un petit coffre au trésor aux pattes de la nouvelle-venue. Son regard vide pupilles s'assombrit, prêt à brûler vive celle qui osait être la cible de l'attention du mâle qu'elle avait espérer avoir conquis. Visiblement ce n'était pas le cas. Ann serra les crocs mais répondit avec une tendresse volontairement exagérée au geste d'Abysse. Elle se frotta tout le long de son côté, sans cesser de fixer l'autre louve, droit dans les yeux. Abysse était sien, et elle ne permettrait à personne de le lui voler.

« T’écharper ? Ça ne nous servirait à rien, il n'y aurait alors plus rien à utiliser. Non, vraiment pas malin. »

La sorcière ricana, mesquine. Si elle avait pu s'adoucir et offrir le bénéfice du doute à l'inconnue, le présent du Second venait de ruiner bon nombres de ses chances de sympathie. Oui, ils pourraient plutôt la dépecer pour tanner son cuir, la dénerver pour utiliser tendons et nerfs en lanière, sa tête sur une pique, et ses pattes et oreille en guise de porte bonheur, sa queue en décoration touffue. Oui, vraiment il y avait de quoi faire. C'est finalement un rictus carnassier qu'offrit la Maitresse des Rituels à Edessa, tandis qu'elle vint se coller contre le poitrail d'Abysse en ronronnant.

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Voilà qu'après avoir gronde contre Abysse, la nouvelle venue baissait le ton, tout radoucit. Quelle inconstance, quelle girouette. Comment croire un visage a tant de masques en si peu de temps ? Ann ricana plus fort.

« Bouh les vilains pirates !! »

Elle accostait sur leur île maison, dans leur intimité, l'air de rien et croyait qu'on lui sortirait le tapis rouge ? Mais si accueil de princesse elle souhaitait Edessa, la sorciere serait ravie de l'emmener voir le beau fond marin aux coraux multicolores. Pour l'y laisser se noyer. Son chemin de pensée revint vers la petite boîte au trésor et sa curiosité lui rongea les entrailles autant sur ses hormones en ébullition. D'un oeil avide, elle regarda son beau mâle vert enterrer son présent. Peut-être pourrait-elle le récupérer une fois la nuit tombée ? En attendant elle se refocalisa sur l'autre louve avant de se lever d'un bond et de s'éloigner pour aller préparer ses affaires : qui disait orage disait forte concentration de force et d'énergie dans l'air, idéal donc pour quelques sortilèges. Et puis c'était l'invitée d'Abysse après tout, il n'avait qu'à se debroiller avec, elle surveillerait de loin, puisque promis au Capitaine. Ce n'est pas comme si elle pouvait fuir ou se cacher ici de toute façon.

« Si tu me cherche, je serais dans mon antre : lumieres bleues et odeurs d'epices. Je reviendrais quand la colere de l'Ocean se dechainera. »

Même si la femelle etait persuadée que jamais elle n'aurait besoin de chercher la Maîtresse des Rituels, tout le monde sur morne-Oeil passait par sa grotte une fois ou l'autre, même les invités, et pas pour boire un coup de rhum damné. On avait toujours un service a demander a la noiraude. Toujours.

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F A E I

Et il éclata l'orage. Dans un craquement violent, un éclair déchira les cieux et illumina les nuages sombres amassés au dessus des têtes. Le tonnerre roula si fort et les vagues se gonflèrent tant qu'on pu sentir les vibrations des courants sous-marins frappant les racines de Morne-Oeil sous les coussinets. Un nouveau éclair fendit le ciel déclencha la pluie, drue et froide. Voilà que comme promit, Ann revint, une sacoche pleine de bric-à-brac à son flanc. Du haut de sa colline, elle leva la truffe et hurla pour répondre au déchaînement des éléments. Qu'est-ce qu'elle pouvait aimer ce genre de démonstrations brutales et sauvages de l'Océan. Surtout à un moment aussi opportun : une nouvelle tête à effrayer sur l'île. La sorcière jubilait, c'est donc dans un grand sourire qu'elle revint vers Abysse et Edessa. Quelques secondes d'une pluie battante et déjà, ils étaient tous trempés, dégoulinants d'eau salée.

« Jour de bain ! »

Elle ricana la noiraude, puis les laissa un instant, le temps de récupérer dans une petite bouteille en verre rouge et fumé -trouvée dans la carcasse à l'occasion d'une exploration tranquille- quelques larmes de colère de l'Océan. Puis elle bouchonna sa fiole et revint vers la femelle frisée et son beau mâle adorée. Ann fouilla dans son sac et en sortit un bloc rectangulaire, d'un gris fade, et sans odeur -encore une trouvaille, sur Navire cette fois-. Elle frotta vigoureusement ses pattes dessus et une mousse blanche gonfla entre ses pattes. Dans un sourire malicieux, elle donna son savon aux autres et commença a frotter son poil rêche un peu partout. De temps en temps, une bonne douche permettait de désincruster le sable de son pelage et de redonner un peu de douceur à sa robe sèche et abimée par le sel au quotidien. Et puis, elle avait besoin de se purifier pour son rituel prochain, alors c'était d'une pierre deux coups, lié l'utile à l'agréable !

« Ca ne se mange pas ! Vous seriez malades ! »

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F A E I

Il n'y avait plus qu'amusement dans les prunelles sanguines de la louve, pourtant les éclairs les faisaient étinceler de telle façon qu'on aurait pu penser que s'enflammaient les iris rouges. Sans doute à cause de l'absence de pupille ? Allez savoir. Au milieu des coups de canons du tonnerre et du fracas des vagues, la petite voix d'Edessa parvint aux oreilles de la sorcière qui releva le museau vers elle et la contempla. Elle avait l'air à sa place, la louve bleu et rousse zébré de blanc. Dans la pénombre de l'orage, son masque et ses stries pâles ressortaient de manière surprenante. On aurait pu croire à un squelette ambulant un peu difforme. Une fois pleine de mousse, Ann s'ébroua vigoureusement plusieurs fois pour enlever le surplus et resta sous la pluie pour être rincée à grande eaux pendant plusieurs minutes.

« Ça sert à retirer les parasites et odeurs du continent, et les grains de sable de ton pelage. Oh. Et à rendre le poil doux, tant qu'à faire. »

La petite sorcière haussa les sourcils puis leva le museau vers le ciel noir pour apprécier la pluie sur ses joues. Une manière de se purifier le corps et l'âme pour la Maitresse des Rituels, quand elle avait été en contact trop fréquent avec le monde extérieure à l'île. Et puis, cela faisait du bien à son poil rendu rêche par le sel marin. De même cela lui permettrait de remettre un tout petit d'ordre dans sa tignasse encombrée et emmêlée. Pas trop non plus car elle appréciait trop l'air farouche que cela pouvait lui donner. Une fois parfaitement lavée et le poil gorgé d'eau, elle se releva pour aller voir Abysse et passer sa truffe contre son museau, avec tendresse. Cette fois sans prendre la peine de jeter un regard à l'autre. Elle le voyait peu à l'aise sous la tempête, et savait très bien qu'il était plus loup à apprécier les journées chaudes.

« Tu viens te réchauffer ? Un feu est prêt à être allumer dans la grotte. »

Elle attendit, voir si son amour de loup abyssal suivait, et jeta un regard en coin à Edessa. Préférait-elle aussi l'accompagner plutôt que de rester seule sous la pluie ? Comme Ann ne parvenait pas encore à vraiment jauger le caractère de la femelle et ses capacités, elle était curieuse d'en apprendre plus sur l'intruse.

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Ann ne broncha pas, elle estimait avoir suffisamment fait peur à l'autre louve pour la faire cogiter avant de tenter quoi que ce soit ici. Et même si voir le loup vert aussi joyeux avec une autre femelle l'a rendait amère, elle savait que ce n'était là que l'expression du caractère doux et sympathique de celui qu'elle aimait. C'était justement ça qui lui plaisait tant chez lui. Elle avait juste du mal à accepter de partager, maintenant qu’elle avait gagné un peu de son affection. Sans se départir d'un petit sourire de connivence, elle se retourna pour marcher tranquillement jusqu'à la fameuse grotte de la Maitresses des Rituels dont l'entrée étaient gardées par des crânes de loups, plantés sur piquet et aux orbites vides que les torches turquoises rendaient presque vivantes. Sans changer de rythme, la petite sorcière entra et s'enfonça dans la partie plus en pénombre où étaient rangés ses herbes, ses bouteilles, pots et ustensiles. Tranquillement, elle s'affaira à préparer ses ingrédients, tandis que se réchauffait les deux autres. Peut-être même que d'autres pirates les rejoindraient pour rire au coin du feu et fuir l'orage grondant. Qui savait quelle rencontre pouvait rendre possible la terrible colère de l'Océan...

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F A E I

Elle les aurait bien laissé bavarder, la petite sorcière -non-, mais entendre la question de la femelle frisée la fit rire. Ils étaient maudits par leur sang les premiers Damnés, et pouvaient effectivement proposer à ceux que la vie au large appellerait de boire à la fontaine maudite le rhum au goût dit âcre et à l'arôme trop frelaté. Pour les maudits au contraire, la boisson devenait divinement exquise et réchauffait le palais comme le cœur parce que leur âme pulsait à l'unisson de la malédiction qui les possédait déjà. Si on avait mis sous la truffe d'Edessa de quoi la noyer dans les mêmes entrailles fétides de la punition de Pontos, elle l'aurait senti bien avant d'y mettre la langue. N'avait-elle aucun odorat ? Aucun goût pour sentir si on lui proposait quelque chose de normal ou non ? Bon... Il était, certes, certains poisons indécelables dans la nourriture et qui pourtant pouvait vous embraser le corps, ou vous liquéfier les boyaux. Peut-être avait-elle raison, l'étrangère, de se méfier ?

« Une lampée de rhum pourrait bien te mener aux tréfonds des enfers. Mais ne ne saurions te forcer. »

Une voix mielleuse, un ton moqueur, et les épaules secouées par un rire mutin, Ann transvasa quelques ingrédients d'un pot à un autre avant de les écraser à l'aide d'une pierre sombre dans son récipient.