Quand l'enfance s'enfuit ○ Clou'

Boîte à Clou

Et enfin, le cauchemar commença à prendre fin. Un soin, par Lymphalème qu'il observa et remercia chaudement, de sa grosse voix. Des loups purent enfin se dessiner et sortir, rejoindre leurs familles, et le Coque-mort reconnu son apprenti. Celui-ci sembla attendre quelqu'un. Cela ne l'empêcha cependant pas 'Clou de mouvoir son corps encore bandé et un peu meurtri, mais en bien meilleur état de pas les  soins qui lui avaient été prodigués. Il s'approcha du mentoré, jaugeant de ses blessures à lui aussi, le laissant le nez dans la faille. Mais protecteur, celui-ci ne lâcha pas le loup clair, qui ressortirait très probablement changé de tout cela.

'Clou aussi, probablement, peut-être bien incapable d'oublier ces yeux injectés de sang, ou de regarder un loup au pelage sombre correctement pendant un peu de temps. Il sentait aussi les marques de l'âge et que ce combat avait eu. Malgré l'endurance, il n'en restait pas moins quelqu'un qui supporterait de moins en moins bien les coups. Il secoua sa tête chauve, pour finalement souffler.

Jusqu'à ce que le pire n'arrive.

Et que la voix de sa fille ne retentisse.
Lui, près de la brèche, obéit sans questions à la voix commandante.



[9 PV - 3 END - 2 FOR ]
Dé 1 : Boîte à Clou se met suffisamment dans la brèche pour mordre le cul de Chatouille.



- - -

Anette

À peine tout cela terminé, qu'en contemplant la faille, l'Alpha avait le regard posé sur ce loup blanc et grand. Elle avait reconnu le nom, qu'elle avait entendu par Pepper. Elle associait donc qui il était, et enregistra le fait qu'il était là, dans cette meute, et enlaçait une jeune qui semblait être sa protégée. Elle garda cette information en tête, observant son père être rafistolé et partir chercher son mentoré.

Elle écouta Lymphalème, avec sérieux. Il avait raison, elle croyait pleinement en sa théorie. Ses yeux se plissèrent dans sa réflexion, son regard se perdant un instant en scrutant tous autour d'elle. Notamment l'Oracle qui semblait retrouver sa famille, les appelant avec bonheur : une scène touchante.

Mais, car il y en avait toujours un.
Le destin ne voulut par accorder à Volstein ce plaisir, car la créature se mouva et rompit ses liens qui n'avaient pas été assurés au-delà de l'ouverture de la brèche. Première erreur. Et la main fondit sur la jeune qui venait de traverser pour rejoindre son père : elle allait mourir dans ce dernier assaut de la bête dont on n'avait ôté la vie par précaution. Seconde erreur.
Elle-même se retrouva le coeur brisé quand sous leurs yeux à tous, ce fut la mère qui réagit le plus vite. On put voir la vie s'échapper de son être sur le coup, sans que rien ne puisse être fait.

Le choc traversa Anne, mais la colère de la situation la saisit d'autant plus vite. Son persona d'Alpha swticha immédiatement, propulsant dans ses veines la motivation nécessaire à ce qu'elle savait faire : commander des troupes. Elle ne se permettrait pas de réellement donner des ordres aux Nakhus, mais il allait falloir organiser la situation de crise. Et la crise, ça la connaissait, un état presque permanent de leur meute.

Alors sa voix retentit, dans des suggestions pressantes.

"CEUX CAPABLES DE SE BATTRE, AVEC MOI !" Lança-t-elle en premier. "Emparez-vous des liens s'il tiennent encore, passez la brèche si vous vous sentez assez fou pour tuer la créature ! Ou sortez-en le plus vite possible !"

Elle aboya vers Ajani et ordonna avec confiance et honneur vers le loup gris qu'elle nomma en second.

"Disciple de l'Oracle, assiste-le, regroupe les blessés et les enfants ! Lymphalème, aide à les soigner."

Elle s'adressa à la bête.

"TOI, regarde-moi, uniquement moi !" rugit-elle.

Avant de fondre sur la bête, attrapant la peau dans des crocs, dans ses griffes, de tout son corps pour devenir réellement une menotte de chaire. Les mains en moins, elle voulait l'immobiliser. Elle avait encore de la force, de la vie, pouvait prendre un coup au besoin.

Elle montrerais, toujours, l'exemple.


[13 PV - 3 FOR - 2 END - 1 AGI - 1 ING ]
Dé 2 : Anette utilise toute sa force pour stopper de son corps les deux mains de Chatouille.
[Utilisation d'un lot "J'attire l'attention" gagné au Casino pour commander la bête à la regarder.]

[TL;DR : Eva plane et observe les environs pour déceler d'éventuelles menaces.]


Eva eut un temps d'attente très, trop long alors que Daez ne se décidait pas à sortir par la brèche, son poil se hérissa même légèrement alors que son hésitation devenait plus importante. Le temps leur manquait, mais elle ne se voyait pas non plus pousser le loup bleuté hors de cet enfer. S'il avait besoin de temps - qu'il le prenne. Elle répondit d'un signe de tête au loup clair à qui elle avait apporté soutien contre la bête noire.

Au loin, elle voyait ce qui se passait de l'autre côté de la brèche, et la scène lui réchauffait le coeur. Gloria qui se jetait dans les pattes d'Ajani, Kerguelen dans celles de ses parents.

Mais contrairement aux autres, la tension dans son corps, dans ses pattes, ne se dissipait pas, oh non ! Car si le soulagement l'avait pris à la gorge le moment où elle avait vu la brèche se former, exister, leur permettre le passage entre les mondes, une douleur la prenait à la gorge.

Il y en avait d'autres.

Ils n'étaient pas les seuls loups à avoir fini dans l'Autre Monde, et elle le savait. Pouvait-elle vraiment partir comme ça, sans rien faire, sans regarder en arrière ? Une pensée lui venait notamment pour le loup noir à poils ras qui l'avait accompagné au début de sa quête, dans ce monde entre les mondes, ce territoire qui n'avait de territoire que le nom, et où les herbes folles se mêlaient au crissement de la neige à chaque pas.

Mais avant qu'elle n'ouvre la gueule, avant qu'elle n'avertisse les autres, la Bête prouva qu'ils ne la tenaient pas du tout en laisse. Qu'ils n'étaient, eux, minuscules loups, que des pucerons alors qu'ils pensaient le maintenir au sol. Les mains s'élancèrent loin, bien trop loin pour qu'Eva puisse ne même que penser agir, alors que les doigts s'écrasaient au dernier moment non pas sur le dos de la petite Kerguelen, mais broyaient dans un bruit effroyable les os de sa mère, Hanna. Le poil d'Eva se hérissa tout à fait, ses oreilles se plaquèrent contre son crâne alors qu'un petit bruit s'échappait malgré elle de ses mâchoires.

Elle avait le souffle court.

Pourquoi étaient-ils si faibles ?

Pourquoi n'étaient-ils pas capables de se protéger ?

Pourquoi ?

En même temps que le corps d'Hanna se retrouvait aplati sur le sol, les fluides vitaux éclaboussant les environs, que l'odeur du sang, cuivré, se répandait sur le champ de bataille, Eva se demandait. Elle se questionnait, elle se maudissait, alors que l'âme noble de la louve, d'un mouvement désinvolte du Monstre, s'était retrouvée chassée comme rien. Etaient-ils si peu, quelques chairs et une âme futile et volante ? Quelque chose s'était brisé à l'intérieur d'Eva, devant cette mort violente, injustifiée, injuste si injuste... Une larme, de rage, de désespoir, glissa sur son visage déjà meurtri de blessures et d'amertume. Et le regard de l'Oracle, à son visage et son regard brisés.

Ne pouvaient-ils combattre ça ? Etaient-ils condamnés à voir l'histoire se répéter, encore et encore ?

Elle recula, alors que les corps passaient la brèche, alors que les loups se ruaient dans ce monde que tous souhaitaient quitter, dans ce monde où les éclairs faisaient rage, où le corps de la Chose se débattait encore et encore. Elle entendit son nom, de la gueule d'un loup qu'elle ne connaissait pas, l'enjoignant à quitter le champ de bataille. Quitter le champ de bataille, laisser des loups qu'elle ne connaissait pas se battre à sa place, protéger les êtres qui lui étaient cher, prendre les coups pour eux, pour qu'ils puissent être et rester ces êtres pacifiques, un peu pathétiques aussi, face au danger ?

Jamais.

Elle fit claquer ses mâchoires, déploya ses ailes bicolores et se jeta dans l'espace offert par le ciel, bondissant sur le corps du chatouille faiblissant pour mieux se hisser vers le haut, vers les nuages carmins, vers l'orage, pour avoir une meilleure vue sur les environs. Elle savait, qu'il n'était pas seul, qu'il y en avait d'autres, qu'ils risquaient de venir, elle savait que l'endroit n'était pas sûr, et que plus tôt la brèche serait refermée, mieux ce serait. Elle battit des ailes, monta, avant de se stabiliser et observer la plaine rouge et désolée. Si elle ne pouvait pas se battre, pas encore, elle pouvait au moins les couvrir, les prévenir d'un quelconque désastre. Elle cria, faisant porter sa voix sur le champ de bataille.

Dépêchez vous ! Il n'est pas seul. Il y en a d'autres, comme lui. Des dizaines, peut être plus.

Et parce que l'information était incomplète :

Et nous ne sommes pas les seuls à avoir été bloqué dans cet... Enfer.

Elle plissa les yeux, se concentrant sur ce qu'elle pouvait voir d'intéressant.

< Horus ; 6 PVs

Alors qu'il reculait et que tous les prisonniers passaient la distorsion spatio-temporelle qui leur permettait de rentrer chez eux, dans leur monde plein de lumière et de chaleur, alors que le soulagement semblait les étreindre enfin après ce calvaire, le regard d'Horus s'arrondit d'horreur. La bête n'était pas achevée, et elle se rappela à eux d'une manière bien trop brutale : écrasant sans la moindre once de pitié l'un des loups présents, pire, une des enfants qu'il avait aidé à s'enfuir ! Pourtant non, il la vit rouler derrière les mains plates aux doigts trop longs de la Chose, alors qu'une mare de sang tachait sa peau nue et rose. Il n'avait compris que trop tard que quelqu'un s'était sacrifié pour sauver la louvette. Son coeur manqua un battement. Le jeune adulte sentit une nausée le prendre et les vois autour de lui tournoyèrent sans ses oreilles sans grand sens. Il était abasourdi, il était fixé sur cette vision sanglante. Le Monstre n'arrêterait jamais, il ne les laisserait jamais tant qu'il ne serait pas achevé. Cette constatation souleva le poids de ses épaules et de ses poumons. L'Apprenti Etelkru sentit une décharge électrique le secouer et comme si l'instinct prenait le pas sur son esprit, son corps s'élança à la suite de son mentor vers cette brèche grande ouverte d'où il était sorti trop peu de temps auparavant. Il se jeta sur le cou du monstre et y planta ses griffes et ses crocs pour se laisser glisser jusqu'à sa nuque, qu'il comptait bien briser.

( Dé Réussite - 2 AGI - Horus suit Clou et Eva dans l'Upside Down et s'attaque au cou du Chatouille )

Puis la voix de la louve ailée l'interpella. Comme si cette épreuve commune l'avait relié à elle d'une quelconque manière, il lui fût étrangement facile de s'attacher à cette voix et de comprendre ses mots contrairement au brouhaha précédent. Sur le dos de la Bête, il releva la truffe vers elle et répondit en hurlant pour être sûr d'être entendu :

« Nous devons aider les autres ! On en peut laisser personne la dedans ! Tu les vois ? Tu sais où ils sont ?? »

Ce courage qui avait tardé à venir, cette volonté d'aider les autres qui s'enflammait soudain, en l'espace de quelques heures, Horus avait perdu son innocence mais avait vu sa conviction d'être là pour les autres s'épanouir plus que son propre instinct de survie. Il n'en avait pas conscience, mais aujourd'hui, le loup beige avait définitivement quitté l'enfance pour bondir dans l'âge adulte et de la confiance en lui. Pourquoi fallait-il toujours qu'arrive le pire, pour se voir ainsi évoluer ?

Tout s'écoula à la fois en une seconde, et en une éternité.
Alors que le regard clair d'Ajani cherchait toujours la silhouette de Daez, que le soulagement apparaissait sur chacun des visages, mêlée à une ombre de terreur qui ne les quitterait sans doute pas, il y eut un soubresaut. Sous ses pattes, la créature rua, si vite et si violemment qu'il ne put qu'être spectateur, avant même que son cerveau n'envoie le moindre message de réaction. Il fut jeté sur le côté, et ne dut qu'à un réflexe subit de rester en équilibre sur ses quatre pattes. Son regard accrocha la bête noire qui se déplaçait, et qui jetait vers la petite silhouette dans le portail sa longue patte sans pelage. Son sang se glaça lorsqu'il reconnut Kerguelen, vers laquelle se dirigeait la silhouette massive de Volstein. Ses mâchoires s'entrouvrirent, alors que son corps cherchait encore son équilibre et que ses longs cheveux voletaient autour de son museau. Mais comme chacun des présents, il n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit.
Comme tous, sauf une.

Une ombre grise surgit devant la Bête pour se jeter sous le coup fatal qu'elle destinait à la petite louve. Avec horreur, Ajani vit le corps d'Hannah s'effondrer avec un bruit terrible. Il lâcha le bandeau de Daez, et le temps parut soudain reprendre son cours normal, s'accélérer subitement, alors qu'il touchait le sol. Des cris résonnèrent, et l'un d'eux en particulier s'adressait à lui. Le jeune loup devait se concentrer pour rester parfaitement conscient au milieu du brouhaha subit, des grondements et des gémissements. La panique avait soudain envahi de nouveau le groupe, mais les coups de fouets que pouvait lui donner l'adrénaline s'épuisaient, et son corps entier était douloureux. Il n'avait pas le droit de céder, pas maintenant. Une grande louve beige et émeraude aboya dans sa direction avec autorité. Elle portait l'odeur des Etelkrus, et il se demanda si c'était là l'une de leurs cheffes. Il savait que l'une d'entre elles était particulièrement grande, et pouvait convenir à peu près à cette apparence. Elle le somma d'aider un loup gris et mince, aux cheveux épais, pour s'occuper des blessés et de ceux qui sortaient afin d'éviter un nouvel accident. Le lion blanc concentra toute son attention sur cette nouvelle tâche, alors que son camarade nouvellement nommé venait enrouler des bandages autour de ses blessures superficielles. Il ne pourrait rien faire contre celles qui brûlaient l'intérieur de son être, mais cela eut le mérite d'atténuer la douleur des plaies et de redonner un semblant de force à l'apprenti Oracle.

Il hocha la tête au semi-ordre du gris. Isoler les blessés, les plus faibles, les enfants, et les protéger. Il en était capable, ou au moins il ferait de son mieux. La tête commençait à lui tourner, mais il s'interdisait de chanceler. Pas encore. Il poussa Gloria du nez pour l'éloigner et lui indiqua d'un regard qu'elle devait rester ici. Il avait vu le visage décomposé de son mentor, et ne voulait pas revoir cette expression, pas sur lui-même, pas sur quiconque aujourd'hui. La vision du corps d'Hannah était restée imprimée sur ses rétines, et il se retourna aussitôt pour chercher des yeux ceux qui avaient besoin d'aide. La réponse lui parut évidente alors que son regard tombait sur la brèche. Et sa silhouette massive se mit en branle pour s'élancer vers cette dernière, s'efforçant de ne pas regarder la silhouette grise qui y gisait, mais la petite blanche terrifiée qui s'y trouvait.

[ Lancer de trois dés FOR pour attraper Kerguelen et l'emmener près de Gloria ]

Alors que le monde tournait autour de lui, et qu'un sifflement strident vrillait ses tympans, l'apprenti Oracle se jeta dans la direction de Kerguelen. Aucun obstacle ne se dressa dans sa course, et il attrapa sans plus de cérémonie la petite louve par la peau du cou. Elle était légère comme une plume pour un grand loup comme lui, et il n'eut aucun mal à faire demi-tour pour reculer de trois grandes foulées et relâcher le moins brusquement possible sa protégée près de Moineau. Il cilla plusieurs fois, campé sur ses pattes et le souffle court.

Le regard d'Ajani, posé sur lui, le fit frissoner. Il posa son regard dans le sien en retour quelques secondes avant de remarquer qu'il cherchait à lui rendre son bandeau. Ses yeux se posèrent sur le sol tandis qu'il avançait vers l'imposant mâle qui, malgré son état, trouvait encore la force de se rendre utile. Daez s'imaginait déjà face à Volstein et Ajani, qui portaient en eux la voix de leur déesse, les deux mâles apposant sur lui leur jugement sans appel : l'exil.

Pourtant, au même moment où le mâle était à portée pour récupérer son bandeau, Ajani fut jeté sur le côté. Sous la surprise, il ouvrit la gueule et tourna la tête, remarquant alors que la bête avait disparu. Et elle était là, face à Kerguelen. Son énorme patte prête à la broyer. Il était bien trop loin pour réagir, pas assez vif, perturbé par ses émotions.
Et ce fut Hannah qui intervint. Les yeux grands ouverts, il observait l'acte de bravoure de la femelle : le sacrifice, un sacrifice nécessaire pour sauver sa fille. Ses pattes refusaient de bouger, il ne pouvait qu'observer le spectacle qui s'offrait un lui. Un spectacle désagréable, mais pourtant, il n'arrivait pas à fermer les yeux. Ses yeux glissèrent lentement sur Volstein qui était visiblement anéanti, mais qui malgré tout parvenait à trouver la force nécessaire pour porter secours à Kerguelen. Ajani apparut alors dans son champ de vision, pour la petite louve aussi.

Daez était paralysé, paralysé par la peur, les émotions. Il était impuissant et ne pouvait qu'assister aux actes de bravoure des autres. La voix d'un mâle Etelkru lui était parvenue, mais son corps refusait de répondre.
Il ne tremblait pas de peur, mais un frisson presque continu le traversa. Sa respiration accélérait progressivement tandis que ses yeux voyaient toute l'horreur de ce monde.

Pourquoi tout cela devait arriver ? Pourquoi ?

Et ses pattes le lâchèrent.

Boîte à Clou

Finit.
Tout était enfin finit, lui se retrouva projeté hors de la faille dans laquelle il s'était glissé pour frapper, mordre, déchirer. Il ne retrouva rien dans ses crocs, juste la sensation caoutchouteuse de cette peau nue et veinée immonde. Il resta, sur ses grosses fesses, à observer cette faille qui se referma sur la vue de la créature mutilée. L'éclat mourut sous son regard, et seul la tristesse en prit la place.

Il tourna la tête, observa le monde qui était arrivé, avait collaboré, et finalement souffert en commun. Lui qui aurait dû être seul ici normalement avec son apprenti, constata cette foule qui finissait l'âme en lambeaux. Son corps était un peu meurtri, couvert des soins de l'Oracle et du jeune Etelkru. Mais il ne se concentra pas là-dessus. Anne se débrouillait aussi, et Horus semblait aussi avoir du soutient auprès des loups rencontrés dans la brèche, c'était très bien. Il s'attarda plutôt sur ce loup bleuté dont les pattes avaient lâché.

Mais surtout ce corps. Ce père. Cette fille.

'Clou se leva, et passa doucement à côté de ce loup bleu aux cheveux gris foncés dont il n'avait pu associer le nom, qui se faisait soigner. Il posa une patte réconfortante sur l'épaule de Daez, lui coulant un regard plein de compréhension. À défaut de mots probants, le contact physique il l'espérait, aiderait.

Il le quitta peu après, pour se diriger vers ce qui était désormais la dépouille d'Hanna. Il était, restait, le Croque-mort. Aussi pénible la situation était-elle, il n'y avait qu'une solution pour espérer réparer à ses yeux la tragédie. Il se pencha, et souleva la dépouille. Il prit un soin délicat à la porter, à traiter son être avec le respect qu'incombait son sacrifice et que demandait la présente de ses proches. Avant de la mettre sur son dos, son regard se leva vers Volstein et d'une voix grave un peu éraillée, il parla, avec une justesse rare.

"Puisses-t-elle reposer en paix, comme la sauveuse qu'elle a été. Je promet de l'honorer dans sa dernière demeure."

Il glissa la dépouille sur son dos, pour l'amener à sa famille, mais aussi à celui qu'il considérait définitivement comme un ami. Il avait toujours autorisé son passage, ils avaient navigué la perte de son frère Roy, et avaient brillamment collaborés ensemble ce jour là.

"Mes condoléances." souffla-t-il, solennel.

Il était sincèrement triste pour lui.

- - -

Anette

Repoussé, la créature avait été repoussée !
Renvoyée dans son monde, grâce à la force et la coopération de deux meutes. Anette aurait pu en être fière, et hurler sa joie en voyant tout les prisonniers de cet autre monde ressortir enfin, et cette faille se fermer. Mais maintenant que l'urgence avait été gérée, elle aussi pu poser les yeux sur les dégâts causés. Une famille brisée. La joie d'avoir vaincue se tarit, pour se changer en soulagement teinté de regret.

Elle observa d'abord en silence son père se déplacer, n'osant pas couper son action ou ses paroles ; il était tellement plus agile qu'elle pour naviguer les eaux du deuil. Elle porta une pensée à la louve grise ayant protégé son enfant. Un temps de silence qu'elle jugea nécessaire, avant que son pragmatisme et sa propension à gérer les choses ne reviennent. Son esprit protecteur envers sa meute aussi.

Elle s'approcha de Horus et Eva, sortis de la faille avec son père. Avec une patte sur Horus pour jauger ses blessures aussi et un regard vers la louve ailée, elle les incita à la suivre. Cherchant à grouper en silence tout le monde, elle traça la route vers Lymphalème, Daez, Ajani, Crystal et Gloria. Quand elle fut à leur niveau, elle souffla, doucement.

"Laissons-les se recueillir."

Volstein, Kerguelen et le Croque-mort.
Pour la veillée funèbre.

"Allons tous nous soigner, puis nous sustenter, nous en avons grand besoin."

Ils sont repoussé, hors de la brèche, et elle disparaît. Elle fucking disparaît, comme si de rien n'était, ne laissant que le silence, le cimetière lugubre et les loups dépités. Ce qui la choqua, en premier, ce fut le silence. Il n'y avait aucun bruit, après la bataille, après les hurlements, après les

Les morts

Après la défaite.

Eva fit quelques pas. Ses pattes tremblaient sous elle, tremblait tellement qu'elle manquait de ne s'écraser au sol. Elle voyait flou, tout ce qu'il se passait autour d'elle. La louve sentit une langue glacée s'insinuer en elle, lui serrer le coeur, les muscles, et tenter de la jeter à terre.

Mais, en face, le deuil allait commencer. Elle n'était pas assez proche de celle qui était partie, ni même de ceux qui restaient, pour se permettre de s'immiscer dans le cercle qu'ils formaient. Le Croque-Mort, elle le reconnaissait pour l'avoir déjà croisé, avait embrassé son rôle et la chape de calme et de composition qu'il requérait, pour calmer les coeurs douloureux. Eva inspira très difficilement une goulée d'air, qui peina à se frayer un chemin à ses poumons, agressant son tube respiratoire noué, si noué... Elle s'approcha de la veillée timidement.

Mes condoléances.

Elle ne savait pas quoi ajouter d'autre, elle aurait voulu signifier sa compassion dans cette perte, mais rien ne lui venait, rien n'était approprié, et un silence complet lui aurait paru inconvenant aussi. Elle avait très peu conversé avec la louve grise, mais son calme et son regard doux avaient accompagné la meute des années durant.

Elle profita de l'échappatoire que lui offrait la grande louve crème et bleue (mais qui était-elle ?) pour s'éloigner doucement. Une fois qu'elle fut à bonne distance, elle se plaça près d'un arbre et s'y appuya.

De tout son poids. Pour ne pas choir. Ses pattes tremblaient. Son corps tremblait. Si elle ne dénotait aucune blessures sérieuses, à part peut être sa gueule écorchée par le bois de la branche, elle était complètement épuisée, sous le choc. Et son esprit... Son esprit ne cessait de revenir à tout ceux qu'elle avait vu dans la faille.

Où étaient-ils ?

Le cri de Sobieski la tira de sa torpeur, éloigna un instant ses pensées sombres. Elle releva la tête violemment, et accueillit le loup pastel avec un énorme soulagement, passant ses pattes autour de ses épaules et enfouissant sa tête dans le creux de son cou, réduisant sa carrure d'épouvantail pour ce faire, et pouvoir profiter de sa présence, de sa chaleur.

Elle le garda un moment contre elle, le temps d'emplir ses poumons de son odeur acidulée, fraîche et vivante, et surtout connue et rassurante. Elle inspira une fois, deux fois, trois fois, fermant très fort les yeux pour qu'ils ne s'emplissent pas, encore une fois, de larmes. Non, pas devant eux, pas maintenant que c'était terminé, elle se devait, devait de résister. Elle ne pouvait pas leur faire ça, elle ne pouvait pas craquer maintenant, pas devant tout le monde - c'était une question d'honneur. Comment pourraient-ils encore se reposer sur elle, si jamais elle s'effondrait devant eux ? Jamais.

Elle relâcha la pression, ayant emmagasiné ce dont elle avait besoin, repue, dans l'instant, de ce qui lui manquait jusque là, et aperçut Starset qui suivait de près. Comment ces deux-là avaient-ils fini par se retrouver, elle n'en avait aucune idée, mais elle était très heureuse de les voir. Elle lui offrit un sourire un peu pauvre, et saisit le bracelet pour le glisser sur sa patte d'un mouvement fatigué. Elle tremblait encore, et ne s'éloigna pas de son arbre bien qu'elle se tienne maintenant un peu plus droite.

Je... Ca va, Bibi, Starset, je vais bien. Je vais bien.

Elle ne pouvait pas en dire autant d'Hanna. Son poil se hérissa de nouveau, elle se força à se calmer. Plus par réflexe que par réel besoin, elle saisit le petit pull blanc entre ses crocs, et resta comme ça un instant, sans savoir quoi faire, avant de le rendre au loup sombre.

Ah, merci, mais ça va aller. C'est...

Elle secoua la tête. Elle ne voulait pas les prendre pour des bébés, mais ils étaient tellement doux et innocents qu'elle ne voulait pas non plus les exposer à ce qu'il y avait là, dehors.

Il y avait, des monstres. Mais c'est fini.

Elle ouvrit la gueule à demi, souhaitant continuer, et ne le souhaitant pas. La referma.

C'est fini.

C'était tout ce qui importait. Elle se secoua intérieurement. Elle n'avait pas le droit d'être aussi dramatique ! C'était pareil que de craquer sous la pression et de se mettre à larver devant eux.

... Comment êtes vous arrivé ici ?

Et, ajouta, tout bas.

Merci...

Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, elle était contente de leur présence. Tellement heureuse de les voir.