Mountain to move — Agathe

C’était agréable de voir doucement la vie reprendre dans le gouffre. Ce qui fut à un moment son foyer, avant que tout ne dérape. Une certaine nostalgie dans le regard, alors que Leikn ne peut oublier les moments passés avec Teddy, les enfants. Ceux recueillis, avant que leurs filles de sangs ne viennent au monde. Des enfants qui aujourd’hui n’étaient plus ici, mis à part la petite Nugget. Ils avaient tous grandi si vite… et certaines parties trop vite.
Tu pouvais pas t’empêcher de te sentir responsable quand même, parce que ces filles tu les avais vu grandir, t’avais tenté de les protéger, même quand Méluciole détruisit le temple de Moiro, ça restait quand même des enfants auxquels tu t’étais attachée, comme si ils avaient été les tiens. Puis ils étaient partis.
Leikn posa le petit sac de jute à ses pattes qui semblait bien chargé. Plusieurs mois auparavant, elle avait commencé avec Onyx à orner le temple d’Ao de diverses plantes, mais n’avait pas pu allée jusqu’au bout de ses idées. Le figuier qu’elle avait espéré planter en haut de la cascade avait dû être planté autre part. Cette fois, la Licorne comptait bien mener à bien sa mission.
Mais avec sa frêle carrure et l’âge, c’était un peu fatiguant ces trajets. Aussi, elle préférait ne pas s’y rendre seule… et elle comptait bien demander à sa fille de l’accompagner.

« — Agathe ! »

Le ton joyeux, alors qu’un sourire étire les babines de l’ancienne Lazulis.

« — Je te cherchais justement, ça te dirait de me filer un coup de patte ? »

Loin de tout ce monde.
Pour accomplir une tâche bien particulière.

Ah, bon déjà le temple d’Ao ce serait pas pour aujourd’hui. POUR CHANGER UN PEU. Pas comme si ça faisait deux fois que tu tentais de le planter là-bas ce figuier, m’enfin. Ao pourrait attendre, elle était immortel (et répondait pas toujours quand on la sonnait m’enfin ça c’était un autre point). Agathe, c’était plus important. Déjà que le poulailler ça l’avait pas vraiment branché à cause de ses convictions, pour sûr que la p’tite aventurière et voyageuse qu’elle était n’apprécierait pas forcément de faire un présent à un dieu.
Pourtant, la Licorne choisit de ne pas lui mentir sur son objectif de base, parce que ça, ça n’aurait vraiment pas été cool de sa part.

« — J’avais l’intention de le planter près du temple d’Ao… » La Licorne marque une pause en souriant. « … mais tu as eu une bien meilleure idée. Le gouffre manque cruellement d’arbres, notamment fruitiers. »

Fallait bien s’adapter de temps en temps. Puis bon, il est clair que si c’était ici que ses filles voulaient s’installer (ça semblait bien parti en tout cas), elles allaient pas pouvoir compter sur la chasse pour se nourrir. Faut dire que c’t’endroit il avait jamais été particulièrement riche en fruits… mais pas grave, vous pouviez remédier à ça toutes les deux. Au moins comme ça, Leikn pouvait se dire que les filles ne mourrez pas de faim.

« — On pourrait trouver ensemble un endroit où planter ce figuier ? Puis pourquoi pas chercher quelques arbrisseau comme des myrtilles ou des groseilliers. »

Devait bien y’avoir ça dans le coin, en cherchant un peu. La solitaire donna un petit coup d’épaule taquin à sa fille (bon ok si Agathe faisait la même chose, Leikn elle se faisait envoyer valser vu la différence de carrure et de force).

« — Ça te tente ? Avec un peu de chance on aura même de quoi grignoter un peu au passage. »

Un clin d’oeil. Leikn savait que ses filles étaient particulièrement friandes de… bah de tout ce qui se mangeait en fait. Surtout les fruits. Enfin elle espérait ne pas s’être trompée…

Bon ok, peut-être que se montrer aussi sincère, ça avait été une erreur. Leikn voit bien la réaction de sa fille. Parler des dieux, c’était niet. M’enfin ça ne dure qu’un bref instant, Agathe sourit et semble quand même accepter la proposition. Boh, le temple d’Ao n’était vraiment plus à deux ou trois tentatives près.
C’est sûr que niveau ombre, si le figuier poussait bien y’aurait de quoi faire.

« — Oui ! Puis t’imagines, des p’tites tartes à la myrtille ? »

Y’avait tellement de choses faire avec les figues ! Déjà Agathe se saisit du figuier (bon vu les articulations de Leikn elle allait clairement pas chipoter) avant de demander où le placer. Hum.

« — En plein soleil ! Un endroit un peu l’abri du vent aussi. Viens on va bien s’trouver ça. »

Le genre d’endroit qui ne serait franchement pas compliqué à trouver.
C’était pas forcément aux oiseaux que Leikn avait pensé aux premiers. Parce que bon une p’tite gamelle repas, c’était rien sans quelques baies et fruits. Faut dire que si la Licorne n’avait rien contre les oiseaux qui pouvaient venir chiper quelques fruits, bon, le but c’était quand même que ça puisse servir aux membres du refuges.
M’enfin, elle choisit de ne pas contrarier sur sa fille.

« — Tu as l’air de beaucoup aimé les oiseaux, il y a une raison particulière ? »

Une pointée curiosité dans la voix.
Au moins ça la changeait de Prudence et sa passion serpent ou bestioles qui de bases ne sont absolument pas fréquentables (ces gamines allaient te tuer un jour quand même).

Bon d’accord pas de petites tartes, le genre de truc où fallait se mettre à dix dessus pour la finir, hein ? (En espérant que t’as pas le même talent que Dame Séli pour faire des tartes parce que dit donc…).
Un sourire taquin aux babines.

« — Hé, j’ai pas parlé de tartelettes non plus ! »

Face à l’enthousiasme d’Agathe, la queue de la Licorne remue.
Lui semblait que cela faisait des années qu’elles n’avait pas été aussi proche… C’était peut-être le cas après tout ? Leikn ne se rendait plus vraiment compte, mais avait bien l’intention de rattraper le temps perdu avec sa fille.
À la réponse sur les oiseaux, la disciple d’Ao se montre attentive, pour comprendre au mieux les pensées de l’aventurière.
Un sourire.

« — C’est vrai, les oiseaux jouissent d’une liberté qu’on ne peut qu’envier. Entre nous, j’admets avoir toujours admiré les ailes de ton père, même si bon lui c’est clairement un faux pégase. »

Un rire.
Après quelques instants de marche, Leikn s’arrête, fermant ses paupières. Une partie du gouffre empêchait le vent du nord de passer et l’endroit était parfaitement exposé au soleil.

« — Ici, ça me semble bien. »

Un figuier n’aurait aucune peine à se développer ici.
La médecin se tourna vers sa fille, lui touchant la joue de la patte.

« — Ce n’est pas impossible que tu puisses obtenir des ailes un jour. »

Par magie.
Mais même sans l'aide des dieux tout était possible… après tout, Prudence s’était bien réveillée enfant avec une paire d’ailes (ça avait été vraiment insupportable de la surveiller).

« — Crois en tes rêves ma puce, et ils finiront par se réaliser. »

« — Oui, parfaites pour impressionner la galerie, comme il aime le faire ! »

C’était un pouvoir qui lui correspondait bien au Bélier, certes avec certaines contraintes (la flotte dans la savane on s’en souvient hein), mais qui permettait tant de choses.
Leikn laisse sa fille analyser le terrain, puis la regarde creuser. La Licorne aide, bien que cela soit moins efficace qu’Agathe. Elles n’avaient pas la même force, pas le même corps. L’un frêle, l’un massif. Les oreilles s’agitent légèrement lorsque la fille exclut une aide extérieure pour réaliser ses rêves. Peut-être que la bibliothèque des Nakhus aurait pu la renseigner… peut-être aurait-elle pu demandé à plus expérimenté ?
Si solitaire… comme je l’étais au début, en arrivant sur ces terres.
Des débuts compliqués, la faim avait failli avoir eu raison d’elle plus d’une fois, l’envie de rentrer chez elle avait pris le dessus dans son esprit pendant de longues années. Puis elle avait trouvé une raison de rester. Un trèfle. Une famille. Plongée dans ses pensées, la Licorne conserva le silence, avant de se reconcentrer sur la tâche quand sa fille prend une fois encore la parole.
Un sourire amusé.

« — Hervé ? »

Un nom étrange pour un figuier.

« — C’est parfait, regardes comme il va être bien là. »

Avec douceur, la disciple d’Ao saisit le figuier pour le placer dans le trou.
Un instant, Leikn ferma les paupières, ses coussinets touchant le petit arbre, avec lui, elle ne pouvait utiliser son pouvoir pour savoir comment il se sentait, mais son instinct lui disait que le figuier serait bien ici.
Toujours en souriant, elle remit doucement de la terre pour garder les racines à l’abri.

« — Ça fait bizarre de donner une seconde vie à cet endroit, je pensais… qu’après tout ça, ça resterait un lieu oublié. »

Maudit par la colère de Mido.
Abandonné par Moiro.
Hantée par la tristesse d’Ao.

Sa fille insiste pour ce nom, d’accord. Leikn n’a pas vraiment d’arguments contre de toute façon, c’était un arbre, rien de plus, qu’importe comment il était appelé. Figuier, Hervé. Au moins ici, il serait bien et d’ici quelques années pourrait offrir une quantité de fruits suffisamment intéressantes pour ceux qui le désiraient.
Agathe est une louve positive. La licorne est heureuse de voir sa fille avec cette vision des choses… mais elle n’oublierait pas ce qui s’était passé en ces lieux. Ni sur ces terres. Avant aussi, les Lazulis s’investissaient, avant d’être cloisonné sous un dôme, de ne plus pouvoir attraper de proies… avant d’avoir la visite de ces abominations à grand sourire.
Une patte qui effleure les cheveux d’Agathe avec douceur.

« — Des fois il vaut laisser certaines choses oubliées… s’effacer. »

Une brève pause, alors qu’elle repose son regard sur sa fille, un sourire aux babines.

« — Seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra de ce lieu. »

De ce que vous en ferait.
Quand nous, les derniers Lazulis ne seront plus ici.
Parce qu’ils étaient vieux les derniers maintenant. Teddy, elle… Anianka. Peut-être en oubliait-elle, mais quelle importance ? D’ici quelques années ils ne seraient plus qu’un souvenir.
Et cette idée n’effrayait absolument pas Leikn.

Aux mots concernants l’alcool, la disciple d’Ao adopte une expression faussement indignée.

« — Hé ! C’est dans un but médical ! Même si mon collègue ne semble pas très emballé par cette idée… je ne suis pas sûr que boire améliore le sien de caractère. »

Elle avait dû tomber sur le plus grincheux du lot… hum…
M’enfin, le figuier étant planté, elles avaient terminé leur travail ici. Leikn invita sa fille à la suivre.

« — Allez viens, on va trouver quelques baies pour notre goûter ! »