Un conte de loups, de rêves et d'épées | Bastione

L'aube pointait aux Monts Célestes, rose et lumineuse. Le ciel dégagé offrait au paysage un plafond de couleurs douces et de nuages de coton qui attendaient la venue du levant. La froideur de la nuit avait laissé place à un camaïeu pastel dans lequel se déroulaient les blanches mains de la brume matinale. Cristalline se fondait dans difficultés dans ce tableau avec son pelage sable et ses cheveux clairs. Elle allait d'un pas faussement tranquille dans les herbes brillantes de rosée, comme si elle flânait.

En réalité, son coeur battait la chamade, alors que sa truffe se relevait de temps à autres pour suivre l'odeur ténue qui s'était inscrite dans l'air depuis quelques temps déjà. Une odeur de fumée, mais bien plus que cela également. Le parfum d'une quête enfin accomplie. Elle se sentait presque fébrile maintenant que cet instant, qu'elle avait tant attendu et imaginé, se profilait enfin. Il lui en avait fallu du temps pour devenir cette nouvelle version d'elle-même et trouver celui avec qui elle avait partagé cet incroyable déclic. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, elle était fragile, incertaine, un électron qui flottait sans but dans le monde au milieu de tous les autres.

Toute son attitude aujourd'hui suffisait à voir combien les choses avaient changé en l'espace d'un rêve, et de deux années. Sa silhouette ne cherchait plus à se cacher, elle se tenait sur ses pattes avec un port plus assuré, plus altier. Ses cheveux étaient attachés serrés autour de la couronne d'épines et de cristaux qui se trouvait sur sa tête, aussi piquante et rutilante que l'épée qu'elle portait à son côté. son père ne l'aurait peut-être même pas reconnue maintenant.
Mais elle aimait cette nouvelle version d'elle-même.

Et il ne lui restait que ce qu'elle s'apprêtait à faire pour achever complètement cette transformation.

L'ombre d'un sourire étirait ses babines sans qu'elle puisse y faire grand chose lorsque ses pattes l'amenèrent à l'entrée d'une dépression de terrain au fond de laquelle se trouvait l'entrée d'une grotte. Le panache de fumée qui s'élevait d'un trou un peu plus haut était sans équivoque : c'était bien là l'endroit qu'elle cherchait. Elle s'arrêta quelques secondes, puis descendit vers l'ouverture. L'herbe sous ses pattes laissa place à un sol de terre et de pierre contre lequel ses griffes cliquetaient doucement. Une lueur amusée passa dans son regard lorsqu'il tomba sur le panneau orné d'un "B" ; pas de doute, c'était bien là.

Elle s'arrêta sous l'arche de pierre et laissa quelques secondes à ses prunelles claires pour s'habituer à la différence de luminosité. La chaleur de la forge caressa son poitrail en une bouffée d'air chaud, tandis qu'elle attrapait du regard une large silhouette un peu plus loin vers le fond.

"Bonjour Bastione." Lança-t-elle simplement.
Me revoici.

Hmm j'ai la tête dans l'cul. Pourquoi m'r'trouve l'ver aussi tôt ? J'sais as trop, j'crois qu'j'ai fais un drôle d'rêve. J'sais plus trop mais ça m'fait chier. M'v'là d'jà debout. J'ai eu beau m'r'tourner encore et encore dans mon lit, impossible d'r'trouver l'sommeil. Bref j'suis d'bout et j'vais dans mon garde-manger. J'prends deux trois bricoles pour ma collation du matin. J'mange en pr'nant un peu mon temps. Roth dort toujours alors j'veux pas trop l'réveiller. J'l'entends ronfler. Une fois qu'j'ai fini d'engloutit mon p'tit-dej', j'sors d'là et j'commence à bidouiller das ma Forge. J'range quelques trucs qui traînent quand j'finis par entendre une voix.

J'tourne la tête et c'qu'j'vois m'comple l'souffle. Cristalline ! Ca fait un bail que je n'l'ai pas vu malgré mes quelques passages chez les Nakhus. Elle m'semble différente. 'Fin non. Elle est différente. Ca s'voit qu'elle est plus confiante, elle s'tient plus droite. Son r'gard a beaucoup changé aussi. Et beh, la p'tiote est d'venu un sacré brin d'nana ! Elle doit en faire tourner des têtes la miss !

- Tiens, b'jour Cris !

J'lui fais signe de rentrer.

- Tu as bien changé. Tu m'sembles avoir trouver ta voie.

J'lui fais un grand sourire, l'invitant à m'r'joindre près d'la source d'eau.